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16 juillet 2025 3 16 /07 /juillet /2025 18:10
Passeport pour la liberté, sous la direction de Nicolas Jutzet

Si les habitants d'un territoire donné, qu'il s'agisse d'un simple village, d'une région entière ou d'une série de régions adjacentes, font savoir par un plébiscite librement organisé, qu'ils ne veulent plus rester unis à l'État dont ils sont membres au moment de ce choix, mais préfèrent former un État indépendant ou se rattacher à un autre État, alors il faut respecter leurs désirs et leur donner satisfaction.

Ludwig von Mises

 

Cette épigraphe donne matière à réflexion dans un monde où l'État moderne est présenté comme la solution alors qu'il est le problème...

 

Quinze auteurs ont contribué à ce volume, par ordre alphabétique:

  • Mathilde Berger-Perrin
  • Patri Friedman
  • Bruno Fuligni
  • Titus Gebel
  • Graziano Graziani
  • Christoph Heuermann
  • Nicolas Jutzet
  • Hans-Adam II de Liechstentein
  • Ash Milton
  • Daniel Model
  • Grégoire Osoha
  • Paul Romer
  • Jason Sorens
  • Brad Taylor
  • Jeffrey Tucker

 

Ces auteurs ont contribué sous forme d'articles ou d'interviews, sous la direction de Nicolas Jutzet, qui a pris neuf fois la plume, sous une forme ou une autre.

 

Dans leur préface, Jérémie Bongiovanni et Diego Taboada, qui, avec Nicolas Jutzet, forment l'équipe du média Liber-thé, posent les questions auxquelles ce volume tente de répondre:

 

Et si l'État-nation était obsolète? La solution réside-t-elle dans des modèles concurrents? En nous intéressant à d'autres types d'organisation sociale, nous avons souhaité penser notre monde contemporain, ainsi que celui de demain, à travers le prisme de la liberté.

 

Dans son introduction, Nicolas Jutzet enfonce le clou:

 

Les démocraties occidentales sont devenues des mastodontes, lents et intrusifs, qui semblent régulièrement inaptes à faire face à un monde moderne dans lequel la technologie rend la gestion décentralisée de différents défis plus facile.

 

Les hommes épris de liberté ont le choix entre:

  • réformer les institutions de l'intérieur, mais un individu n'a qu'une influence anecdotique sur les institutions qui le gouvernent,
  • rejoindre un territoire qui correspond mieux à ses aspirations,
  • créer un territoire de toutes pièces.

 

En réalité: 

  • pour réformer de l'intérieur, l'influence par la culture semble la plus crédible, mais demande du temps et de se rassembler en un lieu pour avoir du poids, 
  • pour rejoindre un territoire plus libre, le choix est de plus en plus réduit: même la Suisse n'est plus ce qu'elle était,
  • pour créer un territoire de toutes pièces, il faut surmonter de nombreux obstacles sans garantie de succès.

 

Le livre donne des exemples d'alternatives aux États modernes:

  • Sealand, établi sur une ancienne plate-forme militaire, située à six miles de la côte est de la Grande-Bretagne, en dehors des eaux territoriales,
  • l'Île de la Rose, une île artificielle que l'État italien a détruit brutalement,
  • la Principauté de Hutt River, en Australie occidentale, devenue destination touristique, victime de la pandémie,
  • Liberland, territoire non revendiqué, coincé entre la Serbie et la Croatie,
  • Avalon, micro-État, à Müllheim, dans le canton de Thurgovie,
  • le SY Staatenlos, un catamaran, un sans État fixe,
  • les Free Staters du New Hampshire,
  • les villes privées libres, telles que Monaco, bien que monarchie constitutionnelle, ou Prospera au Honduras,
  • le Lichtenstein, laboratoire de l'État du futur,
  • les zones économiques spéciales,
  • le seasteading, dans la lignée de Sealand, i.e. la création de territoires libres, sur l'océan.

 

L'ouvrage se termine par le rêve de s'installer sur Mars, de substituer donc l'espace à l'océan, solution qu'Elon Musk envisage sérieusement... et par le rêve du Ravin de Galt, un monde sans parasites imaginé par Ayn Rand dans son roman Atlas Shrugged, qui ne pourrait devenir réalité que si les hommes étaient rationnels...

 

La sécession, dont parle Ludwig von Mises dans le texte mis en exergue, peut très bien se réaliser à titre individuel sinon collectif. Dans sa contribution, Jeffrey Tucker montre la voie:

 

Le numérique a largement contribué à faire tomber les barrières physiques qui nous séparent. Aujourd'hui, chacun peut entretenir des relations mutuellement productives avec des personnes du monde entier. Nous découvrons tous que nous avons plus en commun les uns avec les autres en tant que personnes qu'avec nos gouvernements. Nous pouvons travailler avec ce modèle et, si on nous le permettait mettre en oeuvre une sécession sans jamais quitter notre chaise de bureau.

 

Francis Richard

 

Passeport pour la liberté, sous la direction de Nicolas Jutzet, 268 pages, Liber-thé (première édition 2022)

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3 mai 2025 6 03 /05 /mai /2025 19:35
La diffusion du wokisme en Suisse, de Jonas Follonier

Le wokisme n'existe pas, et pourtant il existe... C'est cette contradiction qu'Olivier Massin, professeur de philosophie à l'Université de Neuchâtel, lève dans son introduction au livre courageux de Jonas Follonier sur sa diffusion en Suisse. 

 

INTRODUCTION

 

Pour les adeptes de cette idéologie, le wokisme n'existe pas. Pour ceux qui osent le combattre, il existe. À partir du moment où, construit à partir du mot woke (signifiant éveillé), il est devenu péjoratif, ses adeptes lui ont préféré politique des identités

 

Cette quatrième idéologie politique, les trois autres étant le libéralisme, le socialisme et le conservatisme, se caractérise, selon le professeur, par trois thèses:

  • Omniprésence de l'oppression
  • Construction sociale des identités
  • Autorité de l'expérience des victimes

 

En conséquence de quoi:

  • Il faut supprimer l'oppression
  • Il faut affirmer nos identités
  • Nos identités sont définies par les relations d'oppression

 

Comme le souligne le professeur:

La vérité de deux de ses affirmations, quelles qu'elles soient, implique la fausseté de la troisième.

 

De plus, les trois autres idéologies y voient chacune deux objections rédhibitoires, exprimant leur rejet de cette intruse, qui n'est pas à minimiser:

  • elle passe inaperçue parce qu'elle est mal nommée,
  • elle sème la confusion dans les esprits, en faisant appel à la morale...

 

 

LE WOKISME

 

Jonas Follonier, dans son essai, revient sur la définition du wokisme, qui ne se laisse pas nommer pour ne pas être combattu, et en re-formule les thèses fondatrices:

  • Il y a des relations d'oppression cachées partout dans la société.

(Marx ne disait pas autre chose)

  • Ces relations d'oppression définissent l'identité des personnes.

(Ce qui crée une tension fondamentale au sein du wokisme)

  • Les seules personnes qui peuvent percevoir ces relations d'oppression sont celles qui en sont les victimes.

(Il n'y a plus de vérités objectives)

 

Jonas Follonier en conclut, à raison, que le wokisme n'a rien à voir avec l'individualisme libéral: les individus n'y ont de droits que parce qu'ils appartiennent à un groupe; ni donc avec l'universalisme libéral.

 

LA DIFFUSION

 

Où le wokisme se diffuse-t-il en Suisse?

  • Dans les universités, où les contradicteurs sont exclus du débat, où la présomption d'innocence est remplacée par la présomption de culpabilité, où l'égalité de fait remplace l'égalité de droit, où les quotas de genre se substituent aux compétences pour les recrutements, où l'écriture inclusive présuppose qu'il y a un continuum entre le sexisme dans la vie et le "sexisme dans la langue".
  • Dans les écoles primaires: l'auteur donne l'exemple d'une école où la fête des mères [a été] abrogée pour ne discriminer personne.
  • Dans les médias étatiques, où le langage inclusif est imposé et où le financement des films est subordonné à l'observation de critères de diversité.
  • Dans la culture: l'auteur donne les exemples de la comédienne Claude-Inga Barbey lynchée pour transphobie, de passages de Molière et de Racine sont coupés parce que sexistes, et de Nemo, le vainqueur suisse de l'Eurovision 2024, plaidant pour l'inscription d'un troisième sexe...
  • Dans l'espace public: l'auteur donne les exemples de la vandalisation de la statue de David de Pury à Neuchâtel considéré à tort comme esclavagiste, de l'abbatiale de Romainmôtier, qui affiche à l'entrée la liste des groupes bienvenus, ou des vestiaires, sanitaires et douches non genrées de la piscine de Mon-Repos à Lausanne (coût: 3 millions CHF)...

 

LE COMBATTRE

 

Pour combattre le wokisme, la Suisse dispose de plusieurs armes:

  • La discussion démocratique.
  • L'échange culturel.
  • Le libéralisme économique, du moins dans le secteur privé, où l'adhésion des consommateurs est déterminante.
  • La prévalence de conditions cadres libérales où, dans une logique économique, les individus coopèrent de façon à se répartir les tâches en fonction de leurs aptitudes, le plus harmonieusement et naturellement possible.

 

CONCLUSION

 

L'auteur conclut:

Pour donner un sens à sa vie, qui en soi a quelque chose de lassant, de pesant, d'éprouvant, l'être humain dispose d'instruments que sont la raison, la curiosité, l'humour, le goût, la faculté de créer des oeuvres d'art et d'en apprécier... Autant de manières universelles pour les personnes de devenir des individus.

 

Et de recommander la lecture de Rabelais où se trouve tout ce qui est humain et que nous devons préserver. Ce qui suppose un consensus sur les bienfaits de la discussion permanente...

 

Francis Richard

 

La diffusion du wokisme en Suisse, Jonas Follonier, 120 pages, Slatkine

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30 avril 2025 3 30 /04 /avril /2025 22:45
La malédiction du vainqueur, de Pierre Bentata

C'est cela, la malédiction du vainqueur: endosser le rôle de porteur d'espoir. Rappeler par sa seule présence qu'il existe un endroit - qui ne demande qu'à s'étendre - où l'homme est son seul maître et la quête du bonheur son unique salut.

 

Le sous-titre souligne le propos du livre de Pierre Bentata:

Pourquoi croyons-nous que l'Occident est décadent?

 

 

LE TRIOMPHE DE L'OCCIDENT

 

L'auteur commence par définir ce qu'est l'Occident: c'est une société dont la liberté individuelle est la clé de voûte.

 

La liberté individuelle? La liberté d'entreprendre, de croire, de s'exprimer, de découvrir pour soi la voie d'un salut, hic et nunc, et tout cela, au sein d'hommes et de femmes bénéficiant des mêmes privilèges.

 

Comment peut-elle s'exercer? Par des institutions bien spécifiques, c'est-à-dire par un gouvernement des hommes et un droit qui s'applique à tous, universel et libéré de l'arbitraire.

 

L'Occident serait-il en déclin? Le revenu moyen d'un Européen, en parité de pouvoir d'achat, est trois fois plus élevé que la moyenne mondiale.

 

Le secret, qui n'en est pas un, est que liberté et prospérité vont de pair. Comment? Grâce à la promotion de la liberté individuelle à tous les niveaux de décision.

 

Ainsi, pour distinguer les bonnes créations des mauvaises, rien de tel que le recours au marché: chacun votant avec ce qui lui est le plus cher, son porte-monnaie, la sanction est aussi immédiate que radicale

 

 

LES RÉSULTATS

 

L'auteur argumente:

  • Au cours des cinq dernières générations les revenus n'ont cessé d'augmenter.
  • Certes la démographie recule, mais cela n'impactera pas la croissance (la numérisation permet déjà, et permettra, d'immenses gains de productivité) ni les retraites si le système est réformé (par la capitalisation).
  • Sans le recul du temps, il est difficile de savoir si des chefs-d'oeuvre sont produits compte tenu de la véritable explosion de créations artistiques, sur tous supports.

 

Il concède toutefois que la démocratie s'enlise: certes elle n'avance plus, mais il ajoute: sans pour autant sombrer.

 

 

POURQUOI TOUT IRAIT MAL ?

 

Réponses:

  • Parce que l'être humain, ayant lutté pour sa survie est sensible à la moindre menace: c'est le biais de négativité.
  • Parce que l'être humain a tendance à penser que c'était mieux avant: c'est le biais de positivité mnésique.
  • Parce que l'être humain, parvenu au bien-être, a une sensibilité accrue au moindre déplaisir.

 

De plus, il est plus louable d'être victime que bourreau.

 

La conséquence? La passion pour l'égalité, avec pour corollaire que tout ce qui est hérité ou déterminé doit disparaître.

 

Alors que, selon l'auteur, la démocratie libérale permet de concilier le fait que l'homme a un monde en lui mais ne peut vivre sans les autres, l'Occidental ne peut se résoudre à la subsistance du moindre défaut:

La perfection est pour maintenant, pense-t-il. Aussi, dès que son idéal se heurte à la réalité, s'accroche-t-il à la première et renie-t-il la seconde.

 

Pourtant, précise l'auteur, frustration et impatience sont les carburants du progrès occidental.

 

 

LA SUPÉRIORITÉ DE L'OCCIDENT

 

Ce qui fait, paradoxalement, la supériorité des démocraties libérales sur les nations autoritaires, c'est l'existence de multiples organes de décision, leur recherche par petites touches d'un consensus entre une myriade d'intérêts contradictoires, lequel est finalement obtenu grâce à quelques principes:

  • état de droit,
  • équilibre des pouvoirs,
  • autonomie,
  • liberté.

 

En réalité, par rapport aux états autoritaires, les démocraties libérales ne sont pas moins réactives, elles sont plus soucieuses de liberté. Elles ne sont pas moins agiles, elles sont plus stables. Les dirigeants n'y ont pas moins de poigne, ils sont tenus. Etc.

 

C'est pourquoi l'auteur demande qu'elles assument: 

[La] valeur cardinale [de l'Occident] n'est ni la tolérance, ni l'hospitalité, mais la dignité humaine.

 

 

CONCLUSION

 

Pour jouir du progrès, de la prospérité et de la santé, il faut prendre tout le paquet: liberté, égalité, fraternité, soit une démocratie et un marché.

 

Francis Richard

 

 

PS

Ce qui nuit quelque peu à la démonstration de l'auteur, c'est quand il dit du président Macron, incidemment (à propos de la punition qui lui a été infligée par le résultat des élections législatives de 2024), contre les faits (la démocratie française est de moins en moins libérale depuis qu'il la préside...), qu'en matière de pouvoir d'achat et d'économie aucun président n'a eu un bilan aussi bon que lui...

 

La malédiction du vainqueur, Pierre Bentata, 240 pages, Éditions de l'Observatoire

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26 avril 2025 6 26 /04 /avril /2025 20:00
Un libéral nommé Jésus, de Charles Gave

Ce livre, paru une première fois il y a tout juste vingt ans, n'a pas vieilli, et pour cause.

 

Dans ce livre, Charles Gave ne fait pas d'exégèse religieuse. Il étudie les Évangiles en utilisant les outils de son métier d'économiste. C'est un livre sur l'économie à la lumière des Évangiles.

 

À l'origine de la civilisation occidentale, il y a une synthèse entre la logique grecque et la morale chrétienne, c'est-à-dire entre une méthode et une éthique, écrit-il dans son avant-propos.

 

L'une ne va pas sans l'autre, autrement dit la liberté n'est pas sans l'égalité devant Dieu.

 

L'INDIVIDUALISME LIBÉRATEUR

 

Ce qui frappe dans les Évangiles c'est que, si l'on en croit Jésus, Dieu ne s'intéresse qu'à chacun d'entre nous, un par un, et veut développer avec chacun d'entre nous une relation individuelle:

Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.

Nul ne vient au Père que par Moi.

 

En conséquence:

  • Il n'y a pas d'amour collectif.
  • Il n'y a pas de responsabilité collective.
  • Il n'y a pas de morale collective.

 

La religion chrétienne diffère des autres religions:

  • Elle ne repose pas sur un livre, mais sur un homme, vraiment homme et vraiment Dieu.
  • Le message des Évangiles est un cri d'individualisme libérateur, et certainement pas un appel à l'on ne sait quel communautarisme.

 

Qu'est-ce que la liberté? L'auteur cite Jean-Paul II:

La liberté, c'est de pouvoir et de vouloir faire ce que l'on doit faire.

 

LE SOCIALISME MORALEMENT PERVERS ET ÉCONOMIQUEMENT DÉSASTREUX

 

Au contraire de la morale chrétienne qui est individuelle, la morale socialiste est collective:

Les socialistes n'ont jamais reconnu la capacité de l'être humain, quand il est libre, à concevoir des inventions.

 

Il n'est donc pas étonnant que pas une invention [ne soit] à mettre au crédit du socialisme, pas une seule, en deux cents ans.

 

Aussi les socialistes ne prétendent-ils plus qu'ils savent comment faire marcher la machine. Ils disent maintenant: Nous devons gouverner parce que nous savons discerner le bien du mal...

 

LES LEÇONS DES ÉVANGILES

 

Parabole du denier à César (Luc, XX, 21-26):

Il faut sortit l'"Église" et les prêtres laïcs de l'État.

 

Parabole des talents (Matthieu, XXV, 14-30) :

  • Le capital doit être rémunéré.
  • Il n'est pas d'égalité des chances, ni de résultats.
  • Il faut rendre des comptes.
  • Le capital doit avoir fructifié (pour cela il faut prendre des risques).

 

La valeur est subjective (Luc, XXI, 1-4):

La veuve très pauvre a donné son nécessaire, c'est-à-dire plus que des riches qui ont donné leur superflu.

Ce qui veut dire: pour que les valeurs puissent se concrétiser dans des actions, il faut que les prix soient libres.

Pourquoi? Parce que les préférences individuelles exprimées par les prix sont les informations de base dont les entrepreneurs ont besoin pour ajuster leur production à la demande.

Or les prix en France ne le sont pas puisque plus de 50% du PIB sont organisés selon des principes qui interdisent la liberté des prix et la liberté de choix...

 

Parabole du jeune homme riche (Matthieu, XIX,16-26):

À aucun moment, le Christ ne dit que la richesse est mauvaise.

 

Le Décalogue et le message du Christ: Je ne suis pas venu abolir la loi mais l'accomplir. ( Matthieu, V, 17):

L'envie et la jalousie [y] sont fondamentalement contraires.

 

Le jeune homme qui voulait que le Christ demande à son frère de partager avec lui leur héritage: Ô homme, qui m'a établi pour être votre juge et pour faire vos partages? (Luc, XII, 13-14):

Jésus se contrefout de la justice sociale [...] Parce que la justice sociale est une notion collective.

 

Parabole du maître qui envoie ses ouvriers travailler à sa vigne (Matthieu XX, 1-15):

Ce qui compte pour le maître, ce n'est pas combien il paie ses ouvriers mais combien ses ouvriers lui rapportent.

 

Charles Gave ajoute: 

Décidément, dans les Évangiles, la "valeur travail" est victime d'une condamnation irrévocable.

 

(Ce concept de valeur travail est la cause du cancer étatique qui ne cesse de croître en France et qui fait mourir lentement mais sûrement son système économique.) 

 

Autre leçon de cette parabole:

Le maître est libre de faire ce qu'il veut avec son argent, et il entend le rester. Sa liberté individuelle passe par son droit de propriété.

 

Charles Gave rappelle les conditions d'un équilibre harmonieux dans le monde économique. Il faut:

  • du capital;
  • du travail;
  • un contrat entre les parties;
  • le respect du contrat.

 

(La différence entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament se trouve dans les contrats: ils étaient collectifs; avec le Christ, ils deviennent individuels.)

 

Parabole du roi qui avait prêté à un serviteur qui ne pouvait pas le rembourser (Matthieu XVIII, 23-34):

À l'évidence, pour le Christ, c'est une mauvaise idée d'avoir une dette, car cela met en danger la liberté personnelle et augmente le risque de se retrouver en prison.

 

Une autre parabole, celle de l'homme riche qui avait un gérant explique comment s'en sortir (Luc, XVI, 1-10):

La solution la plus élégante est, de loin, celle que le gérant-serviteur a choisi: il demande à ses débiteurs de rembourser ce qu'ils peuvent  - il les connaît bien - sans mettre en danger leurs entreprises.

 

CONCLUSION

 

La liberté peut s'exercer dans trois domaines fort distincts:

  • La liberté civique, c'est de pouvoir faire élever ses enfants dans les écoles de son choix, créer des associations de quartier, un syndicat, voyager librement...
  • La liberté économique, c'est la possibilité de créer son entreprise, embaucher, débaucher, fixer ses prix, acheter, vendre, commercer... et le respect du droit de propriété. 
  • La liberté politique, enfin, c'est de pouvoir créer un parti politique, se présenter, voter sans crainte de représailles, manifester dans la rue...

 

Les socialistes, quand ils parviennent au pouvoir politique, n'ont de cesse de s'ingérer dans les deux autres domaines, prétendant qu'étant bons et généreux par nature, l'État sera bon et généreux.

 

Le communisme fut mortellement atteint par L'Archipel du goulag de Soljenitsyne, puis par l'élection de Jean-Paul II, enfin par la création de Solidarnosc par Lech Walesa:

 

Il faut que chaque chrétien reprenne pour lui-même l'analyse de saint Jean-Paul II, Soljenitsyne et Lech Walesa. Le postulat évangélique de base, c'est la liberté individuelle. 

 

Francis Richard

 

Un libéral nommé Jésus, Charles Gave, 200 pages, Éditions Pierre de Taillac

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27 mars 2025 4 27 /03 /mars /2025 20:20
Laissez-moi faire et je vous rendrai riche, de Deirdre McCloskey & Art Carden

Comment le Pacte bourgeois a enrichi le monde.

 

Tel est le sous-titre de la thèse de Deirdre McCloskey et Art Carden.

 

Le fait est qu'il s'est produit un enrichissement spectaculaire de l'humanité depuis deux siècles:

 

Après 1800 environ, un tsunami d'améliorations a déferlé sur l'Occident, puis sur une grande partie du reste du monde.

 

Cet enrichissement est scientifiquement indubitable:

 

L'ampleur de l'amélioration [...] se situe entre 1'000 et 10'000% - selon les lieux où elle est mesurée et les critères d'améliorations retenus.

 

Et il devrait se poursuivre:

 

Le monde continue de s'améliorer. Laissons-le faire, sans nous laisser envoûter par un pessimisme qui n'a rien de scientifique.

 

 

LES FAITS CONTREDISENT LE PESSIMISME

 

Il y a deux modèles de société:

  • Le modèle libéral: il a effectivement rendu les gens riches, libres et respectueux d'eux-mêmes.
  • Le modèle étatiste: qu'il soit socialiste, fasciste ou populiste, il se traduit par l'imposition de charges à un groupe pour en faire bénéficier un autre et, en fin de compte, à tout le monde, avec pour conséquence de rendre les gens pauvres et serviles.

 

C'est le premier modèle, celui du Pacte bourgeois, que défendent les auteurs. Il a permis ce qu'ils appellent le Grand enrichissement. Non seulement celui-ci a multiplié les possibilités de se nourrir, mais aussi les sources d'art et de spiritualité.

 

Ce Grand enrichissement s'est-il fait au détriment de l'environnement? Non, parce que le bilan environnemental 1 s'est amélioré, grâce à la réglementation et aux progrès du commerce.

 

Ne s'est-il pas fait au détriment des liens sociaux? Non, les vieux liens [ont été] remplacés par des liens nouveaux, infiniment plus nombreux.

 

Le monde n'est-il pas moins sûr qu'avant? Non, c'est l'ampleur de la couverture médiatique qui donne l'impression que la criminalité est en hausse à l'échelle planétaire 2.

 

Le Grand enrichissement ne s'est-il pas fait au détriment des pauvres? Non, ce sont eux qui en ont été les grands gagnants: leur nombre a diminué, l'espérance de vie a augmenté, la mortalité infantile a diminué, l'alphabétisation a été en plein essor, les conditions de vie se sont améliorées sans que syndicats et réglementations y soient pour quelque chose.

 

[Le Grand enrichissement] n'est pas à l'abri d'un revers inattendu, mais les six grandes crises financières 3 qui se sont produites depuis 1800 n'ont pas empêché qu'il se poursuive. Et les auteurs de verser à l'appui de leurs dires, la règle des 72:

 

Toute chose [...] qui présente une croissance de 1% par an doublera en soixante-douze ans environ.

 

Mais, pour qu'il y ait croissance, si minime soit-elle, encore faut-il que les participants du système social adoptent une certaine éthique, à savoir que les échanges soient avantageux pour les deux parties et pour le reste de la communauté:

 

L'éthique comporte trois niveaux: ce qui est bon pour soi, ce qui est bon pour autrui et ce qui favorise la visée transcendante de la vie.

 

Quel est le meilleur système éthique? L'innovisme libéral.

 

 

LES CAUSES DU GRAND ENRICHISSEMENT

 

Les causes nécessaires du Grand enrichissement, mais insuffisantes, sont des idées géniales:

  • les droits de propriété,
  • l'éthique du travail,
  • la société de consommation,
  • la concurrence.

 

La médecine moderne et la science, qu'il faut distinguer de la technologie à l'origine du bien-être mondial, en sont les produits.

 

Les causes du Grand enrichissement ne sont ni l'esclavage ni le système impérial: ils ont été pratiqués par maints peuples sans le produire, ou marginalement; ils ont été des fléaux et n'ont pas apporté de progrès économiques.

 

La thèse des auteurs est qu'avec le libéralisme chacun s'est senti autorisé à tenter sa chance: des milliers d'améliorations ont alors été rendues possibles; les gens ont adopté la dissidence avec modification.

 

Cette égalité libérale des personnes, les auteurs l'appellent innovisme, qu'ils préfèrent à capitalisme, connoté avec accumulation.

 

Ce qui nous a rendu riches, ce sont de bonnes et de nouvelles idées en matière d'investissement du capital, de direction de la main d'oeuvre, d'aménagement du territoire, et non les investissements eux-mêmes, aussi nécessaires soient-ils.

 

Comment en est-on arrivé là en Occident (Nord-ouest de l'Europe et États-Unis)? Les auteurs l'expliquent par quatre facteurs, qu'ils qualifient de heureux hasards:

  • la lecture largement diffusée,
  • la Réforme rendue possible par la lecture,
  • la révolte de la Hollande contre l'Angleterre entre 1568 et 1648,
  • la révolution, qu'elle soit anglaise, américaine ou française, en élevant les idées politiques radicales sur la liberté et l'égalité au rang de nouvelle idéologie.

 

Ni les ressources en elles-mêmes, ni les moyens de transport, ni le commerce, ni les droits de propriété, ni les contrats, ni les lois, ni la frugalité, ni l'accumulation de capital, ni l'école, ni la science (ils ne sont pas particuliers à l'Europe du nord-ouest, ni plus généralement à l'Occident) n'expliquent le Grand enrichissement

 

Ce sont l'accumulation d'améliorations et la généralisation de l'ingéniosité humaine, lesquelles sont dues à ce qu'Adam Smith définissait comme un vaste et noble plan d'égalité, de liberté et de justice.

 

L'élite technique à l'origine de cette accumulation et de cette généralisation se composait de gens ordinaires libérés de la répression qui étouffait alors leurs espoirs:

 

Cette libération constitue le seul moyen d'obtenir une masse de personnes techniquement qualifiées qui ne visent pas des luxes rares ou des victoires militaires mais des biens ordinaires, utiles en temps de paix au commun des mortels.

 

 

CONCLUSIONS

 

Le Pacte bourgeois est une pièce en trois actes:

Acte I: permettre aux gens ordinaires d'acheter à bas prix, de vendre à prix fort, d'imaginer des améliorations.

Acte II: permettre à d'autres acteurs d'investir le marché et de faire concurrence.

Acte III: constater, une fois le calme revenu, le Grand enrichissement de tous.

 

Il a au cours des siècles été en concurrence avec quatre autres pactes:

  • Le Pacte aristocratique, ou extorsion contre protection,
  • Le Pacte bolchevique, ou chacun selon ses besoins, i.e. remise de tous les biens au Parti qui décide de leur distribution,
  • le Pacte bismarckien, ou État-providence, i.e. invitation à renoncer à être adultes pour devenir enfants de l'État,
  • le Pacte bureaucratique, ou amélioration avec autorisation, i.e stagnation technologique due aux milliers de pages de règlements.

 

Il leur a répondu: Mêlez-vous de vos affaires!

 

Le Grand enrichissement est finalement dû aux quatre facteurs rappelés ci-dessus, qui ont induit des changements d'éthique, de rhétorique et d'idéologie, et ont conduit à la Revalorisation bourgeoise, i.e. la revalorisation du commerce et de l'amélioration.

 

[Le Pacte bourgeois] s'est lentement étendu à toutes les classes sociales, et a été protégé en partie des autres pactes - l'aristocratique, le bolchevique, le bismarckien et le bureaucratique - par le libéralisme et l'innovisme chez les roturiers.

 

Les auteurs recommandent, à raison, de lire la Théorie des sentiments moraux, la théorie éthique d'Adam Smith:

 

Sur les sept vertus principales que sont le courage, la justice, la tempérance, la prudence, la foi, l'espérance et l'amour, il retient les trois premières et un soupçon de la dernière.

 

Le lecteur comprend alors que le libéralisme n'est pas ce qui en est dit: il est la théorie de l'âge adulte, tandis que le nationalisme, c'est le père, et le socialisme, c'est la mère.

 

Ils concluent:

 

Nous devrions tous aspirer à être des adultes libres - des adultes éventuellement protégés par un État modéré (contre une invasion du pays voisin, par exemple, ou contre une épidémie de Covid-19 4), des adultes éventuellement taxés (en vue de financer, par exemple, un filet de sécurité efficace aidant les pauvres et handicapés), mais, par-dessus tout, des adultes laissés libres d'entreprendre. Ce qui est, après tout, la définition même du Pacte bourgeois.

 

Francis Richard

 

1 - Les auteurs ne mettent pas en doute, à tort, que le réchauffement climatique soit d'origine anthropique, mais sont convaincants quand ils disent que, si la réduction des émissions de carbone se traduisait par une réduction de 20% du revenu mondial par tête, il y aurait encore une jolie somme à dépenser pour améliorer nos émissions, et transformer la vie des pauvres à l'échelle de la planète. 

2 - Le monde est peut-être plus sûr à l'échelle planétaire, mais la sécurité se dégrade en certains lieux, et ce n'est pas un sentiment.

3 - 1848, 1916, 1933, les années 1970, les années 1990, 2008.

4 - Dans bien des pays, l'État ne s'est pas montré modéré pendant cette épidémie et leurs habitants en payent toujours les conséquences ...

 

Laissez-moi faire et je vous rendrai riche, Deirdre McCloskey & Art Arden, 312 pages, éditions markus haller (traduit de l'anglais par Patrick Hersant)

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2 mars 2025 7 02 /03 /mars /2025 23:55
Libéral ou conservateur? Pourquoi pas les deux?, de Jean-Philippe Delsol

Libéral pour avancer et conservateur pour retenir ce qui a réussi.

 

Quels sont les points communs du libéral et du conservateur?

  • Le respect de la même justice pour tous.
  • L'attachement à la propriété privée.
  • L'attachement à la singularité humaine.

 

Ils diffèrent quelque peu sur le rôle de l'État:

  • Les conservateurs justifient l'autorité de l'État en comparant la société à la famille.
  • Les libéraux sont convaincus que tout pouvoir a tendance à abuser du... pouvoir.

 

Le libéral et le conservateur pourraient convenir ensemble de limiter le domaine d'intervention de l'État, parce qu'ils ont des valeurs communes:

  • La liberté: elle n'est pas une fin mais le moyen nécessaire pour découvrir la vérité et échanger avec les autres: la concurrence optimise.
  • La responsabilité: elle est individuelle et s'oppose à l'assistance de l'État.
  • La propriété: elle est gardienne et garantie des droits individuels; elle s'acquiert par le labeur, la donation ou la succession; elle est utile parce qu'un propriétaire assume la responsabilité de sa propriété.
  • La dignité: elle est respect de soi-même autant que des autres, de sa propre intégrité et de celle des autres; elle est incompatible avec la redistribution.

 

Ces valeurs devraient se retrouver dans le droit et les institutions:

  • La démocratie parlementaire est un des régimes possibles à condition de ne pas gérer la vie des individus mais de permettre à chacun de se prendre en main et de réaliser ses propres desseins.
  • L'état de droit, constitué par les lois, devrait soustraire les individus à l'arbitraire de l'État et fixer des règles valables pour tous, y compris les hommes de l'État.
  • Les pouvoirs devraient être séparés horizontalement entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire, verticalement entre les pouvoirs central et locaux pour limiter l'État qui ne doit avoir qu'un rôle subsidiaire1.
  • Ce rôle subsidiaire devrait être celui de l'Union européenne, dont les technocrates, au contraire, multiplient charges sociales, fiscales et réglementaires dont ils s'exonèrent.

 

C'est pourquoi, selon Jean-Philippe Delsol, libéraux et conservateurs devraient s'unir pour supprimer la pauvreté des travailleurs:

  • en réduisant drastiquement les dépenses et les dettes publiques, qui résultent d'un assistanat généralisé;
  • en supprimant les subventions aux entreprises, qui portent atteinte à la concurrence;
  • en leur permettant de travailler plus pour gagner plus;
  • en leur versant le salaire complet (salaire net + charges sociales employé et employeur), ce qui leur donnerait la liberté de choisir leurs assurances, chômage, maladie et retraite, à de meilleures conditions que celles du système étatique actuel, ou, s'ils le souhaitent, d'y rester...

 

Pour que ces valeurs soient partagées avec le plus grand nombre, encore faut-il que les esprits soient nourris de liberté. Ils ne peuvent l'être qu'à l'école en y acquérant de la culture, qui rend témoignage de la quête d'enracinement autant que d'éternité inscrite dans la nature humaine.

 

Sont opposés à la culture qui émancipe les adeptes de la déconstruction, du wokisme 2, de l'écriture inclusive, de la méthode globale d'apprentissage de la lecture, de l'antispécisme, de l'écologisme, de la théorie du genre etc. Pour les contrecarrer, il faudrait: 

  • Donner la liberté à l'école en la finançant par les bons scolaires, ce qui donnerait le choix aux parents pour leurs enfants.
  • Rétablir la liberté d'expression en abolissant les lois qui la restreignent et en la garantissant contre les violences dans les lieux publics.
  • Rétablir la liberté culturelle en faisant en sorte qu'elle vive de ses publics plutôt que de l'argent public.
  • Rappeler que l'homme, disposant d'un libre arbitre, n'est pas un animal.
  • Cesser d'adorer la planète, récuser les propos apocalyptiques, défendre paisiblement la nature et s'adapter aux variations du climat qui ont toujours existé.
  • Refuser que les LGBTQQIAAP imposent aux autres leur façon de faire ou de vivre.

 

Pour un libéral-conservateur:

  • Au contraire de Hegel, l'État ne doit pas consentir la liberté - elle est naturelle - mais la faire respecter, la garantir.
  • Au contraire de Hobbes, l'État ne doit pas être le grand Léviathan, le gouvernement de la vertu, et réduire la liberté de l'individu à sa conscience intérieure.
  • Au contraire des libertariens, l'État est nécessaire pour donner force légale à un état de droit.
  • Au contraire des utilitaristes, le droit est un principe et l'utilité n'est qu'un résultat.

 

Conclusion:

N'est-il pas temps de proposer [...] de revenir à une société ouverte et subsidiaire, une société de confiance, absolument ferme sur les droits et libertés de chacun, tolérante à tous autres égards, réduite à des normes élémentaires et rendant à chacun sa responsabilité pour le reste, protectrice des incapables autant qu'attentive à ce que chacun puisse librement exercer toutes ses capacités, disposer d'une éducation à sa mesure, accéder à une culture de qualité, une société représentative d'un grand pays fier de son passé et riche de sa diversité d'idées et d'initiatives autant qu'intransigeant et fort dans son soutien aux nations et peuples amis et fidèles à nos valeurs lorsqu'ils sont attaqués.

 

Francis Richard

 

1 - La Suisse y a trouvé son succès en ayant trois strates d'organisation territoriale, la commune, le canton et l'État confédéral, ayant chacune ses compétences et ses budgets propres, la Confédération n'ayant qu'un rôle subsidiaire, y compris pour accessoirement jouer un rôle redistributif entre les cantons qui détiennent le pouvoir souverain.

2 - C'est à cette idéologie qu'il faut opposer la raison, la vertu et le sens de la mesure. Il ne s'agit pas de la combattre en la muselant, mais de lui rappeler qu'on ne change pas le passé, qu'on ne construit que le futur. Ni la vérité ni la culture ne vivent de censure.

 

Libéral ou conservateur? Pourquoi pas les deux?, Jean-Philippe Delsol, 168 pages, Manitoba

 

Livres précédents de Jean-Philippe Delsol:

Pourquoi je vais quitter la France Tatamis (2013)

L'injustice fiscale ou l'abus de bien commun Desclée de Brouwer (2016)

Éloge de l'inégalité Manitoba (2019)

Civilisation et libre arbitre Desclée de Brouwer (2022)

 

Livres précédents de Jean-Philippe Delsol et Nicolas Lecaussin:

A quoi servent les riches JC Lattès (2012)

Échec de l'État Éditions du Rocher (2017)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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20 octobre 2023 5 20 /10 /octobre /2023 20:45
Ayn Rand - L'égoïsme comme héroïsme, de Mathilde Berger-Perrin

La raison d'être d'un idéal n'est-elle pas de rester un idéal? Sa vision de l'indépendance, trop rationnelle pour être réalisable, doit cependant rester un horizon, une exigence personnelle.

 

Ainsi Mathilde Berger-Perrin  parle-t-elle de l'idéal d'Ayn Rand, tel qu'il apparaît dans sa vie et dans ses oeuvres.

 

LES HÉROS RANDIENS

 

Cet idéal est exprimé dans ses romans: tous ses héros sont seuls contre tous, ce sont des créateurs, favorables au progrès technologique, des hommes libres.

 

Ils ne doutent pas du génie humain et du progrès, ce qui les  oppose aux dieux et à l'obscurantisme. Ils sont simples et sans concession, arrogants, une qualité.

 

Ce sont des égoïstes rationnels, c'est-à-dire qu'ils font passer leurs intérêts au-dessus des autres, mais ce n'est jamais à leur détriment. Ce qui les distingue.

 

Ils créent et n'exploitent pas les créations des autres, ce qui les rend responsables et indépendants, incorruptibles, intègres. Aussi leur égoïsme est-il vertueux.

 

L'OBJECTIVISME

 

Sa philosophie s'appelle l'objectivisme: le réel objectif existe, indépendamment de la perception, comme l'ont dit avant elle Aristote et Thomas d'Aquin:

 

Métaphysique: la réalité objective; Épistémologie: la raison; Éthique: l'intérêt personnel; Politique: le capitalisme.

 

Mathilde Berger-Perrin entre dans le détail:

  • Sa métaphysique repose sur trois axiomes:
  1. Il existe quelque chose plutôt que rien.
  2. La loi d'identité d'Aristote s'applique: A est A.
  3. La conscience existe mais en relation à une réalité extérieure.
  • Son épistémologie est rationnelle, la raison étant considérée par elle comme une volonté.
  • Son éthique est de poursuivre son intérêt personnel pour préserver sa vie et en jouir, la vertu étant considérée comme le moyen pour y parvenir: pour être vertueux, l'homme doit toujours tirer un avantage de ses actions, y compris dans ses relations sociales.
  • Sa politique est de respecter l'ontologie humaine, or le capitalisme du laisser-faire est le système qui respecte la liberté de chacun parce qu'il respecte les fruits de son travail, sa dignité et son bonheur de s'accomplir.

 

Sa philosophie est athée: Ayn Rand voit dans les croyances religieuses qui justifient l'altruisme une voie de manipulation...

 

RADICALITÉ ?

 

Ses positions sont radicales:

  • L'État ne doit s'occuper que de protéger le droit de l'homme à vivre librement, c'est-à dire le droit de propriété et les échanges, et, par conséquent, ne s'occuper que de la police, des forces armées et des tribunaux, ce qui justifie l'impôt à condition qu'il soit volontaire;
  • L'État ne doit donc pas intervenir du tout dans l'économie;
  • L'argent a une valeur morale: s'enrichir par le travail reste l'expression du plus haut degré de liberté et n'a rien d'immoral;
  • La bataille est intellectuelle et non politique;
  • Rand est isolationniste: quand une armée protège des citoyens qui ne sont pas les siens, c'est de l'altruisme et celui-ci est toujours à proscrire;
  • Rand serait le cauchemar des écologistes: la préservation de la vie humaine est le but suprême;
  • Rand est avocate de la liberté d'expression: la propriété privée protège et implémente le droit de ne pas être d'accord;
  • Rand est antiraciste: le racisme est la forme la plus basse du collectivisme;
  • Rand est pour le laisser-faire, y compris pour les moeurs;
  • Rand est féministe malgré elle: ses héroïnes sont à la fois désirables et puissantes.

 

CONCLUSIONS

 

Pour suivre Ayn Rand, il faudrait:

  • Ne rien demander, ne rien attendre, ne dépendre de personne.
  • Avoir une bonne estime de soi.
  • Être indépendant d'esprit pour choisir sa propre hiérarchie de valeurs.
  • Être productif: le monde se divise entre ceux qui critiquent et ceux qui font.
  • Ne pas céder à l'injonction à aimer son prochain sans distinction.
  • Ne pas se sacrifier pour l'autre, mais échanger avec lui par vertus.
  • Choisir dans la société ses liens de dépendance.

 

L'auteure, pour sa part, conclut:

 

Pour nous, lecteur français, habitué à l'État-providence, la puissance de son oeuvre résonnera moins par sa recommandation politique que par sa philosophie de vie, à la fois libératrice et responsabilisante. À travers ses personnages, elle crée des échos à ce qu'il y a de grand en nous. Ayn Rand nous laisse l'héroïsme en héritage.

 

Francis Richard

 

Ayn Rand - L'égoïsme comme héroïsme, Mathilde Berger-Perrin, 128 pages, Michalon

 

Livres d'Ayn Rand précédemment chroniqués:

La vertu d'égoïsme (2018)

Une philosophie pour vivre sur la terre (2020)

Hymne (2023)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

 

Reproduit par l'IREF le 12 janvier 2024.

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23 décembre 2022 5 23 /12 /décembre /2022 21:00
Faut-il tolérer l'intolérance? - Défis pour la liberté, Sous la direction de Nicolas Jutzet

L'Institut Libéral, après avoir consacré cette année sa journée libérale romande, le 12 novembre dernier, à Lausanne, à La liberté et la tolérance, les défis contemporains, édite un livre collectif sur un thème qui lui ressemble.

 

Les libéraux devraient, en principe, tolérer l'intolérance de manière illimitée, mais, ce faisant, ils risquent sérieusement d'être détruits par ceux qui ne sont pas tolérants et ne se gêneront pas d'en abuser comme d'une faiblesse:

 

C'est le fameux paradoxe de la tolérance décrit par Karl Popper dans La société ouverte et ses ennemis.

 

Alain Laurent rappelle que cette notion de tolérance, apparue au XVIe siècle, a dérivé et qu'elle peut être aujourd'hui une lâcheté, une façon de refuser le conflit et de céder à la facilité, pour éviter de faire preuve d'autorité.

 

Mathieu Creson explique que cette conquête de l'individu rationnel et autonome ne peut être qu'une valeur individuelle. Si l'individu se laisse entraîner par des meneurs mal intentionnés, il peut de tolérant devenir intolérant.

 

Pour Arkadiusz Sieron, le principe de non agression permet individuellement de répondre à l'intolérance d'un autre: l'individu ne doit en aucun cas tolérer l'intolérance de celui qui se livre délibérément à une agression contre lui.

 

En résumé d'une recherche empirique menée sur les institutions économiques à travers le monde, Niclas Berggren et Therese Nilsson disent que la liberté économique est capable de générer la confiance sociale et la tolérance.

 

Olivier Kessler montre que, dans les sociétés du risque zéro, les échecs ne sont pas tolérés et que les leçons n'en sont donc pas tirées, si bien que d'autres risques apparaissent, qui sont plus graves que ceux que l'on voulait éviter.

 

La liberté d'expression, défendue fermement par John Stuart-Mill, rappelle Camille Dejardin, repose sur les nécessaires rationalité, connaissance et esprit critique, sans lesquels il n'est pas de liberté ni d'ouverture d'esprit. 

 

La liberté d'expression, limitée par la loi suisse, qui protège vie privée et honneur, est aujourd'hui malmenée, selon Alexandre Curchod, par les nombreuses dérives numériques, où s'expriment indignations collectives et morales:

 

Des mesures publiques tenant avant tout à l'éducation paraissent devoir s'imposer.

 

À la régulation, Pierre Schweitzer préfère le boycott par tous les moyens privés et non-violents des expressions manifestement porteuses de projets nuisibles ou mortifères, sans renoncer à dialoguer, à convaincre et à écouter.

 

La seule universalité possible est le respect de toutes les singularités individuelles et l'acceptation de la liberté des uns de faire différemment des autres, dit Thierry Aimar, sauf si le comportement de l'un empêche celui des autres. 

 

Jean-Pierre Chamoux s'inquiète du contrôle social. Il ne pense pas que la tolérance soit une valeur de société mais une vertu personnelle qu'il faut bien mettre entre parenthèses en temps de guerre mais exercer en temps de paix.

 

Francis Richard

 

Faut-il tolérer l'intolérance? - Défis pour la liberté, Sous la direction de Nicolas Jutzet, 188 pages, Éditions Institut Libéral

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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10 novembre 2022 4 10 /11 /novembre /2022 23:55
Six leçons, de Ludwig von Mises

À la fin de 1958, l'économiste Ludwig von Mises donna une série de conférences à des étudiants en Argentine. En 1979, après sa mort, sa femme Margit les publia sous la forme de Six Leçons.

 

Avec l'Institut Mises France, les Éditions John Galt viennent de publier une traduction en français de ces leçons d'économie ignorées par beaucoup, en particulier par les soi-disant élites. 

 

 

LE CAPITALISME

 

Les améliorations des conditions de vie des hommes sont dues aux entreprises capitalistes, dont les dirigeants, innovateurs, ont fabriqué des produits bon marché pour les besoins de chacun:

 

Ce fut le début de la production de masse, le principe fondamental de l'industrie capitaliste.

 

En économie, une des erreurs répandues est de supposer ou de prétendre qu'il y a une différence entre les producteurs et les consommateurs des grandes entreprises. Pourtant, en effet:

 

La plus grande des entreprises perd son pouvoir et son influence lorsqu'elle perd ses clients.

 

Mais, pour produire, il faut investir de l'argent. Cet argent provient de l'épargne de l'entrepreneur et/ou de celle d'autres épargnants, sans quoi il n'est pas possible de se lancer dans un projet.

 

Pour réussir, l'entrepreneur ne doit pas uniquement copier ou imiter ce qu'un autre a fait; dans une nouvelle branche d'activité ou un secteur d'activité existant, il doit bien payer ses salariés:

 

Chaque consommateur doit, d'une manière ou d'une autre, gagner l'argent qu'il dépense, et l'immense majorité des consommateurs sont précisément les mêmes personnes qui travaillent comme employés des entreprises qui produisent les choses qu'ils consomment.

 

De même:

 

Si les acheteurs ne paient pas l'employeur assez pour lui permettre de payer ses ouvriers, il devient impossible pour l'employeur de rester en affaires.

 

Il ne suffit pas d'améliorer les conditions sanitaires d'une population: il faut en outre investir du capital par habitant pour que son niveau de vie augmente, sinon c'est la pauvreté qui augmente.

 

 

LE SOCIALISME

 

Le marché n'est pas un lieu, c'est un processus, c'est-à-dire la façon dont, à vendre et à acheter, à produire et à consommer, les individus contribuent au fonctionnement global de la société. 

 

L'économie de marché signifie que l'individu peut choisir sa carrière, qu'il est libre de faire ce qu'il veut. Sans cette liberté, combattue par le socialisme, toutes les autres sont illusoires:

 

La liberté dans la société signifie qu'un homme dépend autant des autres que les autres dépendent de lui. La société dans l'économie de marché, dans les conditions de "la economia libre", signifie une situation sociale où chacun sert ses concitoyens et est servi par eux en retour.

 

Être libre ne veut pas dire que les gens ne fassent pas d'erreurs et/ou qu'ils ne se fassent pas du mal. Le socialisme veut les en empêcher en les réprimant plutôt qu'en cherchant à les en dissuader.

 

Dans le socialisme, qui interdit la liberté de choisir sa propre carrière, ou dans le système de statuts du pré-capitalisme, il n'y a pas de mobilité sociale comme dans le système capitaliste.

 

Dans le socialisme, la planification est globale, alors que l'homme libre planifie quotidiennement ses besoins, quitte à se tromper, et le calcul économique est ignoré par refus qu'il y ait un marché:

 

Le calcul économique, et donc toute planification technologique, n'est possible que s'il y a des prix en monnaie, pour les biens de consommation et en outre pour les facteurs de production.

 

Dans le socialisme, les conditions de vie ne s'améliorent pas, ou moins bien, parce que, sans calcul économique, le plus avantageux des projets, du point de vue économique, n'est pas précisé. 

 

 

L'INTERVENTIONNISME

 

Le gouvernement se doit de faire toutes les choses pour lesquelles il est nécessaire et pour lesquelles il fut établi. Le gouvernement se doit de protéger les individus au sein du pays des attaques violentes et frauduleuses de gangsters, et il devrait défendre le pays des ennemis étrangers.

 

L'État devrait se limiter à assurer la sécurité intérieure des individus et celle du pays vis-à-vis de l'extérieur. C'est là sa seule fonction légitime. C'est une protection, ce n'est pas une intervention: 

 

L'interventionnisme signifie que l'État veut en faire plus. Il veut interférer dans les phénomènes de marché.

 

Que fait-il? Il ne protège pas le fonctionnement fluide de l'économie de marché; il perturbe les prix, les salaires, les taux d'intérêt et les profits. Bref il restreint la suprématie des consommateurs.

 

Ludwig von Mises prend deux exemples historiques, en période d'inflation: le contrôle des prix et le contrôle des loyers qui ont pour conséquences pénuries de produits et de logements:

 

L'idée de l'intervention étatique comme "solution" aux problèmes économiques conduit, dans tous les pays, à des conditions pour le moins insatisfaisantes et souvent fort chaotiques. Si le gouvernement ne s'arrête pas à temps, il amènera le socialisme.

 

 

L'INFLATION

 

Si la quantité de monnaie est augmentée, le pouvoir d'achat de l'unité monétaire diminue, et la quantité de biens qui peut être obtenue pour une unité de monnaie diminue aussi.

 

Le résultat est la hausse des prix: c'est ce qu'on appelle l'inflation. Qui n'est donc pas due à la hausse des prix, comme on le croit malheureusement, mais à l'augmentation de la quantité de monnaie.

 

Le mécanisme s'explique par le fait qu'avec l'augmentation de la quantité de monnaie des gens [...] ont désormais plus d'argent tandis que tous les autres en ont encore autant qu'ils avaient avant.

 

Ceux donc qui reçoivent de l'argent neuf en premier reçoivent un avantage temporaire, si bien qu'ils pensent que ce n'est pas si grave. Et la hausse des prix, avec ses effets de ruine, se fait pas à pas:

 

L'inflation est une politique. Et une politique peut être changée. Il n'y a donc aucune raison de céder à l'inflation. Si l'on considère l'inflation comme un mal, alors il faut arrêter d'enfler la masse monétaire. Il faut équilibrer le budget de l'État.

 

 

L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER

 

La différence [de niveau de vie] n'est pas l'infériorité personnelle ni l'ignorance. La différence est l'offre de capital, la quantité de biens d'équipement disponibles. En d'autres termes, la masse de capital investi par unité de population est plus grande dans les pays dits avancés que dans les pays en voie de développement.

 

Pour combler cette différence entre pays, l'investissement étranger en provenance de pays dits avancés a permis et aurait dû permettre le développement de pays qui sont en retard sur eux. 

 

C'était sans compter avec les expropriations des capitaux investis dans un certain nombre de pays, ce qui est catastrophique pour les pays en retard et l'est malgré tout moins pour les avancés.

 

Protectionnisme et syndicalisme ne changent pas la situation d'un pays pour le mieux: industrialiser nécessite du capital; obtenir des hausses de salaires provoque un chômage permanent et durable:

 

Il n'y a qu'une seule façon pour une nation d'atteindre la prospérité: si on augmente le capital, on augmente la productivité marginal du travail, et l'effet sera que les salaires réels augmentent.

 

 

LA POLITIQUE ET LES IDÉES

 

L'Homme n'a pas un côté politique d'une part et un côté économique de l'autre. Or les idées politiques et économiques ont changé radicalement avec l'avènement de l'interventionnisme.

 

Le but ultime des partis n'est plus le bien-être de la nation et celui des autres nations. Simples groupes de pression, ils ne défendent plus le bien commun. Cette démocratie est critiquable:

 

Selon les idées interventionnistes, il est du devoir de l'État de soutenir, de subventionner, d'accorder des privilèges à des groupes particuliers.

 

Les dépenses publiques ne cessent d'augmenter sans que les impôts puissent les financer. Ce qui explique pourquoi il est presque impossible pour tous les gouvernements d'arrêter l'inflation.

 

Faut-il alors parler de déclin de la liberté et de la civilisation? Les idées interventionnistes, les idées socialistes, les idées inflationnistes de notre temps, ont été concoctées par des écrivains et des professeurs

 

Ce dont nous avons besoin, ce n'est rien d'autre que de substituer de meilleures idées à de mauvaises idées. J'espère et je suis confiant que cela sera fait par la génération montante.

 

Francis Richard

 

Six leçons, Ludwig von Mises, 86 pages, Éditions John Galt

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5 mars 2022 6 05 /03 /mars /2022 23:30
De l'esprit de conquête, de Benjamin Constant

Les Écrits politiques de Benjamin Constant, publiés en 1997 par Gallimard, comprennent plusieurs textes, dont De l'esprit de conquête.

 

La troisième édition de ce texte date de 1814. Elle comportait un deuxième texte, De l'usurpation. Ces deux textes visaient Buonaparte.

 

Pour l'écrivain franco-suisse, qui défendait le principe de la liberté en tout, il s'agissait de dénoncer ces deux fléaux, incarnés par un même tyran.

 

En raison des circonstances, le premier texte apparaît d'une brûlante actualité, puisqu'il traite du sujet de la guerre qui n'est pas toujours un mal.

 

La guerre, chez les nations modernes, n'est plus dans leur caractère. La gloire militaire n'est plus un but. L'époque est celle du commerce:

 

La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d'arriver au même but: celui de posséder ce que l'on désire.

 

Or le commerce a cet avantage que le but peut être atteint sans coup férir, en plaçant même l'intérêt des sociétés en dehors de leur territoire:

 

La guerre a [...] perdu son charme [avec la nouvelle manière de combattre], comme son utilité. L'homme n'est plus entraîné à s'y livrer, ni par intérêt, ni par passion.

 

L'homme qui se livrerait à la guerre par intérêt, et non pas pour une cause, se séparerait par un abîme moral, du reste de l'espèce humaine

 

Contrairement à celui qui combat pour sa patrie et aspire au repos, à la liberté, à la gloire, il serait sans avenir et l'instrument d'un tyran insatiable.

 

Dans un système de conquête, la société se scinde en deux, entre les guerriers et la classe désarmée, qui leur apparaît comme un ignoble vulgaire:

 

Seul ce gouvernement [conquérant] est coupable, et nos armées ont seules tout le mérite du mal qu'elles ne font pas.

 

Pour les occuper et les tenir tranquilles, le souverain ne peut jamais redevenir pacifique: le système guerrier [...] contient le germe des guerres futures.

 

Le gouvernement doit alors corrompre la nation en lui parlant indépendance, honneur, arrondissement des frontières, intérêts commerciaux, prévoyance:

 

Les mensonges de l'autorité ne sont pas seulement funestes quand ils égarent et trompent les peuples: ils ne le sont pas moins quand ils ne les trompent pas.

 

Si les mensonges ne suffisent pas, le système a recours à la contrainte, sous forme d'espionnage et de délation, d'abandon des vertus inculquées:

 

C'est ce qu'on appelle raviver l'esprit public...

 

Avec la conscription, tout le monde est touché, le fils du commerçant, de l'artiste, du magistrat, le jeune homme qui se consacre aux études etc.:

 

La jeunesse se dira que, puisque l'autorité lui dispute le temps nécessaire à son perfectionnement intellectuel, il est inutile de lutter contre la force. Ainsi la nation tombera dans une dégradation morale, et dans une ignorance toujours croissante.

 

Les guerres ne profitent qu'à l'autorité et à ses créatures. Les peuples le savent bien: Une barrière morale s'élève entre le pouvoir agité et la foule immobile.

 

Les conquérants antiques se contentaient de l'obéissance des peuples et les laissaient vivre comme devant. De nos jours, ils veulent qu'ils leur soient uniformes:

 

La variété, c'est de l'organisation; l'uniformité, c'est du mécanisme. La variété, c'est la vie; l'uniformité, c'est la mort.

 

Aucun peuple ne peut indéfiniment en tenir d'autres en sujétion; tôt ou tard, ils l'auront en horreur. Son chef est le vrai coupable des excès qu'il commet:

 

C'est ce chef qui l'égare, ou, plus souvent encore, qui le domine sans l'égarer.

 

Les conquêtes sont à bannir de la terre, à flétrir d'une éternelle réprobation, car incompatibles avec les relations entre nations commerçantes, industrieuses, civilisées:

 

Une guerre inutile est donc aujourd'hui le plus grand attentat qu'un gouvernement puisse commettre.

 

Francis Richard

 

De l'esprit de conquête, Benjamin Constant, 62 pages, Gallimard

 

Autre écrit politique figurant dans ce volume de 880 pages:

 

De la liberté des anciens comparée à celle des modernes, 32 pages

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28 janvier 2022 5 28 /01 /janvier /2022 23:55
Retour vers La Révolte d'Atlas, de Virginie Anselot

Ce livre n'a pas vocation à devenir un texte fondateur, un grand classique, un manifeste, un manuel, une étude, un précis ou tout autre chose un ouvrage de référence.

Il est un bol d'air frais. Qui fait du bien. Pour vivre libre.

 

Ainsi parle François-René Rideau dans sa préface.

 

Dans la mythologie grecque, Atlas, l'un des Titans, qui ont été défaits lors d'une guerre par les dieux de l'Olympe, est condamné par Zeus à porter le monde sur ses épaules.

 

Dans Atlas Shrugged, sa célèbre dystopie, Ayn Rand imagine que des entrepreneurs, des géants dans leur domaine, font grève et se retirent du monde étatiste pour vivre libres.

 

Aujourd'hui des esprits libres remettent en cause l'actuelle société de servitude imposée par les tas. Virginie Anselot en fait le portrait et des noms apparaissent sous sa plume:

 

- Jean-David Nau

- Stéphane Geyres

- Daivy Merlijs

- Alain Genestine

- Jean-Louis Caccomo

 

(d'autres noms sont évoqués plus loin, tels Paul-Eric Blanrue, Marc-Henri Grunert ou Hippolyte Neuville)

 

Leur but à tous est de former des sociétés libres, sans état, des libéralies. La philosophie au fondement de ces sociétés est exprimée dans un manifeste en quatorze points:

 

- Primauté de l'individu

- Droit naturel

- Liberté

- Responsabilité

- Propriété

- Principe de libre consentement

- Principe de non-agression

- Principe de tolérance

- Principe de réalité

- Principe de négociation

- L'action et la production

- L'échange libre

- Le marché libre

- Le droit applicable

 

qui sont développés dans le livre (et qui sont énoncés par Stéphane Geyres).

 

La Libéralie existe, virtuellement. Les rencontres s'y font dans la Taverne libertarienne. Des enseignements y sont prodigués, des lectures proposées, telle La liberté par le marché.

 

Mais il arrive un temps où les idées et les pensées doivent conduire à entreprendre, pas à négocier avec l'ennemi impitoyable, ni à fuir ses propres responsabilités dans laquelle chacun participe:

 

Chacun de nous est un transmetteur, un échangeur de bien. Le mal n'est pas nécessaire, il n'y a aucune raison de lui obéir.

 

Concrètement, il faut faire sécession au sens étymologique de retrait. Comment? Non pas en attaquant l'état, mais en se servant de son péché mignon, la paperasserie.

 

Il faut abreuver les hommes de l'état de plaintes, faire en sorte qu'ils s'enlisent dans leur bureaucratie, dans leurs paperasseries, pour qu'ils explosent par où ils pèchent. 

 

Alors ils ne verront pas que vous êtes en train de faire sécession, de vous en dégager, dans l'esprit puis dans les faits, de vous organiser pour vivre librement et civilement sans eux.

 

Francis Richard

 

PS

 

Le livre comporte nombre de QR codes. Ils n'ont rien à voir avec ceux que l'état émet pour mieux vous contrôler et vous réprimer. Ils sont au contraire des portes d'entrées vers des lectures, des livres audio, des vidéos, des bandes sons pour solliciter vos sens au fil de votre lecture. Certains codes conduisent vers une boîte aux lettres dédiée à la continuité de ce livre...

 

Retour vers La Révolte d'Atlas, Virginie Anselot, 184 pages, Amazon.fr

 

Livres précédents chez Amazon:

 

Les réprimés, 184 pages (2020)

Les réprimés II, 116 pages (2020)

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24 novembre 2021 3 24 /11 /novembre /2021 23:55
Les défis de l'après-Covid, Collectif sous la direction de Nicolas Jutzet et Victoria Curzon Price

Ce recueil de contributions n'a pas l'ambition d'être un manuel de la gestion parfaite d'une crise. Mais il souhaite apporter un éclairage nouveau sur les mois que nous venons de vivre et les temps à venir. Les analyses des prochaines pages ont pour trait commun de se fonder sur des faits et de faire confiance davantage aux individus qu'aux gouvernements au moment de gérer les conséquences de la crise. En espérant que cet ouvrage puisse contribuer à la discussion et faire du "monde d'après", un monde de libertés!

 

Dans leur introduction, Victoria Curzon Price et Nicolas Jutzet, respectivement présidente du comité de l'Institut Libéral et responsable de projet à cette fondation reconnue d'utilité publique1, concluent en ces termes, qui justifient le sous-titre de l'ouvrage: Déconfiner la liberté.

 

 

COMPRENDRE LA CRISE

 

Stephen Davies définit ce qu'est une pandémie, situe celle de la Covid-19 dans l'histoire des pandémies et constate que pour les infections virales, l'infectiosité et la gravité sont inversement proportionnelles:

 

Si un agent pathogène vous rend tellement malade que vous risquez de mourir rapidement ou d'être incapable de vous déplacer, vous n'aurez pas beaucoup d'occasions d'infecter d'autres personnes et la maladie ne se propagera pas autant.

 

L'épidémie de Covid-19 s'est répandue plus rapidement que les précédentes en raison d'un niveau d'intégration économique plus élevé, d'un plus grand nombre de personnes actives en dehors du foyer, d'un vieillissement de la population et de voyages plus nombreux.

 

Faute de l'avoir détectée très tôt et pour protéger des systèmes de santé manquant structurellement de résilience et de réactivité, les États auraient confiné afin d'empêcher la propagation du virus, avec pour conséquence un impact massif sur le PIB.

 

Vincent Geloso et Ilia Murtazashvili disent que, si peu d'économistes contestent le fait que les gouvernements doivent jouer un rôle dans la gestion des pandémies, la question institutionnelle la plus importante est de savoir si les gouvernements sont capables de gérer les pandémies.

 

Ils constatent que les démocraties économiquement libres sont moins à même d'appliquer les solutions idéales proposées par les experts en santé publique que les régimes illibéraux, mais que leur capacité à gérer les conséquences d'une crise est meilleure:

 

Notamment, car elles permettent de limiter l'expansion de l'État.

 

Philipp Bagus, José Antonio Peña Ramos et Antonio Sánchez-Bayón analysent comment l'État moderne influence le développement et le phénomène de l'hystérie de masse, en soutenant que l'État exacerbe ce phénomène avec des conséquences néfastes pour la santé publique.

 

Dans le cas de la Covid-19, il semble que de nombreuses personnes aient cru à l'existence d'un virus bien plus mortel que le SARS-CoV-2 ne l'est en réalité (taux de survie proche de 100% pour les personnes âgées de moins de 50 ans, de 99,5% pour les 50 à 69 ans et de 94,6% pour les plus de 70 ans). La probabilité de mourir d'autres maladies, pourtant moins contagieuses, étant plus grande.

 

Ils comparent ce qui se passe dans un État minimal (qui a, en théorie, pour seule tâche l'application des droits de propriété privée) et dans un État providence.

 

Dans un État minimal, il y a toujours au moins un petit groupe de personnes qui donnent l'exemple de ne pas succomber à l'hystérie et de continuer à vivre normalement. Si la menace est imaginaire ou exagérée, elles deviennent des modèles à suivre et l'hystérie collective est limitée.

 

Dans un État providence, si un groupe bien organisé, atteint d'hystérie collective, est à sa tête ou parvient à contrôler son appareil, il peut imposer des mesures au reste de la population, lui infligeant un préjudice presque sans limite. Ce d'autant plus qu'il peut interdire les activités qui réduisent la peur et l'anxiété, comme le sport, les loisirs et la vie sociale.

 

Dans le cas d'un État providence, la centralisation empêche de faire des comparaisons avec des solutions alternatives au confinement, par exemple (dont l'utilité est sujette à caution), ce d'autant plus que la pression du groupe peut modifier et déformer les jugements... et que les médias sont incités à présenter le péril sous un jour inquiétant...

 

 

LA CRISE ET SES CONSÉQUENCES DIRECTES

 

Ferghane Azihari , qui a écrit Les écologistes contre la modernité, montre que le rousseauisme de ces derniers peut être sanitaire, c'est-à-dire opposer la santé aux progrès de la science:

 

Le préjugé qui voudrait que la civilisation dégrade la condition physique de l'homme se heurte [...] à une multitude de données accessibles à tous. L'être humain n'a jamais été en aussi bonne santé qu'aujourd'hui. Le passage d'1 milliard d'être humains en 1800 à 7,7 milliards d'individus aujourd'hui ne s'explique pas par la libération de nos pulsions reproductives. Cette évolution est le signe de la défaite que nous infligeons à la mort prématurée depuis deux siècles.

 

Même s'il faut tempérer ses propos au sujet des vaccins à ARN messager, il n'en demeure pas moins que l'ouverture du commerce et de la concurrence internationale ont favorisé la recherche dans ce domaine et que les pays sous-développés n'en bénéficient pas. Aussi est-il condescendant de destiner ces derniers à demeurer dans la mendicité perpétuelle en préconisant d'être solidaires avec eux...

 

Michael Esfeld parle de société ouverte, expression employée par Karl Popper et qui se caractérise par le fait qu'elle reconnaît chaque être humain comme une personne: la personne a une dignité inaliénable:

 

Selon Popper, les ennemis intellectuels de la société ouverte sont ceux qui prétendent posséder la connaissance d'un bien commun.

 

Les ennemis actuels de la société ouverte opèrent avec la peur délibérément alimentée de menaces qui mettraient notre existence en danger. Ces menaces sont sous-tendues par des faits, tels que la propagation du coronavirus ou le changement climatique.

 

Ce sont des opportunités pour rendre absolues certaines valeurs telles que la protection de la santé et la protection du climat et rendre relatives la dignité de la personne, qui consiste en sa liberté de pensée et d'action, et les droits fondamentaux.

 

Ces ennemis, où l'on retrouve scientifiques, politiciens et dirigeants d'entreprise, prétendent savoir comment gérer la vie sociale, familiale et individuelle afin de préserver ces valeurs absolues. Or les faits démontrent le contraire:

 

De nombreuses études menées dans plusieurs pays confirment désormais que les inconvénients sanitaires, sociaux et économiques des mesures dites de protection contre le coronavirus dépasseront de loin leurs avantages.

 

L'immixtion de l'État dans la vie de chacun serait justifiée par la protection contre les externalités négatives, sauf que leur définition est arbitraire et qu'elles peuvent s'étendre à toutes les actions humaines sous la suspicion générale de nuire à autrui.

 

Richard Ebeling s'inquiète de la place prise par l'État dans la vie de chacun à la faveur de la crise dite sanitaire: ce qui sera probablement l'un des héritages persistants de la crise du coronavirus sera la présomption que les gouvernements doivent non seulement prendre des initiatives, avec tout le pouvoir et les contrôles qui les accompagnent, pour faire face à une nouvelle pandémie et la combattre, mais qu'il est du devoir de chaque citoyen, dans de telles situations, de faire ce que les autorités politiques élues ou les fonctionnaires en charge du dossier leur disent de faire.

 

À ce virage vers un système de surveillance et de contrôle, il oppose la conception libérale classique de l'objectif et de la fonction du gouvernement qui est de protéger la vie individuelle, la liberté et les biens honnêtement acquis des citoyens:

 

Cela inclut une application impartiale et égale de la loi. Tout ce qui va au-delà de ces devoirs et responsabilités implique nécessairement un empiétement du pouvoir politique sur les actions et décisions de l'individu libre.

 

Qu'aurait-il fallu faire? Laisser les gens libres de faire leurs propres choix et de permettre au marché libre de jouer son rôle, en répondant aux demandes urgentes du moment pour sauver des vies, fournir des biens et des services indispensables et trouver des moyens rentables de maintenir ces biens et ces services. Afin de préserver au mieux notre niveau de vie.

 

 

LES DÉFIS DE L'APRÈS-COVID-19

 

Jean-Marc Daniel montre que l'argent magique n'existe pas et que l'explosion de la dette publique devrait être considérée comme un sujet majeur de préoccupation envisagé avec sérieux et gravité.

 

Il rappelle que la dette publique est la somme des déficits accumulés, c'est-à-dire des dépenses non financées par l'impôt.

 

N'en déplaise à ceux qui pensent que l'on est riche parce que l'on dépense, que la richesse d'un pays dépend de la quantité de monnaie qui y circule, il faudra bien amorcer la phase du désendettement:

 

Dans le contexte d'une fiscalité que l'on peut qualifier de confiscatoire dans de nombreux pays, notamment en Europe, ce désendettement ne peut se construire que sur une baisse drastique des dépenses publiques.

 

Pascal Salin justement dit que pour un véritable libéral, l'impôt est a priori suspect: En effet comme son nom l'indique, l'impôt est imposé. Il constitue un prélèvement sur la propriété des contribuables rendu possible par l'exercice de la contrainte et non par le consentement explicite du propriétaire légitime.

 

L'impôt ne sert-il pas à financer des biens publics qui contribuent au bien-être de tous? Que nenni: C'est parce que l'État existe que certains biens sont produits par des procédures publiques au lieu de l'être par des procédures privées et volontaires.

 

Pour répondre à ceux qui ne seraient pas sensibles à de tels arguments, mais plutôt à des arguments utilitaristes, il montre que la fiscalité est destructrice parce qu'elle discrimine la productivité, l'échange et le travail qualifié:

 

La situation fiscale actuelle pousse [...] à l'émigration des plus productifs et des plus innovateurs et elle freine l'immigration des plus productifs, ce qui réduit d'autant les possibilités de croissance et la création d'emplois rentables.

 

Seule la concurrence fiscale ou des règles constitutionnelles, et certainement pas l'harmonisation, sont susceptible de contraindre les autorités publiques à améliorer le système fiscal:

 

Les hommes politiques - qui décident des taux d'impôts - ne recherchent pas nécessairement de "bons impôts". Ce qu'ils recherchent plutôt, c'est le moyen d'extraire la plus grande quantité possible de ressources des contribuables, à un coût aussi peu visible que possible.

 

Beat Kappeler donne des exemples suisses où l'absence de règles étatiques permet au pays de tourner. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de règles de procédure mais celles-ci ne fournissent qu'un cadre. Ainsi:

 

- la loi relative aux élections parlementaires permet aux électeurs de cumuler ou de tracer des candidats ou encore d'inscrire sur les listes des candidats de différents partis: ce qui enlève du pouvoir aux partis;

 

- les licenciements ne sont pas interdits mais la protection est minimum (ils sont juste soumis à des délais qui dépendent de la durée de l'emploi): le marché du travail suisse est en situation de plein emploi;

 

- le financement des partis politiques est assuré sans l'intervention de l'État.

 

Mais la Suisse n'échappe pas pour autant à la sur-réglementation qui sévit en Occident depuis le début des années 2000 et dont la conséquence est la stagnation de la productivité, ce qui coûte deux fois, puisqu'il faut payer les tâches accrues de l'État et de tous ceux qui veulent travailler:

 

Ainsi, lors de la crise du Covid, on a d'abord imposé un certain nombre d'interdictions de travailler et, en même temps, on a entrepris une stimulation de l'économie financée par la dette - ce qui nous a coûté une somme conséquente. 

 

Francis Richard

 

1 - Nos activités se fondent sur l'expérience de la Suisse et sa culture de paix, d'ouverture et de diversité.

 

Les défis de l'après-covid, Collectif sous la direction de Nicolas Jutzet et Victoria Curzon Price, Éditions Institut Libéral

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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4 mai 2021 2 04 /05 /mai /2021 22:55
L'appel de la tribu, de Mario Vargas Llosa

L'appel de la tribu? C'est la nostalgie du monde traditionnel - la tribu -, quand l'homme était encore une part inséparable de la collectivité, subordonné au sorcier ou au cacique tout-puissant.

 

Mario Vargas Llosa en parle d'autant plus aisément qu'il a lui-même répondu à cet appel dans sa jeunesse. Il ne lui est devenu sourd que progressivement, notamment grâce à un certain nombre d'auteurs.

 

Grand lecteur, il rend hommage dans ce livre à sept d'entre eux, d'authentiques libéraux. Car le libéralisme est ce qui l'a défendu le mieux, et d'autres avec lui, contre l'inextinguible "appel de la tribu".

 

Entre ces auteurs, qu'il a lus et relus, il y a plus souvent de divergences que de coïncidences. Mais, c'est justement ce qui a emporté sa conviction: le libéralisme n'est en effet pas dogmatique.

 

Le libéralisme n'a pas réponse à tout, précise-t-il. C'est justement ce qui lui convient. Chacun de ces auteurs, à sa façon, lui a apporté des réponses à ses interrogations ou confirmé ses expériences.

 

Extraits:

 

- Adam Smith (1723-1790): 

Le marché libre présuppose l'existence de la propriété privée, l'égalité des citoyens devant la loi, le rejet des privilèges et la division du travail. Personne avant Adam Smith n'avait expliqué avec autant de précision et de lucidité ce système autosuffisant qui fait progresser les nations et pour lequel la liberté est essentielle, ni exposé de manière si éloquente que la liberté économique nourrit et dynamise toutes les autres.

 

- José Ortega y Gasset (1883-1955):

Cette obsession acharnée à se faire comprendre de tous ses lecteurs est une des leçons les plus précieuses qu'il nous ait léguées, une marque de sa vocation démocratique et libérale, d'une importance lumineuse en ces temps où, de plus en plus, dans les différentes branches de la culture, s'imposent sur le langage commun les jargons spécialisés et hermétiques à l'ombre desquels, le plus souvent, se cachent non pas la complexité et la profondeur scientifique, mais la prestidigitation verbale et la supercherie.

 

- Friedrich Agust von Hayek (1899-1992):

Personne, pas même von Mises, n'a mieux résumé que Hayek les bénéfices de tous ordres qu'apporta à l'être humain ce système d'échanges [le marché] que personne n'inventa, qui naquit et se perfectionna en fonction du hasard et, surtout, de l'irruption de la liberté, cet accident dans l'histoire humaine.

 

- Sir Karl Popper (1902-1994):

Pour Karl Popper, on ne découvre pas la vérité, elle se découvre progressivement et c'est un processus sans fin. [...] Que la vérité ait, ou puisse avoir, une existence relative ne signifie pas que la vérité soit relative.

 

- Raymond Aron (1905-1983):

Tout en se méfiant constamment des grands enthousiasmes politiques, le spectateur engagé que fut, selon sa propre définition, Raymond Aron, crut tout de même au progrès. Pour lui, bien qu'il ne se fît pas beaucoup d'illusions sur ce point, le progrès était représenté par la société industrielle moderne qui avait changé complètement la structure économique et sociale étudiée par Marx et qui lui servit de base pour développer ses théories, par exemple sur la condition ouvrière, que la modernité avait rendues obsolètes.

 

- Sir Isaiah Berlin (1909-1997):

Qu'il y ait des vérités contradictoires, que les idéaux humains puissent s'opposer, cela ne signifie pas pour Isaiah Berlin qu'il faille désespérer et nous déclarer impuissants. Cela signifie que nous devons avoir conscience de l'importance de la liberté de choisir. [...] S'il y a des vérités à récuser et des fins à refuser, nous devons accepter la possibilité de l'erreur dans nos vues et être tolérants envers celle des autres.

 

- Jean-François Revel (1924-2006):

Alors que ce sont les actions humaines qui communiquent leur vérité aux idées, rien n'est plus absurde que de croire que la vérité part des idées, car le résultat est un divorce entre les unes et les autres [...].

Les faits intéressaient plus Revel que les théories et il n'eut jamais la moindre retenue pour les réfuter si elles n'étaient pas confirmées par les faits.

 

En consacrant ce livre à ces sept auteurs, dont les extraits ci-dessus ne donnent que des aperçus, Mario Vargas Llosa a voulu montrer, grâce à de tels représentants, ce que le libéralisme, tant dénigré, a apporté:

 

La doctrine libérale a revêtu dès ses origines les formes les plus avancées de la culture démocratique et c'est elle qui, dans les sociétés libres, a fait le plus progresser les droits de l'homme, la liberté d'expression, les droits des minorités sexuelles, religieuses et politiques, la défense de l'environnement et la participation du citoyen lambda à la vie publique.

 

Francis Richard

 

L'appel de la tribu, Mario Vargas Llosa, 336 pages, Gallimard (traduit de l'espagnol par Albert Bensoussan et Daniel Lefort)

 

Livre précédent:

 

Aux cinq rues, Lima (2017)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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