Demain s'ouvre le procès des parents de Mademoiselle Do Thuy Tien. Elle est la fille aînée de l'écrivain dissidente Tran Khai Thanh
Thuy et de Do Ba Tan dont j'ai parlé hier dans mon article Des peines de plusieurs années de prison pour les dissidents
vietnamiens . Actuellement elle réside à Montpellier où elle étudie les Langues Etrangères Appliquées.
Cette lettre ouverte ici [d'où provient la photo de Do Thuy Tien], que je publie ci-après, montre que la fermeté face à la
dictature communiste vietnamienne n'attend pas le nombre des années. Elle est aussi un témoignage sur une femme et sur un homme qui sont loin d'être les criminels
que le régime s'apprête à condamner sévèrement pour des méfaits qu'ils n'ont même pas commis.
Francis Richard
Montpellier, le 1er février 2010
Chère Maman, cher Papa
Une fois de plus, je vous écris pour exprimer tout mon amour et, surtout pour partager toutes mes inquiétudes avant votre passage devant le tribunal pour un procès dont le motif est tout à fait ridicule et dont le verdict est sûrement déjà décidé depuis longtemps, même avant que les incidents invoqués ne se soient déroulés comme dans un cauchemar.
Maman, papa, vous êtes accusés de « brutalités physiques mettant en danger la vie d’autrui " alors que combien de fois j’ai assisté de mes propres yeux, les menaces proliférés par des voyous qui passent et repassent devant notre maison, les bousculades au marché, les violations de domiciles, et que sais-je encore. Ni toi papa, ni toi maman vous n’avez répondu à ces attaques. Vous préférez prendre à témoin, tous les Vietnamiens, grâce à votre plume, pour expliquer les maux de notre société, gouvernée par une dictature qui ne pense qu’à ramasser l’argent. Je sais bien que le 8 octobre dernier, le jour où on vous avait trainé au poste de police encore ensanglantés, vous étiez condamnés à vivre un procès inique, à sens unique. On avait ignoré vos blessures et on vous accusait d’avoir blessé des personnes que vous n’avez jamais rencontrées.
Je suis inquiète car le gouvernement durcisse ces derniers temps à cause de la montée des protestations, de la part des bloggeurs, des catholiques qui ne supportent plus qu’on vole sans cesse les propriétés des églises, des avocats qui ne supportent plus qu ’on bafoue la justice dans notre pays. La preuve est qu’ils viennent de condamner très sévèrement Tran Huynh Duy Thuc et les autres combattants de la démocratie.
Je m’inquiète mais je suis confiante, même si jusqu’à ce jour, le gouvernement vietnamien semble ignorer les protestations des gouvernements des démocraties. Je persiste à croire qu’un geste plus significatif de la part de ces gouvernements fera pencher la balance en faveur des démocrates vietnamiens, surtout si ces gestes sont amplifiés par une manifestation des médias du monde libre, par une condamnation sans appel.
Je ferai de tout mon possible pour que le gouvernement français et que les médias d’Europe s’intéressent à votre procès, qui est en fait le procès de tous les Vietnamiens épris de liberté, de démocratie. Soyez courageux comme vous l’avez toujours été jusqu’à ce jour et je le serai aussi, car nous croyons tous que la vraie justice se fera un jour et la démocratie triomphera.
Je vous embrasse bien fort
Votre fille qui vit très loin de vous mais qui regrette de ne pas être à vos côtés.
Do Thuy Tien
PS du 5 février 2010
Tran Khai Thanh Thuy et son mari Do Ba Tan ont été condamnés aujourd'hui respectivement à 42 mois d'emprisonnement et à 24 mois d'assignation à résidence.
Nous en sommes au
565e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani (de
droite à gauche), les deux otages suisses en Libye