Dans ce tract, qui fait quelques dizaines de pages, Barbara Stiegler commence par dire avec Richard Horton, le directeur de The Lancet, que la Covid-19 n'est pas une pandémie mais une syndémie, un néologisme qui signifie:
Une maladie causée par les inégalités sociales et par la crise écologique entendue au sens large.
Après cette déclaration liminaire, on peut s'attendre au pire avec ce texte, fruit d'une longue conversation entre cette professeure de philosophie politique et des collègues, chercheurs, enseignants, étudiants, soignants, citoyens, proches et amis.
Ce document revisite les neuf derniers mois de l'année 2020. L'auteure y cherche à comprendre l'origine de ce qu'on a appelé la pandémie et parcourt les trois étapes de la politique sanitaire menée en France pendant tout ce temps.
DES CAUSES ENVIRONNEMENTALES
Pour elle, l'épidémie ne serait pas un simple aléa naturel . Elle aurait des causes environnementales... Le péché originel des gouvernants serait de l'avoir dissimulé... La suite permet de bien comprendre tout ce qu'elle veut dire par là.
Avec Horton, elle dit que la réponse à cette syndémie ne se trouve en réalité ni dans le laisser-faire meurtrier ni dans les stratégies radicales d'enfermement: une myriade de mesures d'une tout autre nature auraient pu s'imposer.
Ce qu'elle voit, c'est d'une part un développement économique aberrant et d'autre part un sous-développement de presque tous les systèmes sanitaires où un arsenal biotechnologique coûteux aurait été privilégié à leur détriment:
Empêcher les stocks et réguler les flux...
ET L'ÉTAT OBÈSE ?
Ce qu'elle ne voit pas et ne dit pas, c'est que la France est en tête en Europe pour les dépenses de santé, notamment publiques (80% du total en 2019), et qu'elle dispose pourtant de bien moins de lits d'hôpitaux que les autres grands pays.
L'État obèse ne serait-il pas le problème? Mais elle ne (se) pose pas la question en ces termes. Pourtant la France est championne toutes catégories des prélèvements obligatoires et c'est la raison de son faible développement économique.
Or, quand le développement économique d'un pays est faible, la pauvreté s'accroît de même que les inégalités, ne serait-ce que parce l'État se présente comme le redistributeur des richesses en spoliant les uns au bénéfice de ses clients...
LE CONTINENT MENTAL
S'il n'y a pas de pandémie, au sens d'un mal qui frapperait tout le monde partout et n'importe quand, elle l'emploie, avec une majuscule, pour désigner le continent mental qui, parti de Chine communiste, s'impose désormais en Occident.
Ce continent mental a sa novlangue: confinement, reconfinement, déconfinement, traçage, application, cas contacts, clusters, quarantaine, attestation de déplacement dérogatoire, distanciation sociale, relâchement, gestes barrière etc.
Les gouvernants - qu'elle qualifie de néolibéraux alors qu'ils sont de purs étatistes - savent mieux que les gouvernés, ces inaptes, ce qui est bon ou mauvais pour eux, ce qui est l'essentiel ou l'inessentiel, et culpabilisent ces indisciplinés.
LE NUDGING VERSUS LA DÉMOCRATIE...
Ce qu'elle reproche aux gouvernants, c'est de recourir au nudging, c'est-à-dire à la manipulation du savoir pour fabriquer le consentement, à la modification des comportements par la modulation des environnements via leur novlangue.
Les gouvernants ont profité d'effets d'aubaine pour porter atteinte aux libertés publiques (pas seulement, mais aussi à nombre de libertés individuelles) dans les domaines qu'elle connaît, ceux de la santé, de l'éducation et de la recherche.
Alors elle enjoint tous ces acteurs à s'unir, avec quelques autres, pour constituer des réseaux de résistance capables de réinventer la mobilisation, la grève et le sabotage, en même temps que le forum, l'amphithéâtre et l'agora...
Francis Richard
De la démocratie en Pandémie, Barbara Stiegler, 64 pages, Gallimard