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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 18:00
Woke fiction, de Samuel Fitoussi

Furtivement, comme aurait dit feu Michel de Poncins, on instille aujourd'hui une idéologie liberticide via films et séries:

 

L'idéologie impose un cadre que l'imagination ne dépasse plus.

 

Quelle idéologie? Le wokisme, qui n'existerait pas...

 

La définition la plus succincte et la plus complète, me semble-t-il, qu'indirectement, Samuel Fitoussi donne de cette idéologie, se trouve dans une note, au bas d'une page, où il en énumère les thèmes privilégiés:

 

Privilège blanc, racisme systémique, intersectionnalité, continuum de violences, suprématie blanche, masculinité toxique, domination patriarcale, hétéronormativité, non-binarité, transidentité, décolonialisme, culture du viol, certitude que le wokisme n'existe pas, recontextualisation des classiques, combat contre le mâle blanc de plus de 50 ans...

 

Cette idéologie, comme toute singerie de religion, veut non pas observer le réel, mais imposer sa version du réel et un nouvel ordre moral: il y a ce qu'il est devenu interdit d'écrire et ce qu'il est devenu obligatoire d'écrire.

 

S'opposer à cette idéologie requiert du courage pour tous les producteurs, réalisateurs, acteurs, techniciens. Si on veut faire carrière dans l'audiovisuel, il faut en effet afficher son adhésion à l'idéologie woke.

 

Les libertés de créer, de tourner, de choisir et de jouer un rôle, etc. n'existent plus. Il faut se soumettre aux diktats des puissants promoteurs du secteur, tels que Apple TV, Disney, Marvel, Netflix ou Prime Video:

 

Une oeuvre n'est plus jugée pour elle-même (comme le préconisait Marcel Proust en littérature) mais pour ses effets potentiels.

 

Comme toutes les idéologies, qui singent la civilisation judéo-chrétienne, le wokisme a ses commandements, qu'il convient de respecter si l'on ne veut pas être exclu du milieu audiovisuel et encourir la mort sociale...

 

Contrairement aux juifs et aux chrétiens, qui doivent en observer dix, l'auteur n'a discerné que huit commandements, en dehors de l'observation desquels il n'y a plus de salut aujourd'hui dans le monde de l'audiovisuel.

 

1 - Tous les héros seront vertueux

 

On retrouve avec ce commandement les deux visions du monde: la vision tragique de la nature imparfaite de l'homme et la vision candide de sa bonté naturelle, qui serait pervertie par la société, par les institutions.

 

Pour rééduquer l'homme, la fiction doit le montrer non pas tel qu'il est individuellement, en proie au conflit intérieur entre le bien et le mal, mais tel que les militants wokes décident qu'il devrait être en société.

 

2 - Tes minorités seront discriminées

 

Il faut prendre conscience que l'homophobie, le racisme et la misogynie ne sont pas l'exception mais la norme dans la société occidentale. Aussi le rôle de la fiction est-il d'instruire le procès de celle-ci et de rééduquer.

 

3 - Tu effectueras un découpage identitaire de la société et tu la "représenteras"

 

Les oeuvres de fiction sont donc sommées de "représenter" la société, c'est-à-dire d'inclure des acteurs ou personnages issus de tous les "groupes" qui la composent.

 

Les groupes? Femmes, groupes ethniques, particulièrement s'ils sont sous-représentés, LGBTQ+, personnes souffrant de handicaps cognitifs ou physiques, sourdes ou malentendantes.

 

Représentés? Comme dit plus haut ces groupes doivent l'être aussi bien chez les acteurs et personnages que chez les directions et équipes de projet, chez les accès et opportunités dans l'industrie du cinéma, chez les équipes de développement de l'audience.

 

4 - Tu ne pratiqueras pas l'appropriation culturelle

 

Qu'est-ce que l'appropriation culturelle? L'utilisation d'éléments perçus comme appartenant à une culture par les membres d'une autre culture.

 

Ce sera le cas si des dominants incarnent des dominés, alors que des dominés jouant des dominants ne posent pas de problème...

 

Les dominants? Homme, blanc, cisgenre, hétérosexuel, valide, indice de masse corporelle inférieur à 27, chrétien.

 

5 - Tu ne proposeras pas de stéréotypes de genre

 

Selon la théorie queer, les hommes et les femmes seraient identiques. Le genre serait une construction sociale.

 

L'indifférenciation sexuelle est un déni de la science. Entre les hommes et les femmes, il y a une asymétrie physique, psychique, comportementale:

 

Puisque les hommes et les femmes n'ont en réalité pas exactement les mêmes aspirations et les mêmes centres d'intérêts, la suppression de toute forme d'asymétrie entre les sexes n'est pas conciliable avec le respect des volontés individuelles.

 

Cela correspond à un refus de voir devant soi des individus plutôt que des représentants interchangeables de différents groupes. Toujours ce découpage en groupes...

 

Le langage inclusif en est l'illustration: Lorsqu'on s'adresse à tous et à toutes, on s'adresse à des femmes et à des hommes [on les découpe]. Lorsqu'on s'adresse à tous, on s'adresse à un ensemble d'individus indifférenciés (il se trouve que certains d'entre eux sont des femmes, d'autres des hommes, comme il se trouve que certains d'entre eux sont blonds, d'autres bruns).

 

6 - Tes personnages non blancs seront gentils, tes personnages blancs, méchants

 

Pourquoi ce commandement? Parce que, selon le narratif du militant woke, le Blanc est oppresseur et le non-Blanc, victime. Le corollaire est que le Blanc est intrinsèquement raciste et ne peut pas être, lui, victime, a fortiori de racisme.

 

7 - Tu haïras les hommes

 

Chez les wokes, la critique d'une femme est souvent assimilée à du sexisme tandis que la mise en accusation du sexe masculin dans son ensemble est encouragée.

 

Les hommes sont considérés en bloc. Qu'est-ce que le patriarcat, sinon l'entreprise collective des hommes reconnue pour accabler les femmes?

 

Dans l'esprit woke, ne pas être misandre, c'est être misogyne. La fiction d'aujourd'hui observe ou doit observer ce précepte et être envahie par la misandrie woke.

 

8 - Tu déconstruiras les normes: hétérosexualité, minceur, identité de genre, blanchité

 

Comme vu ci-dessus le genre serait une construction sociale. Il en serait de même des autres normes. Or, que doit-on faire d'une construction sociale? La déconstruire.

 

Pourquoi? Parce que sinon le monde ne serait pas tel que l'on voudrait qu'il soit et parce que l'on considère que ceux qui dévient d'une norme statistique sont automatiquement des opprimés.

 

Alors, dans la fiction doivent être déconstruites, par exemple:

  • l'institution du couple: il existe d'autres modèles, le trouple ou le polyamour;
  • l'identité: on peut être né dans le mauvais corps, c'est la transidentité.

 

Le cas Bac Nord

 

Après avoir fait le tour des huit commandements wokes, l'auteur examine le cas Bac Nord, un film fustigé par les militants wokes qui trouvent inadmissible de présenter la police positivement.

 

Car le wokisme est une condamnation de nos institutions dans leur ensemble, lesquelles sont à l'origine de tous nos maux. La criminalité serait une de leurs conséquences. Pour y remédier, il suffirait de supprimer la police et les prisons, et de recourir au social et à l'éducation: toujours la vision candide...

 

Conclusion

 

Il ne faut pas être dupe. Le wokisme se déguise en causes irréfutables, avec lesquelles il est impossible d'être en désaccord: "diversité", "inclusion", "justice sociale", "féminisme", "antiracisme", "combat pour les droits LGBT".

 

Mais le wokisme ne les entend pas dans le sens commun et censure ce qui lui déplaît. Il politise la culture1, ce qui conduit à son abêtissement:

 

La fiction - autrefois antidote à l'archipélisation de nos sociétés -est devenue elle-même archipélisée, elle-même source de division et de polarisation.

 

Francis Richard

 

1 - Le langage politique, écrivait George Orwell, est conçu pour donner à des mensonges l'apparence de la vérité et au meurtre des airs de respectabilité.

 

Woke fiction, Samuel Fitoussi, 384 pages, Le Cherche Midi

 

NB

À l'appui de ses dires, l'auteur donne de nombreux exemples de films et séries sortis ces dernières années: édifiant.

 

Sur le wokisme:

Comprendre la révolution woke, Pierre Valentin, Gallimard

 

Sur la victimisation:

Je souffre, donc je suis, Pascal Bruckner, Grasset

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 21:45
Je souffre donc je suis, de Pascal Bruckner

Le sous-titre de l'essai de Pascal Bruckner est explicite: Portrait de la victime en héros. L'époque a ainsi les héros qu'elle peut: Dis-moi quelles sont tes victimes de prédilection et je te dirai qui tu es. René Descartes disait : Je pense donc je suis. Fini. Maintenant il convient de dire avec l'auteur: Je souffre donc je suis.

 

On pourrait interpréter cette phrase ainsi: Je souffre, donc je suis un être vivant qui ressent les choses, mais non, il faudrait plutôt se dire: Je souffre, donc je suis une victime, que les autres sont priés de plaindre, voire de dédommager, parce que mes réussites je me les dois tandis que mes échecs, je ne les dois qu'aux autres.

 

Les Lumières et la Révolution promettaient un monde meilleur débarrassé du fatalisme et du fanatisme. Il s'agissait de poursuivre frénétiquement le bonheur sur terre et non plus le salut dans un au-delà hypothétique. La vie est effectivement devenue plus facile pour les hommes d'aujourd'hui que pour leurs prédécesseurs.

 

Du coup, la moindre difficulté leur est devenue intolérable et ressentie comme une souffrance, a fortiori quand elle affecte le bien-être ou la santé, érigés en norme minimale, si bien que toute souffrance, qui contribuait à la rédemption avec le christianisme, doit maintenant être l'objet de réparation en droit moderne.

 

La novation est que l'on puisse s'affirmer aujourd'hui victime héréditaire. Il suffit pour cela que l'on ait, dans ses ascendants, des membres de peuples1 ou de communautés asservis, enchaînés, exterminés, même des siècles après. À ce moment-là, en tant que victime, on veut obtenir réparation pour sa misère présente.

 

Ses ascendants, sauf s'ils sont Juifs2, ont été la cible d'un génocide? Parfait: L'Holocauste reste une référence juridique capable d'accueillir tous les réprouvés, tous les martyrs. Chauvinisme d'un côté, hospitalité universelle de l'autre: nous ne sommes pas sortis de ce dilemme qui est à lui seul une bombe à retardement.

 

Le statut de victime permet de détenir potentiellement tous les droits, surtout celui d'accuser et d'opprimer au nom de sa blessure. La victime pourrait se rendre justice, quelle que soit sa blessure: une tentative de viol, un meurtre, un génocide. Car toute distinction dans les crimes nous semble relever de la complaisance.

 

Il est patent que l'évocation des atrocités d'antan nous rend aveugles à celles d'aujourd'hui: justement, de nos jours, les grands massacreurs procèdent au nom de la justice, des opprimés, de la morale, de Dieu. Or il n'est qu'une manière de réparer les crimes du passé, c'est de prévenir leur répétition dans le présent.

 

Si toute religion, dans une démocratie, est blâmable, il en est cependant une seule qui échappe à l'examen et c'est l'islam: La captation victimaire n'arrête jamais; quand il est minoritaire dans un pays, l'islam se dit opprimé. Quand il est majoritaire, il tient les autres religions sous tutelle, les tracasse ou les pourchasse. 

 

À propos de souffrance, l'auteur précise que quand on a des raisons de vivre, on a des raisons de souffrir et de se battre pour ce qu'on aime. Victime, tout le monde peut l'être un jour. Aussi ce n'est pas de la condition de victimes qu'il faut sortir mais de la victimisation comme mentalité. Il ajoute à l'adresse des victimaires:

 

La plus belle vengeance est celle où l'on triomphe sans humilier l'autre.

 

Il ne faut pas se leurrer: Le héros est bien l'antithèse de la victime. Alors que la victime subit, le héros agit. En tentant l'impossible, il réussit. Mais, prévient l'auteur, attention de ne pas nous barbouiller de sublime: la vie quotidienne ne tient que par les anti-héros, ces héros de l'ombre que sont soignants, parents ou éducateurs:

 

La vie collective ne tient que par ce ciment invisible, cet instinct presque animal qui soude les humains les uns aux autres dans le bain tiède de la bienveillance et du secours aux plus démunis.

 

La victimisation nous guette si nous ressassons nos problèmes: cela nous interdit de distinguer le transformable qui relève de notre seule volonté de l'immuable qui ne dépend pas de nous. Aussi devons-nous identifier notre plus grand ennemi: il est en nous et il s'appelle l'affolement, la haine de soi, la complaisance au malheur.

 

Francis Richard

 

1- Tous les peuples, tous les empires, sont capables de la même ignominie, telle est la terrible vérité que nous affrontons depuis les indépendances: le seul tort de l'Occident est d'avouer ses forfaits quand les autres les dissimulent.

2 - On garde le nom de la catastrophe devenue une coquille vide mais on en expulse les Juifs et les Tziganes pour prendre leur place.

 

Je souffre donc je suis, Pascal Bruckner, 320 pages, Grasset

 

Livres précédents:

 

Le mariage d'amour a-t-il échoué? (2010)

Le fanatisme de l'apocalypse (2011)

La maison des anges  (2013)

La sagesse de l'argent (2016)

Un racisme imaginaire - Islamophobie et culpabilité (2017)

Une brève éternité (2019)

Un coupable presque parfait (2021)

Le sacre des pantoufles (2022)

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9 mars 2024 6 09 /03 /mars /2024 21:00
Comprendre la révolution woke, de Pierre Valentin

Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire viennent aisément.

Étienne Boileau

 

Dans le cas présent, Comprendre la révolution woke est tâche redoutable parce qu'elle échappe à la conception des choses du commun des mortels.

 

Donner une définition de cette idéologie relève de la gageure et on peut dire que Pierre Valentin s'en sort bien compte tenu des contradictions de celle-ci:

Premièrement le mouvement woke n'existe pas; deuxièmement il a toujours existé, c'est ce qu'on appelle le progressisme; troisièmement, c'est une révolution formidable.

Eugénie Bastié (Dénoncer le wokisme: une panique morale?, Le Figaro, 26 novembre 2021)

 

Ce qui caractérise donc cette idéologie de l'éveil, c'est:

  • Le refus de l'étiquetage, pour qu'il soit impossible de la combattre;
  • La pure négation de tout, pour détruire tout (ou tout déconstruire): le relativisme est vrai;
  • Le désir d'unité alors qu'elle recouvre des mouvements disparates, voire opposés (par exemple: racialisme et antiracisme): dans LGBTQI, LG et B (lesbiennes, gays, bisexuels) supposent encore deux sexes, ce qui n'est pas le cas de T (trans) ni de Q (queer), quant à I (l'intersectionnalité), il représente l'opposition à la norme dominante.

 

En fait la révolution woke repose sur trois valeurs:

  • La diversité qui n'est pas pluralisme mais volonté d'affaiblissement des occidentaux, blancs, valides, mâles, et défense1 des bonnes minorités, les noirs par exemple, contre les mauvaises, les juifs ou les asiatiques, accusées aux USA d'être proches de la blanchité: une discrimination présente serait un remède contre les discriminations passées;
  • L'inclusion qui revient à tout inclure, c'est-à-dire à ne rien inclure;
  • L'équité qui est négation de toute notion de mérite, d'excellence, de compétence.

 

Cette révolution a en fait pour but de renverser le système en le reproduisant à l'envers, à faire de l'idéologie des dominés l'idéologie dominante, à devenir de plus en plus radicale, et, pour gagner, de se prétendre [perdante], c'est-à-dire avancer masquée, tout en punissant l'Occident de ne pas se montrer vertueux comme elle le souhaite:

La pureté, étant par nature insatiable, requiert des sacrifices toujours plus importants.

 

Quel est le profil d'un jeune dominant intoxiqué par la révolution woke?

  • Il croit en un monde nocif;
  • Il est guidé par le subjectivisme et l'émotion;
  • Il a une vue binaire de l'humanité: il y a des dominants et des dominés;
  • Il a été surprotégé dans son enfance; 
  • Il demande à être toujours plus protégé;
  • Il a recours à la délation quand il se sent en danger et concourt ainsi à la société de surveillance;
  • Il se vante d'être conformément vertueux, ce que l'auteur appelle le signalement de vertu;
  • Il s'excuse de façon ostentatoire s'il est blanc;
  • Il ne s'émerveille jamais;
  • Il n'éprouve pas de gratitude.

 

Quelle est la généalogie de cette idéologie mortifère et sectaire2? L'auteur montre les rôles joués, entre autres, par Michel Foucault, Judith Butler ou Herbert Marcuse, qui ont réussi à créer du ressentiment chez les dominés et de la culpabilité chez les dominants. Mais, aujourd'hui, leurs héritiers sont remis en cause par d'autres gens de gauche:

On assiste au spectacle étrange de gauches qui se traitent de droites, trahissant par là le fait que pour elles la pire injure qu'elles possèdent dans leur arsenal sémantique, et qu'elles sont prêtes à en user coûte que coûte, quitte à céder aux falsifications intellectuelles les plus évidentes.

 

Comment l'auteur voit-il l'avenir?

Optimiste, il dit: il ne s'agit pas de savoir si l'idéologie woke s'autodétruira, mais quand.

Pessimiste, il se dit que les jeunes dominants nourris au sécuritarisme woke pourraient, une fois pleinement aux manettes, faire de la France un campus géant; un parti de gauche mais en plus grand; un microcosme à l'échelle d'une nation; un immense "safe space", c'est-à-dire en pratique un espace où personne n'est à l'abri. 

 

Comment en sortir?

Pour éteindre préventivement la tentation de ce ressentiment minoritaire, ainsi que de la culpabilité majoritaire, il n'existe guère de meilleurs chemins que d'apprendre à ressentir de l'amour pour son pays de diverses façons.

[...]

Si l'émerveillement et la gratitude [...] tapissaient nos âmes plutôt que le ressentiment et la culpabilité, nous aurions bien d'autres débats, et des jeux bornés par bien d'autres règles.

C'est uniquement en suivant ce chemin que nous pourrons mettre fin à cette révolution qui possède pour négation son accomplissement, pour anéantissement son but, pour fin sa fin.

 

Francis Richard

 

1 - Cette idéologie cherche plus à accabler un certain type de coupable qu'à défendre un certain type de victime.

2 - La hantise de l'homme est de ne "plus être dans le coup".

 

Comprendre la révolution woke, Pierre Valentin, 224 pages, Gallimard

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 23:55
Féminicène, de Véra Nikolski

Jusqu'à il y a quelque 150 ans le monde entier vivait sous le régime d'une domination exclusive des hommes, dont l'ampleur était sans commune mesure avec les reliquats de sexisme et de discrimination qu'on rencontre jusqu'à aujourd'hui dans nos sociétés.

 

Qu'est-ce qui explique ce régime de domination universel? la division sexuelle du travail:

 

Le très faible rendement du travail humain oblige nos ancêtres à exploiter au maximum les avantages comparatifs de chaque sexe, pour assurer la survie et réussir à élever les enfants, qui, chez les humains, restent exceptionnellement dépendants des adultes.

 

Les luttes féministes ne sont pour rien dans le changement qui s'est opéré il y a 150 ans:

 

Pour la première fois de l'histoire, les humains vivent, dans un nombre croissant de pays, dans un monde où les différences physiologiques entre les hommes et les femmes cessent d'avantager démesurément les premiers et de désavantager les secondes.

 

Qu'est-ce qui a changé et rendu la marche des femmes vers la liberté possible?

 

Certes le rôle des idées, avec les Lumières, n'est pas nul, mais ce sont surtout les bouleversements matériels qui ont transformé le mode de vie des humains. L'ère des énergies fossiles va permettre une généralisation des procédés technologiques sans précédent.

 

Le progrès technique, à l'origine de la révolution industrielle, et les productions d'énergies considérables, fossiles, hydrauliques, puis nucléaires, ont permis une explosion de la productivité. Car le rendement des machines est de loin supérieur au rendement du travail humain:

 

Dans le monde industriel et plus encore dans le monde postindustriel, la force physique, jadis indispensable pour assurer la survie face à la nature et à l'ennemi, perd toute importance - hors le sport et quelques professions manuelles.

 

L'émancipation des femmes résulte donc surtout du progrès technologique et de l'enrichissement de la société:

  • le travail domestique et le temps qui lui est consacré ont été réduits,
  • le progrès médical a diminué la mortalité infantile,
  • la plupart des métiers sont devenus accessibles: le capitalisme ne rend pas seulement le travail des femmes possible, il le rend nécessaire,
  • en outre, en France, les structures collectives de l'État-providence (qui auraient pu être assurées par le privé) ont été mises à leur disposition: sécurité sociale, crèches, écoles...

 

Sans cette amélioration de la condition des femmes, le discours idéologique qui l'accompagne, le féminisme, n'aurait tout simplement pas émergé...

 

Les acquis de la condition des femmes sont fragiles s'ils tiennent, comme le pense, à raison, l'auteure, aux conditions matérielles. Celles-ci pourraient, selon elle, à tort, être remises en cause par:

  • la raréfaction de l'énergie et des autres ressources naturelles1,
  • le changement climatique,
  • l'altération de l'environnement.

 

En cela, la vision de Véra Nikolski est conforme à la doxa. En effet, pour appuyer ses dires, elle se base principalement sur ce qu'en disent le Club de Rome, le GIEC et autres collapsologues, qui n'ont rien à voir avec la science et tout avec... la politique.

 

Toutefois, à l'avenir, les conditions matérielles pourraient effectivement être remises  en cause et, avec, les acquis de la condition des femmes, par:

  • un nouvel accroissement du périmètre des États, synonyme de bureaucratie et de technocratie inefficaces et dispendieuses,
  • des dépenses publiques considérables, inutiles et sans effet notable:
  1. pour développer les énergies dites renouvelables,
  2. pour diminuer les émissions de CO2, pour lesquelles il n'existe pas, comme elle le croit, de consensus scientifique sur leur responsabilité dans le réchauffement climatique, dont l'importance et les conséquences sont d'ailleurs surévaluées à des fins idéologiques...

Un appauvrissement généralisé par ces décisions étatistes, prises de connivence avec un capitalisme jouissant de privilèges indus, ne servira effectivement pas l'émancipation des femmes, bien au contraire.

 

Aussi l'auteure a-t-elle raison de dire que les femmes doivent se préparer à cette éventualité, rendue probable par l'aveuglement des décideurs politiques auxquels s'adresse, entre autres, le GIEC.

 

Dans une telle conjecture, l'un des conseils judicieux, qu'elle adresse aux femmes des générations qui la suivent, est non pas de se contenter de réclamer, mais de faire.

 

Que doivent-elles faire particulièrement?

 

Bien que, par nature, les femmes soient plus intéressées par les personnes et la communication et que les hommes le soient par les objets et leur systématisation, elles devraient s'intéresser davantage aux métiers scientifiques, techniques et militaires, parce qu'elles peuvent y exceller tout autant, voire mieux, que les hommes et que ce sera une nécessité pour elles si elles veulent conserver leurs acquis...

 

Pour sauver le Féminicène2, la lutte à mener consiste à comprendre les lois naturelles et historiques, et à travailler au maintien des conditions matérielles de l'émancipation.

 

Francis Richard

 

1 - Les énergies fossiles et les ressources naturelles sont très loin d'être épuisées et ne sont rien sans la créativité humaine.

2 - L'ère des femmes actuelle.

 

Féminicène, Véra Nikolski, 352 pages, Fayard

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 19:45
La grande garderie, de Lisa Kamen-Hirsig

La grande garderie est paru à la rentrée scolaire en France. Son sous-titre est éloquent: Comment l'Éducation nationale sacrifie nos enfants. Prétendant éduquer, l'État monopoliste n'instruit même pas.

 

Lisa Kamen-Hirsig est maîtresse d'école - pardon, professeure des écoles - depuis vingt ans. Ce qu'elle dit de l'école en France est hallucinant pour qui, il y a quelques décennies, y a usé ses fonds de culotte.

 

Dans son avant-propos, elle rappelle ce qui est promis aux élèves - un mot proscrit aujourd'hui: ce sont des apprenants - quand ils entrent à l'école: Apprendre. Comprendre. Grandir. Devenir autonome.

 

Or ce sont des promesses non tenues aujourd'hui. Pourquoi? Parce que les hommes de l'État, omniscients, omnipotents, omniprésents, prétendent être les seuls à savoir ce qui est bon pour les petits Français.

 

L'État républicain ne veut pas que ces derniers connaissent leur histoire. Il préfère à la connaissance historique la frénésie commémorative, sélective puisque, par exemple, point de crimes de la Terreur:

 

Minimiser ou passer sous silence les crimes de la Terreur, ne parler que de droits de l'homme, d'égalité, de république et de tyrannicide, c'est normaliser le recours à la violence et au crime pour obtenir gain de cause.

 

L'État préfère au monde réel le monde virtuel, car il est plus facile alors de formater les esprits en leur faisant croire que, dans la vie, tout peut s'obtenir sans effort, en jouant, d'où le recours aux outils numériques.

 

Les enseignants et les élèves ne doivent plus employer d'autres méthodes que numériques, les autres méthodes sont considérées comme désuètes et inefficaces, alors qu'elles ont fait leur preuve naguère encore:

 

L'instituteur n'est pas un répétiteur, il enseigne aussi par son autonomie et par son désir.

 

Ces méthodes qui ont fait leur preuve? La progressivité, l'exercice, l'accumulation des savoirs, l'apprentissage par coeur de certaines connaissances utiles pour bâtir les suivantes et développer sa mémoire:

 

Les élèves viennent à l'école avec l'espoir d'apprendre, pas de "questionner". Si un enfant de sept ans pose des questions, ce sera après voir lu, vu, entendu quelque chose. Et il les posera à un adulte, pas au monde.

 

À l'école, l'État, au lieu d'instruire, impose son idéologie égalitariste, où les différences biologiques entre les sexes n'existent pas, où changer de sexe est une option: chacun peut décider d'être ce qu'il veut.

 

L'État ne veut pas que les élèves développent leur esprit critique. À la littérature classique il préfère donner à lire des textes accessibles et engagés: ne pas combattre l'ignorance, lutter contre les inégalités.

 

Il n'est donc pas surprenant qu'il encourage l'écriture dite inclusive, qui en réalité exclut les élèves en difficulté parce qu'elle est illisible et imprononçable: il faudrait au contraire leur enseigner l'étymologie.

 

Au lieu de quoi, l'État s'est donné pour mission de fabriquer un homme nouveau, passionné d'égalité et de pureté morale, ce qui a conduit jadis à la terreur révolutionnaire et au totalitarisme communiste.

 

L'État demande même aux enseignants de vérifier que leurs élèves propagent cette idéologie à leurs petits camarades et il n'est pas rare que d'aucuns tancent leurs chers parents de ne pas s'y conformer.

 

L'écologisme fait partie de l'idéologie officielle à transmettre, mis à toutes les sauces, y compris littéraires, et partout, de l'école primaire à l'université, grâce à de jeunes enseignants au cerveau bien lavé.

 

Bref l'État français fabrique bien un homme nouveau:

  • en infantilisant les élèves,
  • en leur demandant de se prononcer sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas,
  • en ne leur faisant pas respecter l'autorité qui repose sur l'intégrité et le savoir,
  • en leur inculquant de pseudo-sciences,
  • en ne laissant pas aux parents la liberté de choisir l'école pour leurs enfants,
  • en dévalorisant les garçons par rapport aux filles,
  • en décrétant que tous les élèves ont besoin de la même chose au même moment,
  • en privant de temps les élèves par des activités incessantes,
  • en faisant des enfants des gens lobotomisés devant des écrans, bien calmes, bien drogués, bien tranquilles,
  • en discréditant les métiers dits manuels,
  • en ne laissant pas les enfants prendre des risques,
  • en prônant le collectif contre l'individu, 
  • en utilisant un jargon, précieux et ridicule, qui [falsifie] le réel en interdisant ses manifestations linguistiques,
  • en ne transmettant pas le savoir: le savoir est une violence de classe.

 

Le résultat est désastreux, calamiteux. Le système scolaire français ne remplit pas sa mission qui se résume aux quatre verbes évoqués plus haut: Apprendre. Comprendre. Grandir. Devenir autonome.

 

L'auteure cite Frédéric Bastiat:

 

Le plus pressé, ce n'est pas que l'État enseigne, mais qu'il laisse enseigner. Tous les monopoles sont détestables, mais le pire de tous, c'est le monopole de l'enseignement.

 

Et d'encourager l'ouverture d'écoles d'un nouveau type, indépendantes et exigeantes, acceptant d'être évaluées et comparées objectivement et n'attendant aucune aide de l'État.

 

Francis Richard

 

La grande garderie, Lisa Kamen-Hirsig, 240 pages, Albin Michel

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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2 octobre 2023 1 02 /10 /octobre /2023 20:25
Raisonnablement sexiste, de Laurent Obertone

Tout le tapage du monde ne vaut rien si l'on est incapable d'émettre et de soutenir une opinion dangereuse.

 

Ce n'est bien sûr pas le genre de Laurent Obertone de se laisser intimider par la police de la pensée. N'en déplaise à Libération ou à Wikipédia:

 

Ce livre est d'abord une somme d'observations, étayées de centaines de lectures et d'études.

 

Qu'observe l'auteur? Que les hommes et les femmes sont différents, que, dès leur naissance, leurs différences sexuelles sont évidentes.

 

Ces différences sexuelles se manifestent par des comportements différents, déterminés par les hormones: Bref, il existe des hommes et des femmes.

 

En dépit de ce qui les oppose, ce qu'on appelle l'anisogamie, l'attirance sexuelle entre eux est suffisante pour qu'ils persistent à se reproduire.

 

L'homme s'est toujours battu, a toujours été agressif et violent, a toujours voulu le pouvoir. La femme a toujours séduit, intrigué et manipulé.

 

L'avoir présent à l'esprit permet de comprendre comment ils se choisissent, l'homme ayant besoin de la femme, qui, elle, est plus pratique.

 

Ils sont différents en matière de sexualité, de sentiments et de fidélité: l'infidélité étant plus sexuelle chez lui et plus émotionnelle chez elle.

 

L'auteur reproche au féminisme actuel non pas de revendiquer l'égalité de droits, mais l'égalité d'aptitudes et d'aspirations entre les sexes:

Une large part de la classe médiatique, universitaire, culturelle et politique, à savoir les classes moralement supérieures, se donne à fond dans ce projet.

[...]

Pour ce féminisme, découlant de l'existentialisme sartrien (merci Simone), les femmes sont manipulées par l'homme, alors que ça devrait être à l'État de le faire...

 

À ceux qui s'opposent à cette négation des différences innées, est jeté l'anathème de sexistes pour les empêcher de parler et de penser librement.

 

Dans la vraie vie, personne n'est égal à personne et c'est également le cas entre les hommes et les femmes, n'en déplaise au Monde et consorts.

 

Les inégalités entre eux sont, sauf exceptions, physiques, mentales, cognitives, et expliquent des inégalités sociales sans rapport avec le patriarcat.

 

Contester le dogme universitaire français, caractérisé par le refus idéologique de l'inné et l'ignorance de la biologie, est un crime de lèse-égalité.

 

L'émancipation des femmes? Un piège à cons:

  • Les femmes ont été mises au travail, qui, sauf exceptions, n'est pas valorisant;
  • Les femmes libérées sexuellement, multipliant les partenaires, sont dans la détresse affective et sociale;
  • Les familles éclatent;
  • Les hommes se démasculinisent;
  • Les élites n'ont plus d'enfants (contraception, avortement, suivi médical) et le niveau baisse:

Par sa com et ses aides, l'État incite les mieux adaptés (culpabilisés) à ne pas se reproduire, et les moins adaptés (déculpabilisés) à le faire davantage.

 

La baisse corollaire de l'intelligence se traduit par une baisse des niveaux de vie et de civilisation auxquels le remède serait l'État:

Le socialisme n'est qu'un moyen de légitimer l'État, le vol par l'impôt, le lavage des cerveaux. C'est la machine à sous électorale des politiciens et de leurs amis. En prétendant "venir en aide aux plus faibles" (c'est-à-dire en payant les gens qui échouent), l'État accroît son cheptel de dominés, et son emprise sur le pays.

 

Que faire?

  • La mesure la plus simple consisterait à suspendre à peu près toutes les politiques publiques et dépenses non régaliennes, mais la politique ne nous sauvera pas.
  • C'est le moment de prendre nos responsabilités. Oubliez l'événement, le coup d'État, le miracle ou le sauveur:

Montrons la nature humaine, la vilénie idéologique. Défendons l'altérité en cessant de la nier. Acceptons les règles de la vie. Voilà la véritable sagesse. Chacun doit cesser d'être victime, et faire ses preuves. 

 

Bref, la lutte doit [...] avoir lieu à l'échelon individuel.

 

Francis Richard

 

Raisonnablement sexiste, Laurent Obertone, 288 pages, Magnus

 

Livres précédents:

 

La France Orange Mécanique (2013)

Utoya (2013)

La France Big Brother (2015)

Guerilla I, le jour où tout s'embrasa (2017)

La France interdite (2018)

Guerilla II, le temps des barbares (2019)

Éloge de la force (2020)

Game over (2022)

Guerilla III, le dernier combat (2022)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 18:45
Un vélo pour Noël, de Pierre-Yves Maillard

Ce ne sont pas des mémoires, juste des histoires. Elles sont vraies, autant qu'un souvenir peut l'être. Je les ai vécues ou entendues de proches, qui m'ont aidé à les préciser. Elles m'ont marqué, instruit, alors j'ai eu envie de les raconter.

 

Dans l'avant-propos, dès la première phrase, Pierre-Yves Maillard annonce ce qu'est Un vélo pour Noël. Même si le lecteur n'a pas la même philosophie de la vie que lui, il ne peut qu'être intéressé, s'il est humaniste, par ce qui l'a marqué et instruit pour qu'il devienne le syndicaliste et l'homme politique socialiste qu'il connaît.

 

Car, au fond, on ne connaît que très peu de choses d'un homme tel que lui. On ne connaît que ce qu'en disent les médias et ce qu'on a pu retenir de manière bien imprécise de ses déclarations publiques. Raconter d'où il vient, les études et les rencontres qu'il a faites, est on ne peut plus révélateur de ce qui le fonde et de ce qu'il est.

 

Son grand-père maternel, Yves, est parti de chez lui à quatorze ans après avoir frappé le régent de son école. Xavier, dont le père a le plus gros domaine de la région, lui donne un jour sa chance alors qu'il est domestique chez de vieux paysans du village de son frère. Il devient le neuvième enfant de la famille, puis le gendre.

 

Si sa mère a des origines paysannes, celles de son père sont ouvrières. Son grand-père paternel, Alfred, qu'il n'a pas connu, maçon devenu contremaître, était un syndicaliste, mais chrétien. Aussi Pierre-Yves Maillard a-t-il eu une enfance entre ouvriers et paysans, dont la rivalité était réelle, mais qui s'est peu à peu estompée:

 

Je suis de ce monde du travail.

 

Pierre-Yves Maillard a habité le canton de Vaud, dans les quartiers populaires et immigrés, mais il a continué à fréquenter la campagne et son village d'origine dans le canton de Fribourg, pendant les vacances et les week-ends. Il était en quelque sorte étranger dans les deux lieux et a appris à ne pas juger trop vite les autres:

 

C'est la connaissance concrète des gens entre eux qui affaiblit les préjugés, pas les discours moralisateurs.

 

Ayant fait des études universitaires, il en retire des savoirs et de fortes amitiés, qui aident à passer les phases de doutes et emplissent l'année de moments heureux. Et continue son voyage enrichissant dans la société, acquérant un tour d'esprit sceptique, dans lequel il ne se laisse pas enfermer: il faut des convictions pour agir.

 

Comme son père, il respecte ceux qui reçoivent peu de la société et lui donnent beaucoup, constate que le travail rassemble et que les identités ont un pouvoir de division, en conclut que la seule force des perdantes et des perdants de toujours au casino truqué de notre système économique est l'union, se lance dans les combats.

 

Un tiers du livre est consacré à des récits de combats: ma cause, ce sera le service de ma classe sociale, se dit-il à la fin de ses études. Il n'est pas étonnant qu'il ne voie dans celle des entrepreneurs que poursuite de plus-values et de profits ou mauvaise gestion: il faut donc maintenir des emplois ou obtenir des plans sociaux.

 

Dans ces Petites histoires de la classe ouvrière, il serait injuste de ne pas reconnaître dans ses héros, hommes et femmes, du courage, de la détermination et de l'organisation. Ils ne font grève qu'en dernier ressort et font de réelles propositions d'amélioration et de développement quand ils sont possibles: on est bien en Suisse...

 

Mais le casino truqué dont l'auteur parle est une caricature du capitalisme qui est surtout prises de risques et qui, quand il n'est pas entravé par l'État et ses réglementations, ou quand il n'est pas de connivence avec les politiques, génère progrès et libertés comme l'histoire des deux derniers siècles le montre abondamment.

 

Francis Richard

 

Un vélo pour Noël, Pierre-Yves Maillard, 212 pages, Éditions de l'Aire

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17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 20:10
La tyrannie du divertissement, d'Olivier Babeau

Notre époque est malade du temps libre. Et nous ne le savons pas.

 

Une telle phrase, placée au début de l'introduction de La Tyrannie du divertissement ne peut qu'attirer l'attention du lecteur et l'inciter à poursuivre sa lecture, ne serait-ce que pour savoir.

 

Après un rappel historique, et préhistorique, sur l'occupation du temps par les hominidés puis par les hommes, Olivier Babeau en vient au trois usages des loisirs, inaugurés par l'Antiquité:

 

Temps libre pour les autres, temps pour soi et temps pour rien.

 

LA TRILOGIE

 

Le temps pour les autres est ce qu'il appelle le loisir aristocratique. Il s'agit de tenir son rang. Cette sorte d'oisiveté est en conséquence le contraire de l'inactivité et de la liberté.

 

Le temps pour soi est ce qu'il appelle le loisir studieux. Il s'agit de travailler sur soi, ce qui demande un effort: Un être humain ne le devient qu'au prix d'un apprentissage exigeant.

 

Le temps pour rien est ce qu'il appelle le loisir populaire. Il s'agit de se divertir. C'est aujourd'hui le loisir le plus courant, caractérisé par la satisfaction immédiate et sans lendemain.

 

LE GRAND RETOURNEMENT

 

La répartition idéale de ces temps libres serait par tiers, selon l'auteur. Car chacune des trois formes est indispensable. Mais une  révolution s'est accomplie depuis deux siècles et accélérée:

 

L'existence est devenue un long espace de loisirs interrompus par quelques moments de travail.

 

Après la Grande Guerre, se produit le grand retournement: La classe autrefois oisive se met au travail. Et la classe laborieuse, elle, conquiert petit à petit ce temps libre dont elle avait été sevrée.

 

DU BON USAGE DU TEMPS LIBRE

 

L'usage de son temps libre devient le principal levier de la lutte des places.

 

Pour réussir il ne suffit plus d'être né. Depuis la Grande Guerre, le loisir bourgeois revient à capitaliser son temps, c'est-à-dire à convertir son temps disponible en un actif valorisé: le savoir.

 

Dans un monde de plus en plus complexe, la culture générale devient de plus en plus utile. Il ne suffit plus d'emmagasiner des savoirs, il faut synthétiser, choisir, ne pas être influençable:

 

La capacité à mettre les savoirs en relation, à faire preuve de créativité face aux procédures, est précisément la capacité dont les machines sont dépourvues.

 

LA FABRIQUE DES INÉGALITÉS

 

Dis-moi quel usage tu fais de ton temps libre, je te dirai qui tu deviendras.

 

Ce pourrait être un résumé du propos de l'auteur. La différence de patrimoine ou de revenu n'explique plus les inégalités: L'argent n'est qu'un facteur parmi d'autres, et pas le plus déterminant.

 

Un facteur déterminant est le mérite qui n'est pas synonyme de l'effort fourni, mais synonyme de la compétence. La seule égalité à promouvoir étant l'égalité en droits, pas l'égalité de conditions.

 

Sur la chance et le capital biologique, il n'y a pas de prise. Mais il est possible de changer l'environnement de départ1. Si le capital social et culturel est déterminant, l'effort ne l'est pas moins:

 

Si la progression sociale existe bel et bien, le déclassement est plus facile qu'auparavant.

 

L'HÉGÉMONIE DU DIVERTISSEMENT

 

Le loisir studieux est discrédité, de même que l'effort, alors qu'ils sont des conditions de la réussite, tandis que les loisirs, au sens du divertissement sont présentés comme de la culture:

 

La massification du temps libre est parvenue à faire de la culture un produit de consommation. Or ce dernier est par définition détruit.

 

Les écrans dévorent le temps libre. Ils font tomber dans la facilité. Ils étourdissent par de courtes sollicitations. Ils rendent dépendants. Ils font perdre le sens du temps, de la lenteur, de la durée.

 

Y résistent le mieux ceux qui ont appris à repousser la jouissance immédiate, à se fixer des buts déjouant la pente des instincts, à s'inscrire dans un carcan volontaire de normes de comportement:

 

L'attention perdue, c'est de la profondeur envolée. Les heures excessives de divertissement sont prises sur celles qui auraient dû être dévolues à d'autres activités.

 

CONCLUSION

 

L'acquisition des compétences déterminant notre place dans la société dépend de notre capacité à mobiliser notre liberté afin d'éviter la dilapidation de notre temps. Défi en apparence dérisoire mais redoutable en pratique: il nous faut réapprendre l'art difficile d'occuper notre temps libre.

 

Francis Richard

 

1 - Sa part non génétique.

 

La tyrannie du divertissement, Olivier Babeau, 288 pages, Buchet-Chastel

 

N.B. :

 

Olivier Babeau est présent au Salon du Livre de Genève qui se tient à Palexpo du 22 au 26 mars 2023:

- Il participe le 22 mars 2023, de 15h à 16h, sur la scène du Forum, à une rencontre sur le thème: Jeu et divertissement: maladie du siècle ou puissance créatrice?

- Le même jour, de 16h30 à 17h30, il dédicace son livre sur le stand des Éditions Noir sur Blanc, C327.

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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2 mars 2023 4 02 /03 /mars /2023 20:30
Faire paysan, de Blaise Hofmann

Je souhaite par ces lignes témoigner au monde paysan ma reconnaissance, mon attachement.

 

Comme tout le monde en Suisse, Blaise Hofmann est descendant de paysans et de paysannes. Son Faire paysan dresse le portrait du monde paysan actuel.

 

Ce qui frappe en lisant ce livre, c'est l'honnêteté intellectuelle dont l'auteur fait preuve. Il ne jette pas la pierre aux uns et ne passe pas la pommade aux autres.

 

Sans doute est-ce parce que, pour écrire ce livre, il ne s'est pas contenté de lire sur le sujet et qu'il s'est rendu sur le terrain pour rencontrer les uns et les autres.

 

Les uns sont les paysans conventionnels, les autres, les alternatifs. Selon un manichéisme citadin, les premiers seraient les méchants, et les seconds, les gentils.

 

Quoi qu'il en soit, tous sont subventionnés et reçoivent ce qu'on appelle des paiements directs, une perfusion économique qui se fait aux dépens de leur dignité.

 

Cette redistribution, comme toutes les autres - et aussi répréhensible que les autres - s'accompagne de paperasse, de normes et de réglementations étatiques.

 

Quel est le propos de l'auteur? Je souhaite simplement transcrire un maximum de points de vue, ouvrir le débat, apporter de la nuance et partager des informations.

 

La liberté d'entreprendre paysanne n'est plus seulement entravée par la météo ou les épizooties, mais par la connivence des puissants, les directives internationales.

 

Pourtant tous les paysans, qui ne représentent plus que 3% de la population, ne sont pas résignés ou nostalgiques. Ceux qui s'en sortent sont de vrais entrepreneurs.

 

Productivité et durabilité sont conciliables: Avec des moyens modernes on peut "se sortir des salaires", tout en répondant aux exigences légitimes des consommateurs:

 

Circuit court, autonomie énergétique, limitation des gaz à effet de serre, affranchissement progressif de l'agriculture chimique.

 

Ceci étant dit, me semble-t-il, ce n'est pas, à l'État, comme le pense l'auteur, d'intervenir, en taxant ou en interdisant, pour que l'agriculture suisse fasse sa mutation.

 

Il est plus convaincant quand il a un rêve, celui de réconcilier les villes et les campagnes, et imagine le paysan descendre de son tracteur, le citadin de sa tour d'ivoire:

 

Il s'agit du plus vieux métier du monde [faire paysan], il est aussi le plus essentiel.

 

Les paysans, en ce monde de plus en plus virtuel, fait de fantasmes, d'idéaux et de spéculation, apportent la stabilité, l'équilibre, les pieds sur terre, la tête sur les épaules.

 

Francis Richard

 

Faire paysan, Blaise Hofmann, 224 pages, Zoé (sortie le 3 mars 2023)

 

Livres précédents:

 

Monde animal, éditions d'autre part (2016)

La fête, Zoé (2019)

Deux petites maîtresses zen, Zoé (2021)

 

Avec Stéphane Blok:

Fête des vignerons 2019 - Les poèmes, Zoé et Bernard Campiche Éditeur (2019)

 

Collectif sous la direction de Louise Anne Bouchard:

Du coeur à l'ouvrage, L'Aire (2012)

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28 février 2023 2 28 /02 /février /2023 23:55
Éloge de l'assimilation - Critique de l'idéologie migratoire, de Vincent Coussedière

En France, l'assimilation n'est pas un gros mot, de la Révolution jusqu'à 1945, i.e. jusqu'à ce qu'apparaisse l'idéologie migratoire, dont l'artisan fondateur n'est autre que Jean-Paul Sartre.

 

Par ses écrits, il est en effet le propagandiste d'un programme multiculturaliste de la reconnaissance de l'identité des étrangers et entend faire honte au programme de leur assimilation.

 

Il est sans doute honteux de sa passivité à l'égard de l'antisémitisme avant la Seconde Guerre mondiale comme pendant l'Occupation. Sa haine de soi se convertit alors en haine des autres.

 

Pour en fuir les conséquences, dans Réflexions sur la question juive, il ne fait pas tant de différence entre le démocrate et l'antisémite, puisque la démocratie pratique l'assimilation des juifs.

 

Il y fait même le rapprochement entre la logique de l'assimilation et celle de la destruction. La démocratie aurait ainsi détruit l'identité juive pour la remplacer par une identité nationale.

 

Il définit l'identité juive par sa seule exclusion et par sa stigmatisation, fait un transfert victimaire du juif, comme modèle de l'opprimé, à tous les autres et va bien au-delà du marxisme:

 

Il n'entend pas seulement défendre le prolétaire, mais défendre tous les opprimés.

 

À partir de 1968, trois verrous sont mis pour empêcher de poser politiquement et sereinement la question de l'immigration:

- un verrou affectif: la honte du sort fait aux juifs, aux Noirs, aux colonisés est déplacée sur la figure de l'immigré;

- un verrou théorique: le libéralisme concret 1 remplace l'utopie de la société sans classe par la démocratie des individus reconnaissant l'identité de chacun;

- un verrou militant: les médias et le droit sont investis pour cadenasser la représentation victimaire de l'immigré.

 

Comme la nécessaire homogénéité nationale est bien mise à mal par cette idéologie migratoire, une tentative de compromis entre celle-ci et l'assimilation est faite. C'est l'intégration.

 

L'intégration se fonde sur la distinction entre la sphère privée et la sphère publique (contraire à l'islam). Elle échoue en raison du nombre et de la reconnaissance de l'identité de l'immigré.

 

À l'assimilation, processus naturel, ont succédé d'abord l'intégration, puis maintenant l'inclusion, où des modèles concurrents peuvent coexister, mais aussi longtemps qu'ils s'ignorent...

 

L'assimilation a fonctionné pendant près de deux siècles parce que l'individu imitait les moeurs nationales dans la mesure où elles étaient désirables et qu'il le faisait sans contrainte.

 

Ces moeurs avaient été validées par les générations précédentes. Elles avaient fait la preuve de leur solidité et de leur valeur et les contradictions avaient été dépassées spontanément:

 

En démocratie, suspendu à la règle majoritaire, [l'art politique] suppose [...] une similarité et une homogénéité sociale plus profondes que les divisions qu'il tranche.

 

Pour éviter violence ou guerre civile, Vincent Coussedière propose de revenir à l'assimilation imitative et de dire ce qu'est un étranger, lui-même le produit d'un processus d'assimilation:

 

L'étranger est celui qu'on n'imite pas et qui ne nous imite pas au point où nous nous entre-imitons et où lui-même imite ceux qui lui sont semblables.

 

Il convient également de savoir pourquoi un étranger immigre, s'il le fait par défaut ou par excès d'appartenance: la question n'est pas de savoir s'il va s'assimiler ou pas, mais à quoi.

 

S'il est assimilable et veut s'assimiler à la société d'accueil 2, il doit avoir un désir d'imitation - une imitation unilatérale de copiste -, admirer le modèle imité et respecter sa supériorité:

 

Il nous faut retrouver ce sens grec de l'exclusion inclusive: l'étranger doit d'abord être reconnu comme étranger et, exceptionnellement, devenir citoyen, non parce que nous avons une piètre idée de lui, mais parce que nous avons une haute idée de nous-mêmes et des exigences de la citoyenneté.

 

Francis Richard

 

1 - Expression sartrienne signifiant en fait multiculturalisme, autrement dit un mixte de libéralisme et de marxisme...

2 - Le modèle français est une articulation heureuse [...] entre ce qui est hérité de la collectivité [...] et ce qui est le produit de l'action et de l'innovation de l'individu.

 

Éloge de l'assimilation - Critique de l'idéologie migratoire, Vincent Coussedière, 248 pages, Éditions du Rocher

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 23:55
La chute de l'empire européen, de Philippe Fabry

L'Histoire ne peut nous enseigner aucune règle, aucun principe ni loi d'ordre général. Il n'y a aucun moyen d'abstraire d'une expérience historique a posteriori de quelconques théories ou théorèmes concernant la conduite et les politiques humaines.

Ludwig von Mises, L'Action humaine

 

Philippe Fabry pratique ce qu'il appelle l'historionomie, une autre façon de lire l'histoire que celle de l'Autrichien, donc de lire le monde. À partir d'observation de récurrences historiques, cette discipline comparative conduit à des modèles.

 

La chute de l'empire européen est un exemple de cette démarche qui se base non seulement sur l'étude historique mais sur une ethno-géographie en rapport avec elle. Un modèle expliquant la construction des États-nations en résulte.

 

QU'EST-CE QU'UN ÉTAT-NATION ?

 

Une entité politique assise sur et correspondant à un espace géographique et une population circonscrite, dotée d'une certaine spécificité culturelle.

 

Philippe Fabry s'est intéressé surtout aux États-nations résultant d'une construction en toute autonomie sur le temps long, dont la constitution se termine par un mouvement national de révolution qui fige les frontières et scelle l'identité nationale.

 

Philippe Fabry observe cette construction des États-nations de l'Antiquité à nos jours: elle s'effectue, constate-t-il, selon un schéma similaire, dont le principal ressort est un déterminisme ethno-géographique, ce qu'il résume en ces termes:

 

La construction d'un État-nation dure entre six et sept siècles, au cours desquels un espace ethno-géographique s'homogénéise culturellement, sous la férule d'un État impérial, c'est-à-dire de l'édifice administratif et institutionnel d'un pouvoir s'étendant très au-delà de sa zone géographique d'origine (la grande plaine).

 

D'abord relativement respectueux des disparités culturelles et des institutions traditionnelles, l'État impérial se montre de plus en plus autoritaire et centralisateur. Il est alors confronté à une crise de légitimité doublé d'une faillite.

 

Pour sortir de cette crise, l'État impérial opère une mutation, à l'occasion d'un mouvement de révolution nationale, qui le transforme en un régime parlementaire 1 fondant principalement les distinctions sociales et politiques sur la fortune:

 

L'État impérial devient [à son tour] État-nation.

 

UNE HOMOGÉNÉISATION CULTURELLE

 

Ce modèle sert de grille de lecture à l'auteur pour analyser la situation actuelle de l'Europe et, partant, d'envisager son développement futur, le siège du pouvoir de l'Union européenne se trouvant géographiquement dans l'espace rhénan:

 

Ce grand triangle entre la Belgique, les Pays-Bas et la Bavière.

 

En effet, au cours de l'histoire, toutes les autres tentatives d'empire européen ont échoué. La construction actuelle s'est faite suivant le modèle tardif de l'Italie et de l'Allemagne, ses élites se distinguant par des idéologies censées les légitimer:

- écologisme

- multiculturalisme

- féminisme

- LGBTQuisme.

 

Pour ne pas être en reste, les élites urbaines ont imité cette culture de la mégapole où se situe le centre du pouvoir européen et, en réaction, la population a eu tendance à en adopter les termes si bien qu'une homogénéisation culturelle s'est faite.

 

UN MOUVEMENT DE RÉVOLUTION

 

Dans le langage de l'Union européenne, de plus en plus autoritaire et centralisatrice - la Commission européenne a seule l'initiative des lois et il n'existe pas de chambre haute pour représenter l'Europe périphérique -, l'état de droit signifie:

 

L'État crée le droit et doit le respecter.   

 

Ce Rechtsstaat germanique, positiviste, est différent de la Rule of Law, britannique, où le droit est un phénomène naturel que l'intelligence humaine découvre par la recherche du juste: l'État doit respecter ce droit qui lui est extérieur.

 

Les conditions d'un mouvement de révolution, tel qu'évoqué plus haut, sont aujourd'hui réunies avec le discrédit des idéologies et des institutions européennes, responsables par leurs défaillances des crises économiques, sociales et énergétiques:

- tâtonnements dans la gestion de la pandémie

- incapacité à voir venir l'invasion russe en Ukraine

- impréparation stratégique et énergétique à la survenance de la guerre.

 

COMMENT EN SORTIR ?

 

Dans Le Président absolu, l'auteur avait suggéré des remèdes pour éviter que la France ne sombre dans le chaos. Les réformes organiques qu'il propose à l'échelle européenne sont similaires pour lui éviter une répétition tragique de l'Histoire:

- rendre responsable la Commission devant le Parlement par la possibilité d'une motion de censure à la majorité simple

- élire les membres de la Commission par le Parlement

- adjoindre un Sénat dont la composition serait pondérée afin que les territoires les moins densément peuplés soient représentés équitablement

- élire éventuellement un chef d'État de l'Union par le Sénat, le Parlement et le Conseil européen avec pour seules attributions un rôle de représentation et de garantie des institutions.

 

Francis Richard

 

 

1 - Ce mouvement de révolution demande une quarantaine d'années.

 

La chute de l'empire européen, Philippe Fabry, 154 pages, Léo Portal

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Rome, du libéralisme au socialisme, 160 pages, Jean-Cyrille Godefroy (2014)

Le Président absolu, 118 pages, Léo Portal (2022)

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4 février 2023 6 04 /02 /février /2023 23:55
Français, ouvrez les yeux !, de Driss Ghali

Driss Ghali est un immigré, qui a émigré au Brésil il y a douze ans. Marocain, musulman, c'est un Français qui aime la France et se désole de voir qu'elle perd son âme. En effet un homme nouveau est apparu en France, ce qui est le signe d'une révolution, gangrenant les esprits:

 

[Cet homme] est irréversiblement étranger au pays qu'il habite.

 

Ce n'est pas seulement le cas de l'immigré qui refuse de se couper de ses racines. C'est aussi celui du Français de souche, déraciné et acculturé. Ce n'est pas un déclin mais une métamorphose, ce qui est bien plus grave puisque c'est contraire à la raison et à la fidélité.

 

LES GRANDS RENONCEMENTS

 

En effet la France a renoncé à sa puissance:

- Elle a abandonné sa souveraineté - et y a perdu sa crédibilité - dans 750 zones urbaines sensibles:

Le renoncement au contrôle territorial induit l'ingérence de groupes criminels étrangers et la dépendance vis-à-vis de nations tierces.

- Elle a abandonné sa souveraineté à une Europe qui de romanisée s'islamise et s'africanise:

La simple survie de la patrie est jugée malvenue puisqu'il faut construire l'Europe, quoi qu'il en coûte. Ce n'est pas un projet politique, c'est un sacrifice humain.

 

La France a renoncé à son peuple:

- La population étrangère, notamment extra-européenne, ne cesse d'augmenter, ce qui est dû à une immigration de masse et au reflux démographique des Français de souche:

Les Français s'abstiennent de peupler leur pays au moment où ils admettent ne plus en être les seuls maîtres.

- Tout le monde en souffre, les immigrés comme les Français de souche, parce que, peu à peu, personne ne se sent vraiment chez lui:

Une maison où il ne nous est pas permis de nous accomplir, de respirer à pleins poumons, de nous promener en pantoufles n'est pas une maison véritable.

- C'est en conséquence un renoncement à la paix civile:

[Le voyou immigré] rabaisse le peuple de souche et établit la suprématie des nouveaux venus. Il s'acharne sur ceux qui doivent descendre de leur piédestal en les frappant, en les terrorisant et en les humiliant.

 

La France a renoncé à son génie:

- Le niveau a baissé dans les oeuvres de l'esprit et de la sensibilité:

Tout dégringole: le cinéma, la musique, la littérature, la télévision, l'architecture, etc.

- Les paysages humains et matériels se sont banalisés:

L'école et la culture officielle en général ne veulent plus stimuler, elles ne veulent plus éveiller, faire naître les capteurs et les facultés en germe. Elles couvrent d'une épaisse couche d'ignorance, d'irrévérence et de dégoût de soi.

- La France a abdiqué devant l'américanisation (qui séduit les élites, les classes populaires et les immigrés), si bien qu'elle n'est plus ni exemplaire ni désirable pour personne:

Nous renonçons à l'universalisme pour adopter l'idéologie woke et la théorie de genre.

- Le génie de la France serait enfin, selon l'auteur, dans la conciliation d'un haut degré de redistribution avec une grande création de richesse, ce qui est pour le moins contestable, car la baisse du niveau de vie qu'il constate plus loin est imputable en grande partie à cette prétendue conciliation des contraires et beaucoup moins à la médiocrité de ses dirigeants.

 

LES CONSÉQUENCES  

 

Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions

- que la France soit dirigée par des petits marquis:

La chute du niveau, de la prestance et de l'épaisseur est simplement abyssale.

- que les cancres triomphent;

- que les Français soient maltraités par leurs dirigeants qui les méprisent et ne les aiment pas:

L'arrogance est la marque du savoir mal acquis, trop vite et trop superficiellement.

- que ces derniers soient soumis à l'Oncle Sam et à l'Union européenne;

- que l'Histoire, toujours complexe, soit simplifiée par les soi-disant élites:

Le manichéisme est tellement confortable pour nous tous, puisque nous sommes "construits" pour aimer un camp et détester l'autre.

 

QUEL AVENIR POUR LA FRANCE ?

 

L'auteur pense que l'avenir de la France peut être:

 

- une tropicalisation, où les élites sont incompétentes, certaines de leur impunité et où la population est victime du syndrome de l'assiégé-fuyard :

Une abdication heureuse et une décivilisation festive.

C'est-à-dire une république bananière dirigée par des énarques:

Simples citoyens, cadres supérieurs, dirigeants politiques, intellectuels: ils ont rendu leur liberté et leur discernement, en contrepartie de la sécurité pour les uns et des pots-de-vin pour les autres.

 

- une guerre civile, l'assimilation étant morte le jour où la faiblesse a changé de camp, que l'auteur date du 11 novembre 2015, où un policier, Ahmed Merabet, a été assassiné par les frères Kouachi:

L'assimilation est réservée à une petite minorité d'immigrés. Habituons-nous à l'idée que des millions d'immigrés, naturalisés ou pas, n'adopteront jamais nos us et nos coutumes. Ils en sont incapables. La question ici n'est pas celle de la volonté de s'assimiler, mais de l'aptitude à vivre, peu ou prou, selon les normes françaises.

Et les contentieux ne manquant pas: le choc des racismes, le choc des mentalités, la gouvernance, la guerre contre l'État, l'échec économique et social des diasporas, le match retour de la colonisation.

 

EXPLICATIONS POSSIBLES

 

L'auteur propose trois explications aux renoncements de la France à sa puissance, à son peuple, à son génie:

 

- sa déchristianisation: Le christianisme avait mille et un défauts, il était frustration sexuelle et superstition, mais il avait l'avantage insigne de fournir un principe fédérateur où agréger toutes nos contradictions.

 

- la corruption de son caractère:

. La puissance, c'est mal. La faiblesse, c'est bien.

. L'amour du déshonneur et de la lâcheté.

. La corruption par les allocations.

. La corruption par le mimétisme: des jeunes Français de souche imitant les immigrés qui refusent de combattre dans leurs pays et ont préféré les fuir: ils seraient peut-être capables de vivre sous souveraineté étrangère du moment que leurs salaires sont garantis.

. La profanation du masculin et du féminin.

 

- le jeu double de ses élites qui ont laissé faire et encouragé le mouvement mais qui n'ont obligé personne à cracher sur les images du Christ ou à vendre son âme pour une allocation.

 

CONCLUSION

 

Accepter, se révolter ou refaire la France ailleurs, je ne vois que trois issues, à moins que la France ne se réveille de son long sommeil demain matin, et qu'elle ouvre les yeux enfin sur ce qu'elle a laissé faire et sur ce qu'on lui a fait. À ce moment-là, une autre histoire commencera.

 

Francis Richard

 

Français, ouvrez les yeux !, Driss Ghali, 240 pages, L'Artilleur

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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17 décembre 2022 6 17 /12 /décembre /2022 23:55
Le brun et le vert- Quand les nazis étaient écologistes, de Philippe Simonnot

L'écologie (le mot lui-même et la discipline scientifique) est née en 1866, grâce à un certain Ernst Haeckel (1834-1919). Beaucoup ignorent que sa première incarnation politique et pratique a été le régime nazi en 1933. Philippe Simonnot comble cette lacune avec ce livre-enquête très documenté.

 

Auparavant il rappelle qui était Ernst Haeckel: un biologiste anti-chrétien, un fervent antisémite, un moniste hostile à l'anthropocentrisme, un promoteur du darwinisme social, pour qui la maladie d'une société est causée par la présence de parasites humains, identifiés par leur race et leur religion.

 

L'inspirateur du nazisme vert est un disciple d'Ernst Haeckel, Walther Schoenichen. À partir de 1928, celui-ci dirige le journal conservateur, Protection de la Nature. En 1932 il adhère au parti nazi. Pour lui, le capitalisme, le libéralisme, le matérialisme, la démocratie sont des poisons pernicieux.

 

Ces poisons saccagent la nature, déracinent le peuple allemand en le détachant de sa fondation naturelle de la vie. Car le sang et le sol sont les forces primordiales de la vie et de l'âme [...] propres à la race allemande. Ainsi le paysage primordial doit-il être protégé des atteintes de la main de l'homme.

 

Les droits individuels, notamment les droits de propriété, doivent s'effacer devant les besoins collectifs du peuple qui sont organiques. Le grand tout - race et pays, sang et sol - assigne à chaque partie du pays sa fonction. Il est donc légitime de saisir des propriétés pour des raisons écologiques:

 

C'est seulement dans des États soumis à des régimes autoritaires que peuvent être remplies les conditions nécessaires à une organisation de l'espace avec une perspective à long terme. (Schoenichen,1942)

 

Dès le lendemain de l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, un impressionnant ensemble législatif ou réglementaire est adopté, le droit de propriété pouvant être bafoué à volonté pour la sauvegarde de la flore, de la faune et des monuments naturels, ceux qui ne doivent rien à la main de l'homme:

 

L'écologie nationale-socialiste est étatique et anticapitaliste.

 

Parmi ces lois, il y a celle de protection des animaux, c'est-à-dire de tous les êtres vivants désignés comme tels par le langage courant comme par les sciences de la nature, et celles, par exemple, interdisant l'organisation de combats de coqs ou de corridas, ou encore de couper les oreilles des chiens...

 

Parmi ces lois, il y a celle contre la dévastation des forêts, qui s'applique aussi bien aux domaines publics qu'aux domaines privés, la sainte forêt allemande étant considérée par les nazis comme un bien national, un fief du peuple, si bien que son bien-être est plus important que tout profit personnel.

 

Sous le IIIe Reich, le verdissage est de fait général. Les autoroutes doivent être respectueuses de l'environnement. Quant à l'agriculture biodynamique, rejetant l'usage de pesticides et de fertilisants chimiques, elle est imposée dans les territoires occupés et dans... les jardins de Dachau et d'Auschwitz.

 

Si des personnalités de première importance du régime nazi au plan opérationnel, tels que Walther Darré, Fritz Todt, Alwin Seifert ou Rudolf Hess, sont des écologistes convaincus, Adolf Hitler n'est pas en reste, qui pense que l'homme doit être détrôné au profit d'une nouvelle divinité: la nature:

 

À un moment donné, ose-t-il prévoir, le problème de la surpopulation se posera fatalement. Mais cette question, selon lui, sera résolue par la loi du plus fort...

 

Les écologistes allemands sont-ils aujourd'hui les héritiers de l'écolo-nazisme? En tout cas, comme lui, ils rejettent la position dominante de l'homme dans la nature, comprise par des générations de juifs et de chrétiens (Genèse 1, 26-30) et reprise par le capitalisme, trois termes honnis par le nazisme.

 

L'auteur se promettait de mener une autre enquête sur des traces clandestines de national-socialisme dans l'animalisme, l'antispécisme, le culte de "Gaïa", le nouveau paganisme, l'antilibéralisme en vogue aujourd'hui dans beaucoup de cercles écologistes. Mais il n'en aura hélas pas eu le temps1.

 

Francis Richard

 

1 - Philippe Simonnot est mort à Paris le 17 novembre 2022, peu avant la sortie de ce livre.

 

Le brun et le vert - Quand les nazis étaient écologistes, Philippe Simonnot, 232 pages, Les Éditions du Cerf

 

Livre précédent:

Chômeurs ou esclaves, Pierre-Guillaume de Roux (2013)

 

Livre précédent avec Charles Le Lien:

La monnaie - Histoire d'une imposture, Perrin (2012)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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