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27 avril 2024 6 27 /04 /avril /2024 21:20
Le Cri du lézard, de Jean-François Thomas

Son père avait été retrouvé sans vie le jeudi 16 juillet 2015, en possession d'une somme de dix mille francs suisses dans la poche, en dix billets de mille francs suisses. S'il avait été antiquaire et qu'il vendait des meubles ou des tableaux, passe encore, mais libraire! Libraire d'occasion!

 

Cyriel Sifori a pris la succession de son père qui tenait une librairie de livres d'occasion à Vevey. Il était auparavant dans la police, mais il avait dû la quitter après avoir, accidentellement, tué un collègue.

 

À l'instigation de son ami Edouard, qui tient la boutique pour lui de temps en temps, Cyriel fait un jour du rangement. Après avoir vidé un tiroir du bureau, il ne peut pas le remettre et se demande pourquoi:

 

Il se pencha pour mieux regarder à l'intérieur de la cavité. Il remarqua alors une pochette en plastique, collée sur le haut, dont un côté pendait et qui, en se repliant sur elle-même, empêchait le tiroir de rentrer correctement dans son alvéole.

 

Dans cette pochette se trouvent des documents dont une lettre, signée C. Dexter, qui donnait rendez-vous le 16 juillet 2015 à son père pour la livraison d'un livre rare contre une grosse somme d'argent.

 

C'est à cette date-là, on l'a vu, que son père, Agénor, était mort. À l'époque sa mort, d'une crise cardiaque, n'était pas apparue suspecte. Mais la découverte du contenu de la pochette sème le doute chez Cyriel.

 

Son ex-collègue Martial avec qui il a dîné un jour, lui a confié qu'il enquêtait sur l'enlèvement de six petits enfants de clandestins. Or, quelques jours après, il entend un hurlement féminin près de sa boutique:

 

- Ma fille! Ils ont pris ma fille! Ils ont enlevé ma fille! Au secours! Aidez-moi!

Cyriel ne fut pas long à reconnaître la jeune mère dont la fillette s'était introduite dans sa boutique. Elle portait toujours les mêmes vêtements, jeans troués et t-shirt blanc.

 

Cyriel n'a pas perdu son flair et décide d'éclaircir les deux affaires, en demandant à plusieurs reprises à Edouard de le remplacer à la boutique et en mettant Martial, plusieurs fois, devant ses faits accomplis. 

 

Cyriel n'emploie pas toujours des méthodes orthodoxes pour découvrir l'atroce vérité dans ... les deux affaires, mais le lecteur ne lui retire pas pour autant sa sympathie, car l'auteur sait le montrer très humain...

 

Francis Richard

 

Le Cri du lézard, Jean-François Thomas, 272 pages, Bernard Campiche Editeur

 

Livre précédent chez le même éditeur:

 

Une semaine à tuer (2020)

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24 avril 2024 3 24 /04 /avril /2024 13:00
Chocolat, noir de préférence, de Olivier Chapuis, Laure Mi Hyun Croset et Olivia Gerig

Les auteurs de ce livre, à consommer sans modération, sont, en couverture, rangés dans l'ordre alphabétique, mais, dans l'ouvrage, ils apparaissent dans l'ordre inverse.

 

Les morceaux de Chocolat, noir de préférence que les auteurs nous offrent à déguster sont de dimensions inégales: celui d'Olivia Gerig est le plus gros, celui de Laure Mi Hyun Croset le plus petit, celui d'Olivier Chapuis dans l'entre-deux. Mais tous sont de saveur égale... pour les papilles d'un lecteur addictif.

 

En voici un avant-goût:

 

Arsenic et pavés de Genève, d'Olivia Gerig

 

Gustave Dunant, septante-sept ans, est retrouvé, à son domicile de Carouge, la cité sarde, plusieurs mois après son décès. Sa mort semble naturelle mais le titre alerte déjà le lecteur qu'il ne doit pas se fier aux apparences.

 

Les pavés de Genève proviennent de chez Philippe Pascoët. Plusieurs femmes fréquentent sa boutique, mais elles n'ont pas toutes de bonnes intentions et puis l'administration de poison est, paraît-il, l'apanage des femmes...

 

Olivia Gerig, avec gourmandise, mène les pas du lecteur sur les traces d'une veuve, noire, cela va de soi. Avant de tirer le fil qui le conduit jusqu'à elle, elle le met sur plusieurs pistes avant de lui réserver une surprise finale.

 

À Troyes, de Laure Mi Hyun Croset

 

Le lecteur se retrouve à Troyes. Laure Mi Hyun Croset, malicieuse, a prénommé son héroïne Hélène. Celle-ci, au contraire de sa soeur Candice, qui tient une chocolaterie, n'a pas choisi la facilité en reprenant la boucherie familiale.

 

Comme son père, la belle Hélène se met à la lecture, surtout celle des Anciens, donne des noms tirés de la mythologie à ses pièces de viande et se spécialise peu à peu dans l'oeuvre d'Homère. Il ne lui reste plus qu'à attendre Ulysse...

 

La boîte, d'Olivier Chapuis

 

Lors d'une soirée, le narrateur fait connaissance d'Audrey qui lui tape dans l'oeil et qui lui dit aimer les chocolats Clair de Lune dont elle a vu une boîte, une marque belge introuvable dans les commerces de France ou de Suisse.

 

La mère du narrateur est photographe et elle a tout sacrifié à son métier, y compris son mariage. Or, elle est en train de perdre la vue, ce qui enlève tout sens à sa vie. Elle fait appel à Escape pour la quitter et échapper à la souffrance.

 

Entre le moment où sa mère meurt et celui où elle est incinérée, le narrateur a le temps d'aller à Bruxelles pour chercher une boîte de Clair de Lune. Il en trouve une, envoie un message à Audrey, mais, en attendant, cède à la tentation...   

 

Francis Richard

 

Chocolat, noir de préférence, Olivier Chapuis, Laure Mi Hyun Croset et Olivia Gerig, 92 pages, A3 - Haute Éddition

 

NB

 

Ce livre est présenté, ce jour, 24 avril 2024, de 18h à 21h, chez le chocolatier Pascoët:

 

Avenue de Miremont, 7

1206 Genève (Champel)

Tél.: +41 (0) 22 346 58 68

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23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 17:00
Muses, d'Étienne Barilier

À la fin de sa vie, George Balanchine, le célèbre chorégraphe d'origine géorgienne, est hospitalisé à New-York. L'une après l'autre, ses Muses, qui furent ses danseuses et souvent ses épouses, lui rendent visite, avant qu'il ne meure le 30 avril 1983:

 

Vieillir, c'est bien pire que mourir. La mort est une grâce. La mort, quand on est vieux, nous fait grâce de la vie.

 

Il leur demande à chacune de raconter leur histoire. Tandis qu'elles parlent, il semble dormir mais en fait ne dort que d'un oeil et son oreille reste attentive. Il est comme un enfant que ses parents bercent pour l'endormir avec de belles histoires.

 

Souvent il est sans réaction. Elles se demandent s'il les écoute ou fait semblant, enchanté d'entendre la musique de leurs voix. Il y a des mots qui, tout soudain, le font réagir et le font voir rouge, car ce sont des mots tabous tels que Leningrad:

 

Ne prononce pas devant moi ce mot grotesque et hideux !

 

Ou Staline:

 

Cet immonde voyou?

 

Sinon, parce qu'il est vieux - il est né le 22 janvier 1904 - et malade, il a des trous de mémoire, confond l'une avec l'autre, oublie que certaines personnes ont disparu depuis bien longtemps ou, au contraire, qu'elles sont toujours bien vivantes...

 

Certes Étienne Barilier a écrit là un roman, mais ce n'est pas une fiction. Pour l'écrire il s'est beaucoup documenté si bien que le lecteur n'a pas de doute sur la véracité des propos qu'il prête au chorégraphe et à ses muses, plus loquaces que lui.

 

De quoi lui parlent-elles donc? De leur passé, bien entendu, mais d'un passé qui semble inachevé, d'un passé très personnel et très intime parfois, mais qui, en dépit de ses singularités ou peut-être à cause d'elles, traite de sujets qui sont éternels.

 

Car il est question d'art et d'amour. Comment expliquer que ses aimées soient devenues amies comme il le souhaitait? Comme lui, elles aimaient l'art et leur dévotion à la danse les unissaient. Lui ne pouvait créer d'ailleurs sans en être amoureux:

 

Je suis toujours amoureux, c'est un devoir d'état.

 

Elles aimaient en lui son génie et sa gentillesse, même si parfois il pouvait être cruel. Avec lui, l'amour, qu'il ne feignait pas, était indissociable du travail, le travail étant le fruit de l'amour, un acte d'amour. Il les glorifiait par ses chorégraphies: 

 

Si les gens ne comprennent pas qu'on ne peut que se mettre à genoux devant la beauté, qu'il n'y a pas pour l'homme de devoir plus urgent, ce sont de pauvres hères. Ce n'est pas pour eux que je travaille.

 

Muses, Étienne Barilier, 192 pages, Bernard Campiche Editeur

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Le piano chinois (2011) Éditions Zoé

Ruiz doit mourir (2014) Buchet-Chastel 

Les cheveux de Lucrèce (2015) Buchet-Chastel

Dans Karthoum assiégée (2019) Phébus

Noor (2023)  Phébus

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20 avril 2024 6 20 /04 /avril /2024 17:50
Après la forêt de mangroves, de Nadia Boehlen

Après la forêt de mangroves est un recueil de dix-neuf courtes nouvelles. Dans la plupart d'entre elles, le protagoniste est une femme de caractère, représentative de femmes de notre époque, en quête d'indépendance et d'accomplissement.

 

Dans un certain nombre d'entre elles, cette femme souffre d'enfermement, d'être cantonnée dans le rôle d'intendante des affaires familiales, c'est-à-dire des tâches ménagères et éducatives, et se sépare du tyrannique géniteur de ses enfants.

 

Dans d'autres nouvelles, cette femme entretient un lien fort avec le ou les enfants qu'elle a portés et qu'elle élève seule. Car la coparentalité s'est avérée impossible, si bien que, vivant sur son seul revenu, elle craint, à raison, la précarité.

 

Dans deux de ces nouvelles, cette femme, parfois plutôt jeune fille, est attirée par ses semblables, femmes ou jeunes filles. Au début elle aurait caché sa différence, voire sa bisexualité, mais, elle est finalement heureuse de l'avoir assumée.

 

La différence est un thème cher à Nadia Boehlen. Dans une autre nouvelle, cette femme est noire et a endossé l'identité de son pays d'adoption. Aussi est-elle choquée que persistent les préjugés sociaux à l'égard de sa couleur de peau.

 

S'unir à un homme à la peau noire, c'est céder, pour cette autre femme, à la spontanéité, aimée et détestée chez sa mère, sans filtre rationnel, moral ou mondain, faire fi de la compatibilité sociale, quand cet homme n'est pas du même milieu.

 

Cette autre femme n'a pas d'attache dans ce coin du Vieux Pays où sa famille s'était installée puis était repartie. Mais elle y retourne, s'y trouve bien et elle est au fond dans son élément: elle ne fait plus qu'un avec les éléments qui l'entourent.

 

La dernière nouvelle est dans l'air woke du temps. Il y est question du langage dit inclusif dans un camp de militants de tout bord, i.e. de gauche. Cette femme repense à un jeune homme ayant fait son coming out comme personne non-binaire:

 

À partir de maintenant, elle s'efforcera de mettre des x et des iels et une tonne d'autres formes contractées partout dans ses textes, se dit-elle en riant toute seule.

 

Francis Richard

 

Après la forêt de mangroves, Nadia Boehlen, 176 pages, Slatkine

 

Livres précédents:

 

Les poupées de chiffon (2019)

Souvenirs en similicuir (2021)

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18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 22:20
Passé sous silence, de Jacques-Étienne Bovard

Le 30 septembre, trois chasseurs viennent de tuer un chevreuil. Pour immortaliser l'exploit, ils posent pour une photo. Au moment où l'appareil, muni d'un retardateur, se déclenche, un tir passe au-dessus de l'un d'entre eux et fait un trou dans la portière avant de son pick-up.

 

La gendarmerie, débordée, a demandé à la Police de Sûreté de venir s'enquérir des faits. L'inspecteur-chef Borgeau et l'inspecteur Morisetti se rendent sur place pour enquêter et constatent que la balle a fait un trou rond dans l'oreille d'un chamois peint sur ladite portière.

 

L'un des chiens des chasseurs est blessé, comme s'il s'était battu avec un autre, mais le propriétaire prétend que c'est avec un barbelé, ce qui paraît invraisemblable. Les chasseurs ont-il vu quelqu'un? Non. Un couple de retraités a juste entendu un coup de feu et des cris de bête.

 

Le 3 octobre, un pêcheur professionnel, sur son bateau, a essuyé au moins six tirs de balles. Il n'a pas été blessé mais les tirs étaient précis, les cibles étant un disque de signalisation de son bateau, pour pêcher tranquille, et des polets, cubes en polystyrène, pour marquer ses filets.

 

Le 7 octobre, un Conseiller national, qui s'est prononcé contre le retour du loup dans la région, le Jura vaudois, et qui a été menacé de mort, essuie également six tirs de balle alors qu'il se trouve attablé avec six autres chasseurs: seul le chaudron au-dessus du feu a été visé.

 

Le point commun entre les trois affaires est le calibre de l'arme utilisée qui pourrait bien être la même et qui, compte-tenu de la précision des tirs et de la longue portée, serait une arme de guerre, le Tell 40, si bien que les deux policiers baptisent Guillaume leur tireur en série.

 

Pour résoudre l'énigme, l'inspecteur-chef Borgeau et l'inspecteur Morisetti, qui est son stagiaire et qui est d'une autre génération, vont devoir remonter dans le passé de la région, car le Tell 40 est une arme spéciale, produite en nombre limité dont six exemplaires se sont évaporés.

 

Ces six exemplaires faisaient partie d'un lot de soixante-sept qui avaient été livrés à un réseau de résistance clandestine dénommé Hydra, en allusion à l'hydre des marais de Lerne, monstre mythologique dont les têtes avaient la propriété de se multiplier quand on les coupait...

 

Passé sous silence peut se comprendre comme un passé mis sous silence ou comme un mobile passé sous silence. Si le passé joue un rôle dans l'histoire, le mobile retenu qui pousserait le tireur à user de son arme de nos jours ne reste longtemps qu'une hypothèse à étayer.

 

Jacques-Étienne Bovard, comme la loi du genre le veut, promène le lecteur, qui ne lui en veut pas, parce que le microcosme décrit est plus vrai que nature, savoureux, et que ses personnages sont bien campés, à commencer par les deux policiers qui sont ses protagonistes.

 

Borgeau et Morisetti sont vraiment très dissemblables et n'ont pas la même culture... Ainsi, quand Borgeau cite Charles Ferdinand Ramuz, pour lui confirmer que le métier entre: Je sens que je progresse à ceci que je commence à ne rien comprendre à rien, Morisetti lui répond:

 

Balèze, l'idée. Je suis un surdoué, alors? J'adore. C'était qui, en fait, ce Ramuz?

 

Francis Richard

 

Passé sous silence, Jacques-Étienne Bovard, 400 pages, Bernard Campiche Editeur

 

Livre précédent:

 

La cour des grands (2010)

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13 avril 2024 6 13 /04 /avril /2024 17:25
Dangereuse vie de bureau, de Guillaume Rihs

Autrefois je n'avais pas de voiture, n'étant pas directeur. J'ai appris à conduire il y a trente-sept ans; après avoir appris, je n'ai plus conduit. Mes vies d'artiste et d'étudiant, d'homme à tout faire et d'imprésario se sont déplacées à pied, à vélo, à scooter. Ma voiture, conséquence funeste de ma promotion. Directeur en voiture: je tue.

 

Ce début laconique est un excellent résumé de ce gros livre de Guillaume Rihs, dont le narrateur, Samuel Grandpierre, est un homme grand, ayant le physique et le nom de l'emploi qu'il occupe en début et fin de récit, puisqu'il est directeur d'une agence immobilière.

 

Mais il n'a pas seulement le physique et le nom adéquats, il a aussi le mental qui va avec. Et il le sait parce qu'il a passé des tests au service Uni-Conseil Orientation de l'Université de Genève, pour déterminer dans quelle voie il devrait professionnellement s'engager.

 

Il avait vingt-deux ans, un passé d'artiste, de clarinettiste, des parents eux-mêmes artistes. Il répondit donc au Questionnaire d'intérêts professionnels de Rothwell-Miller. Il en était ressorti qu'il avait un profil dominant parmi les six profils types: celui d'Entrepreneur. 

 

Il avait de qui tenir, puisque son grand-père paternel, Emmanuel Grandpierre, était directeur. Lors d'un repas au restaurant, celui-ci lui avait dit qu'il avait les trois vertus cardinales pour réussir dans le monde de l'entreprise: l'imagination, la force de travail, l'entregent.

 

Cette orientation était confirmée par la théorie de Douglas McGregor, selon laquelle il y avait deux groupes d'individus: ceux qui ont une opinion négative portée sur le travail et ceux pour qui le travail est perçu comme une source d'épanouissement: il était de ceux-là.

 

Avant de devenir directeur, Samuel aura été étudiant sans diplôme, puis artisan ébéniste jusqu'au jour où il perdra un doigt, enfin homme à tout faire dans l'agence immobilière dirigée par Antonia Casagrande, une amie de son frère Laurent, quand ils étaient étudiants.

 

La plus grande partie du livre est consacrée à la vie de bureau à Casagrande Immobilier, qui se trouve au dix-septième étage de la tour Azur, laquelle voisine avec deux autres tours babéliennes, Turquoise et Indigo, à Pregny-Chambésy, au nord de la ville de Genève. 

 

Deux mois durant, la directrice, Antonia Leclerc, née Casagrande, disparaît. L'entreprise, sans elle, c'est-à-dire sans son chat maître à bord, part à vau-l'eau. Dans la Villa Isabella, qui fait partie du portefeuille des Locations, les souris, membres du personnel, dansent...

 

Quand Antonia revient, elle confie la direction à Samuel, tandis qu'elle part travailler dans une entreprise immobilière plus importante. Samuel devient le tout-puissant directeur d'une agence où il fait montre de modernité en transformant les locaux, selon ATAWADAC1.

 

Dangereuse vie de bureau n'est pas ce qu'on croit. Certes, l'entreprise n'aura pas échappé aux aléas économiques, aux licenciements, aux disputes, mais le plus grand danger sera le pouvoir dont il sera tentant d'abuser, ce qui se traduira par un retour à la case départ...

 

Francis Richard

 

1 - Any Time Any Where Any Device Any Content.

 

Dangereuse vie de bureau, Guillaume Rihs, 544 pages, Slatkine

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4 avril 2024 4 04 /04 /avril /2024 21:55
La Fortune, de Catherine Safonoff

La narratrice, qui n'est autre que Catherine Safonoff, a vécu heureuse dans une maison qui ne lui appartenait pas, pendant plus d'un quart de siècle.

 

Le propriétaire, qui n'est autre que Monsieur B, son ex-mari, ne lui a pas fait payer de loyer pour l'occupation de cette villa située au 10 chemin du Puits.

 

Un jour, Monsieur B. l'en a expulsée, sans pour autant cesser de s'inquiéter de son sort, pour la bonne raison qu'elle allait être hébergée chez leur fille.

 

Bousculée dans ses habitudes, elle emménage le 11 juin 2021 dans la ferme de Mélie et Jeff, au 91 route des Marais, dans un bled de France voisine.

 

Elle n'a hélas pas pu emporter tous ses livres. Elle aurait bien sûr voulu les garder tous, mais elle a dû en écarter plus des trois quarts à contre-coeur.

 

Dans sa chambrette, elle a aligné sur les étagères quelques-uns des rescapés, tous les autres étant restés dans cinquante cartons entassés dans la grange.

 

Tous les mois d'été suivant son emménagement, elle essaie de se faire à son nouvel endroit, mais ici ne voulait pas de moi, je ne m'en arrangerais jamais.

 

À la suite d'une attaque cardiaque, en novembre, elle est emmenée dans un hôpital de brousse, où Monsieur B. la cherche une fois sortie d'affaire:

 

J'ai trouvé cela naturel, lui et moi nous nous sommes souvent rendu service, comme deux îles pratiquant le troc - ceci, que tu n'as pas, contre cela, que j'ai.

 

Elle  se remémore alors sa rencontre avec Monsieur B. en 1962, leur mariage l'année suivante, leur départ pour les États-Unis, leurs filles, Mélie et Ji ...

 

Bien que divorcé d'elle, Monsieur B., son coureur de mari, qui serait guéri selon sa dévote dernière épouse, continue d'occuper une place dans sa vie.

 

Il faudra qu'un jour cela cesse, que Monsieur B. s'ôte de son soleil, ne lui fasse plus de l'ombre, qu'ils se quittent sans rancune, que La Fortune tourne...  

 

Francis Richard

 

La Fortune, Catherine Safonoff, 176 pages, Zoé (sortie le 5 avril 2024)

 

Livres précédents:

Le mineur et le canari (2012)

La distance de fuite (2016)

Reconnaissances (2021)

 

Livre sur Catherine Safonoff:

Catherine Safonoff, réinventer l'île, Anne Pitteloud (2017)

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3 avril 2024 3 03 /04 /avril /2024 22:10
La Nuit montre le chemin, d'Olivier Beetschen

René Sulić est un jeune inspecteur. Il mesure plus de deux mètres. C'est un ancien hockeyeur. Il vit avec Edwige Kählin, assistante de géographie à l'université de Fribourg, dans une ferme sur les hauts du village de Jaun, en Gruyère.

 

Il s'y trouve en congé quand son coéquipier et mentor, Verdon, l'appelle pour une urgence. En face de chez lui, au-dessus d'Im Fang, un cadavre a été découvert par une touriste. Tout laisse à penser qu'il a été attaqué et massacré par des loups.

 

L'autopsie révélera que les carnassiers ont déchiré leur proie post mortem. Mais, sur le moment, c'est la stupeur et même la peur tout court. En tout cas, le jour même, ce lundi 18 juillet1, l'homme est identifié: il a une fiche dans le SIS2.

 

Il s'agit de Piotr Lipkowski, de nationalité moldave, impliqué dans un réseau de prostitution. Après diffusion de son portrait, des inspecteurs infiltrés l'ont reconnu. La veille, il avait rencontré trois hommes au café du Belvédère à Fribourg.

 

L'enquête peut commencer. Comme la victime et deux des trois autres hommes sont des Genevois, elle sera menée conjointement par Jean-Pascal Verdon et René Sulić de la Sûreté de Fribourg et par Jean Sanchez de la Judiciaire de Genève.

 

Les compagnons de table de Lipkowski sont à leur tour identifiés: un dealer, Amir Berisha, Kosovar, qui travaille dans un garage à Fribourg, et Mehmet Dogan et Bayar Aziz, Kurdes de Turquie, qui  étudient les sciences économiques à Genève.

 

L'histoire connaît deux tournants: l'un affecte personnellement René et changera sa vie, l'autre est la découverte, huit jours plus tard, d'un cadavre au même endroit que le premier - le modus operandi étant le même -, mais dévoré ante mortem.


Savoir qui, comment et pourquoi, ces deux personnes sont mortes, ne sera pas mince affaire pour le trio d'enquêteurs et le lecteur devra faire un effort pour ne pas se perdre dans les méandres de ce polar original à un tout autre point de vue.

 

Car ce qui donne à l'intrigue un ton personnel, c'est l'autre découverte que fait Sulić en Bosnie, où il s'est rendu avec Verdon, trois jours après la découverte macabre en Gruyère, pour enquêter sur les complicités que Berisha peut avoir là-bas.

 

Sulić, que d'aucuns à la Sûreté surnomment le poète, sans doute parce qu'il a souvent à portée de main les Poésies choisies de François Villon, reçoit, après ce voyage, de quelqu'un, qui aura ignoré jusqu'à son existence, un legs très éclairant:

 

La légende de Guillaume Tell vue à travers le prisme de la mythologie nordique.

 

Dans ce texte, dont Olivier Beetschen publie de larges extraits, en italiques dans le roman, se trouve la maxime qui donne son titre au livre: La nuit montre le chemin, et des personnages, les Irascibles, qui ont au fond quelque chose de René Sulić:

 

Était-ce aller trop loin de considérer que de telles figures avaient une certaine ressemblance avec un policier un peu impulsif, un peu braque, un peu indiscipliné? De là est peut-être né le sentiment que la légende lui était adressée.

 

Sans que son auteur puisse l'imaginer, ce texte aidera Sulić. En effet, il mettra en application la devise des Irascibles, ronflante mais efficace: La ruse pour confondre les scélérats, la force pour les écraser. Le lecteur relèvera au passage la citation:  

 

Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d'eux.3

 

 Francis Richard

 

1 - 2022 ?

2 - Système d'Information Schengen.

3 - L'auteur, dans ses remerciements, précise qu'elle est de René Char.

 

La Nuit montre le chemin, Olivier Beetschen, 384 pages, Bernard Campiche Editeur

 

Livres précédents à L'Âge d'Homme:

 

La Dame Rousse (2016)

L'oracle des loups (2019)

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29 mars 2024 5 29 /03 /mars /2024 23:20
Récifs, de Romesh Gunesekera

Triton, né en 1951 à Ceylan, Sri Lanka depuis 1972, est emmené, en1962, par son oncle chez Mister Salgaldo, Ranjan Salgado. À la suite d'une grosse bêtise commise à l'école, son père s'était emporté et il avait dû fuir.

 

Comme je vous l'ai dit, il apprend vite, mais il ne peut plus vivre à la maison.

 

Mister Salgado vit seul. Il a un domestique, Joseph, qui prend Triton en grippe. Ce n'est pas avec lui qu'il apprendra quoi que ce soit. Ne parlons pas du comportement qu'il a eu un jour avec lui et dont il ne peut faire état.

 

Heureusement, Joseph est flanqué à la porte par Mister Salgado. Aussi, parti de rien, Triton va-t-il devenir un domestique hors pair, s'occupant de tout sauf de la cuisine, dont il deviendra un expert après le départ de Lucy.

 

Le livre de Romesh Gunesekera raconte un monde à part, avant que des soubresauts n'agitent l'île. Même si, pendant un temps, une jeune dame, Miss Nili, s'y installe en 1969, cela ne peut durer non plus indéfiniment.

 

La vie à la maison change, comme le corail, dont Mister Salgado pressent qu'il est en train de disparaître. Encouragé par son ami Dias, il consacrera du temps à l'étudier et s'en ira pendant des jours et des jours sur la côte.

 

Ayant le champ libre, Triton est non seulement devenu un vrai chef cuisinier mais il passe également beaucoup de temps à lire dans le bureau de Mister Salgado. Son appétit de savoir lui servira un jour à être autonome.

 

Le besoin de bâtir, de transformer la nature, de faire quelque chose à partir de rien est universel. Mais conserver, protéger, respecter le passé est quelque chose que nous devons apprendre, lui dira son mentor finalement.

 

Francis Richard

 

Récifs, Romesh Gunesekera, 192 pages, Zoé (traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek)

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25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 23:00
N'écris que pour annoncer ta mort, de Raphaël Calmy

Paul est électricien de montage. Son ami le plus proche, Werner, est un ancien plombier devenu moniteur d'auto-école.

 

Paul a choisi une femme à sa portée, Cornelia, employée au Bavaria, où elle vit de ses charmes, sous le faux nom de Daisy.

 

À force d'insister, Paul la voit en dehors du club. Il ne s'est jamais senti aussi proche de quelqu'un, même pas de Caroline.

 

Paul, qui a rompu avec Caroline, dépendante aux tranquillisants, commence à s'attacher à cette Cornelia, d'origine roumaine.

 

Cornelia, veuve Nestor, a fait ses premières armes en Yougoslavie, puis à Bruxelles, enfin à Genève, avec Max puis avec Titus:

 

La liberté, c'était la différence entre Max et Titus, entre travailler avec celui-ci et avoir travaillé avec celui-là; c'était de pouvoir s'absenter sans préavis.

 

Titus a trompé Cornelia. Ils ne sont pas associés. Elle a signé la déclaration pour le bar au pays, qui est sur le point de fermer.

 

Pour que le bar ne ferme pas et, comme Paul Chouet est l'ami de Cornelia, Titus et elle négocient qu'il paiera quinze mille euros.

 

Cornelia présente les choses ainsi à Paul: il faudrait que son père à elle, malade, puisse être transféré à Vienne pour y être opéré.

 

Cornelia et Paul partent donc ensemble pour la Roumanie, ce dernier ignorant que l'ignoble et bien nommé Titus serait du voyage:

 

Le vol fut un cauchemar.

 

Paul ignore bien d'autres choses que le narrateur révèle au lecteur, mais réalise quel rang il occupe dans la hiérarchie du trio:

 

Paul était un type généreux, c'était un brave type.

 

Une telle histoire ne peut que mal finir. Raphaël Calmy ne le cèle pas au lecteur, sans lui en donner tout de suite les détails.

 

Le lecteur retiendra de ce récit réaliste la peinture glauque du milieu de la prostitution à Genève, alimentée en filles de l'Est.

 

Il retiendra aussi que l'amour unilatéral déçu d'un homme pour une femme, grugé par elle, peut le conduire à des extrémités.

 

N'écris que pour annoncer ta mort, titre du roman, expression d'humour noir de Paul, sera ainsi l'aveu de cette impuissance.  

 

Francis Richard

 

N'écris que pour annoncer ta mort, Raphaël Calmy, 176 pages, Bernard Campiche Editeur

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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 23:00
L'île de la Française, de Metin Arditi

Saint-Spyridon, située entre Kalymnos et Kos, est une île toute proche de la ville turque de Bodrum. C'est L'île de la Française. En 1950, Odile Lang, ladite Française, y passe son cinquième été, le deuxième sans André.

 

André, âgé de trente-trois ans de plus qu'elle, et Odile ont eu une fille, Pénélope, qui est venue avec sa mère cet été-là. André était amoureux de la Grèce et de la photo: La photo, c'était la mémoire, et la Grèce, l'éternité.

 

Saint-Spyridon est pauvre, vidée par la guerre et par la mer. Quand Clio perd sa mère, elle décide d'entrer dans son monastère pour survivre: elle y sera prise en charge, vêtue, logée, nourrie, mais coupée du monde et d'Odile.

 

Odile a employé Clio pendant l'été. Elle a fait des photos d'elle qui ont excité la jalousie de Pénélope qui les a déchirées, si bien qu'elle n'a pas pu les lui remettre. De toute façon elle n'aurait pas pu les prendre avec elle...

 

Au monastère, l'higoumène, Andonia, impose à ses moniales sa conception de la foi: elles doivent chercher à imiter le Christ sur la Croix, cloué aux pieds et aux mains, en se mutilant sans que cela nuise à leurs tâches...

 

Trois ans plus tard, à la fin de l'été 1953, Pénélope, qui est restée sur l'île après le départ d'Odile pour Paris, disparaît. Par un télégramme, Lakis, le policier de l'île et le fils de Yorgos, le patron du café, l'en informe.

 

Pour connaître la vérité Odile retourne sur l'île. À la demande du maire, Aristidis, l'higoumène prie Clio de travailler à nouveau chez elle. Quand elles se revoient, Odile est horrifiée en découvrant son corps supplicié:

 

Réduire ton corps au silence, c'est étouffer tes pensées les plus humaines! s'exclama Odile. C'est taire ton âme.

 

Odile va redonner leurs voix aux corps et âmes des moniales, à commencer par Clio, d'une façon hétérodoxe, en faisant ce qu'elle sait faire de mieux: les photographier, et en transmettant son art à Clio, qui a des dispositions.

 

Leur vie à toutes en sera bouleversée et Odile sera même bannie. Plus tard, quand la vérité éclatera dans ce microcosme imaginé par Metin Arditi, leur péché sera considéré comme véniel comparé à celui commis envers elle. 

 

Francis Richard

 

L'île de la Française, Metin Arditi, 234 pages, Grasset

 

Romans précédemment chroniqués:

Le Turquetto, 288 pages, Actes Sud  (2011)

Prince d'orchestre, 380 pages, Actes Sud (2012)

La confrérie des moines volants, 350 pages, Grasset (2013)

Juliette dans son bain, 384 pages, Grasset (2015)

L'enfant qui mesurait le monde, 304 pages, Grasset (2016)

Carnaval noir, 400 pages, Grasset (2019)

Rachel et les siens, 512 pages, Grasset (2020)

L'homme qui peignait les âmes, 304 pages, Grasset (2021)

Tu seras mon père, 368 pages, Grasset (2022)

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17 mars 2024 7 17 /03 /mars /2024 18:00
Bitume d'août, de Sandra Maeder

La mère et le fils vivent dans le même appartement depuis longtemps. Dans son salon sans fenêtre, il y a un aquarium avec un poisson aux nageoires déchirées.

 

C'est un jour particulier du mois d'août: Il fait chaud. Il fait tellement chaud. Les seuls bruits que l'on entend sont ceux des ventilateurs et de l'autoroute proche.

 

C'est un jour particulier: Il a toujours fait très chaud le jour de leur anniversaire. Comme il n'y a que la mère et le fils, le lecteur pense d'abord qu'il s'agit du leur.

 

Il y a, au présent, un matin, un après-midi et un soir. Mais il y a aussi plusieurs passés qui resurgissent au long du récit et dans lesquels l'auteure noie le lecteur.

 

Le lecteur doit y faire le tri, distinguer les parts de rêve et de réalité dans ce que ressentent ou expriment la mère et le fils, flou que l'auteure entretient volontiers.

 

Alors le lecteur se doit de relever les quelques indices qui devraient lui permettre de comprendre ce qui se trame ce jour anniversaire où il fait tellement chaud:

 

  • La mère attend des invités: son fils lui demande à quelle heure, tout en affirmant qu'ils ne viendront pas.
  • La mère attend le frère de son fils qui ne viendra pas non plus puisqu'elle lui a dit qu'il était parti sur la Lune avec les astronautes de la Mission Apollo 17: un aller sans retour.
  • Son fils ne veut plus que sa mère l'appelle Pierrot et demande à sa mère comment s'appelait son frère.
  • La mère a préparé des ballons multicolores et une banderole Joyeux Anniversaire, fait un de ces gâteaux au chocolat et au sirop, comme lui et son frère les aiment.
  • Le poisson manque de nourriture et Pierrot a oublié de lui en acheter.

 

Un des passés évoqués ne se répétera pas, il balbutiera. Rien ne sera plus jamais comme avant ce jour présent ni après un autre anniversaire dont le souvenir reste vif.

 

Francis Richard

 

Bitume d'août, Sandra Maeder, 160 pages, Éditions Encre Fraîche

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16 mars 2024 6 16 /03 /mars /2024 18:50
La Gingolaise, de Laurence Voïta

Lors d'une recherche, Laurence Voïta, par hasard, a croisé l'extraordinaire destin de Charles Garain, qui en réalité était une femme, La Gingolaise1. À la fin de son roman, l'auteure publie le texte source de trois quatre pages en espagnol, à partir duquel elle a reconstitué l'histoire du petit Charles.

 

L'auteure se défend d'avoir écrit un roman historique. Ce serait plutôt le roman d'une vie singulière de femme que, femme du XXIe siècle, elle a voulu comprendre. Car, si l'Histoire avec un grand H a toute sa place dans ce roman, cette place, bien que très documentée, n'y est pas majuscule.


Le début de l'histoire? Cette Suissesse en habits d'homme a capitulé 2 pour cinq ans à Monthey, le 26 décembre 1780, pour aller combattre les Anglais en Espagne et leur reprendre, avec d'autres soldats suisses, l'île de Minorque.

 

La fin de l'histoire? Ce Suisse meurt d'une fracture ouverte à la jambe, le 26 décembre 1781, après y avoir reçu, sur un champ de bataille, un boulet, tiré dans son dos. C'est à ce moment-là qu'il s'avère que le petit Charles est une femme.

 

Si, grâce au texte source, le début et la fin d'une année de la vie de Charles sont connus, encore ignore-t-on, sinon dans les grandes lignes, l'entre-deux, qui permettrait de répondre aux deux questions que se posent la romancière:

  • Pourquoi une femme a-t-elle choisi de se travestir en homme?
  • Comment ce travestissement a-t-il pu duper son monde, un monde masculin?

 

À ces deux questions, l'auteure répond par la fiction, c'est-à-dire par des conjectures, qui, bien qu'élaborées plus de deux siècles plus tard par une femme d'un autre temps et d'autres moeurs, sont tout à fait plausibles. Pour les besoins de sa cause, elle baptise Charles Marie-Anne:

  • Marie Anne voulait être libre, pour échapper à sa condition, nonobstant sa petite taille, qui était en principe rédhibitoire pour les recruteurs, mais qu'elle fera oublier par sa bravoure dans les exercices et batailles militaires, d'où son surnom de petit Charles.
  • À seize ans, Marie Anne est imberbe et n'a toujours pas de saignements qui pourraient la démasquer; elle échappe par trois fois aux examens médicaux et parvient, ce qui n'est pas étonnant à l'époque, surtout dans la soldatesque, à ne jamais dévoiler sa nudité; mais comment Marie Anne faisait-elle pour pisser? Mystère.

 

L'entre-deux? C'est le voyage effectué par les recrues, depuis le lac Léman jusqu'à Minorque, par voie lacustre, fluviale, puis terrestre, enfin maritime. Ce sont les exercices militaires avant le départ le 18 juin 1781 pour Majorque et avant l'engagement contre les Anglais: comme pourrait dire Lao Tseu, l'important dans ce roman, ce n'est pas le voyage mais un destin qui a fasciné l'auteure et qui fascine le lecteur à son tour.  

 

Au début de l'histoire, Charles se lie d'amitié avec Martin, un homme de son âge, imaginé par l'auteure. Martin réapparaîtra les dernières semaines, ayant suivi les traces de Charles, qu'il admire; il sera certainement contrit qu'il lui ait menti sur son sexe, et devra comprendre que cette femme libre ne voulait certainement pas de sa protection, ni d'aucune autre.

 

Francis Richard

 

1- Native de Saint-Gingolph.

2- La capitulation est à l'époque un engagement militaire moyennant solde.

 

La Gingolaise, Laurence Voïta, 176 pages, Favre

 

Livres précédents aux Éditions Romann:

Vers vos vingt ans (2019)

... Au point 1230 (2020)

Personne ne sait que tu es là (2022)

 

Livre précédent aux Éditions Favre:

Aveuglément (2023)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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