Durant cent jours (du 7 avril au 17 juillet 1994), près d'un million de personnes, majoritairement des Tutsis, ont perdu la vie au Rwanda. Ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire.
Ce recueil de poèmes est né d'une rencontre en Afrique de l'Ouest entre Philippe Bonvin et une femme rwandaise, Charlotte, qui lui a transmis l'amour de son pays malgré les larmes qui coulaient sur ses joues.
Comment trouver le ton pour parler de l'inimaginable auquel peut conduire la haine des hommes, sinon en employant le langage de l'amour, qui n'a pas besoin d'emphase et auquel siéent sobriété et mots sans détours.
I Pendant
Ce qui caractérise un génocide, c'est d'avoir été planifié:
rien n'était laissé au hasard
tout avait été prévu
depuis longtemps
Auparavant les victimes et les bourreaux étaient amis, comme étaient frères Caïn et Abel:
dans l'enfer
les voisins d'hier
sont devenus
des inconnus
des violeurs
des monstres
Le but des uns est de faire des autres disparaître
toute trace
de leur passage
de leur existence
en faisant la fête... et en prenant son temps:
Ceux qui demandaient
à leurs bourreaux
d'être achevés
rapidement
recevaient
injures et moqueries
Quand on hait, on compte. Les bourreaux comptent:
pour être considérés
et récompensés
ils devaient justifier
cent cadavres
et ne respectent rien ni personne.
II Après
Comment ne pas être ému que les victimes pardonnent à leurs bourreaux?
Comment ne pas être ému de voir:
ces femmes
élever
amoureusement
leurs enfants
nés de la barbarie
de leurs tortionnaires
Comment trouver les mots devant les atrocités commises:
face à cette inhumanité
je reste aphone
Comment se fait-il que le monde ait ignoré les cris des victimes?
Comment vivre après ça:
mes rêves sont des cauchemars
mes murmures des cris
j'aimerais être mort
Piètre consolation:
ils n'auront pas réussi à tout détruire
Francis Richard
Rwanda, Philippe Bonvin, 80 pages, Éditions Encre Fraîche