L’honneur perdu d’un ordre d’avocats
L’histoire que je vais vous conter est édifiante et se passe en France. Elle montre à quel point la liberté d’expression est devenue le cadet des soucis de ceux-là mêmes qui devraient la défendre jusque dans les prétoires, je veux parler des avocats.
Comme je n’ai pas demandé à l’avocat, victime de ses pairs, si je pouvais raconter son histoire, et ne voulant pas lui nuire davantage, je ne donnerai ni son nom, ni celui de ceux qui l’ont ostracisé. Aussi bien l’essentiel n’est-il pas dans le cas particulier, mais bien dans ce qu’il révèle.
Un avocat, après trente-sept ans d’exercice de son métier, décide de prendre sa retraite le 1er janvier dernier. Il demande donc au conseil de l’ordre des avocats, au tableau duquel il est inscrit, de bénéficier de l’honorariat.
Il faut savoir que l’honorariat permet à un avocat à la retraite de continuer à porter le titre d’avocat accolé de l’épithète honoraire. Il reste donc avocat, soumis aux obligations qui résultent du serment qu’il a un jour prêté.
Les avocats honoraires continuent à figurer, sous cette dénomination, au tableau de l’ordre des avocats et ils continuent de pouvoir accéder à tous les locaux réservés aux membres de l’ordre. Ils peuvent être consultés ou rédiger des actes sur autorisation du bâtonnier, mais n’exercent plus, autrement, la profession d’avocat.
Cette demande de l’honorariat est une formalité. L’honorariat n’est refusé que dans les cas de condamnations pénales relevant du droit commun. Il ne peut l’être d’ailleurs qu’après avoir entendu le demandeur. Dans 99,99% des cas il n’y a donc pas convocation de l’intéressé, ni donc refus.
L’avocat dont il s’agit a toujours respecté les règles de la profession. Mais il est convoqué par ses pairs. Ce qui signifie qu’il est très sérieusement envisagé de ne pas donner une suite favorable à sa demande d’honorariat.
Effectivement l’honorariat lui est refusé au motif qu’il a été condamné pénalement en vertu, si je puis dire, de la loi Gayssot, une douzaine d’années plus tôt. Il a encouru cette condamnation – une forte amende – pour avoir commis un livre, dans lequel il contestait l’histoire officielle.
L'histoire officielle est la marque des pays totalitaires. J’ai à l’esprit deux exemples de remise en cause d’une histoire officielle : le génocide vendéen, nié pendant des décennies par la République française, et le massacre de Katyn, imputé aux nazis au procès de Nuremberg et commis en réalité par les soviétiques. Ce ne sont que deux exemples, mais il y en a bien d’autres.
Que la contestation de l’histoire officielle par cet avocat soit fondée ou non, ce ne devrait en tout cas pas être à la justice d’en juger. Qu’il faille promulguer une loi pour défendre une histoire officielle est d’ailleurs un aveu de faiblesse, puisque cela laisse supposer qu’elle a été promulguée pour faire taire ceux qui ne la gobent pas, et que l'on se trouve à bout d’arguments.
L’avocat en question ne l’est donc plus, même sous la forme honoraire. Mais dans l’affaire c’est son conseil de l’ordre qui s’est déshonoré en assimilant un délit d’opinion à des délits de droit commun. Pour eux en somme commettre un livre anticonformiste est aussi déshonorant que de piquer dans la caisse.
Cette décision est surtout une manière d’avertissement, à l’égard de ceux qui ne veulent pas rester dans le rang, le petit doigt sur la couture du pantalon.
Francis Richard