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19 janvier 2025 7 19 /01 /janvier /2025 23:00
Pour l'Église - Ce que le monde lui doit, de Christophe Dickès

On peut considérer l'histoire de l'Église à travers un système de valeurs, ce qui nous pousse à voir ce qu'elle a fait de mal, mais l'honnêteté intellectuelle doit aussi nous amener à considérer ce qu'elle a fait de bien dans le monde, la façon dont elle l'a simplement rendu meilleur.

 

Christophe Dickès, dans ce plaidoyer Pour l'Église, n'entend pas substituer une légende dorée à une légende noire. Il veut dans cet essai dire, en tant qu'historien, Ce que le monde lui doit. Pour ce faire, il aborde le sujet sous trois angles: la société, la politique et l'humanisme.

 

SOUS L'ANGLE DE LA SOCIÉTÉ

  • Sous le pape Grégoire XIII, une commission a adopté le calendrier actuel pour répondre au décalage entre l'antique calendrier julien et les cycles solaire et lunaire, fixé l'équinoxe de printemps au 21 mars 1583 et créé les années bissextiles pour compenser l'année calendaire commune de 365 jours et l'année solaire.
  • Depuis les origines, les grands hommes d'Église disposent d'une double culture grecque et latine, qui, avec d'autres connaissances, sera transmise à tous, via des écoles monastiques, puis presbytérales, enfin épiscopales, lesquelles seront à l'origine des universités au XIIIe siècle.
  • À partir de l'époque médiévale, l'Église a apporté sa contribution à la science, parce que, pour elle, science et foi ne s'opposent pas mais se complètent: l'auteur cite beaucoup de personnages, religieux et laïcs, qui en attestent.
  • L'hospitalité chrétienne, au contraire de l'hospitalité antique qui est réciproque, don/contre-don, est unilatérale et gratuite, c'est la charité chrétienne: les hôpitaux chrétiens se développent dès le IVe siècle, d'abord en Orient, puis en Occident.

 

SOUS L'ANGLE DE LA POLITIQUE

  • Pendant des siècles l'Église est la seule institution pratiquant des élections libres et régulières: pour l'élection du pape, des évêques, des abbés et abbesses; sans parler des synodes et des conciles.
  • Le droit canon médiéval a unifié les pratiques des droits barbares, du droit romain amputé et expurgé et de la morale chrétienne. Les juristes canonistes ont inventé la science du droit, telle que nous la pratiquons aujourd'hui à la fois dans nos tribunaux, nos universités et nos institutions politiques.
  • La distinction du temporel et du spirituel constitue un des principes essentiels des sociétés chrétiennes à travers les siècles, la distinguant des structures politico-religieuses que sont l'arianisme, la charia dans l'islam ou encore les religions séculaires que sont les totalitarismes du XXe siècle.
  • Dès l'origine l'Europe est intimement liée à un homme d'Église [Saint Martin] et à la vénération qui entoure sa personnalité sur un territoire bien défini. Cette Europe chrétienne sera niée par Bruxelles et Strasbourg après le Traité de Rome de 2004, imposé bien que rejeté par 55% des Français lors du référendum de 2005...
  • L'éthique de la guerre a été le legs de la pensée chrétienne. Aujourd'hui l'Église a abandonné sa conception de la guerre juste et parle d'utilisation légitime de la force.
  • À la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, l'Église a renoué avec la tradition des Pères de l'Église en affirmant la dignité de l'homme créé à l'image de Dieu ainsi que l'unité du genre humain.

 

SOUS L'ANGLE DE L'HUMANISME

  • Aussi bien dans l'évangile que dans les premiers temps du christianisme les femmes jouent un rôle dans la christianisation. Puis, au début du Moyen Âge, le statut de la femme change, sans atténuer la discrimination sexuelle propre à l'époque romaine: elle n'est plus fille, mère ou femme de quelqu'un. Le XIe siècle est un tournant: la dévotion se féminise et la sainteté féminine croît fortement pendant les XIIIe et XIVe siècles. Au XIIIe siècle, d'ailleurs, le mariage, pour être valide, requiert le consentement des deux personnes et il est public.
  • La conscience individuelle et la responsabilité morale devant les hommes et la société trouvent leurs racines dans l'Église médiévale des XII et XIIIe siècles. L'homme de la fin du Moyen Âge s'éloigne progressivement des jugements catégoriques du bien et du mal: les intentions doivent être prises en compte pour évaluer ses actes.

 

DE L'IMPORTANCE DE L'HISTOIRE

  • L'histoire nous donne les clefs de compréhension du temps présent.
  • L'apport des hommes d'Église est [...] un capital ou un patrimoine qu'il s'agit de transmettre sans complexe ni arrogance, tout en l'alimentant et le faisant fructifier, pour les plus érudits, par l'étude.
  • L'histoire dit ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas.
  • L'histoire est là pour conjuguer les trois dimensions du passé, du présent et de l'avenir.[...]. L'histoire est là pour nous permettre de faire des choix. Elle nous rappelle ainsi notre liberté d'action à chaque génération.

 

Francis Richard

 

Pour l'Église - Ce que le monde lui doit, Christophe Dickès, 272 pages, Perrin

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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19 septembre 2024 4 19 /09 /septembre /2024 22:00
Sensations océaniques, de Martine Ruchat

Sensations océaniques relate les amours entre l'écrivain français bien oublié Romain Rolland (1866-1944) et la comédienne américaine Helena de Kay (1891-1987).

 

Ce sont des amours singulières parce qu'elles sont essentiellement épistolaires et que c'est la jeune Helena qui, étonnamment, a pris l'initiative de correspondre avec lui.

 

En effet, pendant deux ans, bien avant qu'ils ne se rencontrent, cette femme de vingt-cinq ans plus jeune que son correspondant lui adresse tout son amour et sa dévotion.

 

Ce récit couvre la période qui va de 1912 à 1924 de la vie des deux amants, qui se soutiennent et s'aiment donc plus souvent à distance qu'en présence l'un de l'autre.

 

Cette idylle est romanesque. Martine Ruchat a donné ce tour à son récit sans avoir à forcer le trait, car leur correspondance, dont elle donne des extraits, est éloquente.

 

Ce n'est que début 1914 que Helena et Romain se rencontrent pour la première fois. Dans son appartement parisien, ils connaissent une première nuit d'amour le 24 mars.

 

Pendant leur idylle, la guerre civile européenne, la Grande Guerre, a lieu, ce qui ne laisse pas d'affliger l'humaniste Romain Rolland, pacifiste sincère et européen convaincu.

 

Romain et Thalie1 s'aiment par conséquent surtout par la pensée et par l'écrit, c'est-à-dire de loin, sans doute que son père à elle et sa mère à lui désapprouvent leur relation.

 

Les événements ne facilitent pas non plus leurs rencontres. Aussi 1916 aura-t-elle été une belle année de correspondance entre eux, tandis que 1917 le sera beaucoup moins.

 

Au début de cette année-là, Romain apprendra que Thalie, hélas, est enceinte d'un autre, ce qu'il ressentira comme une offense à son amour-propre et, même, comme une trahison.

 

Entre eux régnera d'ailleurs toujours un malentendu sur le mariage et sur la procréation, vraisemblablement en raison des pesanteurs familiales et de leur volonté d'être libres.

 

Leurs rapports seront singuliers: Thalie considérera Romain comme son fils, qu'elle fera connaître en Amérique, et Romain, Thalie comme sa fille, qu'il financera et conseillera.

 

La fin de leur idylle est certainement due, après révélations, à un désenchantement chez Romain et au fait qu'il va enfin trouver l'âme soeur chez une nouvelle correspondante...

 

Le titre est emprunté au sentiment océanique que Romain Rolland a en quelque sorte décrit dans une lettre de 1927 à Sigmund Freund comme celui de ne faire qu'un avec l'univers.

 

Romain Rolland n'aurait pas aimé, il l'avait dit par avance, au sujet de ses lettres à Helena que nul autre ne les lise jamais.  L'auteure lui demande pardon d'avoir dévoilé son intimité:

 

C'est notre époque qui l'encourage.

 

Francis Richard

 

1 - Nom de scène proposé par Romain à Helena et adopté par elle.

 

Sensations océaniques, Martine Ruchat, 336 pages, Éditions Encre Fraîche

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16 juillet 2024 2 16 /07 /juillet /2024 21:00
Les origines du conflit israélo-arabe (1870-1950), de Georges Bensoussan

Ce Que sais-je ?, paru1 bien avant le 7 octobre 2023, est précieux. C'est une excellente piqûre de rappel pour ceux qui ont lu La longue marche d'Israël de Jacques Soustelle, dont la première édition, celle que j'ai, remonte à 1968...

 

Les origines de ce conflit, qui est loin d'être terminé, sont complexes. Et le mérite de l'auteur, Georges Bensoussan, est de ne pas occulter les torts et les raisons de toutes les parties à ce conflit, faisant là véritable oeuvre d'historien.

 

Le livre couvre la période 1870-1950. Jusqu'en 1914 la Palestine, i.e. la Syrie du Sud, est pauvre et ne compte qu'une forte minorité de Juifs, qui sont majoritairement citadins. Ils représentent 80'000 habitants sur un total de 720'000:

 

Près de 70 000 immigrants juifs arrivent en Palestine entre 1881 et 1914 et y créent 53 implantations agricoles.

 

Venus surtout de l'empire russe, ils les acquièrent auprès d'hommes d'affaires, puis de paysans et de grands propriétaires résidents. Les derniers arrivants, au contraire des pionniers, vite repartis, les mettent en valeur eux-mêmes.

 

Pendant la Grande Guerre, l'Empire ottoman, du côté des puissances centrales, craint une sécession de la Palestine: Répression, épidémies, famine la dépeuplent si bien que la population n'est plus que de 600'000 habitants en 1918.

 

Dans l'après-Grande Guerre l'immigration juive en Palestine va s'intensifier, après la fameuse Déclaration Balfour, rendue publique en 1920, qui est une lettre de ce lord à lord Lionel Walter Rotschild, où il est dit notamment:

 

Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif...

 

Sont criantes les divisions au sein même des parties, dont les différences ne favorisent guère une entente entre elles, à tous les points de vue, que ce soit en matière de démographie, de niveau d'instruction, de culture ou de religion.

 

Les Juifs reviennent sur les terres de leurs ancêtres, ce que les Arabes ne leur contestent pas, mais ils ont peur les uns comme les autres de se retrouver assujettis à ceux qui leur sont dissemblables et se comportent différemment.

 

Il y a des extrémistes partout, mais il faut remarquer qu'il y a des degrés dans le rejet de l'autre. Ainsi, plus tard, des Arabes, sous influence nazie, seront-ils enclins à exterminer, tandis que des Juifs ne s'attristeront pas des exodes arabes.     

 

À plusieurs reprises une solution à deux États sera proposée mais il se trouvera toujours des opposants dans l'un ou l'autre camp pour l'empêcher d'aboutir, des Arabes refusant, par exemple, l'existence d'un État israélien, quel qu'il soit. 

 

Les armes parleront surtout à la fin de la période étudiée, mais elles ne se tairont jamais. Ce livre, qui introduit de la nuance alors que les positions sont tranchées, explique très bien pourquoi la guerre de 1948 n'est de loin pas terminée:

 

Si ce conflit met en scène deux nationalismes qui se disputent une même terre, il oppose deux sociétés séparées par des blocages d'ordre culturel, essentiels mais le plus souvent sous-estimés. De là deux discours qui cheminent parallèlement, animés par des logiques également légitimes, mais qui demeurent encore généralement ignorants l'un de l'autre.

 

Francis Richard

 

1 - Le 18 janvier 2023.

 

Les origines du conflit israélo-arabe, Georges Bensoussan (1870-1950) 128 pages, Georges Bensoussan, Que sais-je ? (réédition en 2024)

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3 juillet 2024 3 03 /07 /juillet /2024 22:55
Les leçons de Pompidou, de David Lisnard et Christophe Tardieu

Bon sens, performance, quête de sens. Tel est le tiercé gagnant d'un Premier ministre, puis président de la République qui toujours cherchait par une conscience précise de la vie réelle à enraciner son action dans le peuple.

 

Sous la plume des auteurs, à propos de Georges Pompidou, revient souvent le mot de pragmatique pour le qualifier, mais ce mot serait trop réducteur pour comprendre les ressorts de son action:

 

S'il n'était jamais enfermé dans un système de pensée, il n'en demeurait pas moins arrimé à des attitudes, valeurs et principes solides: pudeur, simplicité, curiosité intellectuelle, logique, souci de l'argumentation factuelle, amour des bonnes choses, sens de la famille, foi en la liberté et la responsabilité, conscience des enjeux humains de toute action publique.

 

Comme les auteurs abordent de nombreux sujets dans leur livre, il n'est question ici que de certains d'entre eux qui, aux yeux d'un libéral, apparaissent comme les plus significatifs. Il pourra en tirer des leçons qui ne sont pas forcément toujours celles qu'en tirent David Lisnard et Christophe Tardieu...

 

Pour Georges Pompidou, le président de la République est le chef suprême de l'exécutif et le garant de la Constitution, donnant les impulsions fondamentales. Il est l'arbitre et le premier responsable national, mais, en réalité, sans doute parce qu'il a été Premier ministre, il ne s'occupera pas seulement de choses essentielles...

 

Il pensait sincèrement que l'État n'était pas une menace pour la liberté du citoyen mais qu'il en constituait au contraire la plus solide et la meilleure garantie et souhaitait que le Conseil d'État devienne progressivement le protecteur des libertés individuelles. On voit aujourd'hui ce qu'il est advenu de ce souhait.

 

Il critiquait déjà la bureaucratie et la technocratie, qui n'ont fait que croître et embellir au cours des dernières décennies. Ne faut-il pas y voir la tendance naturelle des hommes de l'État d'accroître tout pouvoir qui leur est donné plutôt que le conformisme technocratique ou le renoncement à la responsabilité de nombreux gouvernants?

 

À propos de l'Europe, il pensait qu'elle devait respecter les États et que l'Europe devait être conçue dans un esprit confédéral où les gouvernements coopèrent et où des politiques communautaires peuvent se développer: pour lui la Commission ne devait avoir qu'un rôle subalterne de coordination et d'exécution...

 

Il conservait le système économique hybride français, qui n'est ni libéral, ni socialiste. Sa doctrine se résumait en trois axiomes: une croyance forte dans les mérites de l'économie libérale, un intérêt marqué pour la planification indicative et une critique parfois vive du ministère des Finances

 

Ainsi Georges Pompidou n'était-il pas favorable à l'équilibre budgétaire s'il était obtenu en augmentant les ressources sans réduire les dépenses, c'est-à-dire en administrant la pénurie, avec pour résultat de freiner la croissance (sans laquelle il n'y a pas de prospérité possible) et de conforter la primauté de l'État sur l'entreprise privée:

 

"Il est souhaitable qu'en période normale et en régime de croisière, l'État réduise son rôle au minimum, qui est déjà considérable. Dans ces périodes normales, l'État doit se garder de chercher à intervenir pour le plaisir d'intervenir. Il doit au contraire essayer de restreindre ses interventions. Il doit laisser le plus de place à l'initiative privée."

 

S'il n'y avait pas eu de croissance, grâce notamment à cette politique industrielle, il n'y aurait pas eu de progrès social et de hausse générale du niveau de vie: Un pays ne peut pas distribuer davantage à la population que ce qu'il produit, ou, s'il le fait, cela ne peut durer longtemps et il est rattrapé par les réalités économiques...

 

La liberté est menacée par des risques technologiques, ce que prédisait Georges Pompidou dans le Noeud gordien dès 1968. À sa suite, les auteurs peuvent écrire que technologie centralisatrice des données sur les habitants et technocratie dominant l'exercice du pouvoir politique portent les germes de la tyrannie.

 

Comment sauver la liberté?

 

Il faut pour cela "limiter les pouvoirs de l'État, [...] ne lui laisser que ce qui est de sa responsabilité et qui est de nos jours déjà immense, laisser aux citoyens la gestion de leurs propres affaires, de leur vie personnelle, l'organisation de leur bonheur tel qu'ils le conçoivent, afin d'échapper à ce funeste penchant qui, sous prétexte de solidarité, conduit tout droit au troupeau"...

 

À Jacques Chirac, qui était trop empressé de produire des circulaires et autres textes découlant du conformisme énarchique, il avait dit:

 

"Cessez d'emmerder les Français."

 

Pour remédier à la dévitalisation civique, au délitement régalien, au maquis technocratique qui accablent la France, les auteurs concluent:

 

Pour la concorde nationale, la paix, la sécurité et la liberté, il y a un besoin urgent de bon sens politique contre l'impuissance publique. Tel est l'enseignement de Georges Pompidou.

 

N'est-ce pas un voeu pieux?

 

Francis Richard

 

Les leçons de Pompidou, David Lisnard et Christophe Tardieu, 288 pages, Éditions de l'Observatoire

 

Livre précédent des deux auteurs chez le même éditeur:

 

La culture nous sauvera (2021)

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19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 21:10
Nietzsche au piano, de Frédéric Pajak

Saviez-vous que Friedrich Nietzsche était musicien? Dans Nietzsche au piano, Frédéric Pajak le raconte, précise que, quand il l'avait lu intégralement, il s'était agi pour lui d'une expérience totale:

 

En partie philosophique, mais surtout esthétique, c'est-à-dire poétique et musicale.

 

Je savais qu'en 1868, à 24 ans, Nietzsche était devenu l'ami de Wagner, qu'il avait rompu avec lui après l'avoir encensé. Mais j'ignorais que cette rupture, en 1876, provenait de différends musicaux.

 

Nietzsche reprochait à Wagner de composer une musique allemande et théâtrale, alors qu'il considérait que la musique devait être méditerranéenne. Quant à Richard, il trouvait nulle celle de Friedrich:

 

Les considérations musicales ne sont pas l'unique point d'achoppement; il en est un autre, et de taille: l'antisémitisme de Wagner.

 

Par curiosité, un jour, l'auteur a écouté une petite pièce pour piano composée par Friedrich Nietzsche. Bouleversé, il y a retrouvé son écartèlement entre sa délicatesse romantique et ses rêves d'Antiquité.

 

Alors l'auteur est allé plus loin dans sa recherche des liens entre cet homme, au nom illisible, et la musique, ce qui l'a conduit à écrire cette histoire chronologique, confirmant qu'il était musicien avant tout.

 

Entre la mort de Wagner, en 1883, et son effondrement à lui, en 1889, Nietzsche ne va plus composer et ne fait plus qu'écrire ses livres, et toujours plus brillamment, la musique faisant oublier la souffrance.

 

Nietzsche entamera alors une longue vie végétative, qui va durer dix ans, dont sept sous la garde de sa mère, pendant lesquels il n'écrira ni ne lira plus, mais jouera encore au piano, y trouvant l'apaisement.

 

Francis Richard

 

Nietzsche au piano, Frédéric Pajak, 96 pages, Les Éditions Noir sur Blanc

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

 

Livres précédemment chroniqués:

Manifeste incertain 1

Manifeste incertain 2

Manifeste incertain 3

Manifeste incertain 4

Manifeste incertain 5

Manifeste incertain 6

Manifeste incertain 7

Manifeste incertain 8

Manifeste incertain 9

 

PS

 

Ont lieu:

  • L'exposition PAJAK de Jacques à Frédéric - peinture, dessin et collage - jusqu'au 7 avril 2024
  • Conférence PAJAK PÈRE ET FILS EN ÉTAT D'URGENCE par Françoise Jaunin, le 24 mars 2024 à 17h

 

À La Fondation L'Estrée

Bourg-Dessous 5

1088 Ropraz

021 903 11 73

fondation@estree.ch

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23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 19:00
Noor, d'Étienne Barilier

Noor a vingt-neuf ans, mais en paraît dix de moins. Et surtout, avec son visage à l'ovale exact et reposant, avec son nez très légèrement plus long et fort qu'on n'attendrait de la perfection (mais cet infime accent marque sa noblesse); avec la lumière intense et veloutée de ses yeux, ses yeux qui semblent dire à quiconque: ne me faites pas souffrir en me refusant votre sourire - avec tout cela, Noor est belle, simplement.

 

Cette description correspond à l'apparence de Noor quand elle est reçue le 7 juin 1943 à Londres par Leo Marks, un collaborateur du SOE (Special Operations Executive), créé par Churchill.

 

Noor est une princesse indienne. Son nom est Noor-un-Nisa1 Inayat Kahn (1914-1944). Son père, Hazrat, était un prince indien soufi 2, qui, à ce moment-là, a déjà rejoint le paradis d'Allah.

 

La mère de Noor, Ora Baker, est anglo-écosso-irlandaise. Hazrat, musicien et conférencier, l'a rencontrée en Amérique et épousée à Londres. Noor est née à Moscou, pendant une tournée.

 

Les Inayat Kahn ont habité Londres, Moscou et Suresnes, banlieue ouest de Paris, dans une grande demeure, Fazal Manzil 3. Ce qui explique le bilinguisme de Noor, un atout pour le SOE.

 

L'autre atout de la jeune femme, qui a regagné Londres en juin 1940, est que, musicienne, elle se révèle habile clavieriste, ce qui est déterminant pour devenir une opératrice radio du SOE.

 

Ce ne sont pas ses capacités techniques qui interrogent les responsables du SOE pour l'envoyer sur le terrain, en l'occurrence en France. Ce sont ses autres capacités pour affronter l'ennemi.

 

Noor s'envole finalement dix jours plus tard pour la France, où un avion la dépose à une vingtaine de kilomètres d'Angers, qu'elle gagne à vélo après avoir passé la nuit dans une ferme. 

 

À la gare d'Angers elle prend le train pour Paris, Gare-Montparnasse, d'où elle se rend par le métro au 40 de la rue Erlanger, qui est l'adresse de son contact et où elle arrive sans encombre.

 

Étienne Barilier replace le récit dans son contexte. Dans la résistance, il y avait de vrais héros, tels que Noor, mais aussi des traîtres, des agents doubles et, à Londres, de graves fautifs...

 

Quoi qu'il en soit, son livre, basé sur une histoire vraie et bien documenté, même s'il ne comporte pas de bibliographie, se lit comme un roman d'espionnage dont la fin est hélas connue.

 

Le dernier mot du récit revient à Leo Marks qui se sent responsable et coupable d'avoir jeté Noor dans le malheur, tout en sachant qu'il n'a fait qu'accepter sa décision et respecter son courage.

 

Ce roman historique se termine en effet par une vision que l'agent anglais agnostique a de Noor dans sa grande beauté, la vérité de son être, et qui lui fait s'adresser à elle en ces termes:

 

J'essaie du moins de croire en quelque chose: le sourire humain. Le vôtre est là. Je sais qu'il va demeurer, libre du corps disparu.  

 

Francis Richard

 

1 - Ce qui signifie Lumière des femmes.

2 - Il voulait harmoniser l'Orient et l'Occident.

3 - Ce qui signifie Maison de la bénédiction.

 

Noor, Étienne Barilier, 384 pages, Phébus

 

Livres précédents:

Le piano chinois (2011) Éditions Zoé

Ruiz doit mourir (2014) Buchet-Chastel 

Les cheveux de Lucrèce (2015) Buchet-Chastel

Dans Karthoum assiégée (2019) Phébus

 

La maison des Inayat Kahn à Suresnes:

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 19:50
Savonarole, d'Aimé Richardt

Jérôme Savonarole (1452-1498) est un religieux condamné par l'Église pour schisme et instauration d'un régime théocratique à Florence. Des catholiques lui accorderont respect, confiance, voire admiration; des protestants, tels que Luther, verront en lui un éminent précurseur de la Réforme.

 

C'est son histoire qu'Aimé Richardt raconte dans ce livre en en restituant le contexte. Il en ressort que les moeurs de l'Église sont contraires à son enseignement, jusques au sommet de la hiérarchie, et que Jérôme Savonarole va s'insurger contre, à partir du moment où il en fera lui-même partie.

 

Ce qui frappe dans cette époque de chrétienté, c'est l'intolérance des uns et des autres qui n'est pas sans rappeler ce que nous vivons dans la nôtre, où des mots sont des appels à des actes qui nous choquent parce que, du moins à ma génération, nous avons appris à les trouver répréhensibles.

 

À lire cette biographie, il est difficile de prétendre que Savonarole ait commis des actes condamnables. Il n'est pas de ceux qui disent de faire ce qu'ils ne font pas eux-mêmes. À ce point de vue, sa vie est irréprochable. Mais ce qu'il dit n'est pas toujours crédible, est dur, parfois contradictoire.  

 

Après des études universitaires, il reçoit l'appel de Dieu en mai 1474 et quitte la maison paternelle sans guère d'explications, un peu moins d'un an plus tard, en avril 1475, pour se rendre au couvent dominicain de Bologne, où il revêt l'habit des mains du prieur et se forme pendant sept ans.

 

Depuis ses 20 ans, Jérôme écrit des poèmes. Il continuera cette activité pendant toute sa vie, ce qui démontre qu'il a une bonne culture. À chaque grande occasion, il en compose, mais ce sont ses prêches qui vont, peu à peu, retenir l'attention, mû par une illumination qu'il aurait eu à 22 ans.

 

Dès lors il prophétise qu'un fléau s'abattra sur l'Église si elle ne s'amende pas et n'opère une profonde réforme... Il y a à cela sept raisons: la criminalité, la luxure et l'idolâtrie, les mauvais bergers, les faux prophètes, la diminution de la foi, la décrépitude de l'Église et le mépris des saints.

 

Écarté pendant un temps du couvent dominicain de Florence, après avoir été à Bologne, Ferrare et en Lombardie, il y retourne en 1490, à l'invitation de Laurent le Magnifique, sous les instances de Giovanni Pic de la Mirandole. Il y donne des leçons sur l'Apocalypse au grand retentissement.

 

Son destin bascule après sa prédication du 27 avril 1791, où il se montre d'une rare véhémence. Les pauvres et les opprimés y trouvent la justification de leur mécontentement tandis qu'elle indiffère les riches et que Laurent le Magnifique se sent visé et ne lui oppose qu'un piètre prédicateur.

 

Après la mort de Laurent le Magnifique, devenu prieur du Monastère Saint Marc, Jérôme Savonarole se fait prophète non plus sur la base des Écritures mais sur les révélations qu'il se persuade que Dieu lui ferait directement, tout en prétendant que l'Ancien Testament reste la source de ses visions.

 

Après l'élection du pape Alexandre VI, la chute des Médicis, la nouvelle vision qu'il décrit en chaire le 1er avril 1495, tout va changer pour Jérôme Savonarole dont d'aucuns mettront alors en cause la bonne foi. Ses attaques contre le pape lui vaudront excommunication et défections de partisans.

 

Lui qui avait été saisi d'une rage punitive (bûcher pour les sodomites, extirpation des mauvais prêtres, enfermement des prostituées au bordel, lourdes amendes pour les joueurs, percement de la langue des blasphémateurs, interdiction des bals, etc.) finira pendu et brûlé après avoir été torturé.

 

Après s'être rendu aux autorités civiles qui menaçaient de mettre le feu à son couvent, il avoua sous la torture que son but était la gloire, le crédit et la réputation. C'était un reniement total de l'oeuvre de sa vie. Seul un de ses deux compagnons, arrêtés avec lui, et torturés, ne l'aura pas renié.

 

L'Inquisition les condamnera comme hérétiques et schismatiques, les remettra au bras séculier qui doit les exécuter par pendaison: leurs corps devront ensuite être brûlés afin que le feu purifie la terre de leur passage, et leurs cendres dispersées pour effacer toute trace de leur passage sur la terre.

 

Il ne faut jamais oublier le contexte, ni juger avec les yeux d'aujourd'hui. Mais l'on ne peut s'empêcher de faire des rapprochements avec un autre épisode de l'histoire, la Révolution française, où des mots, suivis d'actes, ce qui ne peut être reproché à Savonarole, se sont retournés contre leurs auteurs.

 

Francis Richard

 

Savonarole, Aimé Richardt, 154 pages, SOTECA (sortie le 30 août 2023)

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

 

Chez SOTECA:

Saint Vincent de Paul (1561-1660)-Le miséricordieux (2022)

Le saint curé d'Ars (2023)

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19 août 2023 6 19 /08 /août /2023 18:00
Ludwig Hohl, d'Anna Stüssi

J'ai su, très tôt, que je me contenterais de raconter la première partie de sa vie, car celle-ci contient déjà tout Hohl.

 

Anna Stüssi, en effet, dans ce fort volume biographique s'intéresse aux années 1904-1937 de Ludwig Hohl (1904-1980), ce qui ne l'empêche pas de faire quelques incursions bien au-delà de 1937.

 

Comme elle le dit dans son introduction, la gloire vint tardivement et s'estompa bientôt. Aussi faut-il remercier Bernard Campiche d'avoir édité et Antonin Moeri d'avoir traduit cette biographie.

 

À l'appui de ses dires, l'auteure cite abondamment l'écrivain suisse-allemand, qu'il s'agisse de ses oeuvres ou de sa correspondance, ainsi que ce qu'ont dit de lui ses amis dans leurs lettres et articles.

 

Ainsi découvre-ton une personnalité hors normes. Il n'est pas beaucoup d'écrivains comme lui qui ont eu ou ont une telle persévérance à continuer d'écrire en dépit du manque de reconnaissance.

 

Ludwig Hohl sait depuis tout petit qu'il ne veut qu'une chose au monde être un artiste. Connaître misères et désolations ne sont pas raisons suffisantes pour renoncer à écrire... nombre de notes.

 

Dire que c'était quelqu'un qui était paresseux et se la coulait douce serait une terrible erreur commise sur la personne. Pendant de longues périodes il a travaillé sans trêves ni repos ni souci de sa santé.

 

Les années 1904-1937 suffisent à familiariser le lecteur avec cet homme instable, qui ne travaille pas pour vivre, au grand dam de ses parents qui ne le comprennent pas, mais pour être un vrai artiste.

 

Comme tout vrai artiste, Ludwig Hohl est hypersensible. Mais cette hypersensibilité ne justifie pas pour autant d'être désorganisé et ne pas noter tout ce qu'il fait pour en tirer des leçons sur la vie.

 

Il note même ses rêves qui, nous dit sa biographe, ont une grande importance existentielle: Il y trouvait des informations sur lui-même et, en plus, l'expression d'une imagination poétique archaïque...

 

Ses amis ont également une grande importance pour lui, qui échange beaucoup avec eux, de même que les géants de la littérature, poètes, philosophes, écrivains, dont il fait son miel de la lecture.

 

Il ne se sent pas bien en Suisse où son mode de vie marginale et originale est incompris. À Paris, à Marseille, aux Goudes, à Faverges, à Vienne, à Grein an der Donau ou à La Haye, il est son pays.

 

En 1937, revenu en Suisse, à Genève, loin du Glaris natal, traversant le lac Léman à la nage, ce personnage de roman est apaisé par la simple vue du Mont Blanc qui le regarde depuis un moment:

 

C'est à cette image que recourut la biographe quand le courage allait la quitter sur la longue route à travers la biographie de Hohl.

 

Francis Richard

 

Ludwig Hohl, Anna Stüssi, 472 pages, Bernard Campiche Editeur (traduit de l'allemand par Antonin Moeri)

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18 avril 2023 2 18 /04 /avril /2023 22:55
Le nageur, de Pierre Assouline

S'il y a une leçon à méditer de l'enseignement des Anciens, c'est bien celle-ci: l'éducation d'un homme n'est pas complète s'il ne sait pas nager.

 

Le nageur est l'histoire d'un homme complètement éduqué, Alfred Nakache, originaire de Constantine en Algérie, où il est né en 1915.

 

Un homme, c'est sa ville, écrit Pierre Assouline. Et Constantine n'est pas une ville comme les autres. Alfred y habite le quartier juif:

 

Ce n'est pas vraiment un ghetto puisque le passage y est libre.

 

Alfred n'est pas non plus un nageur comme les autres:

 

Son style, si l'on peut dire, est tout sauf gracieux, élégant, délié. Il compense par la puissance de ses bras et de ses cuisses.

 

Pour réussir, à haut niveau, dans son sport, Alfred doit partir pour Paris, où il intègre le lycée Janson-de Sailly et le Racing Club de France:

 

Deux lieux privilégiés, huppés, sélectifs, où l'entre-soi ne dispense pas de cultiver l'excellence.

 

Pour Alfred l'essentiel, avant la performance, est de prendre du plaisir. Mais l'un n'empêche pas l'autre et les résultats sont là pour Artem1.

 

Lors des compétitions il fait la connaissance de son meilleur ennemi, Jacques Cartonnet, un athlète différent, physiquement et mentalement.

 

Autant Cartonnet  a des facilités et s'en tient au strict minimum, autant pour Nakache tout est dans l'effort afin de donner le strict maximum.

 

Nakache dispute les Maccabiades en 1935 à Tel-Aviv et les Jeux Olympiques en 1936, à Berlin, dans une ambiance tendue, comme on imagine.

 

Nakache l'emporte sur Cartonnet; il sait créer les conditions du surgissement de l'imprévu et de l'étincelle qui lui permet de monter sur le podium.

 

Après la débâcle les rivaux se retrouvent tous deux à Toulouse, Cartonnet au Racing Olympique, Nakache aux Dauphins du TOEC:

 

Le plus titré des nageurs français en activité n'en reste pas moins fidèle à lui-même, toujours aussi joyeux, blagueur, discret.

 

Il ne fait pas bon être juif au cours de ces années sombres où les lois, sous la pression des nazis, restreignent de plus en plus leurs libertés.  

 

Après la rafle du vélodrome d'Hiver à l'été 1942, les événements se précipitent. En 1943, Nakache n'est pas le bienvenu au championnat de France.

 

Par solidarité, d'autres nageurs de haut niveau boycottent les épreuves et sont sanctionnés... De lui-même, d'ailleurs, Nakache renonce.

 

En fait il est en équilibre instable sur une ligne de crête:

 

Le jour, il s'entraîne au vu de tous; le soir, il se produit officiellement; la nuit il résiste clandestinement.

 

Fin 1943, sur dénonciation (de Cartonnet?), Nakache puis sa femme Paule et leur fille Annie sont arrêtés, transférés à Paris, puis à Drancy.

 

Déporté, en janvier 1944, à Auschwitz, où il est séparé de sa femme et de sa fille qu'il ne reverra plus, puis à Buchenwald, il s'en sort.

 

À la Libération, il revient à Paris, puis à Toulouse. S'il a survécu, il le doit à sa constitution physique. Il va à nouveau nager pour ne pas couler:

 

Derrière tout grand nageur, il y a un grand entraîneur.

 

À Toulouse, il retrouve son entraîneur qui lui réapprend à marcher avant de lui réapprendre à nager. Il reconquiert musculature et puissance.

 

Il retrouve sa volonté de nager, de concourir et de gagner et participe au championnat de France en 1946, aux Jeux Olympiques en 1948.

 

À la retraite, en 1976, il s'établit à Cerbère avec sa seconde femme, Marie. Chaque jour il boucle son kilomètre de nage dans le port de la petite ville.

 

Après une alerte cardiaque, lointain héritage des camps, en août 1983, il reprend l'entraînement, fait une dizaine de mètres et de battre son coeur s'arrête:

 

Le récit de son existence pourrait tenir en une phrase: il est né, il a nagé, il est mort.

 

Francis Richard

 

1 - Le surnom qui lui a été donné.

 

Le nageur, Pierre Assouline, 256 pages, Gallimard

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 23:55
La chute de l'empire européen, de Philippe Fabry

L'Histoire ne peut nous enseigner aucune règle, aucun principe ni loi d'ordre général. Il n'y a aucun moyen d'abstraire d'une expérience historique a posteriori de quelconques théories ou théorèmes concernant la conduite et les politiques humaines.

Ludwig von Mises, L'Action humaine

 

Philippe Fabry pratique ce qu'il appelle l'historionomie, une autre façon de lire l'histoire que celle de l'Autrichien, donc de lire le monde. À partir d'observation de récurrences historiques, cette discipline comparative conduit à des modèles.

 

La chute de l'empire européen est un exemple de cette démarche qui se base non seulement sur l'étude historique mais sur une ethno-géographie en rapport avec elle. Un modèle expliquant la construction des États-nations en résulte.

 

QU'EST-CE QU'UN ÉTAT-NATION ?

 

Une entité politique assise sur et correspondant à un espace géographique et une population circonscrite, dotée d'une certaine spécificité culturelle.

 

Philippe Fabry s'est intéressé surtout aux États-nations résultant d'une construction en toute autonomie sur le temps long, dont la constitution se termine par un mouvement national de révolution qui fige les frontières et scelle l'identité nationale.

 

Philippe Fabry observe cette construction des États-nations de l'Antiquité à nos jours: elle s'effectue, constate-t-il, selon un schéma similaire, dont le principal ressort est un déterminisme ethno-géographique, ce qu'il résume en ces termes:

 

La construction d'un État-nation dure entre six et sept siècles, au cours desquels un espace ethno-géographique s'homogénéise culturellement, sous la férule d'un État impérial, c'est-à-dire de l'édifice administratif et institutionnel d'un pouvoir s'étendant très au-delà de sa zone géographique d'origine (la grande plaine).

 

D'abord relativement respectueux des disparités culturelles et des institutions traditionnelles, l'État impérial se montre de plus en plus autoritaire et centralisateur. Il est alors confronté à une crise de légitimité doublé d'une faillite.

 

Pour sortir de cette crise, l'État impérial opère une mutation, à l'occasion d'un mouvement de révolution nationale, qui le transforme en un régime parlementaire 1 fondant principalement les distinctions sociales et politiques sur la fortune:

 

L'État impérial devient [à son tour] État-nation.

 

UNE HOMOGÉNÉISATION CULTURELLE

 

Ce modèle sert de grille de lecture à l'auteur pour analyser la situation actuelle de l'Europe et, partant, d'envisager son développement futur, le siège du pouvoir de l'Union européenne se trouvant géographiquement dans l'espace rhénan:

 

Ce grand triangle entre la Belgique, les Pays-Bas et la Bavière.

 

En effet, au cours de l'histoire, toutes les autres tentatives d'empire européen ont échoué. La construction actuelle s'est faite suivant le modèle tardif de l'Italie et de l'Allemagne, ses élites se distinguant par des idéologies censées les légitimer:

- écologisme

- multiculturalisme

- féminisme

- LGBTQuisme.

 

Pour ne pas être en reste, les élites urbaines ont imité cette culture de la mégapole où se situe le centre du pouvoir européen et, en réaction, la population a eu tendance à en adopter les termes si bien qu'une homogénéisation culturelle s'est faite.

 

UN MOUVEMENT DE RÉVOLUTION

 

Dans le langage de l'Union européenne, de plus en plus autoritaire et centralisatrice - la Commission européenne a seule l'initiative des lois et il n'existe pas de chambre haute pour représenter l'Europe périphérique -, l'état de droit signifie:

 

L'État crée le droit et doit le respecter.   

 

Ce Rechtsstaat germanique, positiviste, est différent de la Rule of Law, britannique, où le droit est un phénomène naturel que l'intelligence humaine découvre par la recherche du juste: l'État doit respecter ce droit qui lui est extérieur.

 

Les conditions d'un mouvement de révolution, tel qu'évoqué plus haut, sont aujourd'hui réunies avec le discrédit des idéologies et des institutions européennes, responsables par leurs défaillances des crises économiques, sociales et énergétiques:

- tâtonnements dans la gestion de la pandémie

- incapacité à voir venir l'invasion russe en Ukraine

- impréparation stratégique et énergétique à la survenance de la guerre.

 

COMMENT EN SORTIR ?

 

Dans Le Président absolu, l'auteur avait suggéré des remèdes pour éviter que la France ne sombre dans le chaos. Les réformes organiques qu'il propose à l'échelle européenne sont similaires pour lui éviter une répétition tragique de l'Histoire:

- rendre responsable la Commission devant le Parlement par la possibilité d'une motion de censure à la majorité simple

- élire les membres de la Commission par le Parlement

- adjoindre un Sénat dont la composition serait pondérée afin que les territoires les moins densément peuplés soient représentés équitablement

- élire éventuellement un chef d'État de l'Union par le Sénat, le Parlement et le Conseil européen avec pour seules attributions un rôle de représentation et de garantie des institutions.

 

Francis Richard

 

 

1 - Ce mouvement de révolution demande une quarantaine d'années.

 

La chute de l'empire européen, Philippe Fabry, 154 pages, Léo Portal

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Rome, du libéralisme au socialisme, 160 pages, Jean-Cyrille Godefroy (2014)

Le Président absolu, 118 pages, Léo Portal (2022)

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29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 20:50
Le saint curé d'Ars, d'Aimé Richardt

Jean-Marie Vianney naît le 8 mai 1786 à Dardilly, commune de la région lyonnaise. Il est le quatrième enfant d'une famille qui en comptera six.

 

À dix-huit ans, il annonce à son père qu'il veut devenir prêtre, mais, à l'époque, cela signifie pratiquer le latin. Or le latin est un supplice pour lui.

 

En 1809, pour échapper à la conscription, il déserte et ne revient qu'en 1811. Il est admis au séminaire en 1812 et ordonné prêtre en août 1815.

 

Il n'a donc pas été facile ni rapide à Jean-Marie d'accéder à la prêtrise. Nommé vicaire à Écully, il voit très vite son confessionnal assiégé.

 

La raison de cette ferveur est qu'il est un homme de foi et que celle-ci rayonne dans ses instructions aux enfants et lorsqu'il monte en chaire.

 

Au décès du curé d'Écully, il ne lui succède pas et est nommé à Ars-en-Dombes, où il s'installe le 13 février 1818 et y poursuit son apostolat.

 

Là encore les fidèles se pressent à son confessionnal. N'est-ce pas parce qu'il est un confesseur sévère et que, quand il prêche, il est concret?

 

L'église est délabrée? Il la restaure. Son âme est assaillie par le grappin? Il fait pénitence et ses armes pour le combattre sont le jeûne et la prière.

 

Ses pénitents doivent être humbles: l'orgueil est la chaîne de chapelet de tous les vices, être confiants et ne pas douter de la miséricorde de Dieu.

 

Il dépense ce qu'il reçoit pour l'embellissement, et le renouvellement, de ce qu'il appelle le ménage du Bon Dieu, et l'aide à ses paroissiens pauvres.

 

En 1824, sous sa férule, une école gratuite ouvre dont les élèves sont d'abord les filles de la région, puis les filles abandonnées des environs.

 

Ce succès du curé d'Ars ne va pas sans calomnies proférées contre lui, mais elles n'aboutissent pas. Il reste pour ne pas leur donner raison.

 

Les foules qui viennent se confesser à lui suscitent jalousies et médisances de la part de confrères, mais leur conversion seule lui importe:

 

Je leur donne une petite pénitence et fais le reste à leur place.

 

La confession, décriée à l'époque par un Jules Michelet, est pourtant ce qui caractérise le curé d'Ars et qu'il donnera, épuisé, jusqu'à sa mort.

 

Aimé Richardt rappelle en fin d'ouvrage les conditions à remplir pour être béatifié, puis canonisé. En 1925, il devint ainsi Le saint curé d'Ars:

 

La commune d'Ars-sur-Formans est aujourd'hui un lieu de pèlerinage qui accueille plus de 500 000 visiteurs par an.

 

Le livre se termine par la reproduction de l'Acte d'amour du curé d'Ars, qui, comme le dit l'auteur, en fait une belle fin, dont ce bel extrait:

 

Je vous aime, ô mon Dieu, et je n'appréhende l'enfer que parce qu'on n'y aura jamais la douce consolation de vous aimer.

 

Francis Richard

 

Le saint curé d'Ars, Aimé Richardt, 120 pages, SOTECA (sortie le 1er mars 2023)

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

 

Chez SOTECA:

Saint Vincent de Paul (1561-1660)-Le miséricordieux (2022)

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17 décembre 2022 6 17 /12 /décembre /2022 23:55
Le brun et le vert- Quand les nazis étaient écologistes, de Philippe Simonnot

L'écologie (le mot lui-même et la discipline scientifique) est née en 1866, grâce à un certain Ernst Haeckel (1834-1919). Beaucoup ignorent que sa première incarnation politique et pratique a été le régime nazi en 1933. Philippe Simonnot comble cette lacune avec ce livre-enquête très documenté.

 

Auparavant il rappelle qui était Ernst Haeckel: un biologiste anti-chrétien, un fervent antisémite, un moniste hostile à l'anthropocentrisme, un promoteur du darwinisme social, pour qui la maladie d'une société est causée par la présence de parasites humains, identifiés par leur race et leur religion.

 

L'inspirateur du nazisme vert est un disciple d'Ernst Haeckel, Walther Schoenichen. À partir de 1928, celui-ci dirige le journal conservateur, Protection de la Nature. En 1932 il adhère au parti nazi. Pour lui, le capitalisme, le libéralisme, le matérialisme, la démocratie sont des poisons pernicieux.

 

Ces poisons saccagent la nature, déracinent le peuple allemand en le détachant de sa fondation naturelle de la vie. Car le sang et le sol sont les forces primordiales de la vie et de l'âme [...] propres à la race allemande. Ainsi le paysage primordial doit-il être protégé des atteintes de la main de l'homme.

 

Les droits individuels, notamment les droits de propriété, doivent s'effacer devant les besoins collectifs du peuple qui sont organiques. Le grand tout - race et pays, sang et sol - assigne à chaque partie du pays sa fonction. Il est donc légitime de saisir des propriétés pour des raisons écologiques:

 

C'est seulement dans des États soumis à des régimes autoritaires que peuvent être remplies les conditions nécessaires à une organisation de l'espace avec une perspective à long terme. (Schoenichen,1942)

 

Dès le lendemain de l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, un impressionnant ensemble législatif ou réglementaire est adopté, le droit de propriété pouvant être bafoué à volonté pour la sauvegarde de la flore, de la faune et des monuments naturels, ceux qui ne doivent rien à la main de l'homme:

 

L'écologie nationale-socialiste est étatique et anticapitaliste.

 

Parmi ces lois, il y a celle de protection des animaux, c'est-à-dire de tous les êtres vivants désignés comme tels par le langage courant comme par les sciences de la nature, et celles, par exemple, interdisant l'organisation de combats de coqs ou de corridas, ou encore de couper les oreilles des chiens...

 

Parmi ces lois, il y a celle contre la dévastation des forêts, qui s'applique aussi bien aux domaines publics qu'aux domaines privés, la sainte forêt allemande étant considérée par les nazis comme un bien national, un fief du peuple, si bien que son bien-être est plus important que tout profit personnel.

 

Sous le IIIe Reich, le verdissage est de fait général. Les autoroutes doivent être respectueuses de l'environnement. Quant à l'agriculture biodynamique, rejetant l'usage de pesticides et de fertilisants chimiques, elle est imposée dans les territoires occupés et dans... les jardins de Dachau et d'Auschwitz.

 

Si des personnalités de première importance du régime nazi au plan opérationnel, tels que Walther Darré, Fritz Todt, Alwin Seifert ou Rudolf Hess, sont des écologistes convaincus, Adolf Hitler n'est pas en reste, qui pense que l'homme doit être détrôné au profit d'une nouvelle divinité: la nature:

 

À un moment donné, ose-t-il prévoir, le problème de la surpopulation se posera fatalement. Mais cette question, selon lui, sera résolue par la loi du plus fort...

 

Les écologistes allemands sont-ils aujourd'hui les héritiers de l'écolo-nazisme? En tout cas, comme lui, ils rejettent la position dominante de l'homme dans la nature, comprise par des générations de juifs et de chrétiens (Genèse 1, 26-30) et reprise par le capitalisme, trois termes honnis par le nazisme.

 

L'auteur se promettait de mener une autre enquête sur des traces clandestines de national-socialisme dans l'animalisme, l'antispécisme, le culte de "Gaïa", le nouveau paganisme, l'antilibéralisme en vogue aujourd'hui dans beaucoup de cercles écologistes. Mais il n'en aura hélas pas eu le temps1.

 

Francis Richard

 

1 - Philippe Simonnot est mort à Paris le 17 novembre 2022, peu avant la sortie de ce livre.

 

Le brun et le vert - Quand les nazis étaient écologistes, Philippe Simonnot, 232 pages, Les Éditions du Cerf

 

Livre précédent:

Chômeurs ou esclaves, Pierre-Guillaume de Roux (2013)

 

Livre précédent avec Charles Le Lien:

La monnaie - Histoire d'une imposture, Perrin (2012)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 21:45
Saint Vincent de Paul (1561-1660) - Le miséricordieux, d'Aimé Richardt

Comme raconter la vie de Vincent de Paul n'est pas simple, aux dires même d'Aimé Richardt, il vaut mieux lire la biographie qu'il vient de lui consacrer et se contenter d'en donner un aperçu en soulignant quelques traits à partir de ce qu'il en dit:

 

Le coeur de Vincent ne pouvait rester étranger à aucune infortune, ni son génie d'organisation laisser quelque souffrance qu'il n'eût essayé de secourir.

 

Quelles sont les infortunes auxquelles son coeur n'a pu rester étranger? Les pauvres malades, les galériens, les enfants trouvés, les vieux, les soldats démobilisés, malades ou affamés... Comment? En les assistant corporellement et spirituellement.

 

Quels sont les manifestations de son génie de l'organisation? Aimé Richardt note, par exemple, qu'en 1633 il est:

- aumônier général des galères;

- supérieur de la congrégation de la Mission;

- supérieur des Visitandines de Paris;

- supérieur des Filles de la Charité.

 

S'il est miséricordieux et qu'il est un organisateur né, il est également persuasif et arrive à convaincre les grands de son époque de faire des dons pour les nombreuses oeuvres qu'il mène et de l'aider, alors qu'il n'est que le fils d'un pauvre laboureur des Landes:

 

En fait son père Jean Depaul, ou de Paul, était un agriculteur aisé propriétaire de ses terres, de sa maison, et de bétail.

Sa mère Bertrande de Moras appartient à une famille de lignée bourgeoise, peut-être de la petite noblesse locale, mi-rurale, mi-liée au monde de la robe.

 

Le maître-mot de ce grand saint est la Charité. Encore faut-il s'entendre sur la signification de cette vertu théologale:

 

La nature qui porte les hommes à s'entraider, les pousse bien davantage à se préférer aux autres. Elle ne va pas au-delà d'une bienfaisance qui est plutôt une satisfaction que l'effet d'un dévouement réel. Mais pour aimer son prochain comme soi-même, il faut l'aimer en Dieu.

Par une merveilleuse réciprocité, de même que Dieu, pour se faire aimer, a dû descendre jusqu'à nous, de même l'homme doit s'élever jusqu'à Dieu pour apprendre de lui à aimer son semblable.

 

Il est exigeant avec les autres comme il l'est avec lui-même, mais il recommande toutefois de mesurer son zèle dans une lettre qu'il adresse à Louise de Marillac:

 

Prenez garde de n'en pas faire trop; c'est une ruse du démon dont il trompe les bonnes âmes que de les exciter à faire plus qu'elles ne peuvent, afin qu'elles ne puissent plus rien faire; et l'esprit de Dieu invite doucement à faire le bien que raisonnablement on peut faire, afin qu'on le fasse avec persévérance et longuement.

 

De même méprise-t-il assez les artifices de l'éloquence:

 

Pour Vincent, le parfait missionnaire ne devait pas avoir d'autre modèle pour parler au peuple que Jésus-Christ, qui se servait d'un langage simple et à la portée de tous, et qui expliquait par des comparaisons familières les vérités de l'Évangile.

 

Il faut, disait Jésus-Christ, juger l'arbre aux fruits:

 

L'oeuvre des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul compte aujourd'hui (2021) plus de 800 000 membres répartis en près de 50 000 Conférences dans le monde.

 

Francis Richard

 

Saint Vincent de Paul (1581-1660) - Le miséricordieux, 156 pages, Éditions SOTECA

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

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  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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