A l'origine de La loi du genre, de Drieu Godefridi, il y a la Convention d'Istanbul, adoptée par le Conseil de l'Europe en 2011. Cette convention a pour objet la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
Noble but, sauf que, dans son article 12, cette convention dit que Les Parties [les pays membres] prennent les mesures nécessaires pour promouvoir les changements dans les modes de comportement socioculturels des femmes et des hommes en vue d’éradiquer les préjugés, les coutumes, les traditions et toute autre pratique fondés sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes.
Drieu Godefridi cite ce passage sans retenir l'idée de l'infériorité des femmes, hors de son sujet, pour s'en tenir au rôle stéréotypé des femmes et des hommes, qui, lui, fait bien partie du sujet. Pourquoi cette citation d'une convention internationale? Parce que cette convention a consacré ainsi, furtivement, la théorie totalitaire du genre dans sa version radicale et parce que ce triomphe de l'arbitraire en droit ne peut que s'imposer dès lors aux législateurs nationaux.
La théorie du genre n'existerait pas selon ses promoteurs, qui se contenteraient de faire des études de genre à caractère scientifique. C'est oublier que théorie vient du grec ancien θεωρεῖν (theōrein), qui signifie comme le rappelle Godefridi: contempler, observer, étudier, examiner, et qu'une théorie est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet donné. Autrement dit les soi-disant savants du genre font de la théorie sans le savoir ou... sans le dire.
Le problème est que, parmi les dits savants, d'aucuns ne se sont pas contentés de décrire et de comprendre la relativité, historique et spatiale, des catégories du masculin et du féminin, bref de la constater; ils ont affirmé que cette relativité était arbitraire, que les concepts d'homme et de femme étaient de simples inventions culturelles. Ils ont rapidement franchi le pas de dire que la culture ne devait pas se laisser dicter sa loi par la nature.
Ce courant prend sa source dans la distinction faite par David Hume entre être et devoir-être, qui revient à distinguer réalité et morale. A partir de ce courant se sont développées deux branches d'études:
- l'une qui vise à analyser et à promouvoir l'homosexualité (le masculin et le féminin culturels n'ont-ils pas exercé violence et tyrannie à l'égard de ceux qui s'éloignent de cette binarité?), c'est la branche homosexualiste;
- l'autre qui vise à analyser les stéréotypes dont sont victimes les femmes (ne sont-elles pas dévalorisées et cantonnées aux tâches ménagères etc.?), c'est la branche féministe.
La première branche a été théorisée par Judith Butler: la nature en tant que telle n'existe pas, tout est culture. Le sexe est une réalité culturelle. La norme hétérosexuelle résulterait de relations de pouvoirs: cette hétéronormativité doit être destituée, une société sans prédilection sexuelle prépondérante doit lui être substituée.
La deuxième branche se préoccupe de promouvoir les intérêts de la femme et de combattre les inégalités de répartition des tâches domestiques, les inégalités de rémunérations et de rôles socio-économiques, les inégalités d'accès aux hautes sphères du pouvoir, la violence dont les femmes seraient majoritairement victimes: La persistance de ces inégalités s'explique par les stéréotypes dont nos sociétés s'obstinent à taxer les femmes.
Godefridi fait remarquer qu'un stéréotype est une généralisation caractérisant un groupe de personnes et qu'il peut être vrai, faux, approximatif ou sans valeur de vérité...
Karl Popper distinguait les théories réfutables et celles qui ne le sont pas, autrement dit les théories scientifiques et les autres. Or aucune étude de genre, à ce jour, n'a établi de lien de causalité entre rôles socio-économiques et stéréotypes; aucune étude non plus n'a été à même de dire si les stéréotypes sont exclusivement culturels ou si certains ont un substrat naturel. En attendant, la théorie du genre, dans ses deux branches, n'est pas réfutable au sens de Popper...
En biologie l'altérité sexuelle n'est pas niée. Or Judith Butler ne peut concéder la naturalité de la distinction des sexes, sinon elle serait obligée de reconnaître que le primat de l'hétérosexualité n'est pas le fruit de la violence ou de relations de pouvoir illégitimes. De même les féministes ne peuvent concéder que les stéréotypes soient ancrés, même partiellement, dans la biologie, sinon elles seraient obligées de reconnaître qu'ils peuvent avoir quelque légitimité. La théorie du genre ne peut donc que reposer sur la négation de la biologie.
Si le genre homosexualiste, avec Judith Butler, s'appuie sur Michel Foucault pour dire qu'il y a, depuis l'aube des temps, domination illégitime de la caste hétérosexuelle, le genre féministe, avec Naomi Wolf, s'appuie sur le même Foucault pour dire que c'est le pouvoir qui entrave l'amour hétérosexuel... Il n'est donc pas étonnant qu'à un moment donné les deux genres finissent par s'opposer:
Si le genre féministe et le genre homosexualiste ont un adversaire commun - l'homme hétérosexuel et sa culture -, ils s'opposent radicalement pour le surplus, le genre féministe s'attachant aux intérêts de ces femmes hétérosexuelles dont Butler nie jusqu'à la réalité.
Pour conclure, Drieu Godefridi s'étonne donc que, sans débat ni publicité, ait été reprise, jusque dans son phrasé, par le Conseil de l'Europe une telle théorie, songe totalitaire qui se traduit par l'éradication de tout ce qui est en rapport avec le masculin et le féminin, ce qui revient à éradiquer les concepts même de masculin et de féminin:
C'est une illustration de la confiscation du débat démocratique par des experts internationaux sans visage, dont l'exorbitant pouvoir s'incarne et s'épuise dans une norme.
Francis Richard
La loi du genre, Drieu Godefridi, 92 pages, Les belles lettres
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