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20 juillet 2024 6 20 /07 /juillet /2024 21:15
Le Monde des Orindis - Azzam, de Zelda Chauvet

Après le point de vue de Léa, dont Marie-Christine Horn a été l'interprète, ce volume donne celui d'Azzam par la voix de Zelda Chauvet. Qui est-il? L'amant de Léa, venu de l'Autre Monde, Le Monde des Orindis. Il est différent des humains puisqu'il a des ailes et les pieds griffus.

 

Au grand dam de Léa, l'Élue, il retourne donc avant elle, sans elle, à Övrigdomhan, parce qu'il n'est pas à l'aise parmi les humains et qu'il sait avoir une mission à accomplir. Son père, Kendir, guérisseur visionnaire, qui l'a initié aux rites anciens, lui a ainsi adressé ces dernières paroles:

 

Azzam, lorsque la nuit viendra à toi, il te faudra accepter ta destinée, ou ce sera elle qui te choisira.

 

Il ne le sait pas, mais Övrigdomhan, l'Autre Monde, est menacé. Il y est accueilli par son frère, Anwar, qui l'attendait et qui, depuis son départ, est devenu Al-Sayad, c'est-à-dire le nouveau souverain des airs. Il est la clé de la victoire, car la maîtrise des vents est une arme insuffisante.

 

Son frère ne lui a pas menti. Tout l'écosystème d'Övrigdomhan est en train de mourir: La végétation autrefois si luxuriante s'était fanée, asséchée. Aussi se rend-il à Verleven, le village des patrouilleurs, après avoir suivi le zorgh Staëgus, puis Saril le compagnon de Seth, pour l'aller voir.

 

Là Valeria, la femme de Nobek, lui explique quelle est l'ultime chance pour sauver leur monde où le mal détruit tout: Il existe un sort ancestral qui n'a jamais été pratiqué, car il demande la réunification des quatre puissants esprits. Tu les connais déjà: Machimba, Shawoo, toi et moi.

 

Dans cet épisode, qui est le même que celui vécu par Léa, mais vu par Azzam, l'aventure est au rendez-vous, faite de péripéties, de trahisons réelles et imaginaires, de combats épiques entre créatures fantastiques qui font tout le charme du monde des Orindis, c'est-à-dire des arbres-monde.

 

Peu avant la fin du récit, a lieu la cérémonie décisive des guérisseurs: Redonner vie à Övrigdomhan était notre mission, peut-être y en avait-il d'autres. Si le sort ancestral était vrai, nous serions non seulement en mesure de sauver notre monde mais également de ressusciter un être perdu...

 

Francis Richard

 

Le Monde des Orindis - Azzam, de Zelda Chauvet, 126 pages, OKAMA

 

Autres livres de la collection Heyoka:

 

Léa, roman collectif de quatorze auteurs, dont Zelda Chauvet

Agente spéciale en mission, Tiffany Schneuwly

Rýtingur hotel, Stéphanie Glassey, Fabrice Pittet, Estelle Tolliac, Olivier May et Marie-Christine Horn

Oul le Porteur de pierres, Carmen Arévalo

Seth le Valeureux, Fabrice Pittet

Le Monde des Orindis - Léa, Marie-Christine Horn

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19 juillet 2024 5 19 /07 /juillet /2024 21:25
La Chaussure rouge, de Raymond Delley

L'expression Le rouge est mis, qui signifie que Les jeux sont faits, pourrait résumer le roman policier de Raymond Delley, mais reste à savoir quels ils sont. En tout cas le titre, La chaussure rouge, n'a pas été choisi au hasard par l'auteur, car c'est la couleur d'une chaussure perdue dans un pré qui lui donne son ton.

 

Un inspecteur à la retraite dira un jour à celui qui la mène: Je t'avoue que c'est la première fois que je vois ça: une couleur comme indice principal dans une enquête. L'inspecteur Gachet a eu connaissance de cette chaussure par son ami le professeur Ducret qui, en roulant, l'a aperçue dans son écrin d'herbe mouillée:

 

Elle gisait dans l'herbe, à quelque pas d'un chemin montant qui s'ouvrait sur la droite de la route et qui aboutissait deux cents mètres plus haut, à une grande maison qu'on apercevait parmi les arbres, au milieu d'un vaste parc.

 

Le digne professeur de philosophie au Collège St-Michel, à Fribourg, a ramassé ladite chaussure d'un rouge étincelant et l'a remise à son ami l'inspecteur. Ce qui a excité la curiosité de l'inspecteur Gachet, c'est la couleur rouge de l'objet. Qui lui a rappelé l'affaire d'une disparition non résolue dix-sept ans plus tôt.

 

L'inspecteur Gachet est connu pour son rationalisme qui lui a permis de résoudre nombre d'affaires criminelles par le passé. Mais, là, il ne lui a servi de rien. Aussi ne se console-t-il pas, ce vendredi 9 décembre 20221, de n'avoir plus que douze jours avant de prendre sa retraite sans avoir résolu le dossier Marie Gervais.

 

Il en est d'autant plus chagrin qu'il a promis à la mère de Marie, alors âgée de dix-huit ans, de la retrouver, morte ou vive. Cette disparition l'avait d'autant plus touché qu'il avait lui-même perdu sa fille Julie, au même âge, morte d'une overdose, sans qu'il ait réussi à l'empêcher de partir à la dérive, par incompréhensions.

 

Contrairement donc à sa méthode d'investigation rationnelle habituelle, Gachet va écouter son intuition. Ce qui va lui permettre de faire des rapprochements improbables entre cette disparition et une autre, celle d'un vieux paysan, qui s'est produite ce même mois de mai 2005 et dont s'était occupé alors un de ses collègues.

 

Des coïncidences de lieux, de dates, de personnes, qui avaient échappé à tous, lui y compris, n'en seront plus et ses derniers jours d'activité seront consacrés à ces deux affaires dont il sait très vite, sans pouvoir se l'expliquer, l'intuition vous dis-je, qu'elles sont liées et que le pire et le meilleur s'y trouvent hélas mêlés.

 

Abandonne-t-il pour autant tout raisonnement? Que nenni. Peut-être est-il parvenu, en quelque sorte, à cet idéal rare auquel tout bel esprit devrait tendre et dont Blaise Pascal était l'illustration implicite: être à la fois géomètre et fin, ce qui, par les temps qui courent, ne se rencontre guère dans l'espèce dite humaine. 

 

Francis Richard

 

1 - L'auteur ne donne pas l'année, mais le lecteur la déduira facilement...

 

La Chaussure rouge, Raymond Delley, 384 pages, Éditions de l'Aire

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Quelques jours en automne (2019)

Comment je suis devenu écrivain (2023)

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12 juillet 2024 5 12 /07 /juillet /2024 22:30
Le Monde des Orindis - Léa, de Marie-Christine Horn

Léa est retournée dans sa Bretagne natale. Azzam l'y a suivie. Mais, comme avec ses ailes il est différent des autres, il sent qu'il y est considéré comme un monstre et décide de retourner dans l'Autre Monde qu'il n'aurait jamais dû quitter, même pour être avec Léa:

 

Il était définitivement parti. Je me sentis glisser au sol et entendis mon coeur se briser comme une pierre.

 

Un départ peut en cacher un autre. Sa mère la quitte à son tour pour aller chez une amie d'enfance, pour une durée indéterminée, les laissant elle et son frère Loïc, leur oncle Tristan (le frère de leur père Mick disparu en mer) s'occupant de lui pendant son absence.

 

Même si elle voue l'Autre Monde aux gémonies, depuis que Azzam y est reparti sans elle, Léa n'a pas coupé tous les liens avec Övrigdomhan, l'île où il se situe. Elle a en effet le don de télépathie et un jour Staëgus, un zorgh de là-bas, entre en contact avec elle par ce canal.

 

Elle, qui a été considérée comme l'Élue par les habitants, ne peut rester insensible à sa demande de revenir au plus vite. Aussi prend-elle la mer avec son bateau et se dirige-t-elle vers les trois rochers qui bordent le Triangle où se trouve le passage vers l'Autre Monde.

 

La fois précédente, c'était à l'occasion d'un naufrage qu'elle s'y était retrouvée. Cette fois, un étrange personnage marin, Babo, l'incite à se jeter à l'eau, la transporte en direction de l'Autre Monde et la laisse en vue d'une plage de l'île mythique, vers laquelle elle nage.

 

Une nouvelle menace s'est abattue dans le Monde des Orindis, c'est-à-dire des arbres de vie, ce qui n'est pas sans rappeler le temps où sévissait Wargok le Cruel. Car une tempête de sable l'a de nouveau asséché et rendu aride, et les Orindis y dépérissent à nouveau.

 

Dans cet épisode, Marie-Christine Horn fait parler Léa à la première personne. Le lecteur n'ignore donc rien de ses tourments et de ses réflexions quand elle voit péricliter ce monde aux habitants fantastiques, tels que les Sils, les animoïkis, les zorghs ou les chunioles:

 

Une fois en l'air, les rayons de soleil illuminaient la partie transparente de ces bestioles en renvoyant des scintillements, à l'image d'une danse de pixels totalement fascinante.

 

Un sort semble s'acharner sur Övrigdomhan. La solution n'est-elle pas de réunir ses guérisseurs: Shawoo, Valeria, Machimba et... un quatrième qui s'est bien gardé de dire à Léa qu'il a reçu le don des éléments à la naissance? Ils pourraient alors activer le sort salutaire.

 

Auparavant, Léa, puisqu'après tout elle est l'Élue, se doit de trouver ce qui a rompu l'équilibre et le réparer: Dans chaque univers, il est toujours un danger. Il n'y a pas de bien sans mal et de mal sans bien. Quand elle l'aura trouvé, l'eau sera son alliée la plus précieuse...

 

Francis Richard

 

Le Monde des Orindis - Léa, Marie-Christine Horn, 160 pages, OKAMA

 

Livres précédents de l'auteure:

 

Le nombre de fois où je suis morte, Marie-Christine Buffat, 128 pages, Xenia (2012)

Tout ce qui est rouge, Marie-Christine Horn, 386 pages, L'Âge d'Homme (2015)

La piqûre, Marie-Christine Horn, 288 pages, Poche Suisse (2017)

24 heures, Marie-Christine Horn, 96 pages, BSN Press (2018)

Le cri du lièvre, Marie-Christine Horn, 112 pages, BSN Press (2019)

Dans l'étang de feu et de soufre, Marie-Christine Horn, 136 pages, BSN Press (2021)

Sans raison, Marie-Christine Horn, 136 pages, BSN Press - OKAMA

 

Autres livres de la collection Heyoka:

 

Léa, roman collectif de quatorze auteurs, dont Marie-Christine Horn

Agente spéciale en mission, Tiffany Schneuwly

Rýtingur hotel, Stéphanie Glassey, Fabrice Pittet, Estelle Tolliac, Olivier May et Marie-Christine Horn

Oul le Porteur de pierres, Carmen Arévalo

Seth le Valeureux, Fabrice Pittet

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30 juin 2024 7 30 /06 /juin /2024 17:00
Seth le Valeureux, de Fabrice Pittet

Dans ce volume Fabrice Pittet invite le lecteur à retourner à Övrigdomhan, l'Autre Monde, lieu où se déroulent plusieurs aventures fantastiques de la collection HeYoKa.

 

Cette fois-ci le héros est Seth le Valeureux. C'est un patrouilleur dont la mission et le destin sont de protéger ce monde, son monde, contre une terrible menace, mystérieuse.

 

En effet il s'agit de la menace d'animaux qui subissent d'étranges mutations. C'est pourquoi il leur a été donné le nom d'Altérés. Des hordes de ces créatures envahissent le territoire.

 

D'où vient le Mal qui atteint ces animaux de tout acabit? Telle est la question. Une fois connue la réponse, Seth se met en quête de l'anéantir avec des compagnons d'arme.

 

Son mentor, Alkar, est une vraie force de la nature. Il lui appris à se défendre et, bien qu'âgé et d'humeur inégale, il peut compter sur lui pour combattre le Mal sans faiblir.

 

Les rejoint Milo, un jeune garçon, petit, chétif, qui voit mal, ce qui le dessert, un orphelin intrépide qui lui a été confié pour en faire un combattant aguerri, un patrouilleur.

 

Au cours de cette geste, ils rencontreront un diablotin, qui ne sera pas de trop pour venir à bout du monstre à l'origine du Mal,  décrit comme un immense scarabée blanc.

 

Chacun des quatre contribuera à cette lutte épique, car leurs armes, mentales et physiques, sont complémentaires. Chemin faisant, ils trouveront des alliés pour la mener à bien.

 

Un monstre peut en cacher un autre, au service de la malfaisance, telle est l'une des leçons de cette histoire, où la moralité tragique n'est pas de survivre mais de vaincre le Mal.

 

Francis Richard

 

Seth le Valeureux, de Fabrice Pittet, 168 pages, Okama

 

Autres livres de la collection Heyoka:

 

Léa, roman collectif de quatorze auteurs

Agente spéciale en mission, Tiffany Schneuwly

Rýtingur hotel, Stéphanie Glassey, Fabrice Pittet, Estelle Tolliac, Olivier May et Marie-Christine Horn

Oul le Porteur de pierres, Carmen Arévalo

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28 juin 2024 5 28 /06 /juin /2024 18:00
La Princesse celte, de Philippe Favre et Olivier May

Le roman historique de Philippe Favre et d'Olivier May plonge le lecteur à l'époque du Premier Âge de fer, c'est-à-dire autour de 500 ans avant J-C.

 

L'héroïne en est une jeune fille, Aruna1. À la suite de la mort d'un échanson à Gamuso2, dont son père est le chef, elle doit le remplacer dans un convoi.

 

Le magistrat suprême de la cité étrusque de Felzna3 envoie en effet par convoi, à titre de don, à La Princesse celte de Sekuadunon4 un énorme kratère5.

 

Ce kratère en bronze est destiné à un banquet qui doit avoir lieu dans la ville dont Eponea est la princesse et où des délégations de tout le pays se rendront.

 

Le voyage ne se déroule pas tranquillement, car le pouvoir d'Eponea, la magala, est contesté, la mort imprévue d'un des deux échansons à Gamuso en atteste.

 

Pourtant:

Depuis que les femmes gouvernent, au lieu des incessantes luttes de pouvoir entre chefs de clan, c'est une prospérité sans pareille que nous connaissons,

confiera Brixia6 à Aruna.

 

Les deux échansons, qui connaissent le métier, doivent servir le vin aux convives du banquet et Aruna, disciple du druide Larth, doit l'apprendre en chemin.

 

Ce récit épique est l'occasion pour les auteurs de ressusciter un monde disparu et ils le font avec beaucoup de science, dont ils instruisent avec détails le lecteur.

 

Le livre comporte notamment:

  • un glossaire de la langue celtique
  • la liste des personnages par ville
  • une bibliographie
  • la liste des lieux

 

et, en annexes:

  • l'itinéraire suivi par le convoi
  • les photos du cratère et autres objets d'époque
  • la liste des lieux en langue celte et actuellement

 

Le livre est une mine pour qui s'intéresse aux croyances, aux moeurs, aux armes de cette époque lointaine, bien que proche au regard de la longue histoire de l'humanité.

 

C'est une épopée, dans le sens qu'il y a des batailles et des héros, des moments sublimes et des moments tragiques, des trahisons et des amitiés, des morts et des vivants. 

 

Un élément donnera matière à réflexion au lecteur, qui, sans l'écriture latine, ne prendrait pas connaissance de cette épopée restituée savamment par les deux auteurs.

 

Larth, le maître d'Aruna, lui a dit un jour:

 

Les Grecs et les Rasna7 tracent les signes; nous les Keltoi 8 , nous y refusons. C'est une invention dangereuse car elle met la connaissance accumulée et transmise par des générations de sages à portée de ceux qui ne le sont peut-être pas. Le savoir n'est pas destiné à celui qui veut s'en servir mais à celui est prêt à le servir. C'est pourquoi la seule connaissance qui vaille est celle qui réside à demeure dans votre esprit, pas celle gravée dans le bois, la terre cuite ou la pierre.

 

Comme le commentent les auteurs: Cette règle imposait l'apprentissage par coeur. Le fait est qu'Aruna a une bonne mémoire et, de plus, ne manque pas d'intuition...

 

Francis Richard

 

1 - Son portrait est en couverture du livre

2 - Gamsen (Suisse)

3 - Bologne (Italie)

4 - Vix (France)

5 - Vase antique d'une contenance de 1100 litres et d'un poids de 108 kg, acheminé par un marchand de Tartocladia, Golasecca (Italie)

6 - La bann drui, femme druide, venue de Combero, Bar-sur-Seine (France)

7 - Les Étrusques

8 - Les Celtes

 

La Princesse celte, Philippe Favre et Olivier May, 312 pages, Favre

 

N.B.

Pour ceux qui voudraient en savoir davantage, Philippe Favre a créé le site de La Princesse celte...

 

Livres précédemment chroniqués de Philippe Favre aux éditions Favre:

1352 - Un médecin contre la tyrannie (2014)

Cortex (2016)

 

Livre précédemment chroniqué d'Olivier May aux Éditions Encre Fraîche:

Djihad Jane (2016)

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22 juin 2024 6 22 /06 /juin /2024 17:45
Passeport pour l'oubli, de Geoffroy de Clavière

Dans la confusion des trombes d'eau hachées par le balai lancinant des essuie-glaces, Simon observait, sans y croire, le spectacle froissé d'un homme qui enlaçait Roxane dans un trou noir.

 

Simon La Brosse, un patronyme qui lui va comme un gant, est galeriste d'art. Il vient d'acquérir de main de maître un Rouault1 et veut fêter ça avec sa femme Roxane. 

 

En vain il a essayé de la joindre sur son portable. Et pour cause. Au volant de sa Range Rover il la voit sortir de la brasserie de l'Alma à Paris et se laisser embrasser.

 

Il suit le couple qui monte dans la Mini Cooper de Roxane, l'inconnu ayant pris le volant, jusqu'à la boutique de sa femme au-dessus de laquelle se trouve un studio.

 

À leur suite il pénètre dans le studio. Sa femme le regarde dans un miroir, puis tombe à la renverse. Il reçoit lui-même un coup à la tête qui lui fait perdre connaissance.

 

Les deux se retrouvent à l'Hôpital Saint-Antoine, elle dans le coma, lui traumatisé, après que Kitty l'assistante de Roxane, ayant entendu du bruit a appelé les secours.

 

Simon n'est pas au bout de ses peines. L'un après l'autre ses proches sont victimes d'agressions qui, pour d'aucuns, se révèlent mortelles. C'est à n'y rien comprendre.

 

Pour élucider ces énigmes, le commissaire Karl Bosch et son équipe ne disposent que de peu d'éléments, sauf que Simon semble visé à travers toutes ces victimes.

 

Ces agressions, qui se produisent en 2014, semblent avoir leur origine dix ans plus tôt. Sinon pourquoi donc Geoffroy de Clavière y aurait-t-il situé son prologue?

 

Quoi qu'il en soit, le lecteur, comme les policiers, doit attendre que Simon, peu à peu, exhume de son passé ce qu'il y a enfoui profond pour en trouver l'explication.

 

Quant au titre, Passeport pour l'oubli, il ne s'explique qu'après avoir lu l'épilogue. C'est dire que l'auteur, avec maestria, sait ménager le suspense, sinon son lecteur.

 

Fini les boîtes noires, les non-dits et les mensonges. Désormais, place à la lumière! conclut ce récit, qui est fou et tragique, et, par le nombre de victimes, shakespearien... 

 

Francis Richard

 

1 - Peintre français (1871-1958)

 

Passeport pour l'oubli, Geoffroy de Clavière, 320 pages, Slatkine

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19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 22:40
Déranger les morts, de Maxime Rutschmann

À force de persévérance - de courage, diront les plus flatteurs -, je suis en mesure de vous confier une série de biographies post-mortem qui, assurément et en toute modestie, ne pourront qu'éveiller chez vous curiosité et intérêt.

 

Ces dix biographies se terminent par la mort de leurs protagonistes. Avec le souci méticuleux de situer leurs histoires personnelles dans l'histoire de leur temps, l'auteur se penche sur leur passé sans ménagement.

 

Une des particularités de ces nouvelles qui ont lieu à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle est que leurs protagonistes, du moins certains d'entre eux, se croisent d'une biographie à l'autre, semble-t-il fortuitement.

 

Une autre particularité est que l'existence et la mort d'aucun d'entre eux ne sont banales. Le narrateur a donc raison de dire, sans forfanterie, que le lecteur y trouvera de quoi éveiller à la fois sa curiosité et son intérêt.

 

Le journaliste du premier récit dévoile un scandale en 1947 auquel se trouve mêlé un ministre, mais son rédacteur en chef s'en approprie la découverte. Quelques années plus tard, parti en reportage, il périt en mer...

 

Les dessous de ce scandale sont racontés d'ailleurs dans la dernière biographie du recueil, mettant en scène un couple fusionnel de jumeaux, garçon et fille, qui ne sont de loin pas des anges et défrayent la chronique.

 

Cette même année 1947, des agents de police font chou blanc quand ils se présentent au domicile d'une infirmière, qui, dans un asile genevois, empoisonne en musique les pensionnaires pour abréger leurs vies folles.

 

En 1948, une ancienne pianiste, qui, il y a longtemps, a arrêté sa carrière dans d'étranges circonstances, croise les jumeaux évoqués ci-dessus et va jusqu'à les héberger plus tard dans la maison où elle va finir sa vie. 

 

Dans l'asile genevois où a sévi l'infirmière assassine, un orphelin passe trente ans de sa vie, s'en échappe, se retrouve sur le bateau qui fait naufrage avec le journaliste, en réchappe, retourne en Europe, y tire sa révérence.

 

Les autres récits relatent les vies d'une riche héritière d'une industrie pharmaceutique, d'une pensionnaire de maison de retraite affabulatrice, d'une gérante de kiosque à journaux, de son fils espion, d'une artiste de cirque.

 

Comme dans les autres récits, il y a des connections entre elles. Elles sont racontées par un narrateur qui adopte le ton d'un historien comme s'il s'agissait d'histoires vraies, assorties toutefois de remarques assez ironiques.

 

Le lecteur, séduit, approuvera ce que Maxime Rutschmann dit de ces récits par la voix de son narrateur qui a le mérite de la franchise, et la conscience de sa valeur, laquelle, on le sait, n'attend pas le nombre des années:

 

Que ces personnages aient été inventés - qu'ils aient germé tout cru dans ma tête - ou qu'ils aient réellement une place dans l'histoire du monde a-t-il, au fond, tant d'importance? Car ce sont des choix orientés et subjectifs, à la fin, qui décident de la place des humains dans notre mémoire collective. Pourquoi ne pas les choisir eux.     

 

Francis Richard

 

Déranger les morts, Maxime Rutschmann, 190 pages, Plaisir de Lire

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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 19:30
La Maison des jouets, de Carlos Henriquez

Je m'appelle Hugo Balast. Je suis fouille-merde professionnel. Un fouille-merde professionnel en vacances. Tout seul. J'ai atterri dans un village perdu pour y passer quelques semaines de congé. Tu parles d'un bled. Sans GPS, je me serais sûrement perdu. Et même avec, ce n'était pas gagné.

 

Il est tout seul, parce qu'avec sa femme Agathe, il y a de l'eau dans le gaz. C'est pourtant bien elle qui a réservé La Maison des jouets, comme l'ont baptisée leurs enfants Emma et Raphaël en regardant les photos sur l'ordinateur.

 

Il s'apprête donc à passer les trois premières semaines d'août 2018 tout seul dans cette maison, qui est plus qu'assez grande pour un couple et deux enfants et située dans un bled, Chartan-sur-Trille, un microcosme où tout se sait.

 

Chassez le naturel, il revient au galop. Hugo ne peut pas rester tranquille à se regarder le nombril et à cuire au soleil pendant cet été caniculaire, si bien que la Maison des jouets s'avère être en fait la Maison des secrets, enfouis.

 

Comme tout se sait, bien que la curiosité soit un vilain défaut, largement partagé, Hugo ne peut faire un pas ou un brin de conversation sans que la rumeur sur ce qu'il a fait ou dit ne se propage, avec toutes les déformations d'usage.

 

Aussi Hugo est-il très occupé pendant ce séjour, qui, finalement, n'est pas de tout repos. Son créateur, Carlos Henriquez, prête à Hugo son humour, qui n'est jamais aussi réjouissant que dans les dialogues qui émaillent le récit.

 

Tout le petit monde chartais ne se réjouit pas de ce que découvre Hugo en explorant la Maison des jouets et en fouinant ici et là, comme il ne se réjouit pas de ce qu'il apprend pour ce qui les concerne, lui et sa propre famille.

 

Hugo, professionnellement, fouille la vie de ses semblables, alors que la sienne est insignifiante. Il finira bien grâce à ce break par lui donner un sens. Comment? C'est justement ce que raconte ce livre que le lecteur quitte à regret.

 

Hugo apprendra ainsi que, si toute vérité est bonne à connaître, elle ne peut toutefois pas être dite à n'importe qui. De plus, pour qu'elle ne soit pas blessante inutilement, encore faut-il que, pour ce faire, des formes soient mises.

 

Francis Richard

 

La Maison des jouets, Carlos Henriquez, 384 pages, Bernard Campiche Editeur

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9 juin 2024 7 09 /06 /juin /2024 19:55
L'île pommelée de moutons blancs, de Serge Bimpage

Ce roman aurait dû s'appeler L'île à la mer pommelée de moutons blancs. Mais ce titre n'aurait pas eu la touche poétique que l'omission de l'expression à la mer lui donne.

 

Quelle est cette île, lieu mythique de ce récit? Lipari, une des six Éoliennes, qui sont à quelques encâblures de la Sicile, et dépendent d'ailleurs de la province de Messine.

 

Le narrateur a eu l'idée saugrenue d'y acheter une ruine dans le but de la restaurer. En fait il parle plutôt de la restructurer. Car pour lui est venu le moment d'un point de fuite:

 

Point imaginaire, destiné à aider le dessinateur à construire son oeuvre en perspective.

 

C'est à partir de cette île qu'il veut faire sienne, en l'habitant et en l'explorant dans le temps et dans l'espace, qu'il pourrait commencer un nouveau voyage, une nouvelle vie.

 

Dans le temps, cela veut dire évoquer des figures qui en ont foulé le sol et qui sont en lien avec la souffrance, tels San Bartolomeo, Barberousse ou encore Nello Rosselli.

 

Dans l'espace, cela veut dire en faire le tour, se rendre dans les autres îles de l'archipel, telle Stromboli, dont le volcan, à la fumée papale, ronfle et lui fait des signes amicaux.

 

Aussi cherche-t-il à se faire une place, un chez lui, parmi les Liparotes implantés, tels les frères poètes, le Schiavo, l'Iguane, Matteucia, Anna, Angelo, Enzo, le Dadais, Mago.

 

En réalité, ni le lieu ni la présence des autres ne sont aussi importants que cela, en définitive:

Je ne finirai pas de l'apprendre jusqu'à mon dernier souffle: ne plus disposer, pour toute présence au monde, que de soi, est l'expérience la plus existentielle qui soit.

 

Il ne finira pas non plus d'apprendre jusqu'à la fin à dialoguer avec celui qu'il appelle son jumeau paraphrénique, son double impitoyable:

Celui qui sait être moi sans l'être. Capable de distance, d'humour et de dérision, autant de qualités que la vie chez moi érode. Enfin, pas tout à fait.

 

Il ne se contentera donc pas d'être sur Lipari, mais en parlera de manière singulière et le résultat en sera ce livre que le lecteur tient entre ses mains, où l'imagination a la part belle.

 

Francis Richard

 

L'île pommelée de moutons blancs, Serge Bimpage, 160 pages, Slatkine

 

Livres précédents:

 

La peau des grenouilles vertes (2015)

Déflagration (2020)

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8 juin 2024 6 08 /06 /juin /2024 21:50
Nouveaux Lieux communs, de Richard Millet

Les Nouveaux Lieux communs sont au nombre de trois cents. Ce sont des formules toutes faites, des pensées toutes prêtes, des expressions toutes bêtes avec lesquelles la bien-pensance, i.e. le camp du Bien, a réussi à, et continue de, façonner des esprits.

 

Font partie de la bien-pensance ceux qui disent être des animaux comme les autres et refusent le fait "racial" mais non la racisation la plus pointilleuse:

L'homme est à lui seul une arche de Noé proche de la nef des fous.

 

Font partie de la bien-pensance ceux qui considèrent que l'islam est une religion d'amour:

Autant demander à un "émir" de Daech de disserter sur  l'Imitation de Jésus-Christ ou à Ben Laden d'apprécier une homélie de Benoît XVI.

 

Font partie de la bien-pensance ceux qui veulent détruire la famille, devenue "cellule familiale", dans l'ambiguïté, bien sûr, du mot "cellule", qui fait sonner aussi bien la "cellule souche" que la geôle:

La haine de la famille se porte toujours aussi bien, sauf quand elle est benoîtement appelée "recomposée","monoparentale", ou qu'on n'use point du baragouin "maman solo".

 

Font partie de la bien-pensance les soi-disant progressistes, qui maltraitent la langue française:

Écoutant parler les jeunes gens, pour la plupart, on a l'impression de se trouver en un état de catastrophe linguistique devenue naturelle.

 

Font partie de la bien-pensance les bobos qui voient en Greta Thunberg le miracle qu'ils attendaient:

Thunberg est en réalité lisse, rose, mignonne, maligne, exaspérante tout comme son discours, mais nullement la Jeanne d'Arc de l'écologie ou de la "décroissance" qu'on prétend qu'elle est, car elle n'ira bien sûr pas au bûcher, cette bergère qui fait paître un nombre croissant d'imbéciles incapables de voir qu'elle conforte le Spectacle là où elle voudrait le subvertir.

 

Font partie de la bien-pensance les salauds qui se cachent aujourd'hui dans le Bien1

C'est le dénonciateur vertueux, le sycophante pétitionnaire, l'indic post-littéraire, avec tout ce qui traduit la bonne conscience de l'idéologie dominante, laquelle est, on le sait, de la mauvaise foi patentée. 

 

Font partie de la bien-pensance les producteurs et réalisateurs de la plateforme Netflix:

Un incomparable instrument de propagande et de décervelage où les films, les séries, dessins animés et documentaires, produits et choisis par Netflix, sont savamment dosés pour représenter le monde non pas tel qu'il est, mais tel que l'empire du Bien, vertueux, ludique et wokiste, veut qu'il soit, et donc travaille à le rendre tel...

 

Font partie de la bien-pensance les soi-disant éveillés, dont les corps sont en transition sexuelle:

Kévin, fortement perturbé par l'ordre "binaire", va transiter d'un sexe à l'autre, selon une supercherie wokiste qui lui fait se croire une femme dans un corps d'homme, et un migrant sexuel.

 

Il va de soi, et ces quelques exemples le montrent, que Richard Millet est exclu d'office de la bien-pensance, mot qu'il n'emploie pas, mais qui, il me semble, convient bien à l'idéologie dominante.

 

Il est répréhensible parce qu'il refuse la version "positive", donc irénique du monde. C'est un misanthrope, un solitaire, un franc-tireur, un guetteur de l'aube, celle-ci s'ouvrirait-elle sur un jour des plus sombres.

 

Il n'est pas comme ces soi-disant insoumis qui revendiquent cet épithète alors qu'ils sont les porte-valises d'une religion prétendument opprimée en France et en Europe, mais qui prône la soumission absolue et l'esclavage de la femme.

 

Francis Richard

 

1- Richard Millet en sait quelque chose depuis la publication de la tribune d'Annie Ernaux, parue dans Le Monde en septembre 2012 et signée par 120 salauds: c'est la désormais célèbre liste Otto-Ernaux, allusion à la Liste Otto établie en 1941, interdisant des livres hostiles à l'Allemagne et au racisme nazis.

 

Nouveaux Lieux communs, Richard Millet, 240 pages, La Nouvelle Librairie

 

Précédents billets sur des livres de Richard Millet:

 

Fatigue du sens (17 décembre 2011)

La souffrance littéraire de Richard Millet (21 septembre 2012) :

- Langue fantôme, suivi de, Éloge littéraire d'Anders Breivik

- Intérieur avec deux femmes

- De l'antiracisme comme terreur littéraire

Trois légendes (21 novembre 2013)

L'Être-Boeuf (3 décembre 2013)

Une artiste du sexe (30 décembre 2013)

Le corps politique de Gérard Depardieu (25 novembre 2014)

Solitude du témoin (3 mai 2015)

Province (28 juin 2017)

Étude pour un homme seul (17 mai 2019)

Français langue morte suivie de l'Anti-Millet (30 juillet 2020)

Paris bas-ventre, suivi de, Éloge du coronavirus (22 juillet 2021)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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6 juin 2024 4 06 /06 /juin /2024 21:30
Oul le Porteur de pierres, de Carmen Arévalo

Oul se sentait en décalage par rapport à son peuple. En effet, les animoïkis aimaient être en groupe et faisaient pratiquement tout ensemble. Lui était de nature solitaire, préférait le silence et se balader dans la forêt épaisse.

 

Oul est un chaton, qui a la particularité d'avoir un pelage rose pailleté, ce qui n'est pas discret. Il marche sur deux pattes, comme tous les animoïkis.

 

Le monde dans lequel vit Oul est singulier. Övrigdomhan est en effet une île peuplée de créatures qui ne se trouvent nulle part ailleurs, fantastiques.

 

Adïel, par exemple, est son ami. Certes c'est un humain, un sils. Mais il a la particularité de n'être visible que par lui, qui aime être en sa compagnie.

 

Blessé après avoir été saisi par un milvu, un oiseau-bête aux ailes dépourvues de plumes, Oul est secouru par Adiël qui l'emmène alors chez Shawoo.

 

Shawoo est la shamane de la tribu. Elle le soigne. Elle l'attendait et lui confie une mission, qui permettra de sauver l'Orindi, l'arbre-monde qui dépérit.

 

Pour accomplir sa mission, Oul sera guidé par Alba, une belle archère, une des dernières descendantes du peuple nerythe de l'est, défait par Wargok.

 

Oul ne discute pas et part d'abord pour Eldurbreizh, où il mettra dans sa besace la première des sept pierres salvatrices, comme le nombre des Orindis.

 

Les pierres lui seront données par chaque dirigeant des sept terres d'Övrigdomhan selon la prophétie que Shawoo leur a fait connaître: il est le Porteur.

 

Cette quête n'est pas sans dangers. Oul affrontera des obstacles dus à la grande force négative qui transforme faune et flore et à la cruauté de Wargok.

 

Cette quête ne sera pas sans déconvenues, inévitables avec les êtres humains, mais, s'il s'en sort, il sera différent et aura appris ce que veut dire grandir. 

 

Francis Richard

 

Oul le Porteur de pierres, Carmen Arévalo, 120 pages, OKAMA

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5 juin 2024 3 05 /06 /juin /2024 18:00
Jusqu'au bout du jour, de Jo(sette) Pellet

10 juillet 2015

Tu vois, je tiens ma promesse: je ne t'ai pas oublié! Pas oublié non plus notre rencontre dans un train entre Graz et Lausanne, il y a un demi-siècle.

Adolescents taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions immédiatement "reconnus" et aimés... D'un amour platonique.

Ensuite nos lettres, pendant trois ans. Puis seulement les tiennes.

 

De nos jours, les adolescents font des rencontres virtuelles avant qu'elles ne deviennent réelles. À l'époque elles étaient réelles, et l''imaginaire s'en nourrissait.

 

Pour retrouver ses amours de jeunesse, le net peut être un outil performant qui vaut la peine d'être utilisé, même si le résultat n'est pas toujours au rendez-vous.

 

La narratrice du récit, grâce sans doute à un de ces fameux moteurs de recherche, retrouve la trace de l'homme qui, jadis, lui a fait battre platoniquement le coeur.

 

Commence alors une correspondance entre eux deux. Mais le lecteur n'a droit qu'aux lettres de l'homme qui a subi de l'âge, entre temps, l'irréparable outrage.

 

Ses lettres ne sont pas reproduites en caractères d'imprimerie, comme le reste du texte, mais dans une nouvelle graphie, i.e. une belle écriture, bien humaine.

 

Cette femme et cet homme ont vécu éloignés dans le temps. Ils le sont encore dans l'espace puisqu'elle demeure encore à Lausanne et que lui est soigné en Styrie.

 

Qu'à cela ne tienne, la femme, qui, c'est connu, est plus courageuse que l'homme, franchit à plusieurs reprises la grande distance qui les séparent pour le rejoindre.

 

L'homme écrit des lettres manuscrites, la femme, en italiques, de brefs commentaires ou des poèmes courts, comme les affectionne Jo(sette), l'auteure de haïkus.

 

Le récit révèle bien des différences entre cette femme et cet homme. Elle prend plus de risques que lui, mais elle n'a pas autant d'attaches familiales que lui.

 

Qu'en sera-t-il de leurs retrouvailles? C'est bien sûr au lecteur de le découvrir. Quel que soit son âge, il n'aura pas de mal à le deviner s'il en a fait l'expérience.

 

Et puis, s'il aime les mots, il sera servi et comprendra ce que veut dire l'auteure en conclusion de ce fragment amoureux, singulier, i.e. intemporel et universel:

 

Ah l'amour des mots

puisse-t-il m'accompagner

jusqu'au bout du jour.

 

Francis Richard

 

Jusqu'au bout du jour, Jo(sette) Pellet, 80 pages, Éditions des Sables

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Syrie - Les hirondelles crient, 76 pages, Éditions Unicité (2013)

Mékong mon amour, 96 pages, Samizdat (2014)

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4 juin 2024 2 04 /06 /juin /2024 19:15
Sur les traces de mon père, de Francine Crettaz

Le calcul est vite fait. Jules Crettaz est mort le 8 septembre 1961 et sa fille Francine est née le 10 juillet 1954. Elle n'a donc que sept ans quand il rend son âme à Dieu. Pour se mettre sur les traces de son père, Francine Crettaz ne peut donc pas se fier à ses seuls souvenirs.

 

Elle recueille quelques témoignages, puise dans de maigres archives, mais surtout fait appel à une riche documentation pour reconstituer l'époque et combler les trous d'une biographie parcellaire, où les archives paternelles ne tiennent que dans un très modeste carton.

 

Certes il reste la bibliothèque de Jules retrouvée dans le chalet de son enfance: Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es. S'y trouvent des livres de métier - il fut instituteur -, des livres de spiritualité, de prière et de poésie, des livres légers, des romans et des nouvelles.

 

Ce qui guide l'auteure, quand elle entreprend sa quête, c'est un amour filial, qui se dissimule mal derrière le voussoiement qu'elle emploie à l'égard de son père, dans un récit où elle tente de le re-susciter, comme elle le dit joliment, si bien que le lecteur s'y attache:

 

Et ne m'en veuillez pas si je vous vouvoie. Je dis vous à tous ceux que j'aime avec timidité.1

 

Dans le val d'Anniviers où Jules Crettaz a vécu du 31 juillet 1923, jour de sa naissance, jusqu'à ce jour funeste de septembre, on croit en Dieu, on va à la messe, dite en latin, et on fait ses prières, depuis... des siècles, depuis que les ancêtres insoumis se sont convertis. 

 

Dans ce monde traditionnel, Jules n'est pas complètement coulé dans le moule paysan. Il va même en échapper un peu, pendant quatre ans, à raison de dix mois par an: un an préparatoire à Martigny, trois à l'École Normale à Sion, pour devenir un jour instituteur à Fang:

 

Raconter quand on sait si peu de choses, c'est ruser, finement si possible: je m'informe, j'invente, je brode, je tisse. Je tricote aussi. Dixit sa fille.

 

Deux autres singularités caractérisent Jules: il est le premier à se motoriser en Anniviers, possède d'abord une moto, puis une voiture, sans doute pour se sentir à la fois libre et supérieur; et il se marie avec la fille de son cousin germain, qui est ravi de cette alliance.

 

Si les regrets sont unanimes après sa disparition - en témoignent les articles de presse que sa fille reproduit - l'explication se trouve dans les différents engagements que son père prendra en faveur de la Vallée et de ses habitants, même une fois atteint par un sarcome2.

 

L'auteure remercie in fine son père d'avoir été l'homme qu'il fut, même si elle a souffert d'avoir grandi sans lui. Écrire ce livre l'a certainement aidé à faire son deuil, plusieurs décennies après. Et lire cette phrase de Delphine Horvilleur, tirée de Vivre avec nos morts:

 

C'est quand la vie et la mort se tiennent la main que l'histoire peut continuer.

 

Francis Richard

 

1 - Inspiré de Barbara, poème de Jacques Prévert:

Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas

2 - Sarcome: tumeur maligne, cancéreuse.

 

Sur les traces de mon père, Francine Crettaz, 206 pages, Plaisir de Lire

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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