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25 mai 2016 3 25 /05 /mai /2016 22:45
Crevures, de Stéphane Montavon

Crevures. Disons-le tout de suite, le titre n'est guère engageant. C'est celui de l'un des trente-quatre textes courts qui composent le livre. Ce mot pluriel est argotique. Il désigne en effet des personnes abjectes, qui peuvent crever ou crever les autres. 

 

Stéphane Montavon abonde dans ce sens:

Qui s'éploient, navettes les pâteuses, dents les peignes, glottes les poulies, monceaux de glaires sur cordes, et se cistrachant pour si peu de trame, nos mal-tissus!

 

Le style est donné. L'auteur ne fait dans la dentelle du Puy. Sa langue est riche, difficilement digeste, mais colorée, imagée, ne dédaignant pas le néologisme, sinon le mot tiré du vocabulaire régional, c'est-à-dire du Jura, identifié par des lieux tels que Mont-Terrible, Rangiers ou Choindez.

 

Après le titre, la langue de Montavon peut donc rebuter, abrupte qu'elle est. Il faut s'y accoutumer, l'apprivoiser, comme une langue étrange, voire étrangère. Pour cela il faut la lire d'abord sans tout comprendre, la relire ensuite pour l'entendre, la relire encore, enfin, pour s'y étendre.

 

Il y a vingt ans, adolescent, Montavon a écrit des poèmes. Il se doit aujourd'hui de les réécrire, en prose, poétique:

L'objet du délire collectif s'était incarné et ce qu'on avait conçu pétés, il fallait maintenant en jouir baignant dans ce même ethos, le seul que quant à moi j'aie pu nous trouver tout compte fait.

 

Ces textes sont souvenirs tel que celui-ci:

En bas la cuve de fer blanc où caille du sang à la gueule d'un brocard, la terre traîne son odeur jusque dans le garage, le néon esseule l'écorcheur à son ouvrage. Puis ce foie que tu portes mains jointes à la mère et le froid encore dessous ton cul, à l'arrière de la caisse.

 

Tel que celui-là:

Au salon couleur mercurochrome, une affalée d'encore-là hiératiques, chacun parti d'une défragme l'autre, certains dorment, le reste boumse dans les chambres au-dessus, et on boit à cette putain de pleine lune!

 

Ou tel que cet autre:

Rembarquant bien torchés, toutes gnomesses lutinées, graissées de nos humanités postiches, la raie au milieu, sous des cieux mauvis mais craignant le pastiche et rasés, nous piedauplanchons sur la route vomie.

 

Ces souvenirs peuvent être délires, tel que cet extrait, situé au milieu de deux pages et plus:

[...] la nature du mâle qui a horreur du vide comble les trous par devoir génétique klammer, klammer, mais poney tu sais, Mickey ne doit rien connaître klam, de la violence des hommes klammer, pas le stupre, seulement le soub'klam, le bourbre'mer [...]

 

L'ouvrage se termine d'ailleurs par cette phrase emblématique:

Puissiez-vous lecteurs, faire chanter ces restes et un jour entre sans queue ni tête, femmes à barbe et éléphantasiaques, toute la fresque l'exhiber aux foules dans votre roulotte qui sauf l'hémicycle de quelqu'intitut de criminologie, contient d'ores et déjà le monde entier cette fosse commune.

 

Il faut un grain de folie pour écrire de tels textes et un grain de folie pour les lire... Ce n'est pas toujours dissuasif: la preuve...

 

Francis Richard

 

Crevures, Stéphane Montavon, 104 pages, éditions d'autre part

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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