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25 janvier 2015 7 25 /01 /janvier /2015 14:00
Soirée spéciale Tulalu!? autour de LausanneSoirée spéciale Tulalu!? autour de Lausanne

Hier, l'association littéraire Tulalu!?, dont l'objet est de promouvoir la littérature romande, organisait une soirée spéciale autour de Lausanne. Le premier rendez-vous était pris à 15h20, sur l'esplanade de la cathédrale. Car, en hiver, c'est bien connu, la soirée commence très tôt sous nos latitudes... Il s'agissait initialement, à partir de ce point névralgique de la cité, de faire une promenade littéraire d'une heure et demie dans les rues de la capitale vaudoise avec Ariane Devanthéry. Comme la neige s'était invitée sans préavis, ce fut davantage littéraire que promené...

 

Il était prévu de descendre à la place de la Palud, où des immeubles ont été surélevés au XVIIe siècle pour accueillir des réfugiés protestants après la révocation de l'édit de Nantes, puis de se rendre à l'église Saint François. Le retour à la cathédrale devait s'effectuer par le pont Bessières, c'est-à-dire le pont des suicidés, non sans s'être arrêté rue de Bourg, où se trouvait alors la seule hôtellerie et où se trouve maintenant, et toujours, depuis 1958, Chez Mario, la première pizzeria de Lausanne.

 

La promenade proprement dite se limita donc à une promenade quasi immobile autour de la cathédrale, construite pour l'essentiel au XIIIe siècle, lors du réchauffement climatique de l'époque... Les ignares, dont je suis, ont pu apprendre qu'il fut un temps où une route traversait la cathédrale, suivant un axe nord-sud. Sa suppression conduisit, au XVIe siècle, l'évêque Aimé de Montfalcon à faire construire côté sud un portail-écran de conception et de style gothique flamboyant.

 

Pendant ce petit tour, Ariane Devanthéry évoqua notamment le grand tour - qui pouvait durer dix-huit mois - qu'effectuaient au XVIIIe siècle les jeunes aristocrates européens, accompagnés de leur précepteur, avec au programme une visite de la Suisse au sens large, puisqu'elle comprenait tout le nord de l'Italie. 

 

Les voyageurs qui sont passés par Lausanne au XIXe siècle, sont en très grand nombre et, dans la salle de musique du Musée historique de Lausanne, tout proche, où la troupe de courageux promeneurs se réfugia, Ariane Devanthéry lut de larges extraits des lieux communs que souvent ils ressassaient en choeur, ne se distinguant les uns des autres, que par la manière de les reprendre.

 

S'il fallait ne retenir qu'un de ces extraits, ce serait celui de Victor Hugo, particulièrement emphatique. Il est tiré d'une lettre à sa femme, à laquelle il recommande de la conserver précieusement pour la rédaction d'un futur ouvrage. Cette lettre a été écrite alors que son auteur voyageait en compagnie de sa maîtresse, Juliette Drouet...

Soirée spéciale Tulalu!? autour de LausanneSoirée spéciale Tulalu!? autour de Lausanne

Dans cette même salle de musique, à 17 heures, se tint une table ronde, animée par Pierre Fankhauser, qui réunit trois écrivains romands ayant écrit sur Lausanne dans leurs derniers romans, Daniel Abimi, Julien Sansonnens et Baptiste Naito. Pierre Fankhauser, fidèle à sa façon aimable et malicieuse tout à la fois, leur posa des questions destinées à les faire parler, sans se préoccuper vraiment qu'ils y répondissent précisément, ou du tout, l'essentiel n'étant pas là, mais dans l'exposé de leur vision de la ville que tous trois aiment. Sinon, pourquoi auraient-ils cru bon d'en parler dans leurs livres?

 

Dans Le cadeau de Noël, Daniel Abimi ne parle de Lausanne qu'incidemment. Il a cependant le souci du détail vrai, par respect envers ses lecteurs, pour la plupart lausannois à l'origine. Il cite Jean-Luc Godard, qui, dans son court-métrage, Lettre à Freddy Buache (1982), décrit Lausanne en trois couleurs: "Un plan vert, un plan bleu; et comment ça passe du vert au bleu; comment on descend du vert au bleu; et comment on remonte; et, entre les deux, il y a le gris." Daniel Abimi parle du gris dans ses livres. Et ce gris n'est pas triste, il est à peine caricatural... Et, sous cette couleur de muraille, Daniel dévoile tout autre chose que ce qu'on voit...

 

Dans Jours adverses, le héros de Julien Sansonnens, Sam, éprouve de l'amour-haine pour Lausanne. En effet, selon lui, la ville craque de partout. Elle n'a pas été conçue pour autant de monde. Les édiles y sont pris dans cette contradiction qu'apporte avec elle la prospérité: comment concilier plaisir de vivre et places de travail. Alors Sam quitte la ville pour la campagne où il espère respirer un autre air, mais c'est un leurre. La vie n'y a pas plus de sens. La vie aurait-elle un sens, quel que soit le lieu où on vit? Julien n'est pas ce Sam, qui déconstruit la ville. D'ailleurs il se décrit, brièvement, dans son roman avec beaucoup d'autodérision comme un "petit merdeux", de gauche...

 

Dans Babylone, Baptiste Naito se met en scène lui aussi, pour les mêmes raisons que Julien. Baptiste n'est pas le narrateur, ce noctambule qui se réveille chaque nuit dans un quartier différent de la ville et qui ne se souvient pas des prénoms de celles dont il a partagé la couche. Les détails précis abondent pour décrire tous les lieux qu'il traverse. Baptiste ne les a pas notés dans des carnets, comme il en donne l'impression quand on le lit. En fait, il a fait appel à sa mémoire. C'est pourquoi, de temps en temps, quand elle défaille, quelques erreurs parsèment le récit. Pourquoi ce souci du détail? Parce qu'il était évident pour lui qu'il se devait de l'avoir et qu'il aurait bien aimé l'observer chez d'autres avant lui...

Soirée spéciale Tulalu!? autour de LausanneSoirée spéciale Tulalu!? autour de Lausanne

Une soirée Tulalu!? n'en serait pas une sans lectures par des comédiens. Cette heureuse tradition se perpétue pour le bonheur des participants. Cette soirée-là, ce furent deux comédiennes. Zoé Blanc-Scuderi et Stéphanie Kohler prêtèrent leurs voix, qui opèrent dans des registres différents, à la lecture de textes dont les registres ne le sont pas moins.

 

Ainsi Zoé lut, d'une voix franche, détachant les syllabes, un pocco ma non troppo, des textes de Baptiste Naito, de Julien Sansonnens et d'Anne Cuneo, empêchée de venir, ce que tout le monde regretta, ayant une pensée émue pour elle.

 

Stéphanie, pour sa part, d'une voix plus nerveuse, détachant moins les syllabes, rendant bien leur côté satirique, lut des textes de Daniel Abimi et de Fateh Emam, qu'Hildegard Medina Emam, qui a partagé vingt-sept années de sa vie avec lui, avait présenté auparavant.

 

Dans l'assistance, ont honoré de leur présence à cette table ronde, Isabelle Falconnier, présidente du Salon du Livre de Genève, chroniqueuse et critique littéraire à L'Hebdo et future déléguée à la politique du livre de Lausanne, l'éditeur Bernard Campiche et Grégoire Junod, municipal de Lausanne, dont le dicastère comprend le logement, la sécurité publique et les gérances des bibliothèques lausannoises...

 

Une grande partie des participants finirent cette soirée réussie à la Pinte Besson, le plus vieux bistrot de Lausanne (1780), pour y participer à un souper convivial et arrosé...

 

Francis Richard

 

Livres des invités de la soirée:

 

Le Cadeau de Noël, Daniel Abimi, Bernard Campiche Editeur (2012)

Babylone, Baptiste Naito, L'Aire (2013)

Jours adverses, Julien Sansonnens, Editions Mon Village (2014)

 

Prochaine soirée Tulalu!?:

 

Le 2 février 2015 à 20h au Restaurant Le Lausanne-Moudon à Lausanne (premier étage, entrée libre).

 

Pierre Fankhauser répondra aux questions de Jacques Poget au sujet de Sirius, roman paru chez BSN Press (2014), dont le comédien Roland Vouilloz lira quelques extraits.

 

Un repas avec les intervenants aura lieu au même endroit à 18h30 (payant et sur réservation: 079 943 55 37).

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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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