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19 mars 2025 3 19 /03 /mars /2025 18:55
La Question interdite, de Valérie Gans

Depuis près de vingt ans qu'il exerce son métier de vidéaste, qu'il a pour ainsi dire inventé, Adam s'est toujours intéressé à la cause des femmes. Intéressé et investi au sens propre comme au figuré.

 

Adam Lepage est marié depuis cinq ans avec Pauline. Qui termine son internat en psychiatrie. Avec leurs métiers, entre ses déplacements à lui et ses gardes à elle, ils n'ont que peu de temps pour se retrouver.

 

Irène a élevé seule Shirin, après la mort de son mari Amir, et ne s'est pas remariée. Elle avait trente-trois ans et sa fille huit. Aussi a-t-elle étendu son emprise sur sa fille, qui n'est rien moins qu'autonome.

 

Shirin, treize ans, fait la connaissance d'Adam à la terrasse d'un café La Favorite. Il lui a laissé sa carte, que Shirin montre à sa mère au petit-déjeuner. Comme Adam est connu, celle-ci l'engage à l'appeler:

 

C'est une chance qu'un grand Monsieur comme lui t'ait remarquée!

 

Adam et Shirin se retrouvent dans le café La Favorite au bas de son atelier. Comme Irène se mêle de tout, elle a également appelé Adam, mais Shirin a tenu à être seule à son premier rendez-vous de grande.

 

Sa vie en est transformée. Adam ne s'est pas trompé sur elle: elle est naturelle, comme peu de femmes savent l'être quand il s'agit de leur image: Shirin est un papillon auquel il ne faut surtout pas trop toucher.

 

Dès lors elle travaille bien à l'école. Devant la transformation de la chrysalide, ses camarades de classe, filles et garçons, sont jaloux... Un après-midi, Adam prend des images d'elle et de deux autres femmes:

 

Sofia, une sexagénaire du Sud, et Mélanie, une anglaise filiforme, à la peau constellée de taches de rousseur.

 

Parallèlement à ce projet, qu'il a appelé Fragiles, Adam travaille sur un autre, un opéra de Verdi, La Force du destin. L'agent de la cantatrice a demandé une augmentation substantielle pour le droit à l'image.

 

Adam propose alors à Shirin de la filmer à la place de la cantatrice et de faire en sorte que celle-ci lui ressemble. Elle sera dédommagée en recevant un exemplaire de chaque vidéo réalisée. Elle accepte donc.

 

Un soir, en rentrant, Shirin s'enferme dans sa chambre, après en avoir claqué la porte, et refuse de dire quoi que ce soit à sa mère pendant plusieurs jours et de raconter aux autres ce qui s'est réellement passé.

 

Un jour elle hurle même à la face de sa mère: Je ne foutrai plus jamais les pieds chez ce monstre ! [...] Et je ne te pardonnerai jamais de m'avoir forcée à y aller. Il n'y a plus aucun doute: il faut porter plainte.

 

Réseaux sociaux et médias s'emparent de l'affaire. C'est l'hallali d'Adam, lâché par tout le monde, ses amis, sa femme, si bien qu'il ne lui reste plus qu'une solution... Quant à Shirin, elle est désormais une paria.

 

Vingt ans plus tard, Shirin, devenue photographe, vit en colocation avec Lalla, une journaliste Libanaise: Elles travaillent ensemble depuis plus de cinq ans. Le père de Lalla est mort assassiné, quant à Adam...

 

Seulement Shirin ne s'est pas remise de ce qu'elle a fait à Adam, en se laissant manipuler par sa mère. Aussi veut-elle réhabiliter sa mémoire et se décide-t-elle sur sa page Facebook à poser La Question interdite:

 

Et si ce n'était pas vrai?

 

Ce n'était pas une bonne idée... non plus que d'écrire un article avec cette question-titre, signé Shirin Djahavani et Lalla Tueni. L'hallali de Shirin et Lalla commence: lettres anonymes, intimidations, rumeurs.

 

Une féministe de la première heure, lesbienne militante, haïssant les hommes, qui, pour elle, sont tous des nuisibles, des fourbes égocentrés, des manipulateurs, des couards, des menteurs, est en tête de la meute:

 

Qui est cette fille qui ose mettre en cause tout ce pour quoi, depuis deux décennies, nous nous sommes battues? Qui est-elle pour semer le doute sur la vérité grâce à nous avérée que [...] les hommes sont des prédateurs?

 

L'histoire semble se répéter. Mais le hasard fait bien les choses et il y a de quoi sortir de ce livre-choc rasséréné en apprenant enfin ce qui était vrai et en constatant qu'il ne faut jamais perdre espoir en ce bas monde.

 

Francis Richard

 

La Question interdite, Valérie Gans, 216 pages, Une autre voix

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17 mars 2025 1 17 /03 /mars /2025 19:30
Attractions, d'Alain Bagnoud

- Je crois que ce que Monsieur Riemann veut surtout, c'est que vous écriviez un livre sur sa vie à lui.

- À qui est-ce que c'est destiné? Aux proches? Aux employés?

- Vous définirez ça avec lui.

 

Alexandre est engagé comme prête-plume d'Anton Riemann qui lui a envoyé sa secrétaire, Lidelette. Il n'a pas d'autre choix que d'accepter: ses comptes bancaires sont vides et il aimerait bien en savoir plus sur Vienna Riemann, la petite-fille du vieil entrepreneur, une it girl, célèbre le temps d'une téléréalité, dont le corps a été retrouvé supplicié.

 

Le lieu de travail d'Alexandre est un chalet, gros comme un hôtel, à l'écart d'un village du Valais. Sandro, l'intendant, lui fait visiter ce qui est visitable. Puis il se rend au café du village, où les visages se ferment quand ce nouveau venu, habillé à la mode, annonce qu'il vient d'être engagé par celui que les habitués considèrent comme l'accapareur.

 

Au chalet les soupers sont servis à dix-neuf heures précises. Il y a cinq couverts, comme autant de protagonistes de ce polar: Anton Riemann, son fils Aimé, sa secrétaire Idelette, son intendant Sandro, et, dès lors, son prête-plume Alexandre. Après le repas, servi par une femme en robe noire et tablier blanc, le maître de maison souhaite bonne nuit:

 

Il est vingt heures, il fait grand jour.

 

Comment Monsieur Riemann a-t-il fait fortune? Avec un parc d'attraction. Sandro l'explique à Alexandre: Il l'a développé, a construit des hôtels, des logements pour les employés. Une ville en fait, qui lui appartient, gérée par son fils aîné maintenant... Il a bien sûr d'autres projets, pour ceux qui ont l'ivresse de la glisse et du panorama...

 

Au village, un hôtel désaffecté, le Grand Hôtel, une des propriétés d'Anton, abrite une secte, l'Église du dernier jour, inspirée de la vie du Christ et fréquentée par Vienna. Le gourou se fait appeler Jean-le-Baptiste, assisté de Simon Pierre. Deux moinesses, Marthe et Marie, tout habillées de blanc, rendent régulièrement visite à l'accapareur... 

 

Un triple meurtre, dont l'épouse d'un homme politique connu, une étoile du parti écolo, est commis au village. À cette occasion, Alexandre fait la connaissance de Judith Billon, une journaliste qui a un contact dans la police et avec laquelle il va mener l'enquête et ira plus loin, jusque dans sa chambre au chalet, parce qu'entre eux il y aura affinités...

 

De nouveaux meurtres sont commis, deux petits vieux, qui possédaient une ou deux boucheries, certainement pas des écolos, peut-être, cette fois, des victimes d'activistes de la cause animale. Ce n'est pas l'avis d'Aimé qui, lors du souper au chalet Riemann, où Judith a été conviée, pense que ce sont les mêmes tueurs dans les deux affaires...

 

Cela fait beaucoup de morts au village: Vienna, le triple meurtre chez l'écolo, le meurtre des deux petits vieux. Il n'est pas sûr pour autant qu'ils soient liés. Comme de juste, c'est la loi du genre, l'auteur égare le lecteur sur de fausses pistes, corroborées par des aveux. Les coupables? Tour à tour, des membres de la secte, des hôtes du chalet...

 

Si la vérité éclatait, quelle qu'elle soit, le risque serait que l'oeuvre d'Anton Riemann, son parc d'attraction, soit irrémédiablement touchée. Aussi, quand Alexandre finira par la connaître, se résignera-t-il à ne rien dire. Et le lecteur comprendra en fin de conte pourquoi Alain Bagnoud, facétieusement, a mis le titre, Attractions, au pluriel.  

 

Francis Richard

 

Attractions, Alain Bagnoud, 288 pages, BSN Press

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Rebelle (2017)

L'Amant de la déesse Lune (2022)

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15 mars 2025 6 15 /03 /mars /2025 20:50
Le second printemps, d'Isabelle Bary

Je m'appelle Adèle Carlier, j'ai 52 ans et j'ai atteint ce no woman's land.

 

Adèle est une femme libre, ayant choisi ses servitudes pendant trente ans: habitudes consenties, travail excitant, voyages, mariage heureux, maternité épanouie, amitiés fidèles.

 

Son travail? Une émission tri-hebdomadaire sur une radio bruxelloise à grande audience que ses enthousiasmes, exprimés sur son blog, ont valu à cette passionnée de lecture

 

Un jour, Jean, le directeur de la radio, lui annonce, après vingt ans d'antenne, que le conseil d'administration a décidé d'arrêter son émission, de renouveler la grille des programmes:

 

Une femme n'a pas le droit de vieillir. Encore moins à l'antenne.

 

Si Adèle, narratrice en quête du héros parfait, a écrit deux romans, elle n'est pas assez satisfaite des résultats pour les proposer à un éditeur. Tous les matins, elle continue d'écrire:

 

Mon héros accompli se devait d'être un ami que je finirais par prendre pour une personne véritable, existant en dehors du texte.

 

Au même moment, Emma, la trentaine, chavire à Paris. Elle enseigne la philosophie. Une de ses élèves s'est suicidée après que sa photo dénudée a circulé sur les réseaux sociaux.

 

Emma a appris un jour par ses parents qu'ils l'avaient adoptée, sans le savoir, via un réseau d'escroquerie opérant en Ouganda. Pour retrouver ses racines, elle s'est intéressée à l'islam.

 

Adèle et Emma ignorent encore que leurs routes se croiseront, après avoir refusé l'une et l'autre un emploi de substitution qui ne leur sied pas et s'être disputées avec leur homme.

 

L'une et l'autre emprunteront le chemin de Compostelle et s'y rencontreront. La plume de l'une et le voile que porte l'autre les empêchant d'être transparentes aux yeux des autres.

 

Elles se compléteront, l'une personnifiant l'expérience et la raison, l'autre la fraîcheur et la foi, marcheront avec d'autres pèlerins qui, après les avoir entraînées, les laisseront seules.

 

Pour Adèle, marche et écriture signifient lutte contre l'immobilisme, lui permettent d'être une quinqua magnifique et indocile, d'échapper au contrôle et de donner un sens à sa vie:

 

Voilà pourquoi, sans doute, on gouverne en sédentarisant et on domine en brûlant les livres, se dit-elle.

 

Pour Emma, marche et voile signifient effort et retranchement, lui permettent d'être féministe et musulmane. Toutes deux portent en elles la révolte, diffèrent par la détermination.

 

L'épilogue explicite le titre du roman d'Isabelle Bary. Adèle, en racontant cette histoire, s'est libérée de ses câbles d'acier. Dès lors commence pour elle Le second printemps.

 

Francis Richard

 

Le second printemps, Isabelle Bary, 370 pages, 180° éditions

 

Livres précédents aux Éditions Luce Wilquin:

 

Les dix-sept valises (2018)

Ce qu'elle ne m'a pas dit (2016)

Zebraska (2014) 

 

Livre précédent chez J'ai lu:

Zebraska (2020)  (Nouvelle édition revue et augmentée)

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10 mars 2025 1 10 /03 /mars /2025 22:35
Être de papier, de Marie Beer

Aline déchirait les livres quand la fin ne répondait pas à ses attentes. Elle disait: cette histoire est nulle. La fin est nulle. Ce livre est nul. Elle déchirait la fin du livre.

 

Aline n'était donc pas une enfant sage. Est-elle devenue une adulte sage? Rien n'est moins sûr:

 

[Les personnages des livres] finissent toujours par me décevoir. Y compris quand c'est moi qui invente leurs répliques.

 

C'est ce qu'elle disait à Yann, son futur mari, à l'issue d'une escapade au cinéma. Avant d'ajouter:

 

Je suppose que même le prince charmant ou même l'homme idéal conçu par sa promise ne peut finalement que s'avérer rempli de vent à force de rester un être de papier.

 

Yann et Aline sont mariés depuis dix ans. Ils ont deux garçons, Hugo et Jules. Tous deux travaillent.

 

Yann est producteur, [bouffé] par [son] boulot, tandis qu'Aline enseigne la littérature dans une école:

 

Pour transmettre sa passion des débuts de livres.

 

Un accident, dont est victime Aline - elle a été renversée par un bus - bouscule leur vie de couple:

 

Fracture du bassin et du tibia.

 

Avant de se rendre à l'hôpital, Yann appelle l'école pour les prévenir. Or elle n'y a jamais enseigné...

 

Lors de sa visite, Yann se dispute vivement avec Aline qui lui a menti depuis le début de leur mariage.

 

Aline s'est bien occupée de leurs enfants et de leur maison et, pour le rassurer, se défend de l'avoir trompé:

 

Je ne t'ai jamais rien caché. J'ai trouvé la force de m'inventer une place là où le système n'a pas voulu de moi.

 

Aline n'a donc pas changé depuis l'enfance. Elle ne subit pas et elle se sent libre de s'évader en elle-même.

 

Ce roman de Marie Beer, à l'imagination fertile, inspiré de son Imposteuse1, finit sur un coup de théâtre...

 

Le lecteur aura gardé en mémoire ce qu'au passage Aline, artiste qui a du talent pour la vie, dit à Yann: 

 

On n'invente jamais rien tout à fait. Toute fiction émerge de quelque chose de vrai.

 

Francis Richard

 

1 - L'Imposteuse a été jouée du 17 novembre au 3 décembre 2023 au TheâtriculRue de Genève 64, 1225 Chêne-Bourg

 

Être de papier, Marie Beer, 192 pages, Éditions Encre Fraîche

 

Livres précédents chez le même éditeur:

 

Sagama, 200 pages (2021)

Patate chaude, 180 pages (2023)

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7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 18:25
La Très Catastrophique Visite du Zoo, de Joël Dicker

Quand Léopoldine, la narratrice, était petite, elle allait à l'école des Pics Verts, une école spéciale, où ne vont pas les enfants normaux. Cette école n'avait qu'une classe et six élèves, où elle était la seule fille.

 

Les garçons et elle aimaient beaucoup leur école et leur maîtresse, Mademoiselle Jennings: Elle est la plus fantastique des maîtresses. Elle est patiente, adorable, intelligente, douce. Elle est aussi très belle.

 

Les six sont spéciaux: Artie est hypocondriaque, Thomas est fort en karaté, Otto sait tout sur tout, Giovanni est toujours habillé avec une chemise, Yoshi ne dit jamais rien, elle comprend les choses trop vite.

 

Leur histoire est une série de catastrophes qui s'enchaînent les unes aux autres à partir de l'inondation de l'école spéciale qui a pour première conséquence de les obliger à aller à l'école des enfants normaux.

 

Tout au long du récit les enfants mènent l'enquête pour connaître le coupable de la catastrophe initiale qui a entraîné les huit autres. Ils le font avec un mélange de naïveté, de malice, de bon sens réjouissants.

 

Littéraux, ils apprennent le sens d'expressions toutes faites, par eux déformées. Enquête faisant, ils testent les limites de la démocratie, de l'autorité des adultes, des bonnes manières, de la diversité, de la censure.

 

Le coupable sera bien démasqué, mais les six enfants décideront de ne pas le dévoiler jusqu'à ce que Léopoldine, devenue adulte, le fasse des années plus tard dans ce livre, avec son approbation: Il y a prescription.

 

Les thèmes abordés le sont avec bienveillance. Aussi ce livre qui révèle l'origine des événements est-il destiné aux petits et grands qui, en le lisant, tireront quelque profit de lever un temps les yeux de leurs écrans...

 

Francis Richard

 

La Très Catastrophique Visite du Zoo, Joël Dicker, 256 pages, Rosie & Wolfe

 

Livres précédents:

 

Les derniers jours de nos pères (2012)

La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert (2012)

Le Livre des Baltimore (2015)

La Disparition de Stephanie Mailer (2018)

Le Tigre (2019)

L'Énigme de la Chambre 622 (2020)

L'affaire Alaska Sanders (2022)

Un animal sauvage (2024)

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4 mars 2025 2 04 /03 /mars /2025 16:55
Le hameau de personne, de Jérôme Meizoz

Rosalba qui m'obsédait depuis l'adolescence, mais n'avait jamais eu pour moi un seul regard. Elle avait fondée une famille, vécu dans l'aisance; un jour, sa vie avait volé en éclats; elle s'était enfuie sans laisser d'adresse.

 

Celui qui pense ainsi s'appelle Fracasse. Il avait perdu la trace de Rosalba, qui, dans le hameau, vient de débarquer d'un taxi avec chiens, Eros et Satin, et bagages, pour occuper la bâtisse à louer.

 

Fracasse a fait des études, a loué au hameau une grange pour écrire. Quoi? Javerne, avec qui il a fait les primaires, n'en sait rien, pense qu'il écrit, du côté des Lacs, dans les journaux, à la radio.

 

Javerne et Fracasse n'ont pas le même point de vue sur les nanas. Javerne en parle au pluriel et pense qu'elles obligent les hommes à faire l'adulte, tandis que Fracasse les idéalise, à ses dépens.

 

Si Fracasse vit de sa plume, Javerne vit de sa came. Et rend service aux gens. Au contraire de Fracasse, qui est d'une timidité maladive avec les dames, Javerne parle quelquefois avec Emaney.

 

Rosalba se fait appeler maintenant Emaney. Sous ce nom, elle a une seconde vie, une vie numérique. Elle est devenue styliste et crée des vêtements imprévisibles, décalés pour ses suiveur.euses.

 

Le lecteur apprend peu à peu à mieux connaître ces personnages par leurs pensées, leur journal, les posts d'Emaney sur les réseaux sociaux, des extraits du journal local, la Gazette des Alpes.

 

Le hameau de personne est le roman d'un amour imaginé poétiquement par Fracasse pour Emaney, dont il ne sera jamais quelle personne elle est et qui l'ignore davantage que Rosalba.

 

Comment l'histoire se finit-elle? Le lecteur ne peut l'imaginer et l'auteur, en quelque sorte, non plus. Mais, de nos jours, il est des moyens pour y remédier et l'auteur y a recours facétieusement...

 

Francis Richard

 

Le hameau de personne, Jérôme Meizoz, 160 pages, Zoé (parution le 7 mars 2025)

 

Livre précédent à La Baconnière:

 

Haute trahison (2018)

 

Livres précédents chez Zoé:

 

Séismes (2013)

Haut Val des loups (2015)

Faire le garçon (2017)

Absolument modernes ! (2019)

Malencontre (2022)

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28 février 2025 5 28 /02 /février /2025 21:00
Je me réveillerai un matin sous un ciel nouveau, d'Anne Brécart

Hier, j'ai emménagé dans l'appartement prêté. C'est François mon bientôt ex-mari qui a trouvé cet endroit pour moi. Des amis qui ne vivent plus à Genève mais qui pensent rentrer dans dix mois. Dix mois, une éternité.

 

La narratrice écrit ces mots le 4 octobre. Elle enseigne la journée, elle est seule la nuit. La première phrase du journal, qu'elle va tenir pendant neuf mois, le temps d'une année scolaire, est lourde de sens:

 

J'aimerais vivre dans la chaleur d'une maison habitée par quelques êtres amicaux.

 

Le 7 octobre, dans la salle de classe, où ont lieu les réunions des maîtres, elle s'apprête à s'asseoir, quand un de ses collègues, S., avec lequel elle a eu l'occasion de parler, s'avance vers elle, lui fait la bise:

 

Son sourire éclaire subitement la pièce comme si le ciel d'octobre s'était dégagé.

 

Cette scène ne la laisse pas indifférente. Du coup, lors de la séance qui, pour elle, devient intéressante, elle prend la parole. Pendant l'apéritif qui suit, elle voit S. perdu et un peu triste. Elle s'éclipse.

 

Dans l'appartement prêté, où elle passe dorénavant une semaine sur deux, elle a emporté le Journal de Virginia Woolf, qui est le seul texte sur lequel [elle] arrive à se concentrer ces dernières semaines...

 

Elle enseigne certes mais écrit aussi. Le 3 novembre, S. l'aborde. Il a lu un de ses livres, l'a aimé, aimerait en parler avec elle. Il propose de se voir le samedi, jour où elle ne fait rien. Pourtant elle accepte.

 

Le 6 novembre, ils se voient donc au bord du lac. Elle parle, il se tait. Ils se promènent sans trouver un endroit pour boire un verre. Il lui propose d'aller un jour ensemble au cinéma. Elle ne dit pas non.

 

À ce moment-là il reçoit un appel sur son téléphone portable. C'est sa femme. Il doit s'en aller. Il lui sourit d'un air navré, la regarde avec tendresse et lui dit, avant de la quitter: "On se reverra bientôt."

 

Ils se croisent à l'école. Ce n'est que le 24 novembre qu'il lui propose de partager un repas avec lui. Ce sera le 27 novembre à midi, à la cafétéria de l'école... puis, le 10 décembre, le soir, au restaurant.

 

Le 29 novembre, elle note: Un rendez-vous mène à un autre. pourquoi pas, finalement? La technique des paliers indispensable à ceux qui font de la plongée. Prise au dépourvu, elle n'a pas osé refuser.

 

Pendant le temps que dure leur relation, S., qui lui est apparu le 16 décembre comme la seule demeure possible, régulièrement s'esquive, souvent à la suite d'un appel téléphonique opportun de sa femme.

 

Le temps passe. S. la fait attendre. Comme d'autres. Le 15 février, elle note: Je deviens experte en attente. Plus loin: Comme si dorénavant j'attendais tout des autres: protection, soutien, solidarité.

 

Pendant l'année scolaire, S. souffle le chaud et le froid. Elle ne se résigne pas à ne plus le voir. À chacun de leurs rendez-vous, elle n'en ressent pas moins un malaise: ils rejouent toujours la même scène.

 

Peut-être, se sentant prisonnière, se souviendra-t-elle à temps de ce que lui disait sa grand-tante célibataire: "Je n'ai jamais rencontré un homme qui m'ait donné envie de renoncer à mon indépendance."

 

Francis Richard

 

Je me réveillerai un matin sous un ciel nouveau, Anne Brécart, 144 pages, Zoé (à paraître le 7 mars 2025)

 

Livres précédents:

 

Le monde d'Archibald (2009)

La femme provisoire (2015)

Coeurs silencieux (2017)

La patience du serpent (2021)

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25 février 2025 2 25 /02 /février /2025 18:10
Tout le monde aime Clara, de David Foenkinos

Il y a quelques mois [Clara] a été victime d'un grave accident. Rien n'est plus pareil pour Alexis. Certains mardis sont devenus des jeudis. C'est dans ce contexte qu'il s'est inscrit à un atelier d'écriture.

 

Alexis Koskas, la cinquantaine, était conseiller financier dans une banque privée. Quand le drame est survenu, Clara avait dix-sept ans. Cela a réveillé sa fibre artistique.

 

Il s'est inscrit dans un atelier d'écriture où il y avait une place disponible immédiatement, celui d'un écrivain, Eric Ruprez, qui n'avait pas publié depuis plus de quarante ans.

 

Alexis avait rencontré Marie la nuit de l'accident de Lady Di, le 31 août 1997. Ils avaient vécu treize ans ensemble et s'étaient séparés à la suite d'une infidélité de celle-ci.

 

Pendant dix ans, jour pour jour, ils n'avaient pas réussi à engendrer. Le 31 août 2007, ils avaient fait l'amour et, le 28 avril 2008, Clara était née à huit heures du matin.

 

Alors que Clara avait dix ans, Marie, qui travaillait dans le cinéma, s'était éloignée d'Alexis sans qu'il s'en rende compte. Elle l'avait trompée à l'issue d'un jour de tournage.

 

Après leur séparation, Clara vivait une semaine chez l'une, une semaine chez l'autre. Le drame s'était produit tandis que Clara était chez son père, qui culpabiliserait.

 

Alexis devait conduire Clara et Lola, une de ses amies, à un concert, mais il avait eu un empêchement: une très riche trentenaire, cliente de la banque, l'avait accaparé.

 

Occupant la place du passager, quand l'accident de voiture, conduite par le père de Lola, était arrivé, Clara était tombée dans le coma, pour une durée indéterminée.

 

Quand Clara sortira enfin du coma au bout de huit mois, elle ne sera plus la même, elle aura hérité d'un don qui bouleversera sa vie et celle de tous les protagonistes.

 

Sera décisif un week-end à Rome, où la famille Koskas recomposée ira, à la demande de Clara, dans le cimetière non catholique où se trouve L'Ange du chagrin1...

 

Clara sera de plus en plus épanouie dans son destin hors normes, aura l'intuition un jour qu'elle pourra être heureuse en aidant les autres, découvrant le sens de sa vie:

 

Ici et là, Clara porterait l'éclat de sa poésie sur des âmes fragiles.

 

Francis Richard

 

1 - Sculpture, reproduite dans le livre, de William Wetmore Story, sur leur tombe à lui et à sa femme Emelyn.

 

Tout le monde aime Clara, David Foenkinos, 208 pages, Gallimard

 

Livres précédents:

Les souvenirs (2011)

Je vais mieux (2013)

Charlotte (2014)

Le mystère Henri Pick (2016)

Vers la beauté (2018)

Deux soeurs (2019)

La famille Martin (2020)

Numéro deux (2022)

La vie heureuse (2024)

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20 février 2025 4 20 /02 /février /2025 20:00
Notre guerre quotidienne, d'Andreï Kourkov

Notre guerre quotidienne est le journal tenu entre le 1er août 2022 et le 22 avril 2024 par Andreï Kourkov pendant l'actuelle guerre en Ukraine.

 

Qui est l'auteur? Il l'explique à la date du 20 octobre 2022. Il est d'origine russe et sa langue maternelle est le russe. Sinon, il est un Ukrainien typique:

Je n'écoute pas l'opinion de la majorité, je chéris la mienne. Pour moi, la liberté - notamment la liberté d'expression et de créativité - a plus de valeur que l'argent ou la stabilité. Je me trouve rarement du côté du gouvernement en place et je suis toujours prêt à critiquer ses politiques.

 

Il a vécu trente ans en Ukraine soviétique et trente et un ans en Ukraine indépendante et se dit patriote ukrainien, même s'il écrit en russe:

En février, j'ai décidé d'arrêter de faire paraître mes oeuvres de fiction dans leur version russe originale. Elles n'ont qu'à sortir en ukrainien en Ukraine, en français en France, et en anglais en Grande-Bretagne et en Amérique.

 

À la date du 15 août 2022, il écrit qu'à Odessa nombre de couples se retrouvent séparés parce que l'un des deux conjoints a un passeport russe.

 

À la date du 6 septembre 2022, il écrit que l'Union des écrivains ukrainiens réclame la fermeture du musée Boulgakov à Kyiv où l'écrivain est né:

Les personnages de La Garde blanche parlent avec dédain du mouvement indépendantiste...

D'un côté donc la Russie réécrit l'histoire de l'Ukraine en d'efforçant de démontrer qu'elle n'a jamais existé.

De l'autre des écrivains et intellectuels ukrainiens dressent des listes d'ennemis de la culture et de l'indépendance nationale.

 

Tout au long du livre, Kourkov se montre optimiste sur l'issue de la guerre, mais il n'est pas dupe: Nous comprenons qu'en temps de guerre, on ne peut se fier à aucune information, écrit-il le 12 septembre 2022.

 

À la date du 5 février 2023, il salue la continuité des services de transports assurés par les chemins de fer ukrainiens (UZ):

Ils continuent à jouer un rôle vital dans la lutte de l'Ukraine contre l'agression russe. Chose tout à fait capitale, ils permettent de livrer à des régions de la ligne de front et à des villes endommagées par la guerre des denrées de première nécessité et du matériel destiné à des fins aussi bien civiles que militaires.

 

Le 24 février 2023, premier anniversaire de la nouvelle invasion russe, il écrit:

Pour le moment, tout ce que je vois, c'est que les Ukrainiens ne renoncent pas. Ils croient en leur victoire. Autour de Kyiv, on répare déjà des maisons détruites en mars de l'année dernière. On pense à l'avenir après la guerre, après la libération de tous les territoires occupés par la Russie.

 

Et le 25 février 2023:

Le monde a beaucoup appris sur l'Ukraine pendant cette guerre. Dans toute l'Europe, on publie de nouveaux livres sur l'histoire de l'Ukraine et sur celle des relations russo-ukrainiennes - sur les trois siècles d'efforts tenaces de la Russie pour assimiler les Ukrainiens et détruire la culture ukrainienne.

 

Le 10 avril 2023, il revient sur ce qu'il appelle son auto-identification en tant qu'Ukrainien:

Être ukrainien, aujourd'hui surtout, signifie être libre. Je suis libre. Utilisant cette liberté, j'affirme le droit d'utiliser ma langue maternelle, même si elle a acquis le statut de "langue de l'ennemi".

 

Il ajoute:

La tolérance dans les relations interethniques est une tradition ukrainienne, et l'harmonie qui en découle devrait refleurir dans mon pays, une fois la paix revenue.

 

Le 28 novembre 2023, il précise que la société ukrainienne d'aujourd'hui est tellement multiculturelle [qu'il n'est] pas convaincu que les Ukrainiens aient à se tracasser d'avoir un nom de famille typiquement russe.

 

Le 19 février 2024, il écrit:

Il y a deux ans, après les massacres de civils à Boutcha, à Vorzel, à Irpin et à Borodianka, le monde a décidé de cesser de considérer cette guerre comme un "conflit intérieur" et s'est enfin rangé du côté de la victime de l'agression russe: l'Ukraine.

Voilà pourquoi je ne considérerai pas le 24 février comme le deuxième ni comme le dixième anniversaire de l'agression russe, mais comme le deuxième anniversaire du moment où le monde démocratique a vu clair, où de nombreux États ont compris que pareille violence contre un territoire souverain et sa population ne saurait être tolérée par un pays qui a adopté des valeurs démocratiques - et qu'il fallait donc arrêter Poutine et l'agression russe.

 

Enfin le 22 avril 2024, il écrit:

Les dix-huit derniers mois n'ont pas fait de moi un pessimiste. Je crois encore que l'Ukraine gagnera. J'ignore tout simplement combien de temps cela prendra et combien de fois encore nous devrons attendre de l'aide pendant des mois d'affilée.

 

Dix mois plus tard, il n'est pas sûr que Kourkov soit resté optimiste. L'Ukraine a continué de s'affaiblir, le nombre de victimes civiles et militaires, ukrainiennes et russes, d'augmenter - plus d'un million.

 

Il n'y a aucune possibilité que l'Ukraine reconquière les territoires perdus sans l'aide américaine, sur laquelle elle ne peut plus compter... et ce n'est pas l'Union européenne en pleine déliquescence qui la remplacera.

 

Francis Richard

 

Notre guerre quotidienne, Andreï Kourkov, 336 pages, Les éditions Noir sur Blanc (traduit de l'anglais par Johann Bihr et Odile Demange)

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9 février 2025 7 09 /02 /février /2025 20:10
J'emporterai le feu, de Leïla Slimani

Dans ce volume, se poursuit l'histoire marocaine de la famille Belhaj. À la première génération, Amine, qui a une soeur, Selma, a épousé Mathilde, une Française. Ils ont eu une fille et un fils, Aïcha et Selim, devenu photographe, aux États-Unis.

 

À la deuxième génération Aïcha, qui est devenue médecin, a épousé Mehdi Daoud, qui a réussi dans le secteur bancaire. Ils ont eu à leur tour deux enfants, deux filles, Mia, qui veut devenir écrivain, et Inès, qui veut devenir médecin, comme maman.

 

Mais n'anticipons pas. Avant de réaliser leurs rêves, Mia et Inès sont deux enfants, dont l'une est d'abord jalouse de la naissance de l'autre, qui, de plus, est une très belle enfant, puis, qui la prendra sous son aile, quand elles seront plus grandes.

 

Comme Selim, toutes deux seront - sans doute du fait de leur double ascendance, marocaine et française - prises entre deux aspirations contradictoires: être libres à tous les points de vue, religieux, sexuels, professionnels, et être de quelque part.

 

Être de quelque part, ce n'est pas seulement être d'un pays, c'est aussi être d'un milieu social, la bourgeoisie, auquel il est tout autant difficile d'échapper, sinon en parvenant à adopter la façon de vivre des autres, ce qui tentera aussi bien Mia qu'Inès.

 

Cette fois, l'histoire se passe du début des années 1970 à celui des années 2000, au Maroc et ailleurs. Leïla Slimani permet au lecteur de revisiter l'époque s'il l'a vécue, de la découvrir s'il a moins de vingt ans, bien des choses ayant changé depuis.

 

L'épilogue, comme le prologue, se situe deux décennies plus tard. Bien que la narratrice ait du recul, elle ignore toujours quels sont sa place, son pays: la mémoire des siens s'efface, elle ne sait pas qui elle est, si elle doit partir ou revenir, et se rassure:

 

Ce n'est pas vrai que c'est parce qu'on n'aime plus qu'on s'en va.

 

Francis Richard

 

J'emporterai le feu, Leïla Slimani, 432 pages, Gallimard

 

Livres précédents de la trilogie Le pays des autres:

Le pays des autres (2020)

Regardez-nous danser (2022)

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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 21:00
Lave mes cendres, de Velia Ferracini

Lorsque Martha a avalé quatre pilules qui lui ont ôté la vie, elle a tout déchiré. Son mari. Son enfant. Qu'elle a laissés avec une dernière question déposée sur une lettre qui leur fut dédiée:

"La nature m'a-t-elle programmée sur un unique mode, celui de la tristesse?"

 

Martha était enseignante, son mari, écrivain. Enfin elle eut une enfant qui, devenue adolescente, lui a annoncé qu'elle était un garçon:

 

Idée monstrueuse qu'elle ne pouvait accepter.

 

Depuis la mort de sa femme, et trois mois après, l'écrivain ne réussit pas à écrire une ligne. La situation financière devient inquiétante.

 

La seule bouée de sauvetage est une demeure que le grand-père d'origine islandaise a héritée de son père et transmise à sa fille unique:

 

Martha, à la naissance de sa fille tant attendue, avait elle-même voulu lui léguer cet objet immobilier. Le vieil homme, scandalisé par l'annonce de sa petite-fille, la leur avait cédée, car il refusait d'être associé à cette atrocité.

 

Or le vingt mars deux mille dix, le volcan islandais Eyjafjallajökull se réveille, l'écrivain en voit des images à la télévision et se demande:

 

Le dernier

reste

est-il

détruit?

 

Aller en Islande. Là-bas il pourra retrouver Martha, dans sa maison d'enfance, et se remettre à écrire. Contre son gré, l'enfant ira, avec lui.

 

L'enfant, de corps féminin, a un autre genre: pour lui le genre est mille choses et non pas deux petites boîtes dans lesquelles classer l'humanité.

 

Il ne peut continuer à vivre dans un genre qui n'est pas le sien. Cette souffrance, qui l'affecte, touche de fait une infime minorité d'individus.

 

Aussi est-il un incompris, sauf de ses semblables, qui ont créé sur Internet une communauté, un soutien auquel il devra renoncer en Islande.

 

Il ignore qu'il y rencontrera une jeune femme isolée dans la campagne islandaise, désireuse de réaliser son rêve d'écriture, qui le comprendra.

 

Elle aussi est incomprise, veut échapper à l'emprise de son père et de son frère, deux mâles qui l'empêchent d'assouvir son besoin vital d'écrire.

 

Dans ce récit multiforme, Velia Ferracini emploie je pour la jeune islandaise, tu pour l'écrivain quand il s'adresse à Martha, il pour l'enfant.

 

Pas trop souvent, elle emploie des pronoms inclusifs que son personnage d'écrivain considère comme des débilités nouvelles tels que iel ou iels...

 

En fait, dans ce récit, il n'y a pas trois personnages, mais quatre, car le volcan, en ce printemps 2010, joue également sa partition, jusqu'à la fin.

 

Le lecteur comprend alors le pourquoi du titre, Lave mes cendres, où les mots prennent un sens... fusionnel et donnent matière à moult réflexions.

 

Une pensée, bien avant la fin, a peut-être retenu son attention, et il n'est pas indifférent qu'elle soit venue à l'esprit libre de la jeune islandaise:

 

On ne choisit pas où l'on naît, quel modèle on nous impose, mais on peut décider qui l'on veut devenir.

 

Francis Richard

 

Lave mes cendres, Velia Ferracini, 272 pages, Éditions Encre Fraîche (parution le 7 février 2025)

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1 février 2025 6 01 /02 /février /2025 20:35
Journal d'un prisonnier, de Gilles-William Goldnadel

Trois avertissements:

  • Ceci est une fiction s'inspirant de certains faits réels.Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être totalement fortuite.
  • Ce nouveau journal n'a pas été rédigé par un diariste insouciant, mais par un captif angoissé. Il doit donc être regardé avec distance comme un témoignage imparfait pour exorciser le présent.
  • Ce livre est une dystopie.

 

La Transe insoumise a pris le pouvoir sur une France diversitaire et postnationale, à l'exception de la Seine-Saint-Denis (rebaptisée Seine-Sain-Déni), du Val d'Oise, du Val-de-Marne et des Bouches-du-Rhône. Ces territoires perdus ne le sont pas pour tout le monde: y est créée la RIADRépublique islamique autonome et démocratique.

 

Le diariste Ghislain Gronadel a été arrêté et emprisonné dans un camp, où il a rejoint Michel Auffray, Alan Finkelstein, Pierre-André Tagliatel et Ludovine Anfant:

Le camp est situé au milieu d'une jolie clairière. À l'entrée, est écrit, sur un grand arc de fer forgé: Centre du Bien. En dessous, inscrit en caractères bien trempés: L'humour est l'ennemi de l'Amour. Ainsi que: La Paresse rend Libre.

 

De quoi est-il accusé par le Collectif correctif?

D'avoir été le porte-parole le plus cynique et insolent du mâle blanc dominant hétéro-sioniste génocidaire d'extrême-droite de la décennie.

 

À charge?

1287 pièces à conviction composées principalement de l'ensemble de [ses] écrits et déclarations des vingt dernières années imprescriptibles.

 

Lui rendent visite:

  • L'avocate, Maîtresse Hesse, désignée par le ministère de la Justice équitable, qu'il ne peut récuser.
  • La curatrice rouge, chargée de sa déconstruction.
  • Le directeur du Centre.

 

Le premier jour d'audience a lieu le 1er Hamas1. La Cour est composée de six membres pluriels:

  • Deux juges cisgenres: un blanc hétérosexuel, un noir homosexuel;
  • Deux femmes cisgenres: une noire hétérosexuelle, une blanche lesbienne;
  • Un transfemme blanc, une transhomme noire.

 

Poursuivi pour génocide, il termine sa plaidoirie pro domo, qui lui vaut cinq ans, par ces mots:

Vous traitez l'État juif comme le Juif des États. Le Juif errant est arrivé et le nouveau Pilate se trouve en face de moi. Je ne me justifierai pas devant lui et conchie par avance son jugement.

 

Ayant lu le Manuel de déconstruction que lui a laissé la curatrice, il est chargé par elle de canceller Disney. C'est pour lui l'occasion de livrer, dans son journal, des exemples d'excommunication artistique 2, pour montrer à ses lecteurs la folie et la méchanceté qui le dépriment et l'ont conduit au Centre.

 

Comme le statut de victime confère des avantages - seules les victimes imaginaires sont vraiment magnifiées - le prisonnier Gronadel décide de se poser en victime, successivement:

  • par voie héréditaire: il serait descendant du noble peuple apache et demande un aménagement de peine;
  • par voie sexuelle: il fait une demande de transition administrative de sexe - il devient Ghislaine Grossenadelle - et de transfert dans le département des femmes;
  • par le handicap: il demande compensation à la grossophobie dont il est l'objet après avoir pris force poids;
  • par l'appartenance à un peuple victime: il demande à bénéficier du privilège victimaire.

 

Toutes ses demandes sont rejetées...

 

Le 20 du mois de Marx, Ghislaine comparaît cette fois pour répondre de son invention du concept de racisme antiblanc qui est en réalité un fantasme raciste d'extrême-droite.

 

Pendant une heure, elle explique comment d'un antinazisme devenu fou, dont le slogan CRS/SS est un lapsus révélateur des adversaires irréductibles de l'État-nation occidental, on est passé au racisme antiblanc, trouvant dans l'islamisme un allié et dans le racialisme et le wokisme, - qui n'existe pas - des phénomènes déterminants.

 

Après délibération le tribunal pluriel de Justice équitable la condamne à une peine de deux ans de déconstruction mentale ainsi qu'au bénéfice d'un an de reconstruction culturelle et morale. En outre, Ghislaine est radiée, séance tenante, de sa qualité d'avocate.

 

Trois mois plus tard, la jugesse d'instruction Sardine Ruisseau et Jaidot, son greffier, pénètrent dans sa cellule sans [lui] donner le bonjour. Cette fois il lui est signifié trois griefs:

  • Harcèlement envers Mandarine Panneau sur des plateaux télévisés;
  • Multiples propos masculinistes, homophobes et transphobes sur la chaîne Des Niouzes, interdite depuis.
  • Opposition au droit à l'avortement.

 

Ses réponses, s'appuyant sur des faits avérés, où sont épargnés de poursuites judiciaires ceux qui jouissent du privilège rouge, sont anthologiques. Extraits:

  • Nombre de femmes disent la vérité. Mais beaucoup mentent, par intérêt, par vengeance, par pathologie. J'ai cru comprendre que vous appréciiez la diversité.
  • Si vous ne trouverez aucune trace de mon homophobie, je trouve partout dans l'idéologie qui me fait ce mauvais procès la trace de la haine du mâle et d'une hétérophobie maladive.
  • Je vous disais être bien placée pour ne pas voir d'inconvénients à un changement de sexe, sauf, fermement, obstinément, radicalement, concernant les enfants...
  • Les filles ne sont pas des garçons: le cerveau des filles arrive à maturité avant celui des garçons.
  • Ne confondez pas sexe et genre! On peut changer de genre, jamais de sexe.
  • La différence essentielle entre les genres concerne sans doute la maternité: la femme engendre dans son propre corps, alors que l'homme engendre dans le corps d'une autre.

 

Extrait de sa Note en délibéré, n'ayant pas été interrogée sur le troisième grief:

Ceux qui m'agacent, madame la juge, et qu'on recrute dans votre camp, ce sont ceux qui ont une conception très sélective de la vie humaine. Qui regardent l'avortement même tardif comme une lettre à la poste, qui ne voient pas d'inconvénient à ce qu'on ait prolongé la mort du foetus de la 12e à la 14e semaine de conception, ce qui oblige le médecin à broyer la cage cervicale.

 

Trois mois plus tard, Ghislaine en reprend pour deux ans.

 

Ghislaine n'en a pas fini avec la Justice équitable. Elle est citée à comparaître à titre de témoin dans une affaire concernant Christophe Giraud, poursuivi pour climatoscepticisme purulent et dont il a été l'avocat. Sa jugesse d'instruction est l'ancienne ministresse de l'environnement, Brune Pommeson.

 

À la fin de son témoignage et après la déposition du prévenu, il conclut:

Je ne suis sûr que d'une chose: le plus grand danger pour notre Terre, c'est notre environnement psychique, pollué par une idéologie délétère.

Cette idéologie qui encense ceux qui jettent de l'essence sur les oeuvres d'art ou qui usent de violence nous bassine.

 

Enfin Ghislaine est citée à comparaître pour le motif suivant:

L'accusée Grossenadelle est accusée par la juge de la référée pénale d'avoir commis la crime de racisme d'extrême-droite en s'opposant à de multiples reprises à la libre migration des peuples victimes.

 

Pour sa défense, elle dit, entre autres:

J'affirme solennellement que c'est la première fois, dans l'histoire de l'humanité, qu'un peuple envahi contre son gré fait figure de salaud, tandis que l'envahisseur fait figure de victime.

 

Le tribunal des référés, indulgent, la condamne à trois mois... 

 

On lui a donc reproché beaucoup de choses et il a été puni en conséquence. Mais, comme c'est un joyeux drille, il feint la trahison suprême.

 

Du fait que son camp n'a pas livré bataille et qu'il lui en veut, il parvient à endormir la vigilance de [ses] geôliers éveillés et à vaincre la Transe en feignant de vouloir la convaincre. Aussi son mémorandum confidentiel et reconnaissant à mes rééducateurs éclairants est-il bien accueilli par ces derniers... et lui vaut des degrés de liberté dans le cadre du Centre.

 

La version non expurgée et non relue du Journal d'un prisonnier, est disponible sous le manteau auprès du camarade de réseau Faillard... Gageons qu'elle aura le succès que mérite une telle satire d'un monde qui relève à bien des égards de la psychiatrie.

 

Francis Richard

 

1 - Les mois ont été rebaptisés.

2 - Un grand nombre de ces exemples proviennent de Transe Inter, l'odieux service public..., et, plus loin, également, de Libération du Monde...

 

N.B.

Un jeu amusant consiste, à partir des patronymes imaginés par l'auteur, de retrouver ceux des personnages qui leur ressemblent pas totalement fortuitement... et qui confirment que l'auteur n'hésite pas à recourir au second degré, incompréhensible, et interdit, de nos jours. 

 

Journal d'un prisonnier, Gilles-William Goldnadel, 324 pages, Fayard

 

Livre précédent chez le même éditeur:

 

Journal de guerre (2024)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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27 janvier 2025 1 27 /01 /janvier /2025 22:25
On achève bien les centenaires, d'Antonio Albanese

Quand j'ai reçu le message de Luca: L'ancêtre a pris quatre balles dans la tête. Mon père m'a dit de te prévenir. On l'enterre dans trois jours, je me suis tourné vers Léa qui n'avait pas quitté l'écran de son ordinateur de la journée et je lui ai lancé:

- Tu connais Naples?

 

Depuis trois jours Matteo Di Genaro est en vacances en Provence avec sa filleule Léa. Après le message de Luca, changement de programme, direction Naples.

 

Finies les vacances-au-bord-d'une-piscine-dans-un-hôtel-de-luxe-wifi-haut-débit-je-te-fous-la-paix, promises... à Léa, petit génie du piratage informatique.

 

Naples est le lieu d'origine des Di Genaro. Devenu millionnaire, son grand-père n'avait qu'une vanité, racheter l'appartement dans lequel il avait vécu enfant:

 

Comme l'appartement n'était pas à vendre, il a racheté l'immeuble.

 

Au début des années 1970, Rachid, venu de son Maroc natal, s'installe à Naples, épouse Nadia, une Napolitaine, avec laquelle il a deux enfants: Luca et Chiara.

 

Engagé pour gérer l'immeuble par le grand-père de Matteo, Rachid fait venir son père Hachim, un soufi, dont le corps, presque centenaire, sera criblé de balles.

 

Chaque année, après la perte de ses très riches parents1, Matteo passait deux semaines avec son grand-père dans l'appartement que celui-ci avait conservé pour lui.

 

Après la mort de ce dernier, les visites de Matteo s'espacent. Luca prend la suite de Rachid, qui ouvre un L&C2 à Positano, Chiara continuant toutefois à habiter là.

 

Comme l'immeuble est peu entretenu, les locataires ont une dent contre le propriétaire. Ce qui ne justifie pas cependant que le grand-père de l'actuel gérant ait été tué.

 

Si Matteo est attiré depuis l'adolescence par tout ce qui peut lui donner du plaisir, que ça porte une jupe ou un pantalon, il n'est pas du genre à renoncer à élucider l'affaire.

 

Pour cela, Matteo devra remonter dans le passé de Hachim et, mis sur la piste grâce à Léa, découvrir ce que son subconscient lui cache sous la forme de rêves étranges.

 

Son récit, souvent ironique, plein d'humour, est émaillé de nombreuses digressions sur l'histoire ou la langue, dans le texte lui-même ou dans des notes de bas de page.

 

Dans une de ces notes, il  demande à ses lecteurs si quelqu'un pouvait recompter le nombre de métaphores figées 3, car il aimerait arriver à 100 à la fin de l'histoire...

 

Francis Richard

 

1 - Son père était milliardaire.

2 - Letto&Colazione.

3 - Exemples: mettre le pied à l'étrier ou regagner ses pénates.

 

On achève bien les centenaires, Antonio Albanese, 120 pages, BSN Press

 

N.B.

Le vernissage de ce livre aura lieu le 30 janvier 2025, de 18h à 21h, à la Galerie Analix Forever, 10 rue du Gothard, Chêne-Bourg.

 

Livres précédents de l'auteur à L'Âge d'Homme:

La chute de l'homme (2009)

Le roman de Don Juan (2012)

Est-ce entre le majeur et l'index dans un coin de la tête que se trouve le libre arbitre? (2013)

La disparition des arcs-en-ciel (2020)

 

Livres précédents de l'auteur chez BSN Press:

Une brute au grand coeur (2014) (sous le pseudonyme de Matteo di Genaro)

Voir Venise et vomir (2016)

1 rue de Rivoli (2019)

Le complexe d'Eurydice (2023)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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