Cela fait bientôt trois mois que l'affaire Hannibal Kadhafi (ci-contre) a commencé. A l'examen des pièces du dossier il ne fallait pas être extra-lucide pour dire que Muammar Kadhafi, le despote libyen, avait tout le temps devant lui pour régler cette affaire (voir mon article Affaire Kadhafi : Muammar a tout son temps et il le prendra ), à son avantage.
Muammar Kadahfi n'a pas apprécié du tout que son fils Hannibal et sa belle-fille Aline soient arrêtés à Genève, à leur hôtel de luxe, pour sévices et menaces sur les personnes de deux domestiques, qui avaient porté plainte devant la justice genevoise (voir mon article L'emploi chez les Kadhafi c'est sévices compris ), puis que les deux tourtereaux soient libérés sous caution de 500'000 francs 48 heures plus tard.
Dans un premier temps Muammar a donc pris des mesures de représailles : il a notamment fait arrêter deux cadres d'entreprises helvétiques opérant sur le sol libyen sous un prétexte bidon, menacé de fermer le robinet de pétrole libyen pour faire pression sur la Suisse, et fait arrêter la mère et le frère d'un des deux domestiques pour faire pression sur ces derniers.
Dans un deuxième temps il a fait part de ses revendications : les deux domestiques devaient retirer leur plainte,
la justice genvoise abandonner ses poursuites pour contrainte, et les autorités helvétiques présenter des excuses à sa majesté pour l'avoir lésée publiquement en mettant pendant 48
heures son fils chéri à l'abri des geôles genevoises.
Trois mois donc plus tard la situation n'a pas beaucoup évolué sinon à l'avantage du tyranneau pétrolier : en juillet les deux cadres ont été libérés au bout de 10 jours de détention sous
caution de 9'000 francs, mais il leur a été interdit de quitter la Libye; début septembre les deux domestiques retiraient leur plainte contre dédommagement et, du coup, le procureur
général genevois Daniel Zapelli abandonnait ses poursuites pour contrainte, qui était, selon lui, une infraction moins grave que les deux autres
infractions, lésions corporelles et menaces, la caution de 500'000 francs étant restituée aux Kadhafi.
Trois mois donc plus tard, les deux cadres suisses ne sont toujours pas autorisés à quitter le territoire libyen. Et Muammar remettrait la pression pour obtenir des excuses. Le bruit
court (voir l'article d'aujourd'hui de 24 Heures ici ) que la
compagnie libyenne Tamoil cesserait ses livraisons de pétrole à la Suisse. Ce qui ferait surtout du mal à Tamoil qui a 323 stations-service et une raffinerie en Suisse. En
effet le pétrole libyen ne représente pas suffisamment de poids sur le marché helvétique pour inquiéter le consommateur suisse.
Selon le journaliste de 24 Heures les pourparlers entre la Suisse et la Libye seraient dans une phase-clé. Muammar Kadhafi a déjà obtenu beaucoup, si l'on tient compte du comportement barbare de son fils Hannibal, qui, en tant que justiciable a bénéficié d'un traitement de faveur. Il ne faudrait tout de même pas maintenant lui donner satisfaction sur toute la ligne, après avoir tenu bon, ou à peu près, pendant tant de semaines, et finir par baisser son pantalon en lui présentant de plates excuses.
Francis Richard