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25 janvier 2024 4 25 /01 /janvier /2024 18:20
Il y a cinquante ans, jour pour jour...

Il y a cinquante ans, jour pour jour, le 25 janvier 1974, mon diplôme d'Ingénieur Mécanicien m'était remis par Maurice Cosandey, Président de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne, à l'aula de l'école, qui est devenue aujourd'hui Aula des Cèdres.

 

Habitant à proximité du bâtiment de l'école, qui se trouvait avenue de Cour, à côté de l'aula, et où a élu domicile la Haute École Pédagogique, je m'y suis rendu, en pèlerinage, en début d'après-midi: le diplômé est, en quelque sorte, revenu sur les lieux de son diplôme...

 

Il me semble que la cérémonie de collation s'est déroulée hier. Ma mère, Nicky, mon père, Robert, mon grand-père maternel et parrain, Daddy, ma marraine, Gilberte, et son mari, Louis, tous aujourd'hui disparus, étaient dans l'assistance et heureux de ma réussite.

 

Le littéraire contrarié que je suis était devenu un scientifique digne de ce nom, continuait de se conformer au modèle de l'Honnête Homme, au sens du XVIIe siècle, cet idéal classique auquel toute ma vie j'ai aspiré: être un homme du monde accompli, un esprit cultivé.

 

Je n'imaginais pas que je reviendrais à Lausanne et y travaillerais, pendant plus de dix-huit ans, dans une entreprise d'informatique, située à deux pas de là, où j'assumerais la responsabilité de l'administration des ressources humaines et la gérance de la caisse de pension.

 

Polytechnicien n'est pas un vain mot. Cette formation m'a appris à apprendre et à aimer apprendre, m'a permis d'embrasser diverses techniques - mécanique, gestion comptable et financière, ressources humaines, prévoyance professionnelle - et de tendre vers l'excellence.

 

Comme je l'ai raconté ici naguère, je dois ce que je suis devenu principalement à mon père, mais aussi à mon grand-père maternel, qui, par son exemple, m'a inculqué l'esprit de résistance, quelles que soient les circonstances, et m'a appris à ne pas craindre la mort.

 

Ma reconnaissance va donc en ce jour anniversaire à la formation que j'ai reçue, à tous les hommes et toutes les femmes qui m'ont guidé dans l'existence, m'ont fait battre le coeur, réparé il y a deux mois, et apporté un supplément d'âme, qui manque tellement à l'époque.

 

Francis Richard

Il y a cinquante ans, jour pour jour...
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5 novembre 2023 7 05 /11 /novembre /2023 19:00
Robert Richard

Robert Richard

Mon père qui es aux Cieux - du moins je l'espère et prie Dieu qu'il en soit ainsi, je me suis recueilli ce matin devant le caveau familial à Issy-les-Moulineaux.

 

Il y a longtemps, Papa, que je n'avais pas accompli ce pèlerinage aux sources paternelles. Mais je ne pouvais oublier de le faire en ce 5 novembre 2023.

 

Le 5 novembre 1983, tu nous as quittés. C'était un samedi. Je voulais te rendre visite, parce que ton état s'était aggravé, mais je l'ai remise au lendemain.

 

Il faut dire que je travaillais dur pour diriger l'entreprise familiale que tu m'avais léguée et que je ne m'arrêtais que le jour de repos choisi par le Seigneur.

 

En me recueillant ce matin, je me suis souvenu que, pour te voir une dernière fois, j'étais parti de Versailles, dans la nuit, pour l'hôpital de la Pitié à Paris.

 

Tandis que je contemplais ton corps inanimé, tes yeux noirs se sont grands ouverts, par un réflexe qui m'a saisi d'effroi et m'a fait croire que tu me regardais.

 

Je t'ai regardé, rempli de tristesse, mais, comme ce matin, je t'ai rendu hommage et remercié du fond du coeur de m'avoir engendré et fait ce que je suis.

 

Certes je n'ai jamais fait dans ma vie ce que j'aurais voulu faire, puisque je voulais devenir écrivain et assurer mon ordinaire en étant journaliste ou enseignant.

 

Tu m'en as dissuadé et sans doute avais-tu raison. À quatorze ans, tu m'as proposé de prendre ta suite parce que j'étais le seul garçon de tes quatre enfants.

 

Sans toi aurais-je été au lycée Henri IV à Paris, même si j'ai réussi à passer haut la main l'examen d'admission, le lendemain de notre entrevue avec le proviseur?

 

Sans toi aurais-je été à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne, même si j'ai réussi à l'intégrer après un an préparatoire au Cours de Mathématiques spéciales?

 

Sans toi aurais-je été dirigeant d'une Petite et Moyenne Industrie pendant près de vingt ans, même s'il était risqué de l'être dans une France de plus en plus socialiste?

 

Sans toi aurais-je pu, grâce à ce curriculum, exercer, après la fin de l'aventure industrielle, trois autres métiers dans le domaine desdites ressources humaines?

 

Car, grâce à toi, j'ai appris à apprendre et à m'adapter aux circonstances, fussent-elles difficiles, et réserver mes loisirs aux sports et... aux arts et lettres que j'aime.

 

Je ne crois pas t'avoir jamais remercié de vive voix, même si nous étions complices, quand nous avons travaillé ensemble et après que tu as pris une retraite tardive.

 

Quarante ans après, je t'ai remercié ce matin, dans l'intimité, devant la famille paternelle réunie, ce soir je te remercie publiquement, par écrit, sur ce blog-notes.

 

J'espère seulement que je n'aurai pas trop démérité ici-bas et que je pourrai vous rejoindre un jour, toi, Maman et ma soeur Chantal, aux corps encore dispersés.

 

En attendant, puisque nul ne sait ni le jour ni l'heure, je pense fortement à vous trois, comme aux autres défunts de la famille, et, confiant, prie Dieu pour tous.

 

Francis

 

Concession à perpétuité Famille Richard - Faureau

Concession à perpétuité Famille Richard - Faureau

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11 novembre 2021 4 11 /11 /novembre /2021 23:15
Mon grand-père maternel, ce héros de la guerre de 1914-1918

En ce jour du 11 novembre 2021, j'ai une pensée émue pour mon grand-père maternel, Arthur Van Poucke, ce héros, qui aura influencé toute ma vie jusqu'à aujourd'hui et, si Dieu me prête vie, pendant encore quelque temps. N'est-ce pas le rôle que doit jouer un parrain pour son filleul?

 

Daddy - c'est ainsi que mes trois soeurs et moi l'appelions -, était né à Sint-Niklaas, en Belgique, le 27 décembre 1895. Aussi, quand la guerre de 1914-1918, se déclenche, étant de la classe 15, n'a-t-il pas l'âge requis pour être mobilisé comme le sont un certain nombre de ses camarades. 

 

 

PARTIR POUR L'ANGLETERRE

 

Il aurait pourtant bien aimé servir dans l'aviation. De toute façon il y a moins d'avions disponibles que de volontaires. Comme il n'est pas question de ne pas agir, il décide de partir pour l'Angleterre en passant par les Pays-Bas, et franchit les fils de fer barbelés qui séparent les deux pays.

 

Avant de gagner l'Angleterre, il passe par le bureau belge de Flessingue, chargé d'orienter les volontaires. Le 19 novembre 1914, il part depuis cette ville hollandaise qui se trouve à l'embouchure de l'Escaut et arrive deux jours plus tard à Folkestone où se trouve le bureau de passage.

 

Tous les éléments lui sont donnés pour poursuivre sa route. À Londres les Anglais lui demandent ce qu'il vient faire là. Il explique qu'il a des camarades au front et qu'il ne veut pas rester en Belgique à ne rien faire tandis qu'ils se battent. Au bout de huit jours, ils le renvoient à Folkestone.

 

 

"UNE TRÈS BONNE ÉCOLE"

 

Là-bas on lui dira ce qu'il doit faire. On lui donne des papiers pour circuler, ainsi qu'une carte sur laquelle est inscrite une adresse. Une fois sur place, il croit s'être trompé. Il se trouve en effet dans une rue d'un quartier résidentiel devant une vieille maison, blanchie à demi-étage.

 

Il frappe à la porte qui n'a pas de sonnette. Une sentinelle anglaise lui ouvre. Il est introduit dans une pièce où il n'y a pour tout mobilier qu'une table en bois blanc et des chaises en paille. Un officier, qui s'avère être un colonel, l'attend, lui demande une fois de plus ce qu'il vient faire là.

 

Après l'avoir écouté, le colonel anglais lui dit qu'il ferait mieux de retourner chez lui. Mais Daddy ne l'entend pas de cette oreille. Tout feu tout flamme, il n'a pas fait tout ce voyage pour rien et ne veut pas retourner comme ça en Belgique. Alors le colonel lui dit de retourner à Londres:

 

- On va vous enseigner. Vous aurez une très bonne école. Il paraît que vous n'aimez pas l'uniforme. Eh bien on vous donnera quelque chose de mieux et vous serez très content. Vous verrez. Puis vous rentrerez dans le pays, mais vous n'irez pas au front. Il y aura mieux à faire.

- Qu'est-ce que je devrais faire là-bas?

- Cela, on vous le dira.

- Merci Monsieur!

 

 

L'ENTRAÎNEMENT INTENSIF

 

Retourné à Londres, on l'envoie aussitôt à Cheltenham, où il reçoit des cours poussés. Il y apprend, entre autres, à se défendre et à utiliser le morse. Ce sont trois mois d'entraînement intensif, de six heures du matin jusqu'à minuit. Parfois même des cours spéciaux ont lieu pendant la nuit.

 

Lui, qui est plutôt d'un naturel peureux, apprend à maîtriser sa peur, si bien qu'à l'issue de ces cours, on peut lui tirer un coup de feu derrière le cou, il ne bouge pas d'un cil. Finalement il aurait plus peur de bouger un trait de son visage que de recevoir un coup de revolver...

 

Avant de retourner en Belgique, il passe toutefois encore un mois en Angleterre pour faire connaissance avec ceux qui seront envoyés comme lui en Belgique, mais également en Allemagne, en France, en Suisse. Il s'agit pour eux d'être capables de se reconnaître les uns les autres à la voix.

 

Daddy retourne en Belgique chez ses parents à Vilvorde par le même itinéraire qu'à l'aller. Les fils de fer barbelés ne sont pas encore électrifiés et il n'y a pas encore de sentinelles tous les kilomètres. Il passe donc sans encombre. Plus tard, des équipes spécialisées s'occuperont de ce passage de frontière.

 

 

LE TRAVAIL DU RENSEIGNEMENT

 

Pour l'heure, il prend contact avec le service homologue de l'armée belge, qui s'est mis en action dès l'occupation allemande, et il suit les instructions données par Londres. Le plus gros travail du renseignement consiste à noter tous les mouvements de trafic ferroviaire et les véritables destinations des trains, notamment en direction du front de l'Yser.

 

Le travail consiste également à savoir ce qui est transporté et en quelles quantités. Les effectifs des Allemands sont connus grâce à leur bêtise. Dans les casernes ils inscrivent sur des tableaux noirs les quantités de pains ou de pommes de terre nécessaires aux troupes. D'après les plaques d'immatriculation des voitures des officiers on sait, à condition d'avoir une bonne mémoire, quels sont les régiments qui sont là et quels sont leurs déplacements.

 

 

INTERPELLÉ

 

En août 1916, Daddy faillit se faire prendre dans un tram à vapeur entre Vilvorde et Anvers, alors qu'il était accompagné d'Alice, qui est alors âgée de 14 ans et qui est une soeur de celle qui sera ma grand-mère, Mammy. Or il n'avait pas le droit de circuler entre Vilvorde, située en zone d'étape, et Anvers, située en zone libre. Il est interpellé et, à Malines, il doit descendre.

 

Il a heureusement eu le temps de remettre à Alice les plis qu'il transporte et qu'elle a mis dans son bas. À l'officier qui l'interroge, il dit qu'il voulait aller à Anvers pour s'inscrire dans une école technique. Il fait le bête. Il doit se déshabiller et il n'a rien de compromettant sur lui, et pour cause. Aussi l'officier lui donne-t-il un billet pour aller s'inscrire. Il obtient même un abonnement hebdomadaire pour ses trajets.

 

Quant à Alice, elle a continué son chemin sans être inquiétée. Elle a attendu Daddy pendant trois heures au terminus. Celui-ci peut alors remettre les plis dans une taverne de marins.

 

Près de Charleroi il lui arrive une autre histoire dans un tram à vapeur. Il était cette fois dans la zone de front et n'était pas en règle. Il est donc à nouveau interpellé. La Kommandantur se trouvait dans une maison de maître. On le conduit dans le bureau d'un officier et on lui demande de s'asseoir. L'officier continue son travail sans lever les yeux de ses papiers. À dix-huit heures, il se lève et ne s'occupe pas de Daddy, qui est toujours assis dans son fauteuil. Dix minutes plus tard, Daddy se lève à son tour, sort de la maison et reprend tranquillement le tram.

 

 

ARRÊTÉ

 

En dehors des missions de renseignement, Daddy a effectué d'autres missions dont il n'a jamais voulu me parler... Il m'a seulement dit qu'il était allé plusieurs fois en Angleterre pendant ses quelque deux ans au service secret de Sa Majesté.

 

Un jour, un courrier tombe entre les mains des Allemands. Après avoir été torturé, il révèle où il portait les plis. Son responsable, un homme plus âgé que Daddy, est torturé à son tour et donne finalement les noms qu'il connaissait.

 

À la sortie de l'église, un dimanche, Daddy aperçoit des Allemands qui l'attendent. Il parvient à passer à travers les mailles du filet. Rentré chez lui, il détruit tous les documents qui s'y trouvent. Pendant trois semaines il échappe aux recherches des Allemands, alors qu'ils connaissent son nom.

 

Dans un café, où il ne se rend jamais, mais où il a accompagné exceptionnellement son beau-père, le deuxième mari de sa mère, il est arrêté. On l'emmène à la caserne de Vilvorde, près des fours à coke, sur la route qui mène à Malines. Il y reste une journée, puis il est emmené à la prison de Saint Gilles où il est torturé après avoir cassé la jambe d'un des soldats allemands. On le tire par les cheveux. Il est suspendu par les pouces pendant cinq minutes.

 

 

LES PREUVES 

 

Daddy est transféré à Anvers au bout de trois quatre jours. Il est alors amené devant le juge d'instruction, qui lui dit qu'ils ont les preuves contre lui. Il s'absente et le laisse à la garde de son frère Franz. Les preuves se trouvent dans une enveloppe. Il s'agit de plis. Pendant que Franz tourne le dos, Daddy avale le contenu de l'enveloppe.

 

Pour punition, il est privé de nourriture pendant trois jours et trois nuits. En catimini, un gardien lui donne à manger chaque jour à onze heures du soir, des tartines de pain blanc avec de la confiture, en lui demandant de ne laisser aucune miette.

 

Il subit deux trois heures d'interrogatoire par jour. Du 19 novembre 1916 au 21 juillet 1917, il reste à Anvers, où il peut recevoir des colis, jusqu'à sa condamnation.

 

 

CONDAMNÉ À MORT

 

Daddy passe devant une cour martiale, où il est défendu par un avocat allemand. Elle est composée d'un général, de quatre colonels et de deux sergents. Il est condamné à mort sans preuves le 8 juin 1917, après neuf jours de procès.

 

Les seuls témoins à charge ont été le courrier qui s'est fait prendre et son chef qui a donné les noms. Daddy prétend ne les avoir jamais vus. Quant au juge d'instruction et à son frère Franz, ils se sont bien gardés, pour ne pas avoir d'ennuis, de parler au procès des preuves que Daddy a avalées.

 

Pendant un mois et demi, du 8 juin jusqu'au 21 juillet 1917, il est placé dans une cellule de trois mètres sur trois, qui est d'une saleté repoussante. Pour tout repas, il reçoit un carré de pain le matin, et un carré de pain le soir. À midi le repas est composé de feuilles de betterave à l'eau et parfois de riz noir.

 

 

MARIÉ

 

Daddy refuse de signer son recours en grâce parce qu'il ne veut pas reconnaître sa culpabilité. En juin 1917, il accepte de se marier avec une voisine, qui sera ma grand-mère, Mammy.

 

Le 5 juillet 1917, il se marie donc à la même table sur laquelle se trouvait l'enveloppe des plis compromettants qu'il a mangés. Le mariage religieux a lieu dans la chapelle des religieuses de la prison.

 

Le recours en grâce a été demandé pour le couple. Une comtesse a remis cette demande au général Ludwig von Falkenhausen, gouverneur de Belgique. Mais ce recours en grâce n'aboutit pas.

 

 

COMMUTATION DE PEINE

 

Le 14 juillet 1917, à quatre heures du matin, on emmène Daddy avec d'autres prisonniers au quatrième étage. Un prêtre donne la confession. Un auditeur militaire vient avec son greffier. Il donne à Daddy lecture de la commutation de sa condamnation à mort en condamnation aux travaux forcés à perpétuité. D'autres de ses camarades sont exécutés le soir même par un peloton venu d'Ostende, celui d'Anvers s'étant récusé le matin.

 

Le 21 juillet 1917, il est transféré en Allemagne, par train, en quatrième classe, à la forteresse de Rheinbach, au sud de Cologne. La prison d'Anvers était tellement sale qu'il trouve que cette nouvelle prison est un véritable paradis en comparaison, excepté les dimensions de sa cellule qui ne mesure que 87 cm sur 2,80 m.

 

À Anvers il n'avait pas le droit de lire. En Allemagne, des livres sont mis à sa disposition. Il lit tout le temps, en allemand. Il reste là jusqu'en juillet 1918 et est alors renvoyé, en raison des troubles qui secouent l'Allemagne, à la Correction de Vilvorde, près du canal.

 

 

ÉPILOGUE

 

Quinze jours avant le 11 novembre 1918, les petits condamnés sont déjà relâchés. Lui ne l'est que le 11 novembre 1918 à 11 heures 11...

 

Le 8 novembre 1918, il a été mentionné par le Field Marshall Sir Douglas Haig for gallant and distinguished services in the Field et Winston Churchill, Secrétaire d'État à la Guerre, a reçu l'ordre du Roi d'enregistrer sa haute appréciation des services rendus.

 

Le 26 février 1920, par arrêté royal, la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II avec ruban à rayure d'or lui est décernée. C'est cette date qui est retenue pour son admission dans l'Ordre de Léopold, avec, en lieu et place, la Croix de Chevalier avec ruban à liserés d'or, le 14 juillet 1939.

 

Par erreur, Arthur Van Poucke figure au nombre des fusillés sur le monument érigé dans la salle des séances du Conseil Provincial d'Anvers, en l'honneur des civils qui y furent condamnés à la peine de mort, par un tribunal de guerre allemand, pendant l'occupation ennemie et inauguré le 23 octobre 1921...

 

En fait, Daddy est mort bien plus tard, le 4 février 1984, de sa belle mort, muni des Sacrements des malades, en me serrant la main et en nous souriant, à tous les trois, ma mère, mon oncle et moi, non sans avoir bu au préalable, avec bonheur, un dernier verre de bière.

 

Pendant la Seconde mondiale, il aura repris du service pour Sa Majesté britannique. Mais c'est une autre histoire...

 

Par son exemple, Daddy m'aura inculqué l'esprit de résistance, quelles que soient les circonstances, et appris à ne pas craindre la mort.

 

Francis Richard

Monument dans la salle des séances du Conseil Provincial d'Anvers

Monument dans la salle des séances du Conseil Provincial d'Anvers

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17 novembre 2020 2 17 /11 /novembre /2020 18:00
Deux anniversaires avec Jean Starobinski

Jean Starobinski , qui a écrit entre autres des livres sur Rousseau, Montaigne et Montesquieu, est né le 17 novembre 1920 à Genève, il y a 100 ans aujourd'hui. Le 2 mai 2003, il a fait une conférence à l'EPFL, dans le cadre des 150 ans de l'École, qui, à ses débuts, était une école privée, s'appelait l'École spéciale de Lausanne et n'avait que onze élèves...

 

C'est la seule et unique fois dans ma vie que j'ai eu l'occasion d'approcher ce Professeur honoraire à la Faculté des Lettres modernes de l'Université de Génève, mais ce fut mémorable parce qu'il nous a donné ce jour-là une leçon insigne d'intelligence et de jeunesse.

 

Le thème de sa conférence était: Le langage scientifique et le langage poétique, c'est-à-dire deux langages auxquels, ingénieur et blogueur, je suis sensible. Pour illustrer son propos, Jean Starobinski a utilisé deux pages d'un ouvrage de Sir Arthur Eddington, intitulé La nature du monde physique.

 

Sir Eddington, astronome et physicien, qui a vérifié la relativité d'Einstein en astronomie, parle dans ces deux pages d'une part de l'équation qui permet de déterminer la dimension des vagues en fonction de la vitesse du vent et d'autre part de six vers sur les vagues de Ruppert Brooke.

 

L'équation qui rend compte de la dimension des vagues n'est pas une petite équation. Elle occupe deux pages pleines. Sir Eddington se contente d'en citer les deux premiers termes.

 

Ruppert Brooke est un poète anglais mort d'une infection généralisée, le 23 avril 1915, pendant la Grande Guerre, sur un navire-hôpital, au cours de l'expédition désastreuse des Dardanelles.

 

Dans son poème de six vers, Brooke évoque les vagues soumises aux vents et éclairées par de riches cieux pendant la journée, figées par le gel qui leur donne gloire et paix brillante pendant la nuit.

 

Or, selon Sir Eddington, il s'agit de la même réalité.

 

Marcel Raymond, le maître de Jean Starobinski à l'Université de Genève, a étudié ces deux pages. Il ne croit pas pour sa part qu'il s'agisse de la même réalité. Dans son livre, Être et dire, il dit de l'équation qu'il s'agit d'une représentation figurée alors que les vers de Brooke sont un composé psychique. Il y a de l'incommensurable entre les deux langages. Le physicien opère en retrait de la réalité. Le poète, au contraire, est mêlé au plein des choses. Le premier observe et calcule, tandis que le second chante et aime.

 

Gaston Bachelard ne disait pas autre chose quand il disait que le scientifique travaillait sur des systèmes isolés alors que le poète rêvait et imaginait.

 

Marcel Raymond ajoutait que l'équation ne pouvait pas rendre compte, comme le poème, du déroulement de la journée.

 

Jean Starobinski a voulu aller plus loin. C'est ainsi qu'il a découvert que les six vers cités par Sir Eddington étaient en fait les deux tercets d'un sonnet intitulé Le mort.

 

Or, de quoi parlent les huit premiers vers du sonnet? De tout ce qui remplit la vie des hommes avant qu'elle ne soit fauchée par la guerre. Et le huitième vers se termine par tout cela est fini. Les six vers apparaissent alors tout autres qu'ils n'étaient apparus, sortis de leur contexte. Il s'agit d'une allégorie, d'une métaphore, comme d'une pierre tombale, qui répond aux deux quatrains. Brooke y témoigne encore d'un romantisme patriotique, qui tendra à s'atténuer après quelques temps de guerre.

 

Dans le premier quatrain il est question d'aube et de crépuscule et dans les deux tercets de jour et de nuit. Il existe comme un parallélisme entre eux. Le gel apparaît alors comme ce qui réunit tous les morts. Jean Starobinski ne manque pas de faire le rapprochement avec Ombre, le poème de Guillaume Appolinaire, où, cette fois, c'est l'ombre qui réunit les morts.

 

Tandis que Appolinaire décrit vraiment la guerre, avec le fracas des armes, avec ses obus et ses réelles blessures, Starobinski voit chez Brooke une euphémisation des morts au combat, qui sera d'ailleurs critiquée, après la guerre, par un certain nombre de survivants.

 

Si Starobinski est d'accord avec Marcel Raymond pour dire qu'il y a un écart entre les deux réalités, celle de l'équation et celle du poème, ce n'est pas pour les mêmes raisons. L'incommensurabilité entre les deux provient du fait qu'une équation ne peut donner un sens à la vie et au sacrifice de la vie:

 

Ce n'est pas en savant que l'on choisit de vouer sa vie à la science.

 

En effet, si la science a pour but de maîtriser la nature, elle n'a rien à dire sur le sens à lui donner, parce qu'elle est désintéressée et parce qu'elle est abstraction. Alors qu'au contraire le poème permet d'aller plus loin et de trouver ce que Yves Bonnefoy appelle le monde indéfait.

 

Jean Starobinski a choisi dans son exposé de montrer ce qui écarte le langage poétique du langage scientifique, de souligner le conflit radical entre eux dans la saisie du vrai du monde. L'expérience sensible ne se dit pas dans le langage scientifique mais dans le langage poétique. En revanche, comme le dit fort bien Éric Weil dans son texte intitulé De la nature, la poésie permet de comprendre et de contempler le monde, mais pas de le connaître.

 

Et de conclure que, s'il y a deux mondes, l'un n'efface pas l'autre, et de faire l'éloge du bilinguisme.

 

Francis Richard

 

 

Annexe I :

 

The Dead

 

These hearts were woven of human joys and cares,

Washed marvelously with sorrow, swift to mirth.

The years had given them kindness. Dawn was theirs,

And sunset, and the colors of the earth.

 

These had seen movement, and heard music; known

Slumber and waking; loved; gone proudly friended;

Felt the quick stir of wonder; sat alone;

Touched flowers and furs and cheeks. All this is ended.

 

There are waters blown by changing winds to laughter

And lit by the rich skies, all day. And after,

Frost, with a gesture, stays the waves that dance

 

And wandering loveliness. He leaves a white

Unbroken glory, a gathered radiance,

A width, a shining peace, under the night.

 

Ruppert Brooke

 

 

Annexe II :

 

Ombre

Vous voilà de nouveau près de moi

Souvenirs de mes compagnons morts à la guerre

L'olive du temps

Souvenirs qui n'en faites plus qu'un

Comme cent fourrures ne font qu'un manteau

Comme ces milliers de blessures ne font qu'un article de journal

Apparence impalpable et sombre qui avez pris

La forme changeante de mon ombre

Un Indien à l'affût pendant l'éternité

Ombre vous rampez près de moi

Mais vous ne m'entendez plus

Vous ne connaîtrez plus les poèmes divins que je chante

Tandis que moi je vous entends je vous vois encore

Destinées

Ombre multiple que le soleil vous garde

Vous qui m'aimez assez pour ne jamais me quitter

Et qui dansez au soleil sans faire de poussière

Ombre encre du soleil

Écriture de ma lumière

Caisson de regrets

Un dieu qui s'humilie

 

Guillaume Appolinaire

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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 22:00
Hommage à Jean-Laurent Cochet par lui-même

Il y a quelque neuf ans, le 22 janvier 2011, je m'étais rendu à la Salle Gaveau à Paris pour entendre lire par Jean-Laurent Cochet une des dix séquences nocturnes, d'une heure et demie chacune, de l'intégrale d'Albertine disparue de Marcel Proust.

 

Comme je n'étais pas seul, je n'avais pas voulu infliger à la personne qui m'accompagnait la lecture intégrale, qui lui aurait fait passer une nuit blanche, et m'étais donc contenté d'écouter un dixième de ce texte mémorable pour les amateurs de La Recherche. A la suite de quoi j'avais écrit le 28 janvier 2011 un billet pour en rendre compte.

 

Quelque temps plus tard, un ami de longue date, personnalité de Neuchâtel, m'avait demandé de transmettre le texte d'une pièce qu'il venait d'écrire à des animateurs de théâtre que je connaissais à Paris. J'avais remis son texte à Jean-Luc Jeener et l'avais adressé à Jean-Laurent Cochet.

 

Pour ce qui concerne ce dernier, j'avais joint mon billet sur sa véritable performance physique à la Salle Gaveau. Dans ce billet, j'écrivais notamment ceci:

 

Mes proches vous diront que je ne suis pas objectif quand il s'agit de Jean-Laurent Cochet. Immanquablement, à chaque fois que je le revois, il me fait penser à mon père : le même timbre de voix, la même posture, les mêmes gestes et le même bedon... Seules diffèrent leurs formes de tête. Tandis que celle de mon père était nettement ovale, celle de Jean-Laurent Cochet est plutôt ronde en comparaison.

 

Il y a vingt ans Jean-Laurent Cochet était passé à Chatou où il nous avait enchantés avec des citations de Sacha Guitry. A la fin du spectacle il signait son livre, Mon rêve avait raison, ce qui m'avait donné l'occasion de lui dire dans quel trouble me jetait sa voix, quand, fermant les yeux, je croyais entendre mon père disparu quelques années plus tôt. A la suite de quoi nous avons eu un bref échange épistolaire... alors qu'il habitait les Batignolles.

 

Le titre de son livre me faisait également souvenir de la pièce de Guitry, Mon père avait raison, qu'il avait mis en scène au Théâtre Hébertot, quand il en était le directeur, dix ans plus tôt. J'habitais alors au début de la rue de Tocqueville, tout près de la place de Villiers, où commence justement le boulevard des Batignolles, où se situe ce théâtre. J'avais eu le privilège d'y voir Paul Meurisse dans le rôle du père, peu de temps avant sa mort, que son courage sur scène ne laissait nullement présager.

 

Au fond, à la faveur de son exploit, j'ai eu beaucoup de plaisir à réentendre Jean-Laurent Cochet, qui, indépendamment de mon admiration pour l'oeuvre lue et sa manière de la faire vivre, agit en quelque sorte sur moi, de par sa voix, comme une madeleine de Proust et me permet d'évoquer sans nostalgie, mais avec gratitude, un temps retrouvé.

 

A ma grande surprise en rentrant chez moi à Lausanne, le 26 mars 2011, je découvrais sur mon répondeur un message de Jean-Laurent Cochet qui, quand je l'entends encore aujourd'hui, comme je viens de le faire, ne laisse pas de me bouleverser, parce que je n'ai pas eu souvent dans ma vie de tels témoignages de reconnaissance:

 

Monsieur Francis Richard, que personnellement je gratifie du titre de Seigneur de Chatou, c'est Jean-Laurent Cochet à l'appareil.

 

Comme je n'ai pas le loisir en ce moment, submergé que je suis, de vous écrire, je me suis décidé à vous laisser un message pour vous parler en direct - ce sera encore plus agréable -, pour vous remercier sans perdre de temps de votre envoi,

 

(naturellement j'ai tout de suite mis de côté la pièce de X... pour la lire le plus vite que je pourrais; ça ne va pas être très très vite, mais ça va être le plus vite possible)

 

vous remercier - ça m'a profondément ému, énormément touché - de votre texte personnel.

 

Ah là vous m'avez atteint au coeur. Je trouve ça de toute beauté. Je trouve ça très émouvant. Je trouve ça fait avec infiniment de charme, d'élégance, de chaleur. Cela m'a beaucoup, beaucoup atteint.

 

Eh bien j'espère que peut-être on pourra se parler une autre fois en direct. Je vous laisse mon numéro à tout hasard. Donc moi je suis à Paris. C'est le 01 47 ** ** **. Quoi qu'il en soit, il y a toujours mon répondeur même quand je suis là, et c'est seulement quand on se nomme que, si je suis là, je réponds.

 

Voilà, mais encore merci, comme je le fais très mal avec les pauvres mots qu'on emploie au téléphone, mais merci vraiment, cela m'a infiniment touché. A très bientôt.

 

Cette minute quarante-trois de bonheur, je n'en ai pas reproduit la transcription par vanité, mais pour montrer quel homme était Jean-Laurent Cochet: il avait pris la peine de rechercher mon numéro de téléphone dans l'annuaire téléphonique et de me laisser ce message chaleureux, plein de bienveillance et de générosité. Avec sa disparition, c'est à nouveau un père que je perds...

 

Francis Richard

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31 décembre 2019 2 31 /12 /décembre /2019 23:00
Cinquante ans avant 2019, cet annus horribilis...

2019 aura été un annus horribilis à bien des égards, sur lesquels je ne m'appesantirai pas à l'exception d'un seul parce qu'il explique la plupart d'entre eux.

 

Personnellement j'ai fait retraite cet annus-là et ai connu peu de temps après un problème de santé qui persiste depuis six mois et m'invalide: je suis sujet sans raisons à des vertiges...

 

Et ce n'est pas une métaphore...

 

La France que j'aime connaît elle aussi un problème de santé qui persiste depuis des décennies et continue de l'invalider: le collectivisme... et l'individualisme néfaste qui va de pair avec lui...

 

Frédéric Bastiat l'avait diagnostiqué:

 

L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde.

 

Cette grande fiction est une triste réalité en France et la source d'innombrables calamités dont les dernières en date ne sont pas les moindres: la retraite universelle par répartition et la grève d'une minorité de nantis...

 

Il y a dix-neuf ans maintenant que les vers de Victor Hugo me trottent dans la tête. Il avait choisi l'exil à Jersey, j'ai préféré Lausanne, où ma vie s'est orientée par deux fois il y a cinquante ans:

 

J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,

Sans chercher à savoir et sans considérer

Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,

Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.

Cinquante ans avant 2019, cet annus horribilis...

Le 8 février 1969, lors d'une réunion littéraire à Lausanne, je fais la connaissance d'un philosophe, Alonso Diez, né en 1893 au Chili. Il habite au troisième étage du 27 des escaliers du Marché, où se trouve alors un bar à café, le Barbare, qui fait parler de lui...

 

En souvenir de cette rencontre, Alonso Diez m'offre un exemplaire de Lachès, le dialogue de Platon sur le courage dont il a établi en français une version personnelle à partir d'anciennes traductions.

 

N'étant guère platonicien, je suis pourtant séduit par ce texte parce que Socrate se garde de conclure et d'élucider cette énigme.

 

En épigraphe à ce livre édité par lui en 1958, Alonso Diez écrit:

 

Le courage n'est pas seulement le ressort de l'action droite, mais encore la source du savoir profond, sans lequel l'action ne saurait être droite, c'est-à-dire sage.

 

Et, dans sa postface, il écrit que le courage vrai est [...] à la fois savant et ignorant, lucide et aveugle, bien que la lucidité l'abolisse comme l'abolit l'aveuglement.

Cinquante ans avant 2019, cet annus horribilis...

Paul Valéry dit: Que de choses il faut ignorer pour agir.

 

A l'automne 1969, quand j'entre en première année de l'EPFL, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, j'ignore encore tout de ce qui m'y attend, bien qu'ayant reçu un sévère avertissement: la conclusion du test psychologique auquel je viens de répondre me déclare inapte aux études que j'entreprends...  

 

De ce test je ne parle évidemment pas à mon père, pour qui je voue une grande admiration et que je ne veux pas décevoir. Je fais toujours de mon mieux pour honorer mes parents...

 

L'année précédente déjà, vu les notes obtenues à mon bac que j'ai passé à l'issue des événements (j'ai raté toutes les épreuves scientifiques et réussi toutes les littéraires), le président de l'EPUL, École Polytechnique de l'Université de Lausanne, Maurice Cosandey, ne m'admet qu'au CMS, Cours de Mathématiques Spéciales.

 

Quatre ans et quelque plus tard, je deviens Ingénieur Mécanicien avec les honneurs...

 

Aujourd'hui, avec le recul, je crois que j'ai alors fait preuve d'un courage vrai au sens où Alonso Diez employait l'expression et que ce ressort m'a animé tout au long de mon existence. Car c'est lui qui permet de surmonter les avanies.

 

Aussi de l'annus horribilis qui vient de s'écouler ne veux-je retenir que ces deux cinquantièmes anniversaires.

 

Retenir ce qui en vaut la peine de tout ce que j'aborde, que ce soit par exemple à la faveur de rencontres ou de lectures, n'est-ce pas finalement ce qui me guide en ce monde et m'évite de juger les autres tout en profitant des leçons qu'ils m'apportent?

 

De mes études scientifiques je retiens également ce que disait Socrate (cela me permet de discerner le soi-disant savant de celui qui l'est vraiment):

 

Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien.

 

Francis Richard

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4 septembre 2019 3 04 /09 /septembre /2019 19:30
Visite de Bibliomedia Lausanne

Hier soir avait lieu l'Assemblée générale de l'association littéraire Tulalu!? dans une salle de formation de Bibliomedia Lausanne.

 

Bibliomedia Lausanne se trouve au 34 de la rue César-Roux, c'est-à-dire tout près de la place de l'Ours, en face du Gymnase du Bugnon.

 

Les membres de l'association y ont été accueillis par le directeur des lieux, Laurent Voisard, qui leur a présenté son établissement, lequel n'est habituellement pas ouvert au public.

 

Bibliomedia Suisse, a-t-il rappelé, est une fondation de droit public, créée en 1920, à partir du fonds de la bibliothèque du soldat constituée pendant la Grande Guerre.

 

Les buts de Bibliomedia Suisse sont exposés à l'article 2 de son Acte de fondation:

 

La fondation favorise le développement des bibliothèques de lecture publique en Suisse, notamment dans les régions insuffisamment pourvues. En leur procurant livres et autres médias, elle contribue ainsi à un certain équilibre entre les régions et les populations. Elle contribue à la promotion de la lecture et au libre accès à l'information.

 

Les lieux de Bibliomedia Lausanne ont une histoire. A l'origine, ils ont été construits en 1848 pour l'administration des douanes. Puis ils ont été transformés pour devenir l'École de médecine, de 1888 à 1959.

 

(On raconte que, depuis, des esprits hantent le bâtiment, où des cadavres étaient disséqués... Une certaine Helga se manifeste ainsi de temps en temps...)

 

Enfin, depuis 40 ans cette année, depuis précisément le 30 août 1979,  Bibliomedia Lausanne est installée dans ces lieux.

 

En dehors des prêts de livres papier et de livres numériques aux bibliothèques de lecture publique, Bibliomedia mène à bien diverses opérations, telles que:

- Né pour lire, destinée aux tout-petits;

- Wilkommen, destinée aux réfugiés et aux migrants;

- Lectures suivies, destinée aux écoles.

 

Chaque année la Fondation décerne un prix à un auteur romand, prix qui est doté de 5000 francs pour l'auteur et dont une centaine d'exemplaires sont achetés et distribués dans les bibliothèques publiques. Le lauréat 2019 est Daniel de Roulet, pour Dix petites anarchistes.

 

Le financement de la Fondation provient pour 51% de la Confédération, pour 42% des cantons et des communes et pour 7% des prêts (c.f. le rapport annuel 2018).

 

Après avoir vu tous les livres en dépôt à la rue César-Roux, environ 75000, le mot de Cicéron ne peut que venir à l'esprit:

 

Une pièce sans livres, c'est comme un corps sans âme.

 

Certes, encore faut-il les lire pour lui permettre de s'ouvrir...

 

Francis Richard

Caisses en bois dans lesquelles les livres circulaient de 1920 à 1960

Caisses en bois dans lesquelles les livres circulaient de 1920 à 1960

Rayons de bibliothèques des livres en dépôt

Rayons de bibliothèques des livres en dépôt

Hall de Bibliomedia Lausanne vu depuis le premier étage

Hall de Bibliomedia Lausanne vu depuis le premier étage

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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 21:45
Journal décalé ou l'apologue de la roue de secours

Chatou, le samedi 21 juillet 2018

 

Aujourd'hui, c'est la fête nationale belge et... le jour où je vais atteindre les quatre cents kilomètres de nage depuis le début de l'année. Bref, c'est une journée ... faste.

 

Notre garagiste habituel n'a pas voulu s'occuper de la crevaison du pneu avant gauche de la voiture familiale survenu l'avant-veille:

 

- Voyez avec votre assistance.

 

Oui, mais nous sommes samedi et je ne trouve pas trace d'une société d'assistance dans le dossier du contrat d'assurance. Nous allons donc nous assister nous-mêmes...

 

Comme je vis dans un pays (la Suisse) où deux fois par an on change ses quatre roues pour les chausser de pneus d'été, puis de pneus d'hiver, arrivé ici la veille au soir, ce n'est pas une affaire pour moi de changer une malheureuse roue...

 

Comme la photo le montre, l'espace pour opérer est étroit, mais je ne suis pas excessivement gros... Cela devrait donc jouer.

 

Dans la famille nous avons quatre véhicules: il y a neuf millésimes d'écart entre le premier (qui se trouve à Lausanne) et les deux suivants, neuf ans entre ceux-ci et le petit dernier, qui vient tout juste d'être acquis.


A l'école de conduite, mon fils, qui vient d'avoir son permis et son premier véhicule, celui de la présente année, n'a pas appris à changer une roue. Qu'à cela ne tienne, je vais lui apprendre...

Journal décalé ou l'apologue de la roue de secours

Pour ce faire, il faut que je lise la notice. Désorienté je suis: la notice en effet ne parle pas de roue de secours mais de galette. Et ladite galette ne se trouve pas dans le coffre...

 

En fait, il faut tourner un écrou situé dans le coffre, sous une trappe, avec la clé démonte-roue... pour descendre jusqu'au sol la galette, suspendue à un fil...

 

Je crois pouvoir la dégager, mais elle reste attachée à son cordon ombilical. Pour me donner le temps de la réflexion, je remonte la galette dans son logement et cherche en vain le cric dans le coffre... Mon fils me rejoint...

 

Sa venue a pour effet de faire tomber mon stress d'un cran et de libérer mes neurones. Du coup je lis la notice avec plus d'attention et je tourne l'écrou davantage: la galette peut enfin être dégagée du fait qu'il y a du mou...

Journal décalé ou l'apologue de la roue de secours

La galette est une roue équipée d'un pneu plus étroit: elle est prévue pour un usage temporaire; il ne faut pas rouler à plus de 80 km/h; et le pneu doit être gonflé à 4,2 bars...

 

Mon fils me conduit à une station-service et j'ajuste la pression de la galette qui était initialement de 1 bar... à la pression recommandée sur la jante.

 

Voilà. Maintenant il faut démonter la roue au pneu crevé... Solidaire de la galette, il y a une boîte contenant le cric et un démonte-cabochons.

 

Car les écrous de la roue sont revêtus de cabochons en plastique. La pince jaune pour les enlever s'avère inopérante. Pour mieux y accéder, j'enlève l'enjoliveur et les cabochons s'en vont avec parce qu'ils ne font qu'une seule et même pièce... Éclat de rire...

Journal décalé ou l'apologue de la roue de secours

C'est bien beau, mais maintenant il faut faire réparer le pneu crevé. Un voisin qui passe nous recommande le Feu Vert de Montesson... Nous nous y rendons à deux voitures.

 

Les pneus avant sont usés, ce qui explique la crevaison... La révision chez le garagiste habituel remonte à seulement fin mars...

 

Il est convenu d'inverser les pneus: les pneus arrière passeront devant, de nouveaux pneus seront mis à l'arrière. La voiture sera prête à 18 heures.

 

Vers 15 heures, appel de Feu Vert: les plaquettes de frein arrière sont usées... Il faudrait les changer... Va pour les changer! Le garagiste habituel a pourtant révisé le véhicule fin mars...

Journal décalé ou l'apologue de la roue de secours

Nouvel appel vers 15 heures 30: la voiture est prête. Nous allons la chercher et revenons soulagés de quelques euros...

 

Mon fils s'inquiète et vient me trouver:

 

- Je ne trouve ni roue de secours, ni galette dans mon coffre, contrairement à ce qu'indique la notice...

 

Il y a pourtant bien tout le matériel sous le tapis du coffre (cric, pince jaune, clé démonte-roue), mais pas de roue de secours, ni de galette.

 

Le tout a été remplacé par un kit, situé en-dessous du matériel inutile: il comprend une bombe anti-crevaison et un manomètre pour contrôler la pression...

 

Moralité:

 

Avant, il y a dix-huit ans, en cas de crevaison, il était nécessaire de savoir changer une roue par une autre, il y a neuf ans, le progrès aidant, ce n'était plus vrai, enfin plus tout-à-fait puisque la roue de secours était remplacée par une galette, et maintenant ce ne l'est plus du tout...

 

J'oubliais : le nom et le téléphone de la société d'assistance se trouvait sur la Carte verte d'assurance...

 

C'était bien un jour faste, puisque j'ai encore eu le temps d'aller nager mes deux kil... et d'avoir une douce pensée pour ma mère qui était belge, côté flamand...

 

Francis Richard

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24 mai 2018 4 24 /05 /mai /2018 06:00
Lycée Notre Dame de Boulogne, à Boulogne-Billancourt

Lycée Notre Dame de Boulogne, à Boulogne-Billancourt

Le chiffre 8, 发, dans la symbolique chinoise, signifie faire fortune, s'enrichir...

 

Et le chiffre 88, 拜拜, que l'on place à la fin d'un SMS, au-revoir, autrement dit...bye-bye.

 

1958

 

Le 19 mars, j'ai eu sept ans, l'âge que l'on dit de raison. En septembre je vais à l'école des garçons et je rencontre le premier jour des classes mon premier véritable ami, Jean-Luc K., que j'ai un peu perdu de vue ces temps mais qui reste mon plus vieil ami.

 

Pendant deux années scolaires et un tiers (du troisième trimestre de l'année scolaire 1955-1956 à juin 1958), je suis allé à l'école des filles, le Cours Dupanloup, tout proche, également à Boulogne-Billancourt, où ma soeur aînée m'a précédé et où mes soeurs cadettes me succéderont.

Cours Dupanloup 1955-1956: je suis le quatrième enfant assis à partir de la gauche...

Cours Dupanloup 1955-1956: je suis le quatrième enfant assis à partir de la gauche...

Mais, maintenant, je suis un grand. Je quitte l'univers mixte des petites filles et des petits garçons pour l'univers unisexe des sales galopins.

 

De toute façon je connais encore l'univers mixte à la maison puisque j'ai trois soeurs; la troisième est tout juste arrivée en janvier...

 

Je ne sais pas que j'en ai pris pour huit ans à l'École Notre Dame de Boulogne, devenue aujourd'hui, par la grâce de l'État, un lycée.

 

Je ne sais pas non plus que le germe libéral me sera inoculé quand mon professeur de français-latin de troisième sera viré par l'État, faute de diplôme, une fois l'école passée sous contrat...

Lycée Henri IV, à Paris

Lycée Henri IV, à Paris

Depuis 1965, je suis au Lycée Henri IV, un lycée prestigieux dans lequel j'ai été accepté à la suite d'un examen écrit.

 

Cette année 1965, mon père va bientôt avoir cinquante-neuf ans. Il me demande - je n'ai que quatorze ans - si je veux bien prendre sa suite à la tête de l'entreprise familiale.

 

Mon père est riche, pas mal riche même (j'apprendrai que sa plus grande richesse est son intelligence des êtres et des choses...). Bien que mes goûts personnels me destineraient plutôt aux lettres, j'accepte (le goût du lucre, certainement, déjà...), ce qui veut dire que je dois faire des études dites scientifiques...

 

Pour mettre toutes les chances de mon côté, mon père, qui connaît le proviseur d'Henri IV, me le fait rencontrer un dimanche après-midi de printemps.

 

Le lendemain matin, je passe l'examen - je n'ai pas le temps de stresser - et je suis le seul reçu sur les quelques deux cents candidats, avec un élève de troisième du lycée que cet examen rattrape...

Terminale à Henri IV: je suis le premier lycéen assis à partir de la gauche

Terminale à Henri IV: je suis le premier lycéen assis à partir de la gauche

1968

 

Pendant trois ans je vais donc apprendre à devenir un bon élève scientifique.

 

Tant bien que mal je le deviens, mais je reste d'une timidité maladive: toujours la peur de dire des bêtises, qui m'a empêché de dire un seul mot à mes parents avant mes quatre ans... Je préfère d'ailleurs toujours, et de loin, l'écrit à l'oral. Manque de chance, cette année-là, très particulière, le bac est entièrement oral.

 

Le littéraire contrarié refait surface: j'ai des notes mirobolantes dans les matières littéraires: en français, en philosophie, en anglais, en allemand, en histoire-géographie, et des notes catastrophiques dans les trois matières scientifiques: mathématiques, physique, sciences naturelles, où les coefficients sont les plus forts...

 

Résultat: j'ai mon bac C, bien sûr, malgré tout (la natation m'a donné des points supplémentaires...), mais, sans mention, je ne suis pas admis en prépa. Je dois quitter le lycée... et c'est ainsi, qu'après quelques péripéties, je me retrouve à l'École Polytechnique de l'Université de Lausanne...

Les établissements J.Richard & Cie, à Clamart

Les établissements J.Richard & Cie, à Clamart

1978

 

Mon père, après que lui et moi avons passé seulement trois ans ensemble à la direction de l'entreprise familiale, décide de prendre sa retraite à soixante-douze ans, à compter du 1er janvier 1979...

 

Au Tribunal de Commerce de Paris, pour devenir mandataire social, on me demande un extrait d'acte de naissance. Or je suis né le 19 mars 1951 à Uccle, Commune de l'Arrondissement de Bruxelles-Capitale, Province de Brabant, Royaume de Belgique.

 

Né à l'étranger, il me faut m'adresser au Service central de l'état civil du Ministère des Affaires Étrangères à Nantes. La réponse tombe le 28 novembre:

 

J'ai l'honneur de vous faire savoir que l'acte demandé n'a pas été retrouvé dans les registres détenus par mon service, m'écrit le Chef de cette administration.

 

En clair: ma naissance n'a pas été transcrite sur les registres consulaires de France en Belgique et je ne suis donc pas français, alors que j'ai accompli mon service national d'un an...

 

Après quelques péripéties juridiques et administratives, je deviens tout de même français...

Livret du pèlerin de Paris à Chartres de 1988

Livret du pèlerin de Paris à Chartres de 1988

1988

 

Si je ne suis pas un héros, ni un saint, je suis catholique, de tradition, notamment maternelle (le frère de ma mère est prêtre): personne n'est parfait...

 

Cette année 1988 est la dernière où les catholiques de tradition font ensemble, à la Pentecôte, le pèlerinage de Paris à Chartres.

 

C'est le deuxième pèlerinage, après celui de l'année précédente, que je fais avec le chapitre de Notre Dame des Armées, la chapelle de Versailles que je fréquentais quand j'y habitais avant de m'établir à Chatou.

 

Ma nature profonde refuse le sectarisme. Même si je garde des contacts amicaux avec ceux qui suivent alors Monseigneur Lefebvre après qu'il a consacré des évêques le 30 juin, je ne me reconnais pas dans cette mouvance qui se sépare de Rome.

 

Je m'y reconnais d'autant moins que je n'ai pas bien supporté les attaques dirigées par elle contre les prélats et les prêtres qui sont restés fidèles au pape et qui continuent de me guider spirituellement... Je ne trouve pas cela... chrétien.

 

Ces religieux, qui me guident avec bonté, ne font pas que de beaux sermons: ils prêchent d'exemple, vivent vraiment le rite tridentin et le chant grégorien, dont la beauté sublime (seule la liturgie des chrétiens orthodoxes rivalise...) me transporte jusqu'aux confins de la transcendance, si bien que je peux non pas dire que je crois en Dieu, mais que je Le sens...

 

Comme j'ai fait le voeu de faire une neuvaine de pèlerinages sur la route de Chartres, je vais respecter cet engagement les années suivantes (à l'exception de 1994) jusqu'en 1997, soit en tout dix pèlerinages, une de mes longues ascèses de l'époque (je ne compte pas dans ma neuvaine l'année où je n'ai fait qu'une partie du parcours...).

 

En 1991, j'écris un long Chant à Notre Dame, (seize quatrains) sur un rythme de Péguy, qui commence ainsi:

 

Nous revoici au pied de votre cathédrale.

Une année a passé, nous éloignant de vous,

Et nous tremblons de froid dans la bise qui râle

Parce que Mai l'oblige à se moquer de nous.

 

Nous sommes prêts à partir et à quitter Paris.

Nous n'attendons qu'un ordre et nous mettons en route.

Sur le dur asphalte nous faisons le pari

De marcher tout du long sans avoir aucun doute.

 

Nous savons bien pourtant ce qui lors nous attend.

Nos pieds endoloris qui se couvrent d'ampoules;

Le soleil qui nous brûle ou le très mauvais temps;

La chaleur ou le froid donnant la chair de poule;

 

Les chemins caillouteux succédant au bitume;

L'herbe foulée au pied par ceux qui vont devant

Et qui le lendemain suivant notre coutume

Se trouveront derrière à marcher dans le vent;

 

[...]

Londres cosmopolite, en 1998: au premier rang un Français (moi) et une Japonaise (Akiko), au second un Brésilien et une Kazakh

Londres cosmopolite, en 1998: au premier rang un Français (moi) et une Japonaise (Akiko), au second un Brésilien et une Kazakh

1998

 

En février, l'entreprise familiale est liquidée à ma demande.

 

Certes elle aurait pu continuer à vivoter et j'aurais pu continuer à la diriger, après l'avoir fait pendant près de vingt ans, mais le coeur n'y est plus. Je ne supporte plus le système économique et social de la France, paraît-il providentiel, que le monde entier lui envierait mais qu'il se garde bien de reproduire.

 

Après quelques péripéties, notamment un séjour à Londres de deux mois (pendant lesquels j'apprends à prononcer des mots de la langue de Shakespeare que j'ai lus en silence pendant des années), une recherche active d'emploi, une période pendant laquelle je suis indépendant, je m'exile en Suisse, pour respirer un air plus libre.

 

Fin 2000, je fais en effet la connaissance d'un patron à Lausanne, originaire du Pays Basque, qui me propose d'accompagner le développement de son entreprise (où je travaille encore, bien qu'il l'ait maintenant vendue), en m'occupant de l'administration des ressources humaines.

 

Les millésimes en 8, comme autant de ruptures

2008

 

Cette année-là, sur le conseil de mon cardiologue, j'arrête de me livrer à une autre de mes ascèses, celle du karaté-do que j'aurai pratiqué pendant quinze ans. Mon insuffisance aortique s'est aggravée depuis qu'elle a été diagnostiquée cinq ans plus tôt...

 

A partir du 24 mai, après quelques péripéties sur la Toile, je suis l'exemple de Michel de Poncins, qui a créé un blog sur la plate-forme Overblog, qu'il m'avait dit, à raison, facile d'emploi: j'y crée le mien, où j'ai fait paraître jusqu'à aujourd'hui plus de deux mille billets.

 

Si un de mes lecteurs, curieux, prend la peine de lire les premiers de ces billets et les compare avec les derniers, il se rendra compte de tout le chemin parcouru pendant ces dix ans...

 

Je suis un autre, ce qui est bien différent de la formule rimbaldienne (Je est un autre), et je suis le même. Je suis l'illustration même de ce que je pense intimement depuis toujours, à savoir que dans tout être humain il y a de l'inné et de l'acquis, sans qu'il soit possible de déterminer quelles en sont les parts respectives.

 

2018

 

Cette année, le 1er avril, j'aurais dû partir à la retraite. Je l'avais annoncé neuf mois plus tôt à mon employeur, mais, entre le moment de cette annonce et le terme de mon délai-congé, un incident indépendant de ma volonté s'est produit qui m'a contraint moralement à rester, jusqu'à peut-être un an de plus.

 

C'est pourquoi je me demande, en ce jour du dixième anniversaire de ce blog, quelle sera la rupture que devrait, en principe, augurer ce millésime en 8...

 

En attendant, comme je suis un homme de devoir tout autant que d'ardeur (je respecte en cela la devise que j'ai mise en tête de ce blog), je n'ose pas croire que l'actuel millésime en 8 bafouillera et que je devrais dire définitivement bye-bye à mes lecteurs...

 

Francis Richard

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25 mai 2017 4 25 /05 /mai /2017 22:55
Journal (un peu) décalé d'icelui qui blogue depuis neuf ans

23 avril 2017

 

Avant même que d'aller voter, en ce jour du premier tour de la présidentielle française, je sais que, quoi que je vote désormais, ce sera inutile. L'ami Philippe Karsenty, sur les réseaux sociaux, a prévenu que les jeux étaient malheureusement faits, ce que confirme le sondage publié par la RTBF à mi-journée.

 

Emmanuel Macron sera opposé à Marine Le Pen au second tour, autant dire qu'il sera le prochain président de la République française, même s'il sera élu avec moins d'ampleur que Jacques Chirac en 2002. Dans les médias, l'hystérie anti-fasciste succédera à la bienveillance dont a bénéficié la présidente du FN jusque-là: on jouera à se faire peur; ce sera pour mieux vous baiser mes enfants...

 

Le crime était donc finalement parfait. L'assassinat politique de François Fillon aura bien profité à Emmanuel Macron, comme je le prévoyais dès le 1er mars. J'espérais seulement que la résilience du candidat de la droite et du centre finirait par être récompensée et que les électeurs comprendraient qu'il en irait du redressement de la France de voter pour lui.

 

Au second tour, avant même que de voter au premier (c'est surréaliste), je sais donc que je voterai blanc. Mais je ne serai certainement pas le seul à être dégoûté de cette comédie électorale, où il aura été question de tout sauf des vrais enjeux. Car, avec Macron, on prendra les mêmes, mélangés à des têtes nouvelles, et on recommencera l'interventionnisme.

 

Avec Macron, en effet, on continuera de redistribuer toujours et encore, de protéger toujours et partout. On lancera des plans quinquennaux (50 milliards € pour l'investissement et 5 milliards € pour la transition agricole), comme aux heures les plus radieuses de l'URSS. On moralisera la vie publique: ce sera l'hôpital qui se foutra de la charité, après l'élimination minutieusement préparée de François Fillon.

 

Alors il ne restera plus qu'une chose à faire: mettre à profit les cinq ans qui viennent, d'avance perdus, pour combattre l'hégémonie culturelle de la social-démocratie et de l'État-providence, à l'origine du mal français, en défendant la liberté en tout, sans omettre, comme d'aucuns, la liberté économique sans laquelle il n'est que misère et ruines.

 

Ce sera peut-être alors le renouveau de la France, aussi florissant, j'espère, même si je ne suis pas sûr de le voir, que les primevères qui ont jailli spontanément dans mon jardin de Chatou il y a un mois...   

Journal (un peu) décalé d'icelui qui blogue depuis neuf ans

5 mai 2017

 

Depuis huit mois je souffre de douleurs aiguës au bras gauche. Cela coïncide peu ou prou avec la disparition de ma soeur Chantal, le 2 septembre 2016.

 

Au cours de ces huit mois j'ai subi des examens: neurologique, IRM, clinique. J'ai pris des médications: Ibuprofen, Lyrica (médicament que l'on prescrit contre l'épilepsie...), Neo Citran. J'ai fait des séances de physiothérapie, d'ostéopathie.

 

La seule chose qui ait la vertu de me soulager est de nager. Alors je nage, 2 kilomètres par jour, tous les jours. Et pendant deux, trois heures, après, je n'ai plus mal: un répit que je mets à profit pour m'avancer dans mon travail au bureau...

 

J'ai cru dès le début que je somatisais. La faculté n'y croyait pas. Le fait est cependant que j'ai rechuté aussitôt après une rupture d'amitié, le 4 décembre 2016, et que mes tentatives pour renouer ayant en fait échoué, ma douleur physique n'a fait que persister et embellir.

 

(La personne qui a rompu et moi-même sommes quittes - nous ne nous reverrons sans doute jamais, et peut-être est-ce mieux ainsi - puisque nous garderons chacun un souvenir de l'autre, à mes frais...)

 

Quoi qu'il en soit, je suis obligé de plus en plus de renoncer à des événements auxquels je suis invité ou qui sont organisés par des associations dont je suis membre. Je ne peux en effet rester en place plus d'un quart d'heure. J'appréhende sérieusement de devoir abandonner l'idée d'aller demain à un colloque sur l'Actualité de Benjamin Constant...

 

Quand on a pratiqué, comme je l'ai fait, pendant quinze ans, un art martial, on sait qu'il y a des liens étroits entre le corps et l'esprit. C'est pourquoi je tente quelque chose aujourd'hui, en dépit de ce que peut penser et me dire la faculté: je me rends à 17 heures à une séance avec le magnétiseur Denis Vipret, au World Trade Center de Lausanne.

 

Nous sommes vingt-cinq dans la salle. Arrivé en retard, je n'ai pas assisté au tour que Denis Vipret vient d'y faire, s'arrêtant derrière chacun, posant ses mains sur ses épaules, avant de passer au suivant.

 

Nous sommes trois retardataires. Quand mon tour arrive, je sens que deux ou trois fois Denis Vipret pose ses mains sur mes épaules. Ce faisant, que tout mon corps en est comme secoué...

 

Quand je passe le voir, après lui avoir remis le billet de 50 francs convenu, il me parle de mes jambes qui le préoccupent, puis quand je désigne mon bras, il me dit: Le bras gauche? et, faisant un geste comme si ce n'était pas bien grave, il me dit:

 

Tu as une bonne santé générale. Je m'en occupe.

 

Notre tête-à-tête n'a duré qu'une minute, tout au plus. Je pars et me rends à pied à la librairie La proue, où a lieu un vernissage organisé par les éditions Hélice Hélas. Ma douleur au bras gauche n'a jamais été aussi aiguë... et je dois renoncer au souper qui suit dans une pizzeria...

Journal (un peu) décalé d'icelui qui blogue depuis neuf ans

18 mai 2017

 

Il y a encore une semaine, j'aurais dit non à Barbara Polla. Elle m'a invité ce soir à souper avec elle et Ornela Vorpsi, l'auteur de Ci-gît l'amour fou. Pour me convaincre de venir, elle m'a envoyé une magnifique photo d'elles deux...

 

Comme mon bras me fait moins souffrir - est-ce l'effet Vipret ou les exercices que je pratique tous les matins pendant un quart d'heure? Je ne sais, Dieu le sait - j'accepte son invitation. Rendez-vous est pris à 19 heures 15, à la galerie fondée par Barbara, Analix Forever, rue Hesse, à Genève.

 

En attendant Barbara, qui présente ailleurs son dernier livre, Femmes hors normes, Chiara Bertini, la directrice de la galerie, me fait visiter et me commente l'exposition Full moon, où sont notamment accrochées des oeuvres de Sara Conti, de Mounir Fatmi et d'Ornela Vorpsi...

 

Les oeuvres de cette dernière, qui sont présentées ici, sont les originaux de peintures qui illustrent son recueil de poèmes, Pyjama aux chats. Quand Ornela et Barbara arrivent, la seconde me laisse avec la première à l'étage...

 

De sa voix grave, à l'accent charmant, la belle amourologue albanaise me lit et commente lesdits poèmes. Elle ne comprend pas que ces poèmes, dédiées à sa fille, aient été refusés par une maison d'éditions de livres pour enfants, parce qu'il y est question de saucisses: les gens ont décidément l'esprit bien mal tourné...

 

Pour leur donner tort, je ne résiste pas à la tentation de citer le début du Pyjama d'Angelica:

 

Dans ce vaste monde il y a tant de choses,

Des pyjamas gris des pyjamas roses.

Mais si tu trouves le pyjama aux chats

Cours, cours vite en faire l'achat.

Quand la nuit tombe les chats se réveillent,

Sortent du pyjama et dansent à merveille,

Ils te raconteront saucisses et hiboux,

La lune, les oeufs, les tombes des fous.

 

L'une des oeuvres exposées d'Ornela représente justement un chat noir avec, au-dessus de lui, en coupe, un oeuf dur qui symbolise tour à tour, selon que le blanc est bu ou que le jaune est avalé, le jour et la nuit... 

 

De la galerie, nous partons pour le Lyrique tout proche. Nous sommes une dizaine de convives. Je suis en agréable compagnie. Le timide que je suis en public se révèle, comme d'habitude, volubile en privé...

 

En quittant Barbara et ses amis, qui m'ont fait passer une soirée inoubliable et oublier ma douleur, je ne sais pas encore que je vais mettre deux heures pour rentrer chez moi, les derniers trains en Gare de Genève Cornavin, ayant été supprimés et remplacés par des bus jusqu'à Nyon, où un train, qui s'arrêtera à toutes les gares, m'emportera à petite vitesse à destination de Lausanne... où je passerai une nuit blanche, à lire.

Journal (un peu) décalé d'icelui qui blogue depuis neuf ans

24 mai 2017

 

Aujourd'hui, ce blog a neuf ans.

 

J'aurai écrit pas loin de mille huit cents articles pendant ces neuf ans. Pas mal pour quelqu'un dont un oncle est mort en écrivant, comme aurait dit feue ma mère en plaisantant...

 

C'est un anniversaire qu'il n'y aurait pas lieu de célébrer s'il n'y avait pas eu toutes ces lectrices et tous ces lecteurs pour me porter et m'obliger. C'est à eux, d'abord, que j'exprime ma gratitude. Sans toutes ces personnes, connues ou inconnues, qui me lisent, aurais-je tenu la distance?

 

Ce blog, qui mélange un peu tous les genres, est tout de même de plus en plus littéraire. Il faut dire que la lecture et l'écriture sont devenues mes deux béquilles dans l'existence.

 

C'est pourquoi il me faut exprimer ensuite ma gratitude à toutes celles et à tous ceux qui écrivent et que je lis. Grâce à elles et grâce à eux, je vis plus d'existences que si j'avais mille ans...

 

Comment qualifier les articles que j'écris sur les livres que je lis? Je ne porte pas de jugement ou très peu. C'est un trait de mon caractère: je ne suis pas capable d'être juge; j'essaie d'être le meilleur avocat possible.

 

Avec un peu d'expérience, mes lectrices et mes lecteurs savent à quoi s'en tenir sur ce que je pense... Qu'ils sachent en tout cas que si je parle d'un livre c'est qu'il trouve quelques grâces à mes yeux et que, si je n'en parle pas du tout, c'est pour ne pas en dire du mal, ou que je suis dépassé par le temps...

 

Enfin je tiens à exprimer ma gratitude à mon Créateur, qui me prête vie et qui peut me l'ôter quand Il veut. Je Le remercie surtout pour Son indulgence, car je ne sais pas toujours comment Lui être agréable...

 

Francis Richard

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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 21:50
The Place To..., avenue de Wagram à Paris

The Place To..., avenue de Wagram à Paris

Paris, le 28 janvier 2017

 

Cette journée sera une journée dense. J'en accepte l'augure, même si je suis fatigué par le travail intensif qui échoit à un responsable de l'administration des ressources humaines d'une grosse PME et à un gérant de caisse de pension chaque début d'année, et que je souffre d'une névralgie persistante et douloureuse au bras gauche.

 

A fin août 2016, j'avais une douleur à l'omoplate. Je pensais naïvement que cette douleur passerait toute seule. Car je ne suis pas du genre à consulter dès le moindre bobo. Mais, à la suite du décès de ma soeur Chantal, le 2 septembre, cette douleur a gagné l'avant-bras, puis le bras. Ce n'était plus une douleur sourde, elle était maintenant aiguë. Alors j'ai fini par consulter début octobre.

 

J'ai passé une IRM après avoir vu une neurologue. J'ai commencé une physiothérapie en novembre sur prescription de mon médecin du sport. Et je commençais à aller mieux, quand la douleur est revenue, plus forte qu'auparavant, après avoir reçu, le 4 décembre, un message de rupture d'amitié auquel je ne m'attendais pas et mon corps non plus. 

 

Depuis, rien n'y fait vraiment. La physiothérapie m'apporte quelques soulagements, puis je rechute. D'avoir vu mon ami défait à la prison de Bochuz, le 15 janvier dernier n'a rien arrangé. Le fait de nager quotidiennement mes deux mille mètres de nage libre me donne heureusement du répit, pendant une heure ou deux...

 

Aujourd'hui je n'aurai pas trop le temps de penser. Mon programme est celui d'un Homme pressé, comme disent mes proches, faisant allusion au célèbre roman de Paul Morand (dont je conserve précieusement le petit mot écrit sur du papier à en-tête du Montfleury de Cannes, du temps où j'étais étudiant à Lausanne et qu'il habitait le Château de l'Aile à Vevey).

 

Ma journée est effectivement dense, mais j'aime ça:

 

- Levé à 6:30, je vais de Chatou au Bois de Boulogne et à 8:30 je suis dans le bassin de 50 mètres de mon club parisien

- De là je vais au Chesnay, où à 10:00 j'assiste à une réunion d'une association dont je suis le trésorier

- De là je vais à la Porte Dauphine et y laisse ma voiture, prends le métro, descends à la station Ternes et me rends dans un magasin pour échanger un pantalon, acheté sur Internet, dont la taille est décidément trop grande (j'ai encore maigri)

- A The place to..., avenue de Wagram, je déjeune rapidement, reprends le métro, change à Villiers, direction la Bourse.

- Au Centre Saint-Paul, à 15:00, j'assiste à une conférence sur Hans-Hermann Hoppe de Jörg Guido Hülsmann, que j'ai connu lors d'Universités d'automne de l'économie autrichienne à Troyes

- Au Théâtre du Nord-Ouest, à 17:00, j'assiste à une représentation de Mahomet la pièce de Jean-Luc Jeener

- Dans un restaurant japonais, au Vésinet, tenu par mon ami Eric, à 21:00, je soupe tardivement avec mon fils aîné...

Une du Canard Enchaîné du 25 janvier 2017

Une du Canard Enchaîné du 25 janvier 2017

Lausanne, le 5 mars 2017

 

Depuis que Le Canard Enchaîné a publié son article sur Penelope Fillon, les chiens se sont déchaînés contre François Fillon, le candidat des Républicains, grand vainqueur de la primaire de la droite et du centre. Dans un article publié sur ce blog le 6 février 2017 j'ai repris l'expression employée par François Mitterrand lors de la mort provoquée de Pierre Bérégovoy.

 

Je ne m'étais pas trompé quand j'avais écrit à propos de ces chiens: Je vous souhaite bon courage, Monsieur Fillon. Car soyez sûr qu'ils ne vous lâcheront plus maintenant qu'ils ont trouvé vos os à ronger. Mais je ne m'étais pas fait que des amis en osant prendre la défense de quelqu'un du système, qui en avait profité, comme tous, et qui résistait à un véritable déchaînement dirigé contre lui seul.

 

Il y avait les vertueux, les soi-disant purs qui s'offusquaient de ce qu'un candidat à la présidence de la République ait pu se comporter ainsi. Ils faisaient penser aux Animaux malades de la peste, trop heureux de pouvoir s'en prendre à l'âne qui avait commis le crime abominable de manger l'herbe d'autrui et qui, gens querelleurs, étaient tous, au dire de chacun, de petits saints...

 

Et le fabuliste de conclure:

Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

 

La fable d'aujourd'hui est de dire que la justice française est indépendante, alors que tout le monde sait, mais il ne faut pas le dire, qu'elle est un instrument du pouvoir. C'est d'autant plus hypocrite que le Parquet national financier est une instance d'exception et qu'il n'est pas compétent s'agissant d'un parlementaire dont le cas ne peut être instruit que par ses pairs...

 

Il y avait les gardiens du temple du libéralisme qui ne trouvaient pas François Fillon si libéral que ça et qui, d'un mouvement de menton, ne comprenaient pas que je puisse défendre son programme. Mais ils ne m'avaient pas lu ou ne savaient pas lire, sans doute en raison des séquelles laissées en eux par l'instruction qu'ils avaient reçue en France ou ailleurs...

 

Sinon, ils auraient compris que l'heure était trop grave pour faire la fine bouche. Bien sûr que le programme de François Fillon n'est pas libéral, qu'il est même celui d'un étatiste, comme tous les hommes politiques le sont en France. Mais il l'est moins que tous les autres et certaines des mesures annoncées sont réellement susceptibles d'engager un processus de rupture.

 

C'est ce processus de rupture qui m'importe, comme à d'autres libéraux  et non des moindres. Et puis, j'ai en tête ce que des socio-démocrates sont parvenus à faire en Nouvelle-Zélande, au Canada ou en Suède, évitant par là même le pire à leur pays. Ce que je ne souhaite pas à la France que j'aime, ne me résolvant pas à penser que les Français n'auront que ce qu'ils méritent.

 

De plus la forte résilience de François Fillon m'incline à penser qu'il est l'homme de la situation, même s'il est loin d'être parfait, puisqu'en France le régime républicain est présidentiel, sans réels contrepouvoirs, et qu'il faut bien faire avec, même si c'est regrettable. Alors je pense que les médias, les juges, les politiciens ont eu tort de le diaboliser, faussant la campagne et les sondages.

 

Il se pourrait bien qu'il y ait une surprise le 23 avril, du même genre que celle de la large victoire de  François Fillon à la primaire de la droite et du centre... Les dizaines de milliers de personnes qui se sont réunies aujourd'hui au Trocadéro pour soutenir François Fillon sont peut-être un signe de cette possibilité... Et c'est pourquoi j'appelle ce jour au rassemblement derrière lui.

Ma chair médecine : Performance du groupe Esperimentoquadro

Ma chair médecine : Performance du groupe Esperimentoquadro

Lausanne, le 18 mars 2017

 

Aujourd'hui j'ai encore soixante-cinq ans, jusqu'à demain... Je suis encore dans les derniers temps de cet âge, qui coïncident avec ceux de l'hiver cette année. Demain j'aurai donc une pige de plus. Autant bien profiter de ces derniers moments de jeunesse...

 

Aujourd'hui, pas de chance, je ne suis pas très bien. Je suis allé quand même nager à midi, ne voulant pas manquer un jour d'entraînement. Depuis hier j'ai déjà parcouru cent cinquante kilomètres de nage cette année...

 

Aujourd'hui je ne suis pas très bien. J'ai dû attraper froid. Et suis légèrement aphone. Ce n'est pas vraiment le moment. Car ce soir j'ai accepté de lire un texte dans le cadre d'un événement, Ma chair médecine, qui a lieu au Cinéma Bellevaux, à Lausanne, et qui est organisé par Barbara Polla et sa fille Roxane Varone.

 

Alors je me soigne: thé vert au miel, Homéovox (ce qui fera hurler les allopathes...). Le fait est que je retrouve ma voix le moment venu... Reste à vaincre ma timidité maladive... Alors je mets le maximum d'atouts de mon côté.

 

Hier soir j'ai retranscrit le texte que j'ai choisi pour cet événement afin d'en faire une lecture fluide et compréhensible par l'auditoire. C'est en effet un extrait, en français du XVIe siècle, du chapitre XIII, du Livre III des Essais de Michel de Montaigne.

 

Dans ce texte, mon cher Montaigne parle de la douleur et, plus particulièrement, de la douleur que lui procure la gravelle dont il est atteint. La gravelle, ce sont des coliques néphrétiques dues à des calculs rénaux...

 

J'ai retranscrit le texte à partir de l'édition dans la Pléiade des Oeuvres complètes établie en 1962 par Maurice Rat, qui était voisin de mes parents à Auteuil... tout comme l'était le compositeur Michel Legrand (c'est l'avantage d'être de haute roture, comme disait Jacques Perret).

 

A l'aide de l'édition folio classique, parue en 2009, établie par Emmanuel Naya, Delphine Reguig et Alexandre Tarrête, j'ai modernisé l'orthographe. Puis j'ai introduit une ponctuation adéquate. Enfin j'ai utilisé une police de confort.

 

Tout cela n'a pas empêché le timide que je suis de trembler quand je suis monté sur la petite scène du cinéma. Je me répétais pour m'encourager la phrase de Turenne:

 

Tu trembles carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je veux te mener...

 

Bref, mes souvenirs d'art martial aidant, j'ai tenu le coup, observant scrupuleusement le conseil avisé de mon fils aîné, reçu dans l'après-midi:

 

Pour la lecture, si tu as ce message à temps, je t'adresse un conseil classique, mais qu'on ne donne sans doute jamais assez, et qui se justifie d'autant plus avec un texte ancien comme celui de Montaigne : ne va pas trop vite. Prends le temps, laisse le temps aux gens d'entendre le texte. Ils auront la chance d'avoir en face d'eux quelqu'un qui aura beaucoup séjourné dans Montaigne et qui l'aime sincèrement : surtout qu'ils puissent en profiter au maximum ! L'agrément de ta voix fera le reste...

 

Pour avoir écouté des enregistrements de ma voix, je ne l'aime pas, mais des goûts et des couleurs...

 

Jusque passées 23 heures, j'ai échangé avec bonheur avec les autres lecteurs de la soirée. Il faut dire que ma timidité disparaît comme par enchantement quand je suis en petit comité et en agréable compagnie, dont celle de Barbara et de Royane, de robe rouge vêtues toutes deux, les jambes gainées de noir, dans des collants sexy...

 

Francis Richard

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31 décembre 2016 6 31 /12 /décembre /2016 22:40
Crépuscule du soir, le 27 décembre 2016

Crépuscule du soir, le 27 décembre 2016

27 décembre 2016

 

Tôt ce matin, passé minuit, je suis arrivé à Saint Jean-de-Luz, ville qui m'a vu renaître à la vie début avril 1951, après deux tentatives avortées de lui fausser compagnie: le jour de ma naissance, celui de la Saint Joseph, à Uccle, en Belgique, et cinq jours plus tard, au même endroit, c'est-à-dire à la Clinique des 2 Alice, dans un bâtiment démoli depuis...

 

Cette année-là, sur décision de mon père, ma mère et moi nous installons donc ici dans une pension de la rue Sopite, Chez Loulouche. Nous sommes tout près de la plage et de l'immeuble où ma mère acquerra un appartement en 1964, qu'elle habitera les dix-sept dernières années de sa vie. Sa tombe se trouve ici, au cimetière Saint-Joseph...

 

Loulouche, dont je n'ai jamais su le vrai nom, tiendra bien des années plus tard un kiosque à journaux sous la Pergola. Pendant un temps j'irai y acheter des quotidiens et parler avec elle de la pluie et du beau temps, et du bonheur d'être en vie. Elle avait en effet survécu à un cancer du sein qui ne se soignait pas alors comme on le fait aujourd'hui.

 

Daddy aurait voulu que je m'appelle Joseph, certes parce que je suis né un 19 mars, mais aussi parce que le témoin de mon atterrissage s'appelait Joseph. Mes parents ont préféré m'appeler Francis, comme mon oncle Frans. Grâce soit rendue à Pie XII d'avoir institué, en 1955, la solennité de Saint Joseph artisan: car c'est là un de mes saints patrons...

 

Depuis quelques années maintenant je viens ici seul, en pèlerinage, pour passer d'un millésime l'autre. C'est peut-être, sans que je sache pourquoi, le seul endroit au monde où je me sente bien et où je trouve un bienfaisant refuge quand j'ai du vague à l'âme, ce qui est le cas en cette fin d'année 2016, qui aura bien commencé et finit moins bien.

 

A quelque chose malheur est bon. J'ai appris - on apprend à tout âge - plein de choses cette année. J'ai appris notamment que les personnes auxquelles je tenais le plus étaient celles qui tenaient le moins à moi et qu'il ne fallait surtout pas que je leur fasse part de mes sentiments: ça les fait fuir à toute allure, ma modeste personne étant redoutable...

 

J'ai donc appris à m'effacer, pour ne pas gêner. Je fais ça très bien maintenant. Sans doute parce que je ne m'offusque plus d'être ravalé du rang d'ami à celui de simple connaissance, ce qui correspond bien mieux à mon insignifiance: il n'est vraiment pas besoin de mots pour me la faire sentir; il suffit de rompre, de m'ignorer ou de me saluer poliment.

"Chez Loulouche" se trouvait là, à l'angle de la rue Gabriel Deluc et de la rue Martin de Sopite

"Chez Loulouche" se trouvait là, à l'angle de la rue Gabriel Deluc et de la rue Martin de Sopite

28 décembre 2016

 

Depuis ma naissance, ou presque, je me rends pour faire du sport dans un endroit très privilégié, la Croix-Catelan, qui se trouve dans le Bois de Boulogne. Fondé en 1882, le Racing, puisqu'il s'agit de lui, de club est devenu société sportive quand la concession qui lui était accordée a été dénoncée en 2006 par le maire de Paris, Bertrand Delanoë.

 

Depuis 2007, la Croix Catelan n'est donc plus concession du Racing Club de France, dont j'ai été membre de 1951 à 1958, puis de 1965 à 2006, mais du Lagardère Paris Racing, dont je suis resté client depuis lors et où je vais nager mes deux kilomètres quotidiens quand je suis à Paris, c'est-à dire assez souvent, un week-end sur trois en moyenne.

 

A chaque renouvellement de l'abonnement, il faut produire un certificat  médical de non contre-indication à la pratique sportive (sic). Mon vieil ami médecin ayant pris sa retraite l'an passé à septante ans, j'ai donc pris rendez-vous ici avec le médecin du sport que je connais et qui, lui, tout comme moi, n'est pas près de prendre la sienne...

 

En cette période de fêtes de Noël et de Nouvel An, il est absent mais sa fille le remplace. Le patient ne perd rien au change, parce que c'est une frêle, jeune et jolie doctoresse... En m'examinant elle est doublement épouvantée. Mon souffle au coeur ne peut pas être ignoré tant il se manifeste bruyamment. Mon torse est couvert d'ocelles comme un léopard.

 

Les ocelles, ou rosettes, qui couvrent mon torse par dizaines sont en fait des kératoses séborrhéiques. Rien de grave: ce n'est pas contagieux, c'est simplement héréditaire. Mon père m'a gentiment légué ces sortes de grains de beauté... A plusieurs reprises je les ai fait enlever en les faisant brûler à l'azote liquide ou décoller au scalpel...

 

Depuis que j'ai renoncé à plaire à la gent féminine, j'ai également renoncé à ces opérations qui me procuraient une douleur exquise. Mais la doctoresse impressionnée par cette prolifération me recommande vivement de consulter un dermato pour m'assurer que, dans le lot, il n'y ait pas de mélanomes, ces insidieuses tumeurs cancéreuses.

 

Mon souffle au coeur a été détecté il y a maintenant treize ans. Il semblerait que ce défaut de fabrication soit d'origine. La doctoresse impressionnée par le bruit produit, amplifié encore par son stéthoscope, me recommande vivement de refaire un test d'effort. Je me trompe quand je lui dis que j'en ai passé un il y a seulement quatre ans...

 

En fait, le seul test d'effort que j'ai subi remonte au 5 novembre 2007, jour du trentième anniversaire de la mort de René Goscinny, qui a succombé à une telle épreuve, ce qui n'avait pas laissé de m'entêter... Cette anomalie m'a inspiré une nouvelle, parue en 2012, dans Le coeur à l'ouvrage, sous la direction de Louise Anne Bouchard.  

"Le Bar Basque", boulevard Thiers, que fréquentait Déon

"Le Bar Basque", boulevard Thiers, que fréquentait Déon

29 décembre 2016

 

Sur un réseau social, j'apprends sur le journal d'un ami que Michel Déon, né en 1919, n'est plus, qu'il est donc le dernier des quatre préfaciers de l'édition de 1956 de l'Amour vagabond d'André Fraigneau à avoir tiré sa révérence, après Roger Nimier (1925-1962), Antoine Blondin (1922-1991) et Jacques Laurent (1919-2000).

 

Les quatre écrivains que Bernard Frank avait qualifiés de hussards dans un article resté célèbre des Temps Modernes, paru en 1952, ne revendiquaient pas cette appellation qu'ils ne contrôlaient pas. Mais cette étiquette leur colle toujours à la peau et y collera indéfiniment, parce qu'il faut bien amalgamer et cataloguer...

 

Tous quatre étaient pourtant très différents, mais ils avaient en commun de s'être opposés dans les années 1950 à l'existentialisme et à la littérature dite engagée, d'aimer le beau style, de refuser les modes, d'avoir du panache, et de cultiver la désinvolture, jusque dans la défaite, ce que Laurent appelait mourir en triomphe.

 

Après cette annonce j'ai fait le tour de trois librairies de la ville. Une seule avait (en poche) deux livres de Déon: Un taxi mauve, qui a été porté à l'écran par Yves Boisset, et un petit livre de miscellanées que je ne connaissais pas, Je me suis beaucoup promené..., et que me suis empressé d'acquérir et de commencer à lire...

 

Sur ce blog j'ai rendu compte de quatre de ses livres: Journal 1947-1983 à L'Herne (2009), Lettres de château chez Gallimard (2009), De Marceau à Déon - De Michel à Félicien chez Gallimard (2011), A la légère chez Finitude (2013). Et mon petit doigt me dit qu'il a eu connaissance de l'un d'entre ces articles...

 

En septembre 1968, quand je suis allé à Venise, j'avais dans mes bagages Je ne veux jamais l'oublier; en octobre 1970, j'avais fait une promenade immobile avec Les poneys sauvages; en août 1977, lors d'une croisière dans les Cyclades, j'avais emporté avec moi Le balcon de Spetsaï et Le rendez-vous de Patmos...

 

Dans Je me suis beaucoup promené..., que je me suis promis de terminer pendant la nuit de la saint Sylvestre, j'ai déjà relevé une petite phrase qui me parle: La vraie beauté est peut-être dans l'éphémère...

 

Souper de la Saint Sylvestre 2016

Souper de la Saint Sylvestre 2016

31 décembre 2016

 

Bien que je ne sois pas comptable, je dresse aujourd'hui sommairement le bilan de mes activités personnelles en 2016:

 

- je n'ai pas pris ma retraite le 1er avril, alors que j'avais atteint à ce moment-là l'âge ordinaire en Suisse...

- j'ai perdu irrémédiablement une amitié, à laquelle je tiens toujours: je garderai jusqu'à mon dernier souffle le souvenir ému des quelques moments de vrai bonheur qu'elle m'aura procurés

- j'ai écrit sur ce blog, au cours de l'année, 240 articles, en ne comptant pas celui-ci

- j'ai lu près de 300 livres, dont je n'ai pas eu l'énergie de tous rendre compte

- j'ai très peu dormi (ce qui inquiète mon fils cadet...)

- je me suis promené beaucoup à Lausanne, à Genève, à Sierre, à Paris, à Chatou, à Saint Jean-de-Luz, à Madrid...

- j'ai nagé un peu plus de 679 km à Lausanne, Pully, Prilly, Genève, Paris, St Germain-en-Laye, St Jean-de-Luz et même Madrid, dont un peu plus de 30 km, ici, en mer...

 

Bref, je suis vieux et usé, comme l'a répété Daddy, mon grand-père maternel, pendant quelque trente ans...

 

Mon père disait que j'étais un sybarite. Il avait raison: j'aime le luxe et les plaisirs raffinés, même si je suis tout-à-fait capable de m'en passer. Ce soir, bien que seul, je compte bien profiter de mets et boisson de qualité (de toute façon il m'est devenu impossible d'absorber des quantités).

 

Ce dernier soir de l'année, je me suis donc préparé le menu suivant:

- Bisque de homard

- Saumon élevé en Norvège et fumé au bois de chêne dans les Landes

- Fromage de brebis à la confiture de cerises cuisinée au Pays Basque

- Salade d'endives aux noix de cajou et dés de gingembre

- Gâteau basque à la crème

 

Le tout accompagné d'une demi-bouteille de Cuvée des Moines, Besserat de Bellefon, le champagne brut que mon père aimait...

 

Pour terminer l'année, que, maintenant, je devrais passer, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont eu la gentillesse de me lire cette année, de m'avoir témoigné de l'amitié, de ne pas trop m'en avoir voulu pour les idées singulières que je professe.

 

Je souhaite le meilleur à toutes et à tous et, puisque je sais intuitivement que Dieu existe, je Lui demande de vous avoir toutes et tous en Sa Sainte Garde, plus particulièrement toutes celles et tous ceux que j'aime et qui ne m'aiment pas...

 

Francis Richard

Crépuscule du soir, le 31 décembre 2016

Crépuscule du soir, le 31 décembre 2016

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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 18:30
Maison Fournaise, sur l'Île des Impressionnistes, à Chatou

Maison Fournaise, sur l'Île des Impressionnistes, à Chatou

5 décembre 2016

 

Ce soir je n'irai pas à la dernière rencontre de la saison de Tulalu!?. Si je ne l'étais pas déjà, j'en serais malade. Après une sombre parenthèse, je croyais en avoir fini avec les idées noires et retrouver toute ma joie de vivre, qui correspond mieux à ma nature ardente de perpétuel optimiste que le spleen baudelairien.

 

Avant-hier je n'ai pas résisté à aller me promener solitaire sur les berges de l'île de Chatou, aux abords de la Maison Fournaise, chez laquelle fréquentèrent Renoir et Maupassant. Cette lumière automnale reflétée par la Seine me donnait envie de jouer à nouveau du pinceau sur une toile...

 

Hier j'ai pris connaissance d'un premier message, envoyé la veille par la personne qui m'intimide, m'annonçant que notre amitié était compromise par le fait que - je schématise - ma situation avec elle ne m'apportait pas un réel équilibre et qu'il me fallait retrouver la sérénité. Alors j'ai tenté de m'expliquer.

 

La tentative était vouée à l'échec parce que ce premier message m'avait déstabilisé. Alors le timide que je suis a osé essayer de faire comprendre l'incompréhensible. En relisant mon message je me rends compte combien j'ai été maladroit en tentant d'expliquer pourquoi j'étais intimidé par elle et que je me dérobais parce qu'elle se dérobait.

 

Depuis des mois, cette personne me dit, message après message: à très bientôt ou à très vite. Elle sait que j'ai grande envie de la revoir: je le lui ai dit et ai certainement eu tort. En début d'année sa présence lumineuse et sa spontanéité m'avaient littéralement enchanté. Je lui laissais l'initiative de me faire signe quand elle voudrait.

 

Le lendemain de mon anniversaire avait été particulièrement enchanteur. Nous avions pris un verre au Musée Olympique, puis au White Horse. Cette rencontre m'avait tellement fait de bien que quelques jours plus tard je lui écrivais que sa compagnie ce jour-là avait certainement été le plus beau cadeau qui m'ait été fait cette année. J'ai sans doute trop reçu et pas assez donné...

 

J'ai tenté d'expliquer que j'avais souffert qu'elle ne me fasse jamais signe, alors qu'en début d'année nous nous étions vus plusieurs fois sans problème. J'ai tenté d'expliquer que je suis d'un naturel timide, ce que d'aucuns ont du mal à croire. Pourtant je ne me sens à l'aise qu'en tête à tête ou en petit comité.

 

Le fait de ne jamais me faire signe a fini par me faire douter qu'elle veuille vraiment me revoir et cela a commencé à m'intimider. Cette timidité qui étonne les autres remonte pourtant à ma petite enfance. Mes parents m'ont raconté que je n'avais pas dit un mot avant quatre ans. Une psy leur a expliqué que je craignais de m'exprimer mal et d'importuner les autres.

 

Quand j'ai appris que Patrick Modiano souffrait du même mal, qu'il était plus à l'aise à l'écrit qu'à l'oral, sans me comparer à lui j'ai été réconforté: je n'étais pas seul dans mon cas. Mais cela n'est pas toujours très confortable pour autant. Quelques semaines avant le dernier Salon du Livre de Genève, mon ami Max Lobe m'a proposé d'animer avec lui une rencontre et j'ai dû décliner.

 

Toujours est-il que mes explications n'ont pas été convaincantes puisque j'ai reçu pour toute réponse ce message laconique: L'amitié comme tu la conçois ne me convient pas. Et nos échanges s'arrêtent là. J'en ai eu le souffle coupé comme si j'avais reçu un coup au plexus. Vis-à-vis de mes proches j'ai réussi cependant à faire bonne figure.

 

N'ayant pas dormi la nuit qui suivait, je me suis rendu au bureau comme un zombie. A midi je suis même allé nager. Mais, juste après, j'ai commencé à ressentir de violentes douleurs au ventre. Je suis rentré chez moi, complètement choqué. Ma tête fonctionnait toujours, mais mon corps lâchait et mes jambes se sont mises à flageoler.

 

Quand ma soeur Chantal est morte début septembre, une douleur à l'omoplate s'est transformée en névralgie cervico-brachiale me faisant souffrir énormément. Cette rupture d'amitié de la part d'une personne à laquelle je tiens beaucoup, elle, m'a atteint aux tripes, provoquant même des saignements inquiétants... et une perte de poids: mon IMC (19.8) est limite...

 

Par ce message j'ai donc appris que j'avais une conception de l'amitié qui ne lui convenait pas, sans qu'elle me fasse connaître la sienne. Alors j'ai réfléchi à l'amitié et je crois comprendre que je n'ai effectivement pas la même conception de l'amitié que celle que je devine en elle: c'est quand un ami est au plus mal que je ne le laisse pas tomber.

 

Pour avoir cette conception de l'amitié, encore faut-il accepter les autres comme ils sont et tenter de les comprendre, surtout si, bien involontairement, on est quelque peu responsable de ce qui leur arrive; encore faut-il ne pas vouloir préserver à tout prix sa tranquillité, que pourrait troubler malencontreusement la détresse d'un ami.

 

Quand je suis ainsi considéré comme un moins que rien - comment expliquer autrement le vilain procédé utilisé pour me donner congé? - j'ai recours à la visualisation. Et je visualise souvent une scène parisienne: j'ai vingt-cinq ans; je suis présenté à une grande dame, qui me tend la main et ne me voit pas; je prends cette main; elle me la serre et me dit:

 

Je sens que vous êtes authentique.

 

Cette grande dame s'appelle Arletty. Et ce qu'elle me dit est le plus beau compliment qu'une femme m'ait jamais fait. Cette visualisation me console de tout. Plus rien ne peut alors m'atteindre. Je visualise aussi sa silhouette, qui est aussi élégante que sa personne, et je m'infuse de ce que sont la vérité, la beauté et la bonté d'âme.

 

Maintenant que j'ai été douché - et de quelle manière! - je sais que je peux croiser cette personne à laquelle je n'arrive pas à en vouloir et à laquelle je tiendrai jusqu'à mon dernier souffle - cela, rien ne pourra me l'ôter, même pas toi, lui ai-je répondu. Je peux la croiser sans qu'elle m'intimide: je ne crains plus de la décevoir et de l'importuner, c'est fait.

Pénitencier de Bochuz (photo parue dans la Tribune de Genève du 04.02.2014)

Pénitencier de Bochuz (photo parue dans la Tribune de Genève du 04.02.2014)

10 décembre 2016

 

Ce que je pensais le 5 décembre de la personne qui m'intimide était faux, complètement faux. Et je l'ai appris, peu de temps après, à ma grande honte: je suis assis, un livre à la main, ce qui ne surprendra personne; je sens une présence; elle est plantée devant moi; je lève les yeux et elle me parle. Elle m'a vu et elle est venue à moi, sans agressivité, pleine de tristesse.

 

En fait, quand elle m'a dit ne pas avoir la même conception que moi de l'amitié, elle voulait dire qu'elle n'aurait pas fui comme moi les deux fois où nous nous sommes croisés et, surtout, qu'elle n'aurait certainement pas raconté à tout le monde ce qui ne regardait que nous. Je suis resté bouche bée. Je ne pouvais dire mot.

 

Ou plutôt si, j'ai eu la possibilité de lui faire observer qu'elle n'était pas identifiable dans ce que j'avais publié, ce dont elle a convenu. Pour justifier qu'elle ne m'ait pas fait signe pendant tout ce temps, elle me dit que plein de choses étaient survenues dans sa vie, dont il n'est évidemment pas question que je dise quoi que ce soit ici.

 

Faisant les questions et les réponses, je n'ai donc pu placer qu'un mot. Puis elle est partie, parce qu'elle était pressée. Quand je l'ai revue de loin, un peu plus tard, je lui ai fait timidement un petit signe de la main, auquel elle a répondu par un petit signe de la main. Nos relations se sont arrêtées là, avec cet épilogue et cet échange de gestes lointains.

 

Elle et moi, nous ne nous reparlerons sans doute jamais. Elle m'a dit mon fait sans que je réplique. Je n'aime pas disputer. Et j'étais de toute façon trop timide même pour lui dire qu'elle avait raison. Puisse-t-elle seulement pardonner au timide que je suis de ne pas avoir su résister à son besoin vital de s'extravertir par l'écriture, qui ne peut être satisfait que publiquement.

 

Comme aujourd'hui je dois rendre visite à un détenu au pénitencier de Bochuz, les jours qui ont précédé je tente de me divertir de mes tourments. Je vais le 6 au Grand-Saconnex pour la soirée de soutien organisée par le Cosunam et j'assiste le 8 à une pièce au Théâtre des Trois-Quarts à Vevey. Il ne faut pas que je présente une face de Carême à un ami qui est dans la peine...

 

Dieu sait si l'on m'a mis en garde. En rendant visite à un condamné en vertu de l'article 64 du Code pénal suisse, je me compromets. Ce que de tels criminels ont commis est si grand qu'il leur vaut l'internement à vie. Mon ami est-il innocent ou coupable? Peu me chaut. Tous ses amis lui ont tourné le dos? S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là... Je n'aurai jamais l'âme d'un juge, mais toujours celle d'un défenseur...

 

Les visites aux Etablissements de la plaine de l'Orbe ont lieu le samedi de 14:15 à 15:45. Il faut se présenter devant le portail au moins un quart d'heure avant. Il est 13:45 quand j'arrive. Seules deux voitures me précèdent. Je suis le seul Suisse parmi les visiteurs et je suis... le premier à qui l'on ouvre le portail, en m'indiquant de me parquer à gauche en entrant.

 

C'est la première fois que je vais en prison. Dans ma voiture j'ai laissé ma montre et mon smartphone. Je me présente à la réception. Je dois vider mes poches, enlever ma ceinture, ma parka, me déchausser et passer sous le portique. A Singapour, les pièces de monnaie qui se trouvaient dans ma poche de poitrine l'avaient fait sonner et j'avais senti tout soudain les canons de plusieurs pistolets-mitrailleurs s'appuyer sur mon torse...

 

De l'autre côté du portique on me rend mon portefeuille et mon porte-monnaie, mes chaussures, ma parka. Je laisse mon peigne, mon permis de circulation, mes clés de voiture et d'appartement, ma carte d'identité: tous ces objets seront mis de côté dans un tiroir portant mon numéro de visiteur; ils me seront rendus à la sortie. 

 

Les autres visiteurs m'ont rejoint. Ils doivent suivre le même rituel. Je comprends pourquoi il faut arriver en avance. Nous sommes moins d'une dizaine aujourd'hui et le quart d'heure d'avance n'est pas de trop. Après l'ouverture de la porte, nous traversons la cour, dans le froid. Des grillages hérissés de barbelés nous entourent. Nous pénétrons dans le bâtiment, qui fait face au portail et dont l'ouverture de la porte est commandée à distance.

 

Nous devons nous débarrasser de nos manteaux et parkas. Il y a encore trois portes à franchir avant que nous ne nous retrouvions dans le foyer familial, qui n'est pas très grand, une quarantaine de places assises tout au plus, avec une machine à café et des distributeurs de boissons et de friandises. Les tables de deux à quatre personnes sont attribuées: une carte porte le nom du détenu. Je m'installe à celle de mon détenu, qui est au bord de la fenêtre et qui donne sur un jour gris.

 

Cela fait bien longtemps que je n'aie revu cet ami, sept ans peut-être. Non seulement tous ses amis (Ce sont amis que vent emporte/ Et il ventait devant ma porte, poétisait Rutebeuf), mais tous ses proches n'ont plus voulu avoir à faire à lui. Ils n'ont pas cherché à savoir le pourquoi du comment. Puisque la justice humaine l'avait condamné, il était forcément coupable. D'ailleurs c'était écrit dans le journal, donc c'était vrai... Il me raconte son histoire d'innocent jugé coupable et je le crois...

 

Bizarrement le juge, l'avocat, qui lui a été commis d'office, n'ont pas tenu compte du document qui clairement l'innocente. Le visiteur de prison qui m'avait contacté pour m'informer de sa détention m'en avait parlé. Mais il n'était pas entré dans les détails au téléphone. Quand cet ami me dit de quoi il s'agit, je ne peux douter de son innocence et suis inquiet qu'il soit aussi facile d'interner à vie quelqu'un en Suisse...

 

Un des torts de mon ami est de ne pas avoir reconnu les faits, sinon il aurait déjà purgé sa peine... Un autre de ses torts est d'être Français: c'était un facteur aggravant dans son cas... Il est cependant vraisemblable qu'il ne restera pas en prison. Des procédures sont engagées pour le faire libérer et, en attendant, maintenant que je connais le chemin, il peut compter sur mes visites et mes prières pour le soutenir et lui montrer que tout le monde ne l'a pas abandonné.

 

Francis Richard

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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