Le 30 septembre 2000, il y a quinze ans et un mois, un reportage télévisé est diffusé sur France 2, commenté par Charles Enderlin. Il ne dure pas même une minute, mais il va être instrumentalisé à des fins politiques et idéologiques. Contre Israël.
La scène a été tournée au carrefour de Netzarim, à Gaza, par un caméraman palestinien, Talal Abu Rahma. Elle représente l'assassinat d'un jeune garçon de 12 ans, Mohamed al Dura, adossé à un mur, à côté de son père, Jamal al Dura, près d'un baril de béton.
Les responsables sont donc tout désignés, ce sont les soldats israéliens, qui ont tué l'enfant à l'issue d'une fusillade qui a duré 45 mn...
Le fortin israélien se trouve pourtant à la diagonale du carrefour Netzarim par rapport au mur où est mort l'enfant et où a été blessé son père. Personne ne parle de la position palestinienne de Pitah, qui, elle, fait face au mur... Personne n'évoque la possibilité de tirs palestiniens, pourtant finalement plus vraisemblables...
Les médias sont alors unanimes à condamner Israël. Ils ne se posent pas de question, puisque c'est l'insouçonnable France2 qui l'a diffusé. Ils reprennent ainsi, tous uniformément, la seule version du camp palestinien, celle de la culpabilité des Israéliens.
Les autorités militaires israéliennes ne remettent pas elles-mêmes en cause le reportage de France2. C'est dire. Mais il va s'avérer qu'elles ont été trompées par la réputation de la chaîne de télévision française.
Car tout n'est pas clair, loin s'en faut, dans ce qui est présenté comme un assassinat dans ce reportage. Et, aujourd'hui encore, de larges zones d'ombre subsistent, qui mettent à mal la version devenue vérité officielle et indiscutable...
Toujours est-il que les conséquences de ce scoop sont incalculables. L'image de l'enfant martyr a certainement suscité la haine des populations arabes contre Israël et suscité parmi elles des vocations de terroristes. En tout cas, le journaliste Daniel Pearl, enquêtant au Pakistan sur le terroriste Richard Reid, va le payer de sa vie et sera décapité.
L'image de Mohamed al Dura assassiné, en effet, est très vite devenue une icône: "Dans le monde entier on donna son nom à des rues et à des places, on composa des chants et des poèmes à sa gloire, et dans de nombreux pays, du Maroc à l'Iran, on imprima des timbres à son effigie."
La télévision publique allemande ARD va diffuser deux documentaires critiques sur le sujet, réalisés par Esther Schapira. Le premier, Trois balles et un enfant mort, en 2002, le second, L'enfant, la mort et la vérité, en 2009. Qui seront diffusés ultérieurement dans plusieurs pays.
Esther Schapira, qui a donc étudié le dossier de près et qui est très prudente dans ses affirmations, ce qui confirme son respect de la déontologie, cosigne aujourd'hui avec Georg Hafner un livre dont le titre reprend celui de son second documentaire.
Ce livre est à ce jour le livre le plus exhaustif et le plus objectif possible sur le sujet. Comme tout journaliste digne de ce nom, Esther Schapira ne cherche en effet que la vérité et se fait un devoir de la dire quand elle en approche: "Nous posons des questions critiques et nous nous battons pour obtenir des réponses, nous agissons de bonne foi, ou du moins, c'est ce que nous devrions tous faire."
Aux questions critiques qu'elle pose, il n'est pas apporté de réponses qui lèvent les contradictions de l'affaire, ses incohérences. De sérieux doutes ébranlent l'icône de l'enfant martyr, un peu trop vite peinte à partir du scoop de France2.
Toujours est-il que les comportements de Charles Enderlin, qui, au moment des faits se trouve à l'abri à Jérusalem, loin du théâtre des opérations, aussi bien que de son caméraman, Talal Abu Rahma, contribuent à nourrir ces doutes. L'un comme l'autre refusent de donner toutes les informations en leur possession.
Ainsi Charles Enderlin refuse-t-il de fournir toutes les images prises par son caméraman et qui permettraient d'être convaincu de la mort de Mohamed, qu'on ne voit pas dans le reportage. Ainsi Talal Abu Rahma garde-t-il par devers lui les balles qu'il aurait ramassées sur la scène du crime et qui permettraient pourtant d'identifier sans conteste ceux qui auraient tiré.
Les auteurs relèvent dans leur livre:
- les contradictions sur le déroulement chronologique des faits
- les énigmes de l'assassinat de Mohamed: atteint par trois balles, il ne saigne pas dans le film; les impacts de balles dans le mur, qui devraient être ovales si tirées depuis le fortin israélien, sont "des trous propres et ronds"...
- le rétablissement spectaculairement rapide du père atteint pourtant par douze balles etc.
Tout porte donc à croire - ce n'est cependant pas une certitude - que la mort de Mohamed al Dura a été mise en scène pour jeter un discrédit durable sur Israël, qui assassinerait froidement des enfants, pour que leurs ennemis n'aient pas de descendance...
Certes, les mythes ont la vie dure, surtout quand tout est fait pour les entretenir, mais on peut tout de même espérer qu'un tel livre contribuera à déconstruire à la longue celui de la mort en martyr du jeune garçon. Car ce mythe continue à faire beaucoup de mal.
Francis Richard
L'enfant, la mort et la vérité, Esther Schapira et Georg Hafner, 208 pages,
Publication commune avec lesobservateurs.ch