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4 septembre 2019 3 04 /09 /septembre /2019 22:45
Au revoir, suivi de, Le Nègre gelé du Diemtigtal, d'Antoine Jaccoud

Au revoir et Le Nègre gelé du Diemtigtal sont deux monologues inspirés par l'air du temps.

 

Dans Au revoir, le monologueur est père de deux fils, qui partent pour Mars, un aller sans retour assuré, afin d'y établir une colonie.

 

C'est un projet que poursuivait Mars One de Bas Lansdorp et que poursuit toujours SpaceX d'Elon Musk, sauf que ce dernier, lui, prévoit, en principe, un retour.

 

Dans ce monologue, Antoine Jaccoud parle d'une durée de croisière de six mois, si, toutefois, toutes les conditions sont remplies...

 

Bien que chagrin, le père comprend ses fils et se demande s'il les reverra un jour. En tout cas, ils ont eu raison de partir, car, pour lui, il ne fait plus bon vivre sur Terre:

 

Nous avions comme un jardin ici-bas.

Nous l'avons laissé se dégrader.

Nous avions des informations sur les catastrophes à venir, nous nous sommes contentés de les regarder venir.

 

Il n'est pourtant pas sûr que Mars soit paradisiaque, puisque la planète rouge est vraisemblablement inodore et sans bruit. Il souhaite surtout qu'ils ne fassent pas là-haut ce qui a été fait ici-bas...

 

Dans Le Nègre gelé du Diemtigtal, l'auteur part d'un fait d'hiver. En février 2009, un Africain, trentenaire, a été retrouvé gelé devant un chalet d'alpage de l'Oberland bernois.

 

A partir de là, Antoine Jaccoud imagine que cet homme, du fait de sa différence, a été sinon nettement rejeté par les habitants du lieu, du moins a éprouvé leur indifférence.

 

Tantôt le monologueur donne la parole au Nègre nomade et le fait s'exprimer à la première personne, tantôt il le raconte à la troisième et tente de se rassurer en se disant qu'il ne devait pas être malheureux, qu'il devait même se sentir bien, tantôt il le tutoie - et c'est dérisoire parce que cliché:

 

Quand on t'a trouvé en février,

Quand le gendarme t'a trouvé,

tu portais six paires de pantalons les uns sur les autres

pour te protéger du froid.

Non pas deux, ou même quatre, mais six paires.

C'est ça la débrouille.

C'est ça la débrouillardise des nomades.

C'est ça la débrouillardise du Nègre.

 

Ils sont donc bien dans le triste air du temps ces deux monologues, l'un reflétant le catastrophisme irrationnel ambiant et l'autre le manque d'humanité qui résulte de la disparition d'échanges où l'on se comprend et de solidarités naturelles où l'on se soucie de ses semblables.

 

Francis Richard

 

N.B.

Au revoir a été créé le 21 novembre 2017 au festival La Fureur de Lire, à Genève, où Mathieu Amalric lui prêtait sa voix. Ce dernier l'a également lu le 19 juillet 2019 au Festival d'Avignon (voir l'enregistrement diffusé sur France Culture le 1er septembre 2019).

 

Au revoir suivi de Le Nègre gelé du Diemtigtal, d'Antoine Jaccoud, 64 pages, BSN Press (sortie le 5 septembre 2019)

 

Livres précédents aux Éditions D'autre Part:

Country (2016)

Adieu aux bêtes (2017)

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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 18:00
Une ombre au tableau - suivi de - Écoute, de Carole Dubuis

Lire une pièce de théâtre? Oui, mais à condition qu'il y ait un vrai texte à se mettre sous les yeux et... des didascalies pour guider un tant soit peu son imagination.

 

Les deux pièces de Carole Dubuis se prêtent à cette lecture qui permet au lecteur de se faire son théâtre à lui, à partir de choses qui lui sont familières, dites autour de lui.

 

Car ces deux pièces ne sont pas seulement des spectacles, elles donnent matière à réflexion existentielle, sauf peut-être à celles ou ceux qui sont pétris de certitudes.

 

Dans Une ombre au tableau, les personnages se posent ainsi la question du hasard ou de la nécessité. Dans le tableau de la pièce il y a bien une ombre. Laquelle?

 

Le tableau de l'histoire, peint par Brunetti, comprend en effet trois personnages et quatre ombres. Ces trois-là ressemblent à trois des personnages de la pièce.

 

Après des années ils se retrouvent de manière tout à fait improbable devant ce tableau qui se trouvait dans l'église Santa Maria Novella et qu'ils avaient entrepris de restaurer.

 

L'expression une ombre au tableau a une connotation négative, là il ne s'agit pas d'un défaut, mais d'une énigme: est-ce l'ombre d'une statue ou celle de Dieu?

 

Dans Écoute, les personnages parlent beaucoup mais ne s'écoutent guère ou plutôt s'écoutent eux-mêmes. Ils ont du mal à trouver une oreille attentive à leurs soucis.

 

L'un d'entre eux, Arthur, a quelque chose d'important à dire à ses amis: à Henri, son colocataire, à Claire, son ex, à Paul, son collègue, et à Laure, soeur de Claire et psychiatre.

 

Mais il a beau demandé qu'ils l'écoutent, il ne pourra le leur dire qu'à la fin de la pièce, après que les personnages se sont dit des paroles peu amènes les uns aux autres.

 

Si de telles pièces sont faites bien sûr pour être jouées, il ne faut pas bouder le plaisir de pouvoir, par leur lecture, faire des retours en arrière pour en savourer les bons mots...

 

Car, comme le dit Raphaël Aubert dans sa préface, Carole Dubuis appartient à cette génération de dramaturges qui entend redonner pleinement sa place au texte en le replaçant au centre.

 

Francis Richard

 

Une ombre au tableau - suivi de - Écoute, Carole Dubuis, 224 pages, Les Éditions Romann

 

Le 26 juin 2019, une mise en lecture de ces deux pièces aura lieu, de 19h à 21h, au Théâtre du Lapin Vert, Ruelle du Lapin Vert 2, 1005, Lausanne.

 

(Compte-rendu de la représentation d'Une ombre au tableau du 2 octobre 2015: ici)

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11 mai 2019 6 11 /05 /mai /2019 15:00
Venise sous la neige, de Gilles Dyrek, au Théâtre Montreux Riviera

Nathalie (Carole Epiney) et Jean-Luc (Vincent Babel) forment un couple harmonieux, et bêtifiant. Ils vont bientôt se marier, le 22, en grandes pompes. Ils s'appellent l'un l'autre Chouchou.

 

Jean-Luc rencontre Christophe (Nicolas Mueller), un copain de fac, qu'il n'a pas revu depuis 10 ans et qui forme avec Patricia (Céline Goormaghtigh) un couple en crise, en pleine crise.

 

Jean-Luc invite Christophe et Patricia à dîner pour ses retrouvailles avec Christophe. Seulement Patricia ne desserre pas les dents, si bien que les chouchoux pensent qu'elle est étrangère.

 

Chaque fois que, seule avec Christophe, Patricia veut s'en aller, Jean-Luc ou Nathalie survient et les surprend alors qu'ils sont l'un près de l'autre comme s'ils s'embrassaient, et, bon public, s'extasie.

 

Patricia ne parvient pas à s'en aller. Elle met à exécution sa décision, si elle reste, de faire vivre un enfer à Christophe, d'autant qu'elle croit au début que leurs hôtes la prennent pour une tarée.

 

Quand la mutique Patricia comprend que ces derniers la prennent pour une étrangère, alors elle a une idée cynique de génie pour accomplir son dessein: elle débite des mots dans une langue inconnue.

 

Inconnue? Et pour cause, c'est une langue qu'elle invente, de même qu'elle invente le pays d'où elle vient: la Chouvénie, pied de nez aux chouchouteries que se font Jean-Luc et Nathalie.

 

A partir de là les quiproquos s'enchaînent pour le plus grand bonheur des spectateurs, car ils ont un effet comique imparable, surtout quand l'auteur les pousse à l'extrême sur un mode caritatif...

 

Comme les comédiens jouent parfaitement leurs rôles jusqu'au bout, de crédules ou de manipulateurs, cette satire des relations de couple est une parfaite réussite, rires garantis, jusqu'à la choute finale...

 

Francis Richard

 

Texte: Gilles Dyrek

Mise en scène: Michel Toman

Scénographie et costumes: Jean-Luc Taillefert

Coiffure et maquillage: Sonia Geneux

Créations Lumière: Thierry Bürgle

Vidéo mapping: Yannick Appenzeller

Direction technique TMR: Patrick Staub

Décors, régie, lumière/son TMR: Yannick Appenzeller, Thierry Bürgle

Venise sous la neige, de Gilles Dyrek, au Théâtre Montreux Riviera

Prochaines représentations jusqu'au 26 mai 2019:

Vendredi, samedi: 20 h

Dimanche: 17 h

Lundi: relâche

Mardi, mercredi, jeudi : 19h

 

Lieu:

Théâtre Montreux Riviera

Rue du Pont 36

Montreux, Suisse

 

Réservations:

+41 21 961 11 31 (de 13h à 18h)

https://cmtrx-tmr.shop.secutix.com/list/events

 

Le texte est disponible à L'avant-scène théâtre :

Venise sous la neige, de Gilles Dyrek, au Théâtre Montreux Riviera
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4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 22:45
Mimosa et le pêcheur de chagrins, de Florence Balvay, au Café-Théâtre de la Voirie, à Pully

Créée le 15 septembre 2018 au Théâtre Rennweg 26, à Bienne (BE), cette pièce a été représentée le 6 octobre 2018 à L'Espace culturel du Soleil, à Saignelégier(JU), hier et aujourd'hui au Café-Théâtre de la Voirie, à Pully (VD), avant qu'elle ne le soit dans des établissements scolaires du Jura et du Jura bernois ce mois-ci.

 

Florence Balvay imagine qu'il existe un métier inédit, celui de pêcheur de chagrins. Il consiste à pêcher toutes sortes de choses, mais surtout à pêcher des chagrins de toutes sortes:

 

- les petits et les moyens:

ceux qui aident à construire,

ceux qui aident à grandir,

ceux qu'il faut,

après un doux mot d'amour,

rejeter à la mer.

 

- les gros chagrins:

ceux qui détruisent,

[...]

le genre de chagrins

qu'il faut bien retenir dans son filet.

 

Ce métier exige une seule chose:

il faut du coeur

comme celui, d'un rouge ardent, qui orne la joue droite de la comédienne.

 

C'est en effet le coeur qui permet de se rendre compte du bien ou du mal que l'on fait aux autres:

 

Tout le monde en a

du coeur,

là,

il suffit

juste

de s'arrêter

et d'écouter.

 

Autrement dit il suffit d'être attentif à ce que l'on fait et attentif aux autres.

 

Pour illustrer ses propos, Le pêcheur de chagrins, qu'interprète Florence Balvay, raconte l'histoire des chagrins de Mimosa (personne ne sait pourquoi tout le monde l'appelle ainsi, alors qu'elle se prénomme Magalie...).

 

Les chagrins de Mimosa - l'histoire le montre - sont dus d'une part à la mauvaise interprétation par ses parents des avanies qu'elle subit et qu'ils attribuent à son manque d'attention:

Quand vas-tu faire un peu attention?

Soit un peu plus attentive.

 

Ils sont dus d'autre part aux méfaits de ses camarades d'école qui ne se rendent pas tous compte du mal qu'ils lui font si l'un d'entre eux, au contraire, le fait avec le sourire:

Ce qui le fait sourire

c'est le malheur des autres,

c'est de faire mal.

 

Et l'on peut faire mal avec des mots qui entraînent des soupirs:

Les soupirs sont des maux,

l'écume des vagues

des larmes.

 

Cette pièce destinée aux petits et grands - l'âge conseillé pour la voir est de 8 ans - est au fond un conte, assorti d'une morale universelle : il faut s'expliquer pour dissiper les malentendus, surtout s'ils sont nombreux.

 

Peut-être d'ailleurs les maux, que l'auteure dénonce, seraient-ils moindres si le mal et le bien n'étaient pas relativisés comme ils le sont aujourd'hui...

 

Quoi qu'il en soit, Florence Balvay fait magnifiquement passer son message sur scène, où elle monologue avec une conviction communicative, comme elle l'a fait ce soir pendant plus d'une heure, sans répit, certainement parce que le sujet lui tient ... à coeur.

 

Francis Richard

 

Auteure et interprète: Florence Balvay
Mise en scène: Mirko Bacchini
Régie:Tom Häderli
Scénographie: Nicolas Houdin (les Bâtisseurs d’instants), Xavier Lacoste
Habillage sonore: Oliver Brand

Production: Compagnie Un plus Un

Le texte de la pièce, sorti en librairie le 6 septembre 2018, est édité par BSN Press :

Mimosa et le pêcheur de chagrins, de Florence Balvay, au Café-Théâtre de la Voirie, à Pully
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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 16:30
Histoire du soldat, d'après C.F. Ramuz et I. Stravinsky, à l'Opéra de Lausanne

Hier avait lieu, cent ans, jour pour jour, après la création, dans le même lieu, le Théâtre municipal devenu Opéra de Lausanne, la première représentation de l'Histoire du soldat, dans une version revue et corrigée par le metteur en scène Alex Ollé.

 

Il vaut mieux lire le texte d'Histoire du soldat (dans son édition de 1946, tel que publié aujourd'hui par Plaisir de lire) après avoir vu cette représentation de la pièce musicale du duo Ramuz-Stravinsky. Cela évitera au lecteur d'être grandement déçu...

 

Car le metteur en scène prend des libertés avec le texte, ce qu'il appelle pompeusement réaliser un travail dramaturgique, avec des ajouts plus ou moins contemporains. Son but a été avec ses comparses Valentina Carrasco, Ramon Simo et Julia Canosa:

 

- de le doter d'une plus grande envergure scénique

- de raconter au public une histoire qui, pour être réelle, revêt de la valeur à l'époque actuelle.

 

Fort bien, mais le résultat est de faire d'une oeuvre intemporelle, une oeuvre datée et complaisante, excessive, ce qui lui enlève toute réelle signification en profondeur... avec, de plus, quelques scènes de mauvais goût, voire grand-guignolesques...

 

Les décors étaient les bords d'un ruisseau, la campagne avec un clocher de village à distance et une chambre princière. Ils sont devenus, par exemple, une chambre d'hôpital et de violentes images de la guerre d'Irak projetées sur un mur à catelles.

 

L'argument du livret, inspiré de deux contes d'Alexandre Afanassiev, est au fond très faustien: le soldat, qui a déserté, échange avec le diable son violon sans valeur contre un livre qui dit les choses avant le temps et lui apportera fortune et bonne fortune.

 

En fait le soldat va de déconvenues en déconvenues. D'être riche ne l'empêche pas d'être mort parmi les vivants, ne lui apporte pas le bonheur. Si bien qu'il se rend compte qu'il a été dupé par le diable et qu'il se demande comment faire pour ne rien avoir...

 

Les musiciens sont en surplomb de la scène, et c'est très bien. Car, comme commente Philippe Girard dans l'actuelle édition de Plaisir de lire, Stravinsky, en composant sa musique originale et cohérente, organise les sons comme le poète organise les mots...

 

Alex Ollé explique d'ailleurs: Alors que le soldat gît dans un lit d'hôpital dans la partie inférieure de la scène, donnant du poids au côté terrestre du personnage, la musique souligne ses états émotionnels et surgit d'un monde pour ainsi dire spirituel...

 

Dans la pièce musicale originelle il y avait trois personnages parlant: le lecteur, le soldat et le diable; et un muet: la princesse. Hier il y avait trois personnages parlant en un, interprété par Sébastien Dutrieux, qui monologue donc pendant une heure et demie.

 

Le chroniqueur musical de 24 Heures, Matthieu Chenal donne une clé de cette fusion (ou confusion): Le propos d'Alex Ollé de la compagnie catalane La Fura dels Baus parle d'un monde aujourd'hui globalisé, où le soldat et le diable ne font qu'un.

 

Six autres personnages figurent sur scène, tous muets. Ils contribuent à faire de ce conte un grand spectacle, conforme aux ambitions du metteur en scène qui, au-delà des intentions des auteurs, invite à réfléchir sur le drame de l'homme écrasé par le système...

 

Francis Richard

 

Accès:

Opéra de Lausanne

12, avenue du Théâtre

1005 Lausanne

 

Représentations:

Ve 28 septembre 2018: 20h

Sa 29 septembre 2018: 15h

Sa 29 septembre 2018: 18h

Di 30 septembre 2018: 11h

Di 30 septembre 2018: 15h

 

Réservations: http://www.opera-lausanne.ch

 

Jeu: Sébastien Dutrieux

Septuor instrumental: François Sochard, Marc-Antoine Bonanomi, Davide Bandieri, Axel Benoit, Nicolas Bernard, Alexandre Faure, Arnaud Stachnick

Mise en scène:Àlex Ollé (La Fura dels Baus)

Collaboration mise en scène: Ramon Simó et Valentina Carrasco

Décors et costumes: Lluc Castells

Vidéo: Emmanuel Carlier

Lumières:  Elena Gui et Urs Schönebaum

Son: Josep Sanou

Dramaturges: Àlex Ollé, Valentina Carrasco, Ramon Simó, Júlia Canosa

Assistante mise en scène: Sandra Pocceschi

Assistante décors: Mercè Lucchetti

Assistantes costumes: Mercè Lucchetti et Maria Armengol

 

Livret (édition de 1946) et commentaires sont publiés chez Plaisir de lire:

Histoire du soldat, d'après C.F. Ramuz et I. Stravinsky, à l'Opéra de Lausanne
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6 septembre 2018 4 06 /09 /septembre /2018 21:50
Les Hommes, de Joseph Incardona, au Pulloff Théâtres, à Lausanne

Les Hommes raconte l'histoire d'une âme en transit, celle de Poupée, accidentée de la route...

 

Poupée (Anne Vouilloz), pendant ce transit, est confrontée à elle-même (elle a près de la soixantaine...) et aux hommes qui ont marqué sa vie.

 

Après son accident, où elle a plié sa Ford Mustang, blessée, elle aboutit à une station-service, qui est en piteux et poussiéreux état et où il est encore possible de s'accouder à ce qui reste d'un bar et de faire jouer des airs à un juke-box antédiluvien.

 

Le téléphone sonne: c'est le conducteur (Jean-Paul Favre) qui a provoqué son accident. Il se soucie, au début de leur conversation, moins de ce qui lui est arrivé que de l'état de sa voiture...

 

Dans ce local délabré, où traînent des jantes, des disques de frein, des pneus, des sièges, une banquette, tout un chenil, Poupée revoit Max (Frédéric Polier), son premier amour.

 

Max l'aimait à en mourir quand ils étaient ados, mais il fallait qu'elle voie, qu'elle explore:

 

La jeunesse, c'est fait pour ça, non? Pour se tromper...

 

Sur l'écran d'une vieille télé, qui jonche le sol de la station-service, apparaît Ken (Edmond Vuilloud), son mari, son connard d'amour, dont elle a voulu se libérer en partant au volant de la Mustang dont il lui a fait cadeau...

 

Un garçon (Martin Bochatay) se profile derrière les carreaux, dont nombre sont cassés. C'est son père jeune: lors d'un tel transit, il n'est plus de chronologie qui tienne. Ce père d'avant sa naissance dit à Max:

 

Tous les pères devraient l'être [reconnaissants] envers les hommes qui aiment leur propre fille.

 

Un film Super-8 muet défile sur le mur. Cette fois, c'est son père adulte (Roland Vouilloz) qui joue avec elle, petite fille (Adèle Bochatay).

 

L'homme le plus terrible enfin, c'est l'agresseur (Antonio Buil), qui sait mettre en opposition le corps et la raison de Poupée.

 

Chez tous Les hommes de Poupée, il y a, quoi qu'il en soit, quelque chose d'ambigu qui ressemble à l'amour et qui n'est en tout cas pas l'amour d'une midinette:

 

Il faut se soumettre. Non pas à l'ordre, mais au sens. Il faut se soumettre. Non pas à la peur de perdre, mais au risque de tout perdre.

 

La quête de Poupée n'est pas finie que survient l'ange noir (Lucien Merrone)...

 

Fin, ou presque, du transit... et de la performance d'Anne Vouilloz à laquelle ses comparses, criants de vérité, servent de bel écrin.

 

Francis Richard

 

Accès:

Pulloff Théâtres

Rue de l'Industrie 10
CH-1005 Lausanne

 

Réservations:

Tél. : 021 311 44 22
www.pulloff.ch
 

Mise en scène: Anne Vouilloz et Joseph Incardona

Jeu:

Sur scène: Anne Vouilloz, Frédéric Polier, Antonio Buil, Martin Bochatay et Lucien Merrone

A l'écran: Edmond Vullioud, Roland Vouilloz et Adèle Bochatay

Au téléphone: Jean-Paul Favre

Séquences filmées:  Cyril Bron

Scénographie: Célia Zanghi

Lumières: Jean-Pierre Potvliege

Costumes: Sophie Haralambis

Coiffures et maquillages: Johannita Mutter

Régie: Patrick Guex

Assistant à la mise en scène: Giuseppe Merrone

Photographie: Anne Voeffray

Graphisme: Marc-Antoine de Muralt

 

Prochaines représentations:

 

Du 7 au 23 septembre 2018

Mardi, jeudi, samedi: 19h

Mercrdi, vendredi: 20h

Dimanche:18h

 

Le texte de la pièce est sorti le 4 septembre 2018, le jour même de la première de cette création, et est publié par BSN Press:

Les Hommes, de Joseph Incardona, au Pulloff Théâtres, à Lausanne
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30 avril 2018 1 30 /04 /avril /2018 21:45
Anticyclone, de Carole Dubuis et Stéphanie Klebetsanis, au Pulloff Théâtres, à Lausanne

Anticyclone a été jouée du 17 au 29 avril 2018, avec un seul jour de relâche, le lundi 23 avril 2018, au Pulloff Théâtres, à Lausanne. Autrement dit, il y a eu douze représentations devant une salle quasiment pleine tous les soirs. Hier soir, en tout cas, c'était complet.

 

Pour le moment, aucune autre représentation n'est programmée. Et c'est bien dommage. Aussi n'ai-je pas de regret du tout d'avoir au moins assisté à la dernière, faute d'avoir pu me rendre libre les soirs précédents.

 

Le soir de la première, le 17 avril 2018, la représentation était suivie du vernissage du livre, édité par BSN Press. Ce soir-là, à n'en pas douter, a dû être mémorable. Et je gage que de nombreux spectateurs ont eu à coeur de faire l'acquisition du texte.

 

Celles et ceux qui n'ont pas vu la pièce représentée pourront donc la lire, en attendant qu'elle soit rejouée ici ou là. Mais il leur manquera le jeu des comédiennes et comédiens admirablement mis en scène par Caroline Guignard-Moret.

 

L'histoire se passe dans un petit village suisse, idéalement en Valais. Il fait beau, et bon chaud, sans doute sous l'influence de l'anticyclone des Açores, cette zone subtropicale de haute pression et de bonne température, connue sous ce nom en Europe.

 

Marcel, le boucher et président du village, est mort juste avant le 1er août, la fête nationale helvétique. Comme le dit à un moment son fils aîné Patrick (Yves Jenny) : Mourir juste avant la fête nationale, avoue que c'est quand même con pour un patriote...

 

La pièce commence la veille du 1er août et de l'enterrement de Marcel. Irène (Claudine Berthet), la veuve de Marcel, et leur employé Amir (Jean-Paul Favre) sont occupés aux préparatifs des festivités dans le vaste frigo de la boucherie.

 

Toute la pièce se déroule dans ce frigo. Le cercueil de Marcel y a été entreposé en raison de la chaleur estivale et d'une dispute avec le père Aymon au sujet d'Amir de confession musulmane... Lequel a embaumé le corps à la place d'Aymon.

 

Au début, tous les proches sont là à défiler dans le frigo, à l'exception de Gilles (René-Claude Emery), le fils cadet de Marcel et d'Irène, parti on ne sait où. Il arrivera cependant pile-poil pour enterrer [son] père, à qui il avait tellement de choses à dire...

 

Ainsi y a-t-il Christian (Jean-Marc Hérouin), un ami d'enfance des deux fils, et même la petite, Marion (Michèle Grand), leur cousine venue spécialement de Miami. En dépit de leur différence d'âge, Christian et Marion en pincent l'un pour l'autre, mais c'est... compliqué.

 

Lors d'un décès se pose toujours le problème de la succession, et des disputes qui vont avec. La famille du boucher n'y échappe pas, d'autant que les dernières volontés du défunt vont faire monter la température dans le frigo et servir de catalyseur...

 

Peut-être aurait-il fallu écouter Irène qui, avec sagesse, avait dit: Papa n'est plus là. Ce qui compte, c'est nos vies maintenant...

 

Francis Richard

 

Régie: Patrick Guex

Création lumières et scénographie: Eric Moret

Costumes: Diane Grosset

Anticyclone, de Carole Dubuis et Stéphanie Klebetsanis, au Pulloff Théâtres, à Lausanne
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7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 23:30
Les névroses sexuelles de nos parents, de Lukas Bärfuss, à l'Oriental, à Vevey

Dans sa version française (due à Bruno Bayen), la pièce de Lukas Bärfuss, Les névroses sexuelles de nos parents, a été créée au Théâtre de Vidy le 18 janvier 2005 par son traducteur. Elle est reprise ces jours par la Compagnie Tête en l'Air à l'Oriental-Vevey. Ce soir avait lieu la première devant un public conquis.

 

Le décor est simple: quelques chaises autour de la scène, quatre panneaux blancs pivotants. Ce qui permet au spectateur d'imaginer les six lieux où se déroule l'histoire: un stand de primeurs, un appartement bourgeois, un cabinet de médecin, une chambre d'hôtel, un hall de gare, un terrain de camping.

 

Sur scène, trois femmes, trois hommes. Enfin, c'est vite dit, parce que l'une des femmes n'est encore qu'une toute jeune fille. Et c'est cette jeune fille, Dora (Carole Epiney), livrée à elle-même, qui va être le révélateur de ce que sont réellement et égoïstement les grandes personnes de son entourage proche.

 

Dora travaille sur le stand de primeurs de son chef (Arthur Arbez), dont la petite entreprise connaît la crise, dans l'ombre de sa mère, la femme (Anne Salamin). Dora croit tout ce que dit son père (Jacques Maitre) et dit OK à sa mère (Rebecca Bonvin), même quand elle lui dit d'arrêter les médocs prescrits pour la calmer.

 

Grâce à l'arrêt de ces pilules, la mère de Dora croit retrouver sa fille: de mutique elle se met en effet à faire des phrases, d'apathique elle aurait plutôt maintenant un trop-plein de vie. Elle ne peut soupçonner qu'elle va en quelque sorte lui ôter tous ses freins, d'autant que candidement Dora ne voit pas le mal là où les autres le voient:

 

Il n'y a pas de mal à ça, répète-t-elle sur tous les tons...

 

C'est pourquoi elle se laisse séduire par l'homme délicat (Anthony Gerber), qui n'est pas si délicat que ça avec elle... du moins au début de leur relation. C'est pourquoi aussi, par exemple, sont très nature et très directes ses réponses aux questions que lui pose le médecin qui lui parle en voix off et en écho (Jean-Luc Wey).

 

Sans porter de jugement, Lukas Bärfuss, via Dora, cette petite personne, cette femme-enfant (qui en a encore quelques comportements), souligne les interdits de la société, révèle les non-dits des parents, pose les problèmes que sont l'avortement et l'eugénisme: il remue en somme tous ceux qui se donnent un peu trop bonne conscience.

 

Dans cet exercice, non dépourvu d'humour, le jeu des comédiens est primordial et le pari est tenu dans cette mise en scène de Jacques Maitre: tous, autour de Dora, y contribuent, et Dora elle-même, qui n'a pas tant que ça de fêlure aux étages supérieurs est confondante de naturel et de franc-parler. Et cela n'est pas sans portée...

 

Francis Richard


Accès:

Oriental-Vevey

Rue d’Italie 22
CH-1800 Vevey

 

Réservations:

Tél. : 021 925 35 90
www.orientalvevey.ch
e-mail : info@orientalvevey.ch

 

Mise en scène: Jacques Maitre

Jeu: Arthur Arbez, Rebecca Bonvin, Carole Epiney, Anthony Gerber, Jacques Maitre, Anne Salamin

Collaboration artistique: Carole Epiney

Création lumière: Aurélien Cibrario

Scénographie: Stéphanie Lathion

Ambiance sonore: Julien Wey

Voix off: Jean-Luc Wey

Administration: Steve Riccard

 

Prochaines représentations:

 

Du 8 au 11 mars 2018 à l'Oriental de Vevey

Jeudi et vendredi: 20h

Samedi:19h

Dimanche:17h30

 

Du 22 au 25 mars 2018 au Petithéâtre de Sion

Jeudi à 19h

Vendredi à 20h30

Samedi à 19h

Dimanche à 17h

 

Du 3 au 9 mai 2018 au Pulloff Théâtres à Lausanne

Mardi à 19h

Mercredi à 20h

Jeudi à 19h

Vendredi à 20h

Samedi à 19h

Dimanche à 18h

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26 janvier 2018 5 26 /01 /janvier /2018 23:55
Onéguine, de Pouchkine et Tchaïkovski, au Théâtre de la Madeleine, à Genève

Mathilde Reichler a mis en scène ce spectacle, composé par elle de Fragments pour Onéguine, c'est-à-dire de fragments du roman en vers d'Alexandre Pouchkine et de l'opéra de Piotr Tchaïkovski issu de ce roman singulier.

 

Ce spectacle en trois actes, comprenant six tableaux chacun, dure deux heures et demie, comme l'opéra, mais il est plus fidèle à l'oeuvre. Car, dans Eugène Onéguine, Pouchkine ne se contente pas de raconter l'amour décalé entre Eugène et Tatiana...

 

Alexandre Pouchkine s'adresse au lecteur, fait des digressions, ironise, fait de l'humour, partage, mine de rien, ses convictions, comme dans ce passage repris dans le spectacle, où il dépeint avec facétie un Onéguine qui lui ressemble:

 

Son coeur, vide de grandes passions, était sourd aux voix de la poésie, et malgré tous ses efforts, il ne put jamais distinguer le vers iambique du vers choréen. Homère et Théocrite  excitaient ses dédains, mais il lisait Adam Smith...

 

Ce spectacle est plus fidèle au roman que l'opéra parce qu'il est variation, richesse d'expressions, c'est-à-dire qu'il en utilise plusieurs modes: la narration, la lecture, les dialogues tout autant que la musique, le chant ou la danse.

 

Ce spectacle est plus fidèle au roman que l'opéra parce qu'il brouille malicieusement les cartes: le poète-pèlerin Lenski n'est pas si opposé que cela au grand lecteur Onéguine, Tatiana n'est pas si différente que cela de sa soeur Olga.

 

Harmonieusement les langues russe et française se mêlent. Et pour ceux qui n'entendent rien à la langue russe, au-dessus de la scène, en sur-titres, la traduction française apparaît, en lettres à la fois lumineuses et discrètes ...

 

Si la part belle est donnée au roman, la musique de Tchaïkovski n'est pas pour autant absente du spectacle, loin de là. Il comporte notamment une scène entière de son opéra, comme pour rappeler qu'il s'agit d'une histoire tragique...

 

Pour les amateurs de pure musique, un des grands moments du spectacle est sur-titré romance sans paroles, en prologue à l'acte II: elle est interprétée, en duo, sur deux pianos différents, par Ludmilla Gautheron et par Sacha Michon...

 

Sur scène il y a quatre femmes et un homme. Hormis Larissa Rosanoff qui joue le rôle de Tatiana, les autres comédiens (Ludmilla Gautheron, Elzbieta Jasinska, Régina Bikkinina et Sacha Michon) en jouent plusieurs.

 

Régina Bikkinina interprète même à la fois des rôles féminins et des rôles masculins, si bien que le seul homme dans cette aventure aux accents féminins n'est tout de même pas tout seul dans son genre, grâce à cette troublante ambiguïté...

 

Mathilde Reichler dans sa Note d'intention écrit:

La mort de Lenski peut difficilement ne pas apparaître comme une tragique prémonition de la mort de Pouchkine, emporté dans des circonstances similaires, quelques années après la publication de son roman...

 

C'est peut-être cette prémonition qui hante tout du long le spectateur qui le sait... et qui ne peut qu'être ravi qu'un tel hommage soit rendu au grand poète disparu. Et comme ces Fragments sont ovationnés par le public, il se sent moins seul et moins sujet à la handra ...

 

Francis Richard

 

Accès:

Théâtre de la Madeleine
Rue de la Madeleine 10
1204 Genève

 

Réservation:

tél.: 079 397 25 40

http://www.sallecentrale.ch/

 

Jeu:  Larissa Rosanoff, Sacha Michon, Ludmilla Gautheron, Elszbieta Jasinska et Régina Bikkinina

Adaptation et mise en scène: Mathilde Reichler

Costumes: Chloé Gindre

Scénographie et accessoires: Claire Peverelli et Gaëlle Chérix

Lumières: Renato Campora

Régie générale: Valérie Tacheron

 

Prochaines représentations:

Au Théâtre de la Madeleine : le 27 janvier 2018 à 20h00

A la salle Jean-Jacques Gauthier, Chêne-Bougeries: le 13 septembre 2018 à 20h00

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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 23:45
Dixit Bathak

Dixit Bathak

Hier soir, c'était la première de Voiture américaine de Catherine Léger, au Poche, à Genève, une pièce qui a été créée à Montréal le 29 septembre 2015 et qui se déroule dans une ville volontairement indéfinie.

 

Les lieux sont la rue, une station d'essence, un bar, un appartement, une chambre.

 

L'époque pourrait être aujourd'hui, ou, sinon, se situer dans un futur proche, désolant. Où on manquerait de tout: de biscuits, d'enfants, d'essence, d'alcool, d'argent...

 

Les personnages respectent la parité, quatre femmes et quatre hommes:

 

. Victor (Baptiste Coustenoble) vient de tuer quelqu'un dans la rue;

 

. Madame Grignon (Jacqueline Ricciardi) est la propriétaire de la station d'essence: elle réserve celle-ci à ses taxis; elle ne veut pas en vendre à Richard (Vincent Fontannaz) qui vient d'hériter, suite à la mort de son père, d'une voiture américaine;

 

. Bathak (François Nadin) est dans le bar avec Jacot (Roberto Garieri); il attend Garance qu'il se réjouit d'épouser, mais qui est en retard;

 

. Suzanne (Céline Bolomey), la soeur de Richard, ne sort jamais de l'appartement; elle se dispute avec Victor; 

 

. Garance (Céline Nidegger) a revêtu sa robe de mariée dans la chambre; Julie (Julie Cloux), la femme de Jacot, vient la chercher pour la conduire au bar des épousailles.

 

Est bien noir cet univers dans lequel évoluent ces personnages qui ont des liens les uns avec les autres. Car les échanges qu'ils ont entre eux sont, par exemple:

 

. des rapports de force:

VICTOR. Je pourrais te violer.

MADAME GRIGNON. Non. Non, tu pourrais pas.

 

. des rapports de bêtes:

BATHAK. Ce que je veux, moi, c'est être un boeuf pis avoir une vache. Strictement biologique. Un boeuf. Une vache. Les vaches sont pas en retard.

 

. des rapports de troc sans états d'âme:

JACOT. Mais quand même tu ferais bien de t'acheter une femme. Contre une voiture. C'est bon. C'est bon pour toi.

Temps.

RICHARD. Pis la tienne, elle est comment?

 

Bref ces personnages sont déshumanisés. Comme le dit Catherine Léger dans un entretien:

Comme ils n'ont plus rien, ils cherchent à consommer l'autre. A jouir de l'autre sans être en relation avec lui.

 

Cette vision du monde, admirablement rendue par le jeu (ovationné par le public), donne le vertige, comme peut le faire le vide:

VICTOR. M'enfermer ici avec toi? Lire? Avoir peur?

SUZANNE. Pourquoi pas? On est bien, ici. C'est doux, ici.

VICTOR. C'est vide.

 

On sait heureusement, depuis Aristote, que la nature a horreur du vide... et l'auteur le sait aussi...

 

Francis Richard

 

Accès:

POCHE /GVE /Théâtre Vieille-Ville
Rue du Cheval-Blanc 7
1204 Genève

 

Réservation:
billetterie@pochegve.ch
+41 22 310 37 59

 

Jeu:  Céline Bolomey, Julie Cloux, Baptiste Coustenoble, Vincent Fontannaz, Roberto Garieri, François Nadin, Céline Nidegger, Jacqueline Ricciardi

Assistanat à la mise en scène: Lucile Carré

Costumes: Paola Mulone

Son: Andrès Garcìa

Lumière: Luc Gendroz

Maquillage: Katrine Zingg

Accessoires: Stéphanie Mérat

Confection des costumes: Léa Bettenfeld

Construction du décor: Cédric Bertoud

Régie:David Kretonic

 

Prochaines représentations:
Madame Grignon, dans la station d'essence

Madame Grignon, dans la station d'essence

Julie et Victor, dans la rue

Julie et Victor, dans la rue

Bathak et Nicot, dans le bar

Bathak et Nicot, dans le bar

Suzanne et Garance, dans l'appartement

Suzanne et Garance, dans l'appartement

Madame Grignon et Victor, dans la station d'essence

Madame Grignon et Victor, dans la station d'essence

Garance et Victor

Garance et Victor

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7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 23:30
Boire, fumer et conduire vite, de Philippe Lellouche, au Théâtre des Trois-Quarts, à Vevey

Boire, fumer et conduire vite: c'est pas bien... Et ça peut rapporter de gros ennuis... Philippe Lellouche en a fait lui-même l'expérience et il s'en donne à coeur joie dans cette pièce jubilatoire, où il dépeint les dérives liberticides de la société française.

 

Le soir de la Saint Sylvestre, Greg (Olivier Lambelet) est arrêté pour ébriété sur la voie publique; Marc (Olivier Delaloye) pour avoir fumé à la Gare de Lyon; Simon (Steve Riccard) pour avoir commis un excès de vitesse (8 km/h de trop) sur les Maréchaux.

 

L'un après l'autre ils sont littéralement jetés dans la même cellule du commissariat du 12ème arrondissement de Paris, qui, selon le Ministère de l'Intérieur, est le mieux classé de la capitale pour les résultats obtenus.

 

Une avocate, Madeleine (Stella Giuliani), est commise d'office pour les défendre. Mais elle ne peut pas faire grand chose pour eux: elle ne peut que s'assurer qu'ils n'ont pas été maltraités par les agents de la force publique.

 

Il faut dire que non seulement ils ont commis tous trois une infraction (le cas le plus grave est celui de Simon qui roulait sans permis, ayant perdu tous ses points), mais ils se sont rebellés et ont outragés les fonctionnaires de police.

 

Tous trois sont de vrais rebelles: ils refusent l'autorité, ils en ont assez de toutes les interdictions qui leur sont faites pour prétendument les protéger contre eux-mêmes et, du coup, ils ont l'injure à la bouche à l'égard des forces de l'ordre.

 

Madeleine essaie de les ramener à la raison. Peine perdue. C'est alors que s'effectue le tournant de la pièce avec la révélation qu'elle leur fait, qui leur tombe dessus comme une masse et qu'ils ont du mal à croire avant de tomber dans d'autres excès...

 

Si, à ce moment-là, les grandes questions existentielles se posent à ces trois compagnons de cellule, la pièce n'en demeure pas moins une comédie et l'hilarité est restée, ce soir, au rendez-vous, aux Trois-Quarts, pour une première en fanfare.

 

Car le spectateur, une fois le rideau tombé, ne se demande plus pourquoi ce spectacle a eu tant de succès naguère en France. Il en aura à Vevey, grâce au jeu des comédiens et à la mise en scène, qui, du texte, restituent toute la libre saveur...

 

Francis Richard

 

Mise en scène

Yan Juillerat

 

Décors

Janique Riedo Maugeri

Jacqueline Zürcher

 

Lumières et régie

Jean-Olivier Pittet

 

Représentations

Jusqu'au 23 décembre 2017

Les mardis, mercredis, jeudis et vendredis à 20h

Les samedis à 19h

Les dimanches à 17h30

 

Adresse

Théâtre des Trois-Quarts

Avenue Reller 7

1800 Vevey

 

Réservations

Tél.: 021 921 75 71

http://www.troisquarts.ch

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 15:55
Le Tartuffe de Molière, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris

- Quoi de neuf?

- Molière.

 

Guitry avait raison. Le Tartuffe, qui est joué au Théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu'au 31 décembre, en apporte la confirmation: Molière fait toujours rire trois siècles et demi plus tard... aux dépens des imposteurs et de leurs victimes consentantes.

 

Quelques répliques apprises sur les bancs d'école prennent cependant encore plus de saveur, et sont en quelque sorte transcendées, quand elles sont dites  sur une belle scène de théâtre, avec une belle distribution, comme ce fut le cas hier soir, à Paris:

 

Orgon: Michel Bouquet

Tartuffe: Michel Fau

Madame Pernelle, mère d'Orgon: Juliette Carré

Elmire, femme d'Orgon: Nicole Calfan

Dorine: Christine Murillo

Mariane, fille d'Orgon et d'Elmire: Justine Bachelet

Cléante, beau-frère d'Orgon: Bruno Clairet

Monsieur Loyal, sergent: Georges Bécot

Damis, fils d'Orgon et Elmire: Alexandre Ruby

Valère, amant de Mariane: Aurélien Gabrielli

L'exempt / Flipote / Laurent: Dimitri Viau

 

Quand (Acte 1, scène IV) Orgon (Michel Bouquet) répète avec simplicité:  Et Tartuffe? Le pauvre homme!, il est irrésistiblement comique. Ces quelques mots se suffisent à eux-mêmes et déclenchent une franche hilarité et le vénérable acteur, toujours vert à 92 ans, sert de la sorte le texte magnifiquement, sans fard.

 

Quand (Acte 2, scène III), Dorine (Christine Murillo) dit, pour sa punition, à Mariane (Justine Bachelet), qui n'a guère opposé de résistance à la volonté de son père de lui faire épouser Tartuffe: Tartuffe est votre homme, et vous en tâterez, puis:Vous serez, ma foi, tartuffiée, ces répliques bien assenées font mouche.

 

Quand (Acte 3, scène III), Tartuffe (Michel Fau) dit, après sa déclaration galante à Elmire (Nicole Calfan), qui la trouve surprenante de la part d'un tel dévot, qui a joint des gestes à ses paroles: Ah! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme, il montre combien sa posture dévote est une imposture et son hypocrisie fait rire.

 

Quand (Acte 4, scène VI), après que le comportement de Tartuffe a enfin ouvert les yeux d'Orgon, caché sous une table, Tartuffe sorti vérifier que lui et Elmire ne seront pas dérangés avant d'aller plus avant dans l'acte, Elmire dit à Orgon qui trouve enfin Tartuffe abominable: Quoi? vous sortez si tôt?, c'est désopilant.

 

A la fin de la pièce, le public conquis fait aux acteurs une ovation debout et les rappelle de nombreuses fois. Il n'est pourtant pas sûr qu'il ait compris que, comme le dit Michel Bouquet dans son livre sur Molière, le personnage visé par la comédie n'est pas, contrairement au titre, le Tartuffe, mais, en réalité, l'Orgon:

 

Il y a beaucoup d'Orgon aujourd'hui. Comme chez lui, leur défaut est un désir d'aveuglement, un besoin d'autorité, un rêve d'obéissance...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations

Jusqu'au 31 décembre 2017.

Du mardi au vendredi à 20h,

le samedi à 20h30,

le dimanche à 16h.

 

Réservations

 01 42 08 00 32
 
 
 Accès
 
 Théâtre de la Porte Saint-Martin
 18 boulevard Saint-Martin
 75010 Paris
 
 Bus 20/38/39/47
 Métro Métro Strasbourg Saint-Denis : lignes 4/8/9 Métro République : lignes 3/5/8/9/11
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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 23:45
Arlette, d'Antoinette Rychner, au Poche, à Genève

Hier soir avait lieu la première de cette pièce sans intrigue, mais intrigante.

 

L'histoire, bien qu'il n'y ait donc pas vraiment d'histoire, se passe dans les étages d'un immeuble. Encore qu'il faille le dire vite. Parce que les notions de temps et d'espace sont confuses, chaotiques.

 

L'héroïne de la pièce, c'est Arlette Biscuit, qui lui donne son titre. Arlette qui a une soeur, qui se prénomme Josette. Arlette dont la créatrice s'appelle Antoinette (Rychner). Arlette dont le père l'appelait sa belette...

 

A la dame du rez-de-chaussée, qui lui dit avoir eu une tante s'appelant comme elle, elle répond:

- Oui, ç'ont souvent des personnes pas toutes jeunes qui partagent mon prénom.

 

Si le temps ne s'écoule pas dans le sens chronologique, il passe tout de même et laisse des traces, les plus marquantes remontant à l'enfance.

 

A Ginesse, son amie d'adolescence, rencontrée dans l'escalier, elle dit que la mélancolie est entrée en elle, inopinément, sur une balançoire, entre cinq et neuf ans, puis corrige:

- La mélancolie n'est pas entrée, pas d'l'extérieur. Elle a éclos, c'est tout.

 

A sa soeur Josette, elle confie qu'elle a pris conscience de l'irrémédiable, qu'il s'est mis à exister grâce à elle, qu'elle l'a activé, qu'elle l'a fait germer trop tôt:

- T'as huit ans. Et tu m'dis: "Tu t'rends compte, c'est l'dernier jour où t'as quatre ans.

 

Un moment Josette est morte, le moment d'après Arlette lui rend visite. Arlette veut l'emmener voir leur père au plus mal, alors qu'en fait elles doivent assister ensemble à son remariage.

 

Josette dit à Arlette que la fille avec laquelle leur père se marie va la déprimer:

- D'abord elle est nett'ment plus jeune que toi. J'peux te dire qu'elle a les seins qui tiennent.


Comme Arlette est attendue en bas de l'immeuble pour se rendre au mariage de son père, le temps presse et, dans le même temps, elle s'attarde, elle recule devant ce qui paraît un obstacle.

 

Elle baise ainsi avec Dan, un homme marié; elle partage un repas avec l'ami dont elle ne se souvient pas du prénom, et avec la compagne de celui-ci, dont elle se souvient, au contraire, du sien, avec une extraordinaire netteté...

 

Le temps passe. Les masques tombent. Arlette prend conscience de plein de choses qu'elle recélait en elle, qu'elle n'osait pas se dire ou auxquelles il fallait des circonstances particulières pour qu'elles se révèlent à elle.

 

Le temps passe et il est cruel avec les femmes:

- D'ailleurs, viole-t-on encore les femmes de quarante à cinquante balais?

 

Tout cela est bien grave, et pourtant Arlette est une pièce où l'on rit beaucoup. C'est bien sûr dû au texte (écrit dans une langue inspirée de l'accent neuchâtelois), mais aussi à la mise en scène:

Pascale Güdel a veillé à ce que le langage n'enferme pas les personnages dans une classe sociale ou une région précise.

 

Du coup, le langage est plus fluide à l'oral qu'à l'écrit, mais il conserve juste ce qu'il faut pour être fortement évocateur.

 

Céline Nidegger tient le rôle d'Arlette tout du long, ses comparses, Céline Bolomey, Jacqueline Ricciardi et Vincent Fontannaz se partagent à tour de rôle les autres personnages.

 

Le texte très profond en définitive se suffit à lui-même. C'est pourquoi le jeu, se mettant au service du rire accentué par la mise en scène, ne fait qu'en souligner la gravité par contraste et permet même d'éviter de tomber dans le scabreux de certaines situations...

 

Francis Richard

 

Accès:

POCHE /GVE /Théâtre Vieille-Ville
Rue du Cheval-Blanc 7
1204 Genève

 

Réservation:
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+41 22 310 37 59

 

Jeu:  Céline Bolomey, Vincent Fontannaz, Céline Nidegger, Jacqueline Ricciardi

Assistanat à la mise en scène: Lucile Carré

Costumes: Paola Mulone

Son: Andrès Garcìa

Lumière: Luc Gendroz

Maquillage: Katrine Zingg

Accessoires: Stéphanie Mérat

Confection des costumes: Léa Bettenfeld

Construction du décor: Cédric Bertoud

Régie:David Kretonic

 

Prochaines représentations:

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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