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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 22:25

Simonetta-Sommaruga.jpgLe 11 mars 2012 le peuple suisse votera sur une initiative populaire qui veut inscrire dans la Constitution fédérale le droit de tous les travailleurs à 6 semaines minimum de vacances payées par an.

 

Si cette initiative devait être approuvée par le peuple, en 2013 déjà, le nombre de jours de vacances payées s'élèverait au minimum à 25, soit à 5 semaines, une semaine de plus qu'actuellement.

 

Chaque année suivante, un jour de vacances payées serait ajouté jusqu'à atteindre un total de 30 jours minimum par an en 2018, soit 6 semaines. Quel employé, a priori, s'en plaindrait ou s'y opposerait, in abstracto ?

 

Cette initiative a abouti le 26 juin 2009. Travail.Suisse ici, "organisation faîtière indépendante de 170'000 travailleurs et travailleuses", concurrente de l'Union syndicale suisse (380'000 membres), a en effet déposé ce jour-là 107'639 signatures valables - plus que les 100'000 nécessaires - avant le délai des 18 mois requis, qui expirait le 15 juillet 2009.

 

Travail.Suisse justifie cette inscription dans la Constitution - un alinéa 4 serait ajouté à l'actuel article 110 sur le travail - par le coût que représenterait le stress (10 milliards de francs par an, selon une étude du SECO), stress qui devrait augmenter de toute façon chaque année, et par une meilleure répartition des richesses :

 

"La productivité du travail a augmenté d’environ 20 pour cent ces dernières années. Les salaires n’ont augmenté que de 4 pour cent dans le même laps de temps [ces chiffres proviendraient de l'OFS]. Une participation justifiée aux gains de productivité sous la forme de vacances supplémentaires est méritée depuis longtemps."

 

Pas de problème de compétitivité internationale :

 

"Dans l’industrie d’exportation et aussi dans des branches du marché intérieur il y a aujourd’hui déjà des règlements de vacances généreux. C’est une question de bonne volonté d’octroyer de bonnes conditions de travail."

 

Un comité interpartis ici s'est constitué pour lutter contre cette initiative. Il comprend - une fois n'est pas coutume - tous les partis du camp bourgeois : UDC, PLR, PDC, PBD, Verts Libéraux.

 

Pour ce comité, cette initiative rigide, imposant sans discussion et sans tenir compte des singularités de chaque entreprise, deux semaines supplémentaires de vacances payées par an, reviendrait à augmenter les coûts des PME - 6 milliards de francs par an - qui sont confrontées déjà de plus en plus à la concurrence internationale et à désorganiser les entreprises de moins de 10 salariés qui représentent 88% de l'économie dans son ensemble.

 

Contrairement à ce que pense Travail.Suisse la bonne volonté se heurterait alors à la dure réalité...

 

Non seulement la compétitivité des entreprises suisses serait mise à mal, mais également l'attractivité de la Suisse pour des entreprises étrangères. La tentation serait forte également de délocaliser pour des entreprises suisses vivement concurrencées. Car les salaires suisses sont élevés en comparaison internationale. Ils ne sont compétitifs que grâce à une durée du travail plus longue qu'ailleurs... et à des charges sociales plus basses.

 

Bref les premiers pénalisés seraient les travailleurs, comme les appelle Travail.Suisse, terme que reprend à son compte le comité interpartis opposé à cette initiative, après avoir parlé d'employés... Ils seraient d'autant plus pénalisés que dans bien des cas pour absorber le coût supplémentaire, faute de pouvoir augmenter les effectifs, les entreprises seraient contraintes de demander à leurs employés d' "accomplir le même travail en moins de temps" : 

 

"Concrètement, cela signifierait plus d’agitation sur le lieu de travail et plus de stress pour toute l’équipe."

 

Le PS , les Verts (mollement), la gauche en général, soutiennent les "6 semaines de vacances pour tous", une façon comme une autre d'imposer une diminution de la durée du travail qui a fait ses preuves en France, par exemple, comme chacun sait : chômage et perte réelle de compétitivité à la clé.

 

Quand on devient ministre, on prend davantage conscience des réalités. Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale socialiste [dont la photo provient d'ici], Chef du Département fédéral de justice et police, en est la confirmation. Dans un communiqué du 17 janvier 2011 que l'on peut trouver sur le site de son département ici on peut lire :

 

"Les considérations qui sont à la base de l’initiative sont  [...] judicieuses et doivent être prises au sérieux. Mais l’initiative ne garantit toutefois pas que la pression sur les travailleurs diminuera. Elle ne dit pas, en effet, comment les absences prolongées dues aux vacances seront compensées dans les entreprises. La question reste donc ouverte de savoir si l’acceptation de l’initiative se ferait sur le dos des employeurs ou des employés.

 

Si, pour des raisons financières ou autres, les employeurs n’engagent pas de personnel supplémentaire pour compenser les absences prolongées dues aux vacances, l’initiative manquera son but. En effet, tant que le travail ne sera pas réparti entre plus de personnes, les travailleurs ne seront pas déchargés ; au contraire, la pression qui s’exercera sur chaque individu s’accentuera.

 

À l’inverse, si les employeurs engagent plus de personnel, leurs coûts augmenteront. Chaque semaine de vacances alourdit les coûts salariaux d’environ 2 %. Les petites et moyennes entreprises, tout particulièrement, pourraient avoir du mal à supporter une hausse des coûts salariaux, indépendamment de la situation économique. Des coûts salariaux plus élevés grèveront l’ensemble de l’économie suisse, et sa compétitivité s’en ressentira."



Ces temps, certains, et certaines, socialistes suisses, faisant preuve d'un bon sens inattendu, ne finissent pas de me décevoir ... en bien.

 

Francis Richard

 

L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.

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commentaires

B
<br /> Tout cela n'a rien à faire dans la Constitution<br /> <br /> <br /> Si on pouvait souligner cette affirmation dans ces commentaires, je le ferais trois fois !<br />
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L
<br /> Et puis sans doute inscrire dans la Constitution, pas moins, un grand bouquet de fleurs, une boîte de chocolats fins, la mise à disposition d'un camping-car ou d'une chambre d'hôtel au choix<br /> durant toutes les vacances !?... Un employé loue sa force et son savoir, son expérience, un employeur loue cela pour parvenir à produire, le tout sur un contrat librement et complètement débattu,<br /> équilibré sur la base d'une échelle des valeurs du travail. Tout cela n'a rien à faire dans la Constitution sauf le principe général peut-être, c'est tout. Les vacances sont prises librement par<br /> accord entre les parties et ne doivent en aucun cas être codifiées ! C'est une affaire individuelle. Personne n'a vocation à vivre comme les poulets en batterie avec de la lumière de telle heure<br /> à telle heure, de la nourriture standard distribuée à telle heure, la ponte exigée à telle heure... Le modèle français est le modèle de tout ce quil ne faut pas faire. Dailleurs, j'ai une<br /> histoire simple : alors aux USA, un Américain de ma connaissance que nous employions là-bas m'a demandé : "Et vous ? Est-ce que vous partez aussi en vacances à la queue leu leu sur les autoroutes<br /> en même temps que tout le monde ?" Quand je lui ai répondu que non surtout pas, il a été soulagé d'apprendre qu'il n'avait pas affaire à un directeur de type mouton dit de "Panurge"... Voilà.<br />
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F
<br /> <br /> L'uniformisation du mode de vie est une des caractéristiques à quoi l'on reconnaît les Etats-providence : il ne faut surtout rien laisser au hasard.<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Il a bon dos, le stress, pour "justifier" l'augmentation du droit aux vacances. Ce mot magic "stress" décrit un sentiment non mesurable, non quantifiable mais par contre facilement manipulable.<br /> En associant "stress" à "plus de vacances" ou à "moins de travail", tout le monde (ou prèsque) se souvient tout d'un coup de la dernière situation de stress ... au travail.<br /> <br /> <br /> Le stress subi pendant les dernières vacances est rangé aux oubliettes : la longue queue d'attente dans l'aéroport, les bouchons sur l'autoroute du Midi ou du Valais, la chambre d'hôtel qui n'est<br /> pas prête à l'arrivée ....<br /> <br /> <br /> Je pense à mes parents, grand-parents et même à mes premières expériences en tant que "travailleur" (quel joli mot) : 50 heures ou plus par semaine, horaires strictes (pas moyen de prolonger la<br /> pause midi de quelques minutes), pas de congé pour des cas exceptionnel (un enfant malade à la maison), pas de discussions entre co-travailleurs pendant le travail.<br /> <br /> <br /> Ah, je me sens déjà stressé devant mon PC et je ne suis pas encore à ma place de travail ... vite, des vacances !<br />
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F
<br /> <br /> Merci pour cet excellent commentaire qui remet les choses à leur place.<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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