Il y a deux ans paraissait Libres!, opus n°1. C'était un événement éditorial sans précédent.
Libres!!, opus n°2, poursuit l'oeuvre entreprise alors de donner la parole dans un seul volume à une centaine de contributeurs libres.
Stéphane Geyres, dans son introduction à Libres!!, souligne que, si l'opus n°1 parlait surtout des principes de la liberté, l'opus n°2 parle de "la liberté en pratique". Et que l'empreinte y est nettement plus libérale que dans l'opus précédent, c'est-à-dire plus radicale...
Après la présentation de la première partie, Points de Vues de Libéraux et celle de la deuxième, Aspects Cachés de la Liberté, voici celle de la troisième.
MYTHES A LA PEAU DURE
"Ces diverses croyances qui ont cours à l'encontre des idées libérales et sont pourtant sans fondement ni réalité." (Introduction de Stéphane Geyres)
Pourquoi ne serait-il pas possible de privatiser les routes?
Si la privatisation de routes inexistantes ne pose pas de problème majeur, celle de routes existantes, tout en étant plus complexe, n'est pas impossible. David Quesnel montre comment s'y prendre, dans un article inspiré du livre de Walter Block, The Privatization of Roads and Highways:
"A part créer un palier admnistratif supplémentaire entre l'utilisateur et la personne morale responsable de son entretien, en quoi le gouvernement est-il nécessaire à l'existence des routes?" (Qui entretiendra les routes?)
Poser la question, c'est donc y répondre.
Répondre à la même question au sujet de l'instruction est d'autant plus aisé que l'instruction libre a préexisté à l'instruction étatique.
Philippe Fabry rappelle que l'instruction est apparue spontanément en France dès le Moyen Age pour répondre à un besoin né de l'accélération de l'activité économique et que les universités sont apparues de la même façon progressive, d'abord en Italie, quand il s'est agi de résoudre les conflits de manière rationnelle et pacifique avec la redécouverte de la richesse de compilations de droit romain.
L'interventionnisme de l'Etat en la matière n'apparaît qu'au XVe siècle. Mais ce n'est que sous la Troisième République, quelques siècles plus tard, que l'instruction devient étatique, pour des raisons idéologiques:
"En aucune façon l'école étatique ne remédia à une "défaillance du marché": le marché était là, et fonctionnait. Ce qu'il produisait n'était tout simplement pas conforme à l'opinion des gouvernants." (L'instruction libre dans l'histoire)
La corruption a toujours existé et existera toujours, sous forme privée ou publique. La différence principale est que dans le premier cas elle ne met en cause que l'argent des acteurs et fait partie du jeu de la concurrence, alors que dans le deuxième c'est celui du contribuable:
"Finalement, la corruption c'est l'usage du pouvoir qu'on détient pour ditribuer des privilèges, des avantages, des passe-droits en échange d'une rétribution et/ou bienveillance. Là où il y a pouvoir, il peut y avoir corruption, c'est simple." (La corruption)
Pour combattre la corruption, nous dit Olivier Devoet, c'est tout aussi simple, "il faut moins ou pas d'Etat, moins ou pas de fonctionnaires, moins ou pas de lois"... Bref, c'est la réponse libérale, le laissez-faire.
Bruno Ginestou ironise: "vous reprendrez bien un peu d'angoisse". Les OGM ne nuisent pas à la santé, mais ils pourraient très bien lui nuire. Principe de précaution oblige, dans le doute, il vaut donc mieux s'abstenir d'en produire et d'en consommer...
A cette peur irrationnelle s'ajoute que la société Monsanto a le monopole des semences d'OGM:
"Dans un système agricole libre, les brevets n'existeraient pas. Le secret des croisements deviendrait la meilleure arme contre la copie d'invention. L'agriculteur aurait le droit de réensemencer à volonté, tant que cela respecte le contrat de l'ensemencier et lui-même. [...] La responsabilité individuelle rendrait chaque producteur d'OGM responsable des éventuels méfaits d'une semence réellement dangereuse: la meilleure garantie de prudence." (Monsanto et les OGM)
Grégoire Canlorbe s'attaque à un autre mythe, celui du consumérisme. Les travaux actuels en neuropsychologie montrent que les besoins sensualistes et matérialistes ne sont pas le moins du monde artificiels, ils sont innés à nos neurones:
"La publicité n'a en aucun cas ce pouvoir de créer des besoins ex nihilo qui terrifie la plupart des critiques de l'économie de marché.
Sur 100 produits nouveaux qui sont lancés chaque année, 80 échouent. Aussi surprenant et politiquement incorrect cela puisse-t-il sonner, la publicité est impuissante à créer nos besoins."
Le marché noir est une soupape de sécurité. C'est ce qui ressort de la contribution de Jean-Philippe Paile. Mieux, c'est une expression du marché libre qui se défend contre le marché administré par l'Etat:
"La science économique nous enseigne que chaque fois qu'on essaye d'imposer à quelqu'un un comportement qui ne lui convient pas, il trouvera une manière d'y échapper. Ainsi, le marché noir joue un rôle en tant que moyen naturel et efficace de résistance passive à la coercition et à l'excès réglementaire. Il est le véritable marché face à une économie dirigée par l'Etat."
Que le propriétaire connaisse le mieux le parti qu'il peut tirer de sa chose est toujours un argument pertinent en faveur de la propriété privée. Mais, ce concept, comme le souligne François Facchini, doit être complété par celui des incitations ou des non incitations à la faire fructifier. Plus le risque d'expropriation est élevé, moins le propriétaire est incité à le faire. Parmi de tels riques, l'impôt est en France l'un des principaux "auquel les individus et leurs entreprises peuvent être confrontés":
"Alors que le nombre de jours travaillés pour financer les biens publics était de 53 jours en 1870, il était en 2011 de 166 jours. La conséquence de cette évolution a été la baisse du taux de croissance de la production."
La finance a un rôle à jouer dans l'économie. Arnaud-Cyprien Nana Mvogo rappelle qu'il s'agit pour elle "de chercher à aider certains à rendre leurs capitaux profitables et à d'autres à rendre leurs projets possibles". Quand l'Etat, au lieu de veiller au respect des contrats librement convenus, se mêle d'intervenir dans l'économie, c'est lui qui provoque les crises:
"La crise des subprimes a été générée par la conjonction de la politique monétaire de la Fed trop accommodante après le "9/11", et la volonté explicite de la législation du Community Reinsvestment Act et des effets pervers liés à l'abolition du Glass Steagall Act aux Etats-Unis. La généralisation de la titrisation et l'avidité de revendeurs de crédits subprimes n'ont été que les vecteurs, mais certainement pas les causes de la crise de 2008. L'Etat (fédéral américain) est la seule cause de la crise de 2008."
D'aucuns s'offusquent des rémunérations des grands patrons, qui ne trouvent pas indécents les revenus des élites sportives et artistiques. Dans tous les cas ils sont évalués pourtant librement, comme l'écrit Frédéric Georges-Tudo:
"Dans le cas du chanteur, ce sont ses fans qui décident librement d'acheter ou non ses disques. Avec un tennisman, ce sont les organisateurs de tournois qui décident librement de la dotation revenant au vainqueur. Enfin, pour un PDG, ce sont les actionnaires qui décident librement de la rémunération à accorder à la personne qui prend les rênes de leur entreprise." (Ecart salarial entre salariés et grands patrons)
Que ce soit l'Assemblée Générale des actionnaires plutôt que le Conseil d'Administration ne change rien à l'affaire: "Les salaires des grands patrons américains [qui sont validés par les AG] restent de loin les plus élevés du monde."...
Que n'entend-on pas sur les actionnaires. Jean-François Nimsgern prend leur défense:
"Loin d'être le prédateur tant décrié de l'entreprise, l'actionnaire est la condition de son existence: c'est lui qui engage ses fonds propres et les met à disposition de la société nouvellement créée pour lui assurer un patrimoine propre permettant de démarrer les opérations. De ce fait, c'est lui également qui supporte l'aléa économique, qui prend les risques."
Il est donc parfairement logique qu'il s'attribue des dividendes sur le bénéfice réalisé.
Thierry Afschrift explique que les parachutes dorés ne sont pas plus criticables que les rémunérations des grands patrons, puisque, là encore, il s'agit de conventions privées librement consenties entre les sociétés et leurs dirigeants:
"La seule question qui puisse toucher à l'éthique des affaires est celle de la régularité des délibérations qui justifient l'octroi de telles rémunérations de parachutes dorés: ont-elles réellement été prises par des organes indépendants, agissant dans l'intérêt de l'entreprise? C'est là à nouveau une question de pur droit privé, à régler par les actionnaires et seulement par eux." (Les parachutes dorés)
Vincent Bénard donne à son tour une explication de la crise de 2008 qui n'est pas celle des médias conformistes. Ce n'est pas faute de réglementations qu'elle a eu lieu, il y a en avait pléthore...
En contrepartie de leur sauvetage par l'intervention publique, l'Etat a exigé des grandes banques qu'elles financent sa politique sociale en matière de logement et qu'elles prêtent à des familles pauvres, insolvables, la Fed étant prête à baisser ses taux pour soutenir le marché. Fortes de tous ces soutiens, pourquoi auraient-elles limité les risques qu'elles prenaient? Il aurait été sain de les laisser faire faillite en ne leur accordant pas de protection étatique:
"Il serait parfaitement possible de laisser les banques sans parachute étatique, en dessinant un processus de mise en faillite rigoureux mettant à contribution uniquement les détenteurs de créances sur les établissements défaillants. Si la firme est en très mauvais état, les actionnaires sont éliminés et les dettes obligataires sont converties en actions, les créanciers devenant actionnaires de la banque ainsi restructurée. Celle-ci voyant ses charges d'intérêt diminuer fortement, peut redenir profitable, et ce sans que ses opérations courantes n'aient à s'interrompre." (Jamais trop gros pour la faillite)
Loïc Fleury estime que les deux systèmes de retraite possibles, par répartition et par capitalisation, sont viables, mais qu'ils peuvent tous deux échouer.
En fait le système par répartition a échoué parce que les conditions nécessaires à son fonctionnement ne sont plus remplies: la démographie s'est effondrée, la durée des études a augmenté, l'espérance de vie s'est allongée, etc.
La retraite par capitalisation est viable à long terme, même si la Bourse connaît de temps en temps quelques effondrements retentissants.
Le problème est donc de passer d'un système à l'autre. L'auteur parle, entre autres, du système suisse qui avec ses trois piliers donne de bons résultats, mais c'est surtout le REER canadien, régime enregistré d'épargne retraite, qui retient son attention:
"Contrat de droit privé entre un individu et une société quelconque, l'outil financier qu'est le REER permet d'épargner à l'abri de l'impôt tout en gardant le capital disponible. Les sommes placées au sein du REER sont alors taxées de manière uniforme lorsque le propriétaire décaisse progressivement l'épargne accumulée." (Retraite: répartition ou capitalisation?)
Philippe Lognoul propose de privatiser les espaces et les biens publics, c'est-à-dire administrés et gérés par des politiques et des hauts fonctionnaires, en les transférant à des habitants volontaires, plus légitimes pour les administrer et les gérer. Comment? En constituant des associations de tels habitants, autour de revendications peu nombreuses, mais fortes afin d'obtenir le consensus le plus large possible":
"
"Un des premiers objectifs consiste à parvenir à des revendications claires et aussi largement soutenues que possible. A cette fin, les membres des assemblées populaires précitées pourraient recourir utilement à l'aide de médiateurs. Pour élargir leur marge de manoeuvre de manière générale, ces associations peuvent formuler comme revendication, parmi d'autres, la réduction de leurs taxes et impôts. Un autre exemple de revendication est le transfert gratuit de la propriété de terrains communaux aux habitants intéressés, selon des règles à définir." (La privatisation des espaces publics)
François-René Rideau montre que la distinction habituelle entre public et privé est fallacieuse. En effet si l'on entend par privé ce qui relève de décisions prises par un individu dans son intérêt propre, alors tout est privé. Mais si l'on entend par public ce qui relève d'actions qui affectent tout le monde, alors tout est public. La perspective change quand on fait intervenir la responsabilité:
"Que celui qui agit bien, avec ses propres ressources, soit récompensé par la valeur propre de ses travaux et la reconnaissance volontaire d'autrui, voilà un cercle vertueux, celui du comportement économique. Que celui qui n'est pas tenu comptable de ses actes sur ses ressources propres soit récompensé pour son talent à accaparer les ressources d'autrui - voilà un cercle vicieux, celui du comportement politique: vol, violence, contrainte." (Le mythe du "public" et du "privé")
Stéphane Nahoum parle de parodie de société. Au lieu que l'impôt serve à assurer liberté et sécurité, il est "utilisé pour forcer le comportement humain". Pour être certains qu'aucun revenu (le revenu est indéfinissable) n'échappe à l'impôt, tout est taxé:
"Ainsi, le travailleur produit-il un bien ou un service? Il est taxé au niveau de sa société. Il se rémunère? Il est taxé à titre personnel. Il capitalise? Il est taxé. Il consomme? Il est taxé. Il mourra et sera encore taxé." (De parodie à paradis fiscal)
Le paradis fiscal? Un pays où l'on extorque moins d'impôt ou un pays où il est difficile d'obtenir pour un tiers des informations à des fins fiscales? Ce serait plutôt un pays où "tout le monde puisse trouver sa voie, la satisfaction de son intérêt, et une accession aux richesses sans entraves", autrement dit un pays où les impôts sur le revenu et sur les sociétés seraient supprimés...
Francis Richard
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Episodes précédents:
"Libres!!" du collectif La Main Invisible 1/7: Points de Vues de Libéraux
"Libres!!" du collectif La Main Invisible 2/7: Aspects Cachés de la Liberté