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30 janvier 2018 2 30 /01 /janvier /2018 23:15
Hagard, de Lukas Bärfuss

Dans une cohue que la porte tournante rejetait à la pelle hors du grand magasin, il vit aussi une paire de ballerines bleu prune, deux farouches belettes perdues dans le piétinement, dans une cavalcade de chaussures basses et de lourdes bottes. Il n'en vit pas plus, la jeune femme qui se frayait un passage dans la foule resta invisible.

 

Il, c'est Philip. Il est dans la quarantaine finissante. Il a rendez-vous dans un café de Zurich avec un certain Hahnloser. Il l'y attend à quatre heures et quart, ce mardi 11 mars. Le narrateur ne précise pas l'année, mais la disparition du Boeing 777 de la Malaysia Airlines, le dimanche précédent, permet de dire qu'il s'agit de l'année 2014.

 

L'histoire se passe en trente-six heures - le lecteur est prévenu par le narrateur -, pendant lesquelles quelqu'un comme Philip va invraisemblablement renoncer à une existence sérieuse et assurée pour aller vers sa propre destruction. Pour qu'il en soit ainsi, il faudra toutefois un concours de circonstances que rien ne laissait présager.

 

Hahnloser a du retard. Philip part faire un tour en ville. Il a du temps devant lui, une heure avant de se pointer chez Belinda. Il reste cependant dans les parages du bistrot. C'est ce qu'il écrit via son téléphone intelligent à Vera, lui demandant par la même occasion de l'enregistrer pour le vol de Las Palmas, où il compte rester jusqu'à vendredi.

 

C'est en se promenant à proximité qu'il voit la foule sortir du grand magasin dans la Theaterstrasse, au milieu de laquelle il repère la jeune femme à la paire de ballerines bleu prune. Le narrateur ignore si c'est une habitude chez Philip de suivre des jeunes femmes dans la rue, mais il suit celle-ci. Ce qu'il n'aurait pas dû faire...

 

Pendant ce temps-là Philip reste connecté. Le narrateur fait au début une remarque judicieuse et insolite que le lecteur voudra bien garder en mémoire pour la suite: à notre époque, on ne dépend pas de son téléphone intelligent mais du bloc d'alimentation avec son câble, un petit transformateur pour charger les batteries en lithium-ion...

 

Ce sont ces points de départ qui conduisent le Hagard de l'histoire à sa propre destruction. Au passage, pendant son errance, le narrateur de Lukas Bärfuss ne se prive pas de décrire férocement les travers et dépendances dans lesquels tombent ses contemporains. Et c'est, en définitive, à un récit sombre et satirique qu'il convie le lecteur...  

 

Francis Richard

 

Hagard, Lukas Bärfuss, 160 pages, Zoé , traduit de l'allemand par Lionel Felchlin (sortie le 1er février 2018)

 

Livres précédents:

Koala, 176 pages, Zoé (2017)

Cent jours, cent nuits, 224 pages, L'Arche (2009)

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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