Une femme hurla. Elle courait péniblement vers la berge, ses talons s'enfonçant dans la pelouse. On se retourna, on vit un homme, un corps du moins, dans l'eau, près de la rive.
Ce vendredi 15 mai, le rituel Jardin des Vins est le théâtre d'un meurtre. L'homme trouvé mort dans le Domaine des Îles, à la périphérie de Sion, ne s'est pas noyé, il avait une blessure profonde à la tête.
Léon Cerise, ancien inspecteur de police, reconverti dans l'enseignement à la suite d'un accident qui l'avait privé de l'usage de ses jambes, a été mis à la retraite, qu'il passe à Basse-Nendaz à lire Racine.
Il vit avec son chien, qu'il a appelé Britannicus, lequel l'a en quelque sorte trahi: il vient de se rendre compte qu'en fait il est une chienne et que, de plus, elle attend des petits. Et de citer le cher Racine:
Plus l'offenseur m'est cher, plus je ressens l'injure
La Thébaïde 1664
Ce même vendredi 15 mai, un ami lui apprend que le mort du Jardin des Vins n'est autre que Conrad Crettenand, patron des assurances OXO, qui y fêtaient joyeusement leurs trente ans d'existence.
Ce même vendredi 15 mai, Charlotte de Dardel, de retour en Valais, où, en tant que journaliste, elle a trouvé un poste à l'Illustré, se rend chez ses grands-parents qui occupent un chalet à Basse-Nendaz.
Ils lui apprennent le décès de Conrad. Elle n'est pas étonnée que Léon Cerise l'appelle à ce sujet. N'ont-ils pas enquêté ensemble 1? Léon craint que Jean-Marc Michellod ne soit pour tous le coupable idéal.
De la prison, où il se trouve depuis 2009 suite à une dénonciation de malversations par Conrad, Jean-Marc menaçait celui-ci et était de sortie le jour du meurtre. De plus, il est aussi l'oncle de Mattys...
Or Mattys est le protégé de Charlotte. Du même âge qu'elle, il a, en dépit d'un gros retard cognitif, effectué sa scolarité en compagnie des jeunes de sa génération, aussi loin que cela s'est avéré possible.
Très naturellement, Charlotte et Léon décident donc de mener ensemble une enquête officieuse pour élucider ce crime commis sur le sinistre Conrad, qui n'est de loin pas quelqu'un de recommandable.
Stéphanie Glassey, parallèlement au récit de cette enquête de neuf jours, fait celui d'Émile, né en 1940 dans une famille nombreuse, pauvre, où le père est alcoolique, dégénéré, et la mère devenue folle.
Alors qu'Émile a quatre ans, un prêtre, une assistante sociale et le juge de commune se présentent un jour à la ferme familiale et emmènent les enfants de Séraphin et Honorine pour les placer ailleurs.
Ailleurs? Dans des institutions, dans des fermes, ces enfants, comme bien d'autres pendant des décennies, seront maltraités, physiquement souvent, sexuellement parfois, humiliés et méprisés toujours.
Quel rapport entre les deux récits? Peu à peu le lecteur le découvre, comprend que les mémoires peuvent être assassines. Conrad ne sera pas la seule victime, et la personne coupable en sera une autre:
Il n'est point de secret que le temps ne révèle.
Britannicus 1669
Francis Richard
1 - Voir Les Confidences assassines.
Mémoires assassines, Stéphanie Glassey, 488 pages, Plaisir de Lire
Livres précédents aux éditions Plaisir de lire:
Confidences assassines (2019)
La dernière danse des lucioles (2021)
Livre précédent chez OKAMA:
Smoothie (2024)