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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 18:15
Plaidoyer pour un renouveau européen, de Martin Bernard

J'entends par "réalité spirituelle" tout ce qui est de la nature de l'esprit, considéré comme une réalité différente de la matière (Larousse).

 

Dans ce Plaidoyer pour un renouveau européen, Martin Bernard pense que le déclin de l'Europe est dû à une vision du monde matérialiste, autrement dit qui considère que la seule réalité accessible à la connaissance est la matière, ce qui est, pour lui, un réductionnisme.

 

Pour que l'Europe se renouvelle, elle devrait porter plus loin l'humanisme propre à sa tradition de conquête intérieure. C'est-à-dire étudier scientifiquement non seulement les réalités matérielles mais les réalités spirituelles, ne pas s'appuyer seulement sur les premières.

 

L'auteur estime que le tout n'est pas la somme des parties (pensée réductionniste), mais est contenu entièrement et de manière vivante dans chacune des parties (pensée holiste). Si la pensée réductionniste serait adaptée à la matière inerte, l'holiste serait adaptée au vivant:

 

L'existence n'est donc pas fournie uniquement par ce que le monde nous offre de l'extérieur, mais aussi par ce que l'être humain produit en lui-même, dit-il avec Goethe.

 

L'énergie cognitive déployée pour développer la technique pourrait être utilisée pour perfectionner certaines facultés humaines qui ne demandent qu'à l'être, comme le sens de l'observation, la rigueur de pensée qui plonge dans la réalité, l'imagination créative ou l'attention.

 

L'auteur manque de rigueur quand il cède aux sirènes de la doxa: la vision matérialiste aurait engendré une surexploitation des ressources terrestres et une mise en danger de la biomasse, jusqu'à remettre en question certains équilibres vitaux pour la survie de l'espèce1.

 

Comme d'autres, il confond ressources naturelles, qui sont sans valeur, avec les ressources qui résultent de l'usage que les hommes en font. Il ne peut donc pas y avoir surexploitation puisque de nouveaux usages peuvent être inventés, comme le montre l'Histoire à l'envi.

 

L'auteur s'oppose à ce que la science soit dirigée par le monde des affaires, souhaiterait que ses sources de financement soient diverses. Il serait ainsi favorable à la taxation des transactions financières. Sans s'en rendre compte, il voit où le bât blesse sans approfondir.

 

Ce qui fausse la recherche, ce n'est pas une vision matérialiste de la science, financée par le privé, c'est le capitalisme de connivence, ce que Jean-Marc Ferry, qu'il cite, appelle lui la privatisation du politique, réservant le pouvoir aux complices économiques et politiques.

 

(La voie était pourtant tracée de voir aussi dans le déclin de l'Europe, le rôle des États, grandissant aux dépens des libertés des personnes, ce qui a favorisé l'émergence de technocraties qui ne sont pas prêtes à abandonner privilèges et pouvoirs qu'elles ont accaparées. Mais il ne l'a pas suivie...)

 

La foi et le savoir ne sont pas opposés, ni incompatibles, mais de là à dire qu'ils sont intimement liés est un pas que l'auteur franchit allègrement. De même, il aspire à la réconciliation de la spiritualité et de la science et, pourquoi pas, à une philosophie nouvelle:

 

Unir à la perfection de la logique occidentale tout le contenu des méditations spirituelles de l'Orient, comme le voulait Vladimir Soloviev.

 

Une piste serait de poursuivre les deux étapes de développement de l'Occident identifiées par Raymond Abellio:

  • formation au contact des idées grecques et latines,
  • développement du cartésianisme et du matérialisme,

par la troisième étape, qu'il appelle de ses voeux, de

  • la réintégration de la métaphysique en tant qu'expérience existentielle de la réalité globale.

 

On ne peut qu'être d'accord avec cette définition qu'il donne:

Est "humaniste" toute démarche théorique ou pratique mettant l'être humain, son progrès et sa liberté au centre de ses préoccupations.

Et avec ce qu'il dit de l'actuelle vision réductrice de l'être humain:

À écouter les médias et les intellectuels à la mode, tous les malheurs de la planète lui seraient, peu ou prou, imputables.

 

Mais je ne suis pas sûr qu'il ait raison de dire, car cela me paraît présomptueux:

Désormais l'être humain doit trouver en lui-même, de façon non médiée, la transcendance qu'il trouvait auparavant dans l'image de la divinité.

Bref il voit dans l'introspection le moyen d'accéder à une connaissance directe et vécue du spirituel.

 

Il faut attendre la postface de Pierre Lorrain  pour que soit cité François Rabelais:

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme.

Or c'est essentiel.

 

Comme est essentielle la propriété privée, naturelle à l'homme, sans laquelle il n'est pas de liberté, absente de cet essai, proie des puissants, id est des socialistes de tous genres 2, pour lesquels le capitalisme étymologique est un vain mot, alors qu'il marche parce qu'il est moral.

 

Francis Richard

 

1 - Il parle également, avec Corine Pelluchon, de destruction des sols et de massacre industriel des animaux.

2 - Qui souvent ignorent qu'ils le sont.

 

Plaidoyer pour un renouveau européen, Martin Bernard, 168 pages, BSN Press

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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2 février 2024 5 02 /02 /février /2024 23:55
Prendre le maquis avec Ernst Jünger, d'Éric Werner

Dans Prendre le maquis avec Ernst Jünger (dont le sous-titre est éloquent: La liberté à l'ère de l'État total), Éric Werner s'inspire d'un livre peu connu d'Ernst Jünger, Le traité du rebelle ou le recours aux forêts, paru en allemand en 1951, et, chez Christian Bourgois, en français, en 1970.

 

Dans son introduction, Éric Werner explicite ce que l'auteur allemand entend par le recours aux forêts: la forêt est un moyen de se soustraire au regard de l'État, qui plus est, même, le recours aux forêts récuse en fait l'État en tant que lieu d'enracinement du citoyen pour le remplacer par la forêt.

 

Au sens propre, le recours aux forêts signifie résistance1, au sens métaphorique, reflet de l'âme: c'est en somme se battre contre l'automatisme qui est le point d'aboutissement du développement technique2, atteint au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dont l'État total est un sous-produit.

 

Pour échapper à l'automatisme - aujourd'hui les programmes de numérisation à marche forcée - , il nous faut prendre appui [...] sur la culture et le caractère, d'une part, sur le nomos et l'éthos - c'est-à-dire les lois anciennes ou encore les lois non écrites, qui nous ont été transmises - d'autre part.

 

Le recours aux forêts suppose de prendre des risques, de décider soi-même de les prendre, de préférer le danger à la servitude, non sans avoir réfléchi: les grandes oeuvres littéraires sont là pour nous montrer que nous ne sommes pas qu'un numéro et constituent une alternative aux valeurs admises.

 

Le recours aux forêts est la forme en laquelle s'incarne à notre époque la liberté. Car la liberté elle-même ne change pas. Pour la défendre, sont à rejeter le tyrannicide, l'insurrection ou encore la petite guerre: l'arme du faible aujourd'hui c'est la très petite guerre, celle menée par un seul individu.

 

Les biens propres sont ce que nous sommes et nous sont intérieurs, c'est la patrie que l'on porte en soi, tandis que les biens matériels nous sont extérieurs. Les premiers méritent qu'on se sacrifie pour eux, les seconds non. Là encore l'individu est en première ligne, armé de ses livres classiques3.

 

Quand on voit que la cité est morte et qu'on se sent étranger à la société environnante, on bascule dans le recours aux forêts car on se rend soudainement compte qu'un véritable abîme nous en sépare, et donc nous nous retrouvons seuls avec nous-mêmes: on peut réellement parler ici de sécession.

 

Francis Richard

 

1 - Les mouvements de résistance sont rarement populaires.

2 - Le développement technique ne conduit pas inéluctablement à l'État total: la technologie n'est qu'un instrument, certes de plus en plus sophistiqué; ce sont ceux qui s'en servent, une oligarchie, qui produisent l'État total, lequel n'est pas invulnérable pour cette raison.

3 - La culture est ce qui permet de combattre l'automatisme qui lui-même en retour veut la mort de la culture.

 

Prendre le maquis avec Ernst Jünger, Éric Werner, 120 pages, La Nouvelle Librairie

 

Livres précédents chez Xenia:

 

Portrait d'Eric (2011)

De l'extermination (2013)

Une heure avec Proust (2013)

L'avant-guerre civile (2015)

Le temps d'Antigone (2015)

Un air de guerre (2016)

Portrait du père (2017)

Légitimité de l'autodéfense (2019)

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5 août 2023 6 05 /08 /août /2023 22:55
Paroles d'artiste, d'Abdul Rahman Katanani

Abdul Rahman Katanani, né en 1983, au Liban, dans le camp de réfugiés de Sabra, une forêt de béton, recherche naturellement le contact avec la nature, les abeilles et les arbres.

 

En observant les abeilles, il change son rythme de vie. Elles lui parlent. Il les écoute, les regarde, réfléchis. Les abeilles font une pause, entre midi et quatorze heures; il fait de même:

 

Dans le camp, dans le béton, je travaillais la nuit, dans la lumière artificielle, et je dormais le jour. Avec la lumière artificielle, on exploite les nuits.

 

Il fait la connaissance des arbres au pluriel dans la Meuse, en avril 2017, grâce à l'association Vent des forêts. Depuis, il plante des arbres. Les liens entre lui et eux sont réciproques:

 

Les vraies racines des hommes, les vrais liens de communication avec les autres, ce sont les idées. Les racines des arbres sont leurs idées.

 

Les corps des femmes et des hommes sont partie prenante de la nature. Il célèbre le corps, libre, sans contrainte, ni utile, ni docile, le corps différent, comme le sien, diabétique:

 

Je revendique la liberté d'être hors normes, la liberté de ne pas être ordinaire mais "extraordinaire" - ou, mieux, singulier.

 

Au camp, l'artiste se sert de matériaux à disposition - fils de fer barbelés, bidons de pétrole, tôles ondulées - pour montrer ce qu'on cache, par exemple le blason du corps féminin:

 

Mes vulves ressemblent à des fleurs. Elles ressemblent à quelque chose de très naturel, de très beau, qu'on peut voir tous les jours dans la nature. Elles sont des fleurs.

 

Ce faisant, il est bien conscient d'être provocateur, mais il le fait pour inciter les gens à la réflexion, à la nuance, à la connaissance, au risque, qui sont les conditions de la liberté.

 

Sculpteur, il est également tisseur, de fils de fer barbelés, mais c'est pour démêler les bonnes traditions de celles qui sont délétères et dont les femmes sont souvent victimes:

 

Mes tapis de barbelés sont une piste visuelle qui nous pousse à réfléchir et à reconsidérer en profondeur nos habitudes quotidiennes.

 

L'amour doit être libre: on ne possède pas l'être aimé et celui-ci ne possède pas celui qui l'aime. Ce qui l'intéresse chez une femme, c'est la manière dont lui parle son corps:

 

La force d'attraction d'un corps, c'est l'idée qui l'habite. Il faut d'abord que le cerveau de la fille me plaise. Si son cerveau ne me plaît pas, son physique ne me plaît plus.

 

Il représente des enfants depuis toujours. Il aime les voir jouer et bouger joyeusement: Le jeu et la joie, c'est la même chose. [...] La joie est toujours mouvement. C'est-à-dire la vie:

 

Dans le jeu, il n'y a que les règles des enfants qui vaillent, et leurs règles de jeu construisent leur personnalité. Mais c'est là aussi que commence le contrôle de l'enfant, là que finit sa liberté, quand les adultes se mêlent d'établir les règles du jeu, de définir les bons et les mauvais jeux.

 

Quand il est avec des enfants, il les écoute, apprend, joue, s'efforce de donner un exemple de liberté, par l'art leur ouvre les yeux pour qu'ils aillent vers la liberté et rit de bon coeur:

 

Dans tous les séminaires, tous les workshops, on joue et on rigole, on mélange le travail et le rire, on fait des blagues.

 

Il se sculpte aussi lui-même, son worshop intérieur permanent, qui suppose qu'il s'aime afin de pouvoir aimer les autres, requiert sa pleine attention, sa présence, pour dialoguer:

 

Après c'est une conversation sans fin, entre moi et moi, puis entre moi et les autres artistes, puis entre nous et le monde.

 

Converser lui permet de résister aux normes (comme les enfants), de se poser le plus de questions possibles auxquels il trouve les meilleures réponses en cherchant, en étudiant. 

 

Les sociétés, dans lesquelles nous vivons, sont fondamentalement violentes: La violence d'État est portée par l'économie, les armes et les drogues. Paix et liberté sont interconnectées:

 

Si l'on veut travailler sur la paix comme sur la liberté, il faut d'abord travailler sur l'individuel, puis sur le groupe. La paix et la liberté sont des décisions personnelles d'abord.

 

Il faut décider d'apprendre, connaître, mettre en doute, vérifier, apprendre encore. Par les livres, par l'internet. Ce qui demande beaucoup de temps mais qui est incontournable:

 

La paix se construit aussi [comme la liberté] sur la connaissance et, là encore, elle se construit d'abord sur les connaissances individuelles.

 

Comment agir?

 

  • Par le sourire: Le sourire devient naturel à force d'exercice - comme la puissance des athlètes. Sourire. Résister. Le sourire résiste. Il résiste à la violence du monde.

 

  • Par l'art: L'art devenant action.

 

  • En multipliant à l'infini le micropolitique et le microéconomique.

 

  • En créant des micro-indépendances et des microcultures, des microhavres de paix hyperconnectées.

 

Lui peut être indépendant, autosuffisant, et pense que, pour les autres, les choses sont en train de s'inverser: la microéconomie se (re)développe et on revient au commerce de la paix.

 

L'artiste sculpteur qu'il est sent monter en lui le désir de peindre: Le désir de danser devant des toiles: de passer du pli à la danse, de la force à la légèreté [...]. C'est la vie qui vient.

 

Francis Richard

 

Paroles d'artiste, Abdul Rahman Katanani, 112 pages, Slatkine (propos recueillis par Barbara Polla, avec une postface de Karine Tissot)

 

Livre précédent:

Hard Core (2017)

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7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 22:40
Pourquoi déconstruire?, de Pierre-André Taguieff

Dans ce livre, pour répondre à la question du titre: Pourquoi déconstruire?, Pierre-André Taguieff répond à une trentaine de questions qui lui permettent peu à peu de cerner les Origines philosophiques et avatars politiques de la French Theory.

 

Qui regroupe-t-on sous l'étiquette de French Theory? Les penseurs français dits postmodernes, poststructuralistes ou déconstructionnistes, c'est-à-dire les Jacques Derrida, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Julia Kristeva ou Jacques Lacan.

 

La question du livre, posée dans plusieurs d'entre elles, est la définition de la déconstruction d'où découle cette théorie. Or la déconstruction ne se définit pas. En fait, elle se propose de combattre la raison et de congédier la recherche de la vérité.

 

Selon Derrida, on ne peut définir la déconstruction parce qu'elle consiste précisément à déconstruire toute définition, à ne plus penser sur la base de définitions. La déconstruction n'est ni une analyse, ni une critique, ni une méthode, ni une doctrine.

 

Les deux origines philosophiques de la déconstruction seraient Martin Heidegger, dont le terme polysémique Abbau a été traduit par déconstruction, et Friedrich Nietzsche, passé à la moulinette de la déconstruction, en quelque sorte heideggérianisé 1.

 

Les avatars de la French Theory, ce sont des déconstructeurs militants qui se sont attaqués à la civilisation européenne ou occidentale, réduite à la production de la "race blanche" supposée hétéro-patriarcale, impérialiste et raciste, i.e. s'en sont pris:

- à son phallocentrisme. ;

- à son leucocentrime (de "leukos", "blanc");

- à son logocentrisme (ou rationalisme);

- à son phallogocentrisme (néologisme derridien);

- à son carno-phallogocentrisme (autre néologisme derridien).

 

En pratique, la French Theory (d'origine germano-française) est devenue le rite d'initiation du "décolonialisme", qui consiste à d'abord apprendre à tout déconstruire dans l'héritage occidental, son universalisme, son rationalisme, son humanisme, etc.

 

En pratique, la French Theory, avec son hyper-relativisme et son déconstructionnisme obsessionnel, aura ouvert la voie au wokisme (qu'il faudrait plutôt appeler vigilantisme 2), lequel a retourné l'immoralisme nietzschéen en un hyper-moralisme.

 

À quoi cette théorie mène-t-elle? À rien. Une fois mise en route, la machine à déboulonner ne s'arrête plus. Que reste-t-il des idoles de la French Theory ? Ce sont des clichés, des tics de langage, des expressions vides de sens et des concepts creux...

 

Francis Richard

 

1 - Parce que Nietzsche critique, dans certains textes, la rationalité et la vérité...

2 - Ou culture de la victimisation...

 

Pourquoi déconstruire?, Pierre-André Taguieff, 288 pages, H & O

 

Livre précédent:

 

Une France antijuive ?, CNRS Éditions (2015)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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28 décembre 2022 3 28 /12 /décembre /2022 23:55
Pascal et la proposition chrétienne, de Pierre Manent

Il n'y a plus aujourd'hui à proprement parler de "séparation" puisque l'État a attiré à lui toute l'autorité, plus précisément puisque l'État a imposé qu'il n'y ait plus d'autre autorité que le commandement de l'État, en pratique de l'ensemble des institutions et des juridictions qui forment l'État.

 

La "séparation" dont il s'agit est celle de l'Église et de l'État. Mais elle n'a pas réellement eu lieu avec la loi du même nom. La conception et la progressive mise en oeuvre d'un État souverain se sont mises à croître au mitan du XVIIe siècle, pour embellir sous la Révolution et aboutir à la loi de la République à laquelle rien ne peut être opposé.

 

À ce même mitan du XVIIe siècle, Blaise Pascal a repensé et reformulé ce que Pierre Manent appelle La proposition chrétienne, c'est-à-dire l'ensemble lié des dogmes ou mystères chrétiens, en tant qu'ils sont offerts à la considération de notre entendement et au consentement de notre volonté, et qu'ils entraînent une forme de vie spécifique.

 

L'auteur reconstitue cette proposition à partir de la forme fragmentée et inachevée mais singulièrement puissante que revêtent les écrits de Pascal sur le sujet, sachant qu'à proposition il donne un sens logique et notionnel mais aussi un sens pratique et actif: il s'agit de l'acte de proposer, un acte dont l'auteur premier et principal est Dieu dans son Église. 

 

Le contexte est celui d'une société qui est en train de perdre la connaissance de sa religion, une société qui, dans le fond de son âme, est athée. Aussi la proposition chrétienne, reformulée et repensée par Pascal, s'oppose-t-elle vivement aux accommodements des casuistes - des molinistes- et s'adresse-t-elle aux athées, et à l'athée qui est au fond de tout homme.

 

Pascal remarque que le coeur de l'homme, qui est grand et capable d'infini, en est détourné par l'attachement à la vie finie auquel conduit sa volonté vicieuse. C'est en le comprenant que l'homme peut trouver raisonnable de se rapprocher du Dieu-ami-des-hommes, dont l'existence est possible, Dieu n'étant pas objet de la science ou de l'art de prouver:

 

Parmi les types humains, seul l'expérimentateur - s'il sait appliquer la raison à l'expérience - et le chrétien - s'il sait soumettre la raison à la foi - savent exactement ce qu'ils font.

 

Avec Pascal, l'auteur revisite donc la proposition chrétienne: les dogmes et les mystères, les deux grands faits qui motivent et ordonnent l'expérience chrétienne - l'homme est malade et Dieu seul peut le guérir -, l'amour du prochain qui n'est pas un sentiment mais une vertu1, le risque de tout perdre dès qu'on laisse [la raison et la volonté] prendre l'initiative.

 

Enfin, selon Pascal, il n'y a pas de solution de continuité entre les deux Testaments, mais insécabilité ou inséparabilité des deux, ce qui est, regardée dans cette perspective, la spécificité de la religion chrétienne, où le Médiateur est fils de David selon la généalogie juive, et fils d'une vierge d'Israël par le Saint-Esprit qui achève et explique la Révélation:

 

[La religion chrétienne] n'est pas une autre religion que la religion juive, mais elle mène à son terme ce que j'appellerai l'opération unitive, celle qui unit les hommes entre eux en même temps qu'elle unit l'humanité à Dieu. L'intensité et la profondeur de cette opération se concrétisent et se donnent à connaître dans sa modalité, qui est engendrement et filiation, engendrement du Fils par le Père et, par la médiation du Fils, adoption filiale des hommes par le Père.

 

Francis Richard

 

1 - C'est [au] travail de l'État et de la démocratie modernes que nous devons ce nouvel être, le semblable compatissant au semblable, que nous sommes tous plus ou moins devenus.

 

Pascal et la proposition chrétienne, Pierre Manent, 432 pages, Grasset

 

Livres précédents:

Situation de la France Desclée de Bouwer (2015)

La loi naturelle et les droits de l'homme PUF (2018)

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28 juillet 2022 4 28 /07 /juillet /2022 20:00
Civilisation et libre arbitre, de Jean-Philippe Delsol

Le libre arbitre, comme Dieu, ne se prouve pas, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas. Il bénéficie en tout cas de solides présomptions d'existence et peut se définir ainsi:

 

Le libre arbitre est la capacité de l'homme à choisir ce qu'il veut penser, dire ou faire, à retenir une option quand il aurait pu se décider pour une autre. Mais il n'est pas la liberté, il en est le prélude, la matrice, la condition.

 

LIBRE ARBITRE OU DÉTERMINISME EN RELIGION

 

Le libre arbitre et le déterminisme se disputent l'existence tout au long de l'histoire des hommes. Jean-Philippe Delsol rappelle que, dans l'antiquité, si le libre arbitre des hommes n'est pas totalement exclu, le destin plane sur leur tête, celle des Grecs, quoi qu'en dise Aristote, et celle des Romains, chez qui seuls les stoïciens ne s'y résolvent pas.

 

Le judaïsme a peut-être rendu l'homme conscient de son libre arbitre, mais c'est le christianisme qui en a fait la pierre angulaire de son édifice jusqu'à ce qu'advienne la Réforme, qui l'abandonna pour la prédestination, laissant le seul catholicisme se fonder sur lui, la prescience de Dieu ne le contredisant pas, le temps divin étant différent du temps humain.

 

L'histoire de l'islam est édifiante. Pendant les premiers siècles de l'Hégire (622), le libre arbitre des mu'tazilites est proche de l'aristotélisme, mais, après, il est remis en cause par les ash'arites qui s'abandonnent à une sorte de prédestination, minimisant les oeuvres au profit de la foi, comme le fera à son tour le protestantisme de Luther ainsi que celui de Calvin.

 

LIBRE ARBITRE OU DÉTERMINISME EN PHILOSOPHIE

 

À l'époque moderne, du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, le débat entre libre arbitre et déterminisme se poursuit. Au XVIIe siècle Spinoza est le chantre du déterminisme de la nature; Descartes, qui y est opposé, est plus ambigu à son égard avec sa vue mécaniste du monde, qui réduit la liberté humaine; jésuites et jansénistes s'opposent sur la prédestination.

 

Sont déterministes Hobbes, qui ne croit ni au libre arbitre ni à la liberté des individus sinon au travers de la liberté de l'État, Hume, pour qui l'homme est une machine améliorée, un infime rouage d'une immense ingénierie. Locke a du mal à concilier son déterminisme mécaniste avec l'omniscience en Dieu dont il est persuadé autant que de la liberté...

 

Pour Schopenhauer l'homme se croit libre mais ne l'est pas. Constant et Tocqueville ne glosent pas sur le libre arbitre, tant pour eux il est naturel sans doute. Kant ne récuse pas le déterminisme, développe l'idée de la causalité par la liberté, sacralise la raison qui la permet. Pour Hegel, la liberté n'existe qu'en étant dissoute dans l'universel et seul l'État est universel...

 

William James croit au libre arbitre sans pouvoir le démontrer. Bergson et son disciple Jankélévitch considèrent le libre arbitre comme une partie essentielle de l'homme conçu comme le devenir incarné. Les rebelles catholiques tels Ernest Naville ou Lacordaire s'en font les ardents défenseurs, tandis que Montalembert parle davantage de liberté de conscience.

 

Parmi les économistes libéraux qu'analyse l'auteur, Frédéric Bastiat est le plus convaincu que le libre arbitre est la pierre angulaire sur laquelle repose la prospérité des sociétés. Les écoles autrichienne et ordolibérale, qui suivent, ont le même souci de la liberté intérieure et de son caractère déterminant pour équilibrer les moyens et les besoins.

 

L'auteur poursuit son tour d'horizon des philosophies, avec celles de la liberté comme une fin en soi, tels l'existentialisme de Jean-Paul Sartre, qui conduit au néant ou à la révolution permanente, ou l'objectivisme d'Ayn Rand, qui propose que chacun définisse ses fins et trouve le sens de sa vie. Et le termine avec le compatibilisme et ceux qui s'y opposent aujourd'hui.

 

LIBRE ARBITRE OU DÉTERMINISME EN LEURS FRUITS

 

C'est peut-être dans les fruits du libre arbitre ou du déterminisme que les présomptions de l'existence du premier et de l'inexistence du second se confirment le mieux:

 

- l'islam des premiers siècles de l'Hégire (du VIIIe au XIe siècle de notre ère), où le libre arbitre est reconnu, est celui où la civilisation musulmane, permettant ses conquêtes, resplendit avant que son rejet, pour le remplacer par la prédestination (avec pour conséquence une religion totalisante), ne le fasse tomber dans la pauvreté d'aujourd'hui (les chiffres à l'échelle mondiale parlent d'eux-mêmes);

 

- le protestantisme aurait dû se traduire par le même dépérissement puisqu'il se fondait comme l'islam sur la prédestination, mais c'était compter sans un ensemble de mécanismes correcteurs qui ont rétabli et optimisé le rôle de l'individu et sans la distinction qu'il a maintenue entre la cité spirituelle et la cité temporelle;

 

- le catholicisme, paradoxalement, qui est pourtant fondé sur la séparation du spirituel et du temporel (rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu) et sur le libre arbitre, a vu celui-ci se réduire avec le renforcement de l'alliance du pouvoir politique et de la religion, voire de sa domination: la France d'aujourd'hui a ainsi hérité du centralisme monarchique et en a poursuivi l'extension sans fin de l'État sous les régimes suivants.

 

Il n'empêche: Malgré les obstacles qu'il a rencontrés dans la manifestation des libertés, l'Occident a créé vraisemblablement la civilisation la plus libre de toutes celles qui ont existé et c'est l'attachement de ces peuples occidentaux à leur libre arbitre et à leurs libertés qui ont permis l'essor exceptionnel de ce continent, qui a ensuite bénéficié au monde entier.

 

LA PERSONNE OU LA FIGURE DU LIBRE ARBITRE

 

L'homme contribue par lui-même à sa propre personne. Le libre arbitre apparaît dès lors comme un facteur nécessaire d'individuation. [...] Dans sa recherche ontologique, l'homme découvre son libre arbitre qui lui permet de s'interroger sur lui-même, de se différencier des autres et par là de libérer sa créativité dans toute sa richesse inattendue.

 

De même qu'il a retracé l'histoire du libre arbitre versus le déterminisme, Jean-Philippe Delsol retrace celle de la notion de personne qui lui est fondamentalement liée, depuis la tradition juive, en passant par l'antiquité grecque, jusqu'à aujourd'hui.

 

Chaque individu est singulier et pourtant appartient à une communauté universelle, celle de la nature humaine. Ce qui fait la singularité d'un homme par rapport aux autres et de l'homme par rapport aux autres êtres vivants, c'est sa liberté intérieure (le libre arbitre), dont la liberté (extérieure) est le complément indispensable, la réalisation:

 

Le succès de l'Occident repose principalement sur la valorisation de la responsabilité individuelle qui n'a été possible que parce que l'individu a été reconnu et que l'échange entre individus a été tout à la fois ouvert et organisé par le droit de façon à le valoriser au bénéfice de toutes les parties dans leur respect réciproque, ce qui a été nommé la république ou la démocratie, et/ou l'état de droit.

 

L'homme peut commettre le mal, mais il ne le sait que parce qu'il dispose de son libre arbitre, alors qu'un animal connaît la souffrance, pas le mal. Mais qu'est-ce que le bien? Il est difficile de le déterminer, de le pratiquer, de le faire advenir; le bien est surtout impossible sans le libre arbitre, qui permet de s'élever moralement:

 

Ceux qui prétendent posséder le monopole du bien récusent nécessairement le libre arbitre.

 

Le lecteur lira avec profit les pages que l'auteur consacre au cerveau par lequel l'homme n'est pas déterminé, à l'intelligence artificielle, qui n'est pas intelligente et relève de la copie, au mystère des origines, qui ne s'expliquent ni par le hasard ni par la nécessité. 

 

CONCLUSION

 

Nous sommes le fruit de nos gènes, de notre éducation et de notre environnement, mais nous faisons plus ou moins usage de nos capacités, de ce à quoi notre éducation nous a ouverts, des contraintes et des opportunités de notre environnement. Au croisement de ces données qui elles-mêmes évoluent en permanence, chaque être est unique et nouveau, donc capable de nouveauté, de créativité. Les possibles sont infinis, imprévisibles. La plus grande richesse du monde, c'est l'homme parce qu'il recèle une immense inventivité. Le libre arbitre a balisé l'histoire de la liberté pour favoriser l'émergence du processus d'individuation et en assurer la consolidation. Il a permis aux hommes de devenir des personnes en agissant de leur plein gré, en ayant des pensées qui soient les leurs.

 

Francis Richard

 

Civilisation et libre arbitre, Jean-Philippe Delsol, 384 pages, Desclée de Brouwer

 

Livres précédents de Jean-Philippe Delsol:

Pourquoi je vais quitter la France Tatamis (2013)

L'injustice fiscale ou l'abus de bien commun Desclée de Brouwer (2016)

Éloge de l'inégalité Manitoba (2019)

 

Livre précédent de Jean-Philippe Delsol et Nicolas Lecaussin:

A quoi servent les riches JC Lattès (2012)

Échec de l'État Éditions du Rocher (2017)

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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14 juillet 2022 4 14 /07 /juillet /2022 19:00
L'Obscurantisme vert, d'Yves Roucaute

"Sauver la planète"? Sauver l'humanité me convient mieux. Hélas! au nom de l'écologie, l'obscurantisme éteint peu à peu les lumières, falsifiant la mémoire des millénaires, diabolisant le présent, vendant de l'apocalypse à tout-va.

 

Ainsi commence l'avant-propos de L'Obscurantisme vert d'Yves Roucaute. En trois phrases, le ton est donné. Il déplaira à plus d'un, d'autant que l'auteur ne se contente pas d'ironiser, il argumente et s'appuie sur un impressionnant appareil de notes.

 

QUELQUES RAPPELS

 

L'environnement ne se réduit pas à la croûte terrestre et à l'atmosphère: il ne faut pas oublier les influences du Soleil, de la Lune, des météorites, du noyau et du manteau de la Terre etc.

 

Les changements climatiques jalonnent la formation de la Terre. Avant l'apparition de l'humanité, ce ne sont que glaciations et réchauffements, plus importants qu'aujourd'hui.

 

Le CO2 n'a jamais été le principal gaz à effet de serre, mais il a permis la vie: sa teneur a été plus élevée qu'aujourd'hui lors des réchauffements et même des glaciations précédant l'apparition de l'humanité. Les éruptions volcaniques, les séismes, les rayonnements solaires en étaient les causes.

 

(Aujourd'hui, il peut être transformé en éthanol par procédé catalytique avec une pincée de nanoparticules de cuivre et des nano-aiguilles de graphène...)

 

Sept exterminations massives d'espèces se sont produites avant l'apparition de l'humanité et depuis l'apparition des hominines, il y a sept millions d'années, la planète a continué d'exterminer les espèces animales comme auparavant, depuis 4,5 milliards d'années. Et, les bestioles ont aussi poursuivi leurs guerres de toutes contre toutes.

 

La terre n'a jamais été hospitalière pour l'humanité, comme le montrent l'archéologie, la paléontologie, l'anthropologie: au cours des 7 millions d'années, les holocaustes ont succédé aux holocaustes, si bien qu'il y a 12 000 ans, il ne restait plus que 500 000 survivants...

 

Comme pour les autres espèces, ces holocaustes étaient dus aux changements climatiques, eux-mêmes dus aux rayonnements solaires et éruptions solaires, orbite et rotation de la Terre, Lune, champs magnétiques et plaques tectoniques, effets sur les gaz et dynamique...

 

Les cyclones sont-ils plus puissants et plus nombreux aujourd'hui? Même pas. Au contraire. Mais ils sont une autre cause de destruction de l'humanité, de même que virus, bactéries, champignons, parasites, ou cancers, depuis 7 millions d'années... sans parler des autres animaux: si [l'humanité] fut chasseresse, elle fut plus encore chassée...

 

Alors comment l'humanité a-t-elle survécu? Grâce à sa créativité, ce don fabuleux.

 

LA CRÉATIVITÉ PAR RAPPORT À L'ENVIRONNEMENT

 

Pour que la créativité humaine puisse s'exercer, encore faut-il qu'il y ait des potentialités dans son environnement et que l'homme les saisisse.

 

Quand il est devenu sédentaire, la [maison] est son moyen de survie et le chemin de son mieux-vivre, le moyen d'ancrage variable pour toujours plus de domination de la nature, pour toujours plus de croissance, pour toujours plus de bien-être.

 

L'économie est l'ensemble des richesses produites par la "maison", par les activités liées à ces lieux de vie artificiels.

 

L'écologie est la science de la maison: son but est de sauver l'humanité, pas la planète.

 

[Les déforestations] furent le point de départ de [la] sédentarisation [de l'humanité], le début de la domination de la nature, l'annonce de sa course à la croissance et de la libération de sa créativité contre l'esprit magico-religieux animiste qui la tenait dans les fers. Et c'est encore ainsi qu'elle survit.

 

C'est sa créativité qui lui permet de faire face aux menaces de l'environnement tel que défini plus haut: en cherchant les causes de phénomènes naturels pour les combattre et en bâtissant des maisons toujours plus sophistiquées pour les contrer.

 

L'énergie est infinie et inépuisable. Car elle est partout: Oui, la nature est la grande chimiste avec ses 12 particules élémentaires qui composent le monde. Et puisque les atomes sont partout, qu'ils sont de l'énergie, alors l'énergie est infinie.

 

Cette énergie peut en effet être produite aujourd'hui grâce à la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies et de l'intelligence artificielle.

 

Mais cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer aux énergies fossiles ni les remplacer par les énergies dites alternatives, éoliennes, qui n'ont aucun avenir, ou panneaux photovoltaïques, dont l'avenir se trouve justement dans les nanoparticules; cela ne veut pas dire non plus que l'hydrogène soit la panacée, parce qu'il n'est pas si vert que cela... Alors, il faut revenir au nucléaire, dont l'avenir se trouve par exemple dans la fusion...

 

LA CRÉATIVITÉ PAR RAPPORT AU CORPS

 

Face aux menaces naturelles pour exterminer la vie humaine, la domination de la nature et la course à la croissance furent les seules réponses possibles pour protéger les corps humains.

 

C'est ainsi que du Paléolithique à la révolution industrielle en passant par le Néolithique l'espérance de vie à la naissance n'a cessé d'augmenter. Aujourd'hui elle est plus élevée dans les pays qui se sont lancés dans la course à la croissance que dans les autres et la mortalité infantile y est également la plus faible.

 

Oui, mais le risque n'est-il pas qu'il y ait surpopulation sur Terre comme le prédisait et le prêchait Thomas Robert Malthus? Les faits lui ont donné tort. À son époque il y avait un milliard d'habitants, aujourd'hui il y en a près de huit milliards et la catastrophe imminente qu'il annonçait ne s'est pas produite.

 

Et demain? Entre création d'aliments à partir de molécules par les biotechnologies, les productions hors sol, l'intensification, l'humanité, même plus nombreuse, ne souffrira pas de manques alimentaires.

 

La croissance de la démographie va de pair avec la croissance qui supprime famine et malnutrition. Et c'est pourquoi l'industrie alimentaire est une chance pour l'humanité: L'humanité a d'ailleurs toujours pratiqué ces biotechnologies vertes.

 

Ce qui change? Par ces biotechnologies, il devient possible de réduire la nécessité de pesticides et de produits phytosanitaires dans l'industrie alimentaire "conventionnelle", de limiter les besoins en eau ou en engrais azotés de la filière bio...

 

Le résultat? Encore mieux maîtriser par la chimie humaine la chimie naturelle.

 

Oui, mais les OGM, c'est mal? Sauf que les modifications génétiques sont naturelles et que l'humanité elle-même leur doit sa survie et son développement, par sa digestion, mais aussi artificiellement, en reproduisant la nature ou en la dépassant. Le vin et le pain, par exemple, sont artificiels, chimiques, génétiquement modifiés... 

 

Si l'homme est ce qu'il mange, il peut tomber malade ou être accidenté. Alors sa créativité lui a permis, lui permet et lui permettra de répondre aux agressions subies par le soin et l'amélioration du corps : La solution est dans l'innovation, pas dans l'obscurantisme.

 

C'est l'innovation qui vient peu à peu à bout des maladies génétiques, bactériologiques, virales et parasitaires, des cancers; c'est encore elle qui répare, améliore, augmente le corps humain accidenté.

 

LA CRÉATIVITÉ PAR RAPPORT AUX AUTRES

 

Contre la croyance aux esprits de la planète qui furent la source des nationalismes et des guerres, en distillant l'illusion que les nations étaient le réceptacle de divinités telluriques, l'humanité s'est débarrassée de la pensée magico-religieuse pour s'engager sur le chemin de la liberté qui est celui de la croissance et de la paix.

 

Même si ce chemin est semé d'embûches, le fait est que de plus en plus nombreux sont les pays qui vivent sous un régime de liberté et que les guerres, qui n'ont certes pas disparu, sont de moins en moins nombreuses et, surtout, font de moins en moins de victimes.

 

Au cours de l'histoire toutes les civilisations ont été esclavagistes, colonialistes, impérialistes, mais seul l'Occident a aboli l'esclavagisme. Il l'a fait parce que, fécondé par le judaïsme et le christianisme, il a remis en cause l'animisme, c'est-à-dire la solidarité verticale imaginaire des dieux, du sol et de la nation.

 

En plaçant l'humanité au centre de l'univers, c'est-à-dire en reconnaissant qu'elle est une espèce exceptionnelle, l'Occident a exprimé une morale fondée sur la vérité: l'humanité n'est pas un sous-système de la Terre, elle peut la dominer et même la quitter et elle est la seule de toutes les espèces dont la nature, prouvée par l'histoire, est d'être créatrice et de compatir avec son prochain, fût-il lointain.

 

C'est la croissance et le productivisme qui ont permis, permettent et permettront d'échapper à l'aliénation au travail, c'est-à-dire de réaliser la nature humaine, créatrice et libre, de vivre pour soi-même et, ce faisant, de contribuer au bien-être général.

 

Contrairement à ce que d'aucuns pensent, la société de consommation est une société de sous-consommation: L'humanité n'est pas arrivée à l'état de complétude au niveau de ses besoins. Et elle n'y arrivera jamais car son désir est infini, donc ses besoins potentiels aussi et ils appellent la recherche de moyens infinis pour les combler.

 

L'HUMANISME CONTRE LE SPIRITISME ET L'ANIMISME

 

Pour les obscurantistes verts, le spiritisme et l'animisme sont au centre du droit: Planète, mers, fleuves, forêts, nappes phréatiques, montagnes [sont] transformés en être vivants. D'où le concept d'écocide.

 

Pour les obscurantistes verts, l'humanité n'est qu'un sous-système de la planète. S'autoproclamant le réceptacle de ses forces naturelles, ils s'arrogent le droit de s'ingérer dans la totalité de la vie des individus: Leur totalitarisme est ainsi consubstantiel à leur vision animiste du monde.

 

Cet animisme est incompatible avec le Dieu de la Bible. Car le Dieu de la Bible est distinct de la Nature et a créé l'homme à son image, pour dominer la nature. Ce qui distingue l'homme des autres vivants, ce n'est donc pas son intelligence mais que sa condition est d'être créatrice, de manière analogue à son modèle, sans sa puissance infinie.

 

Yves Roucaute va plus loin. Tôt ou tard se produiront une nouvelle glaciation et la destruction inéluctable de la planète. Quand? Nul ne le sait, mais il est certain que cela se produira. Il ne s'agira certainement pas pour l'humanité de sauver la planète mais de se sauver:

 

Sans course à l'arrachement de la planète et à la conquête spatiale, l'humanité disparaîtra.

 

CONCLUSION

 

Puisqu'il est dans la nature de créer, il faut encore ajouter, contre l'obscurantisme vert, que l'anthropocentrisme et la défense de la libre créativité humaine ne sont pas seulement un droit mais un devoir puisqu'il est naturel de réaliser sa nature.

 

Dans le même esprit Yves Roucaute ajoute:

 

Mettre l'humanité au centre de l'univers: voilà la seule moralité. Pourchasser ce qui nuit à la joie de vivre, à la liberté et à la puissance humaine, voilà le chemin de la véritable écologie.

[...]

L'univers est notre jardin et la conquête spatiale notre destin. La preuve ultime que si science sans conscience est ruine de l'âme, une conscience sans science peut être perdue. Et que si un peu de science nous éloigne de la spiritualité, beaucoup de science nous y ramène.

 

Francis Richard

 

L'Obscurantisme vert, Yves Roucaute, 392 pages, Les éditions du Cerf

 

Livre précédent:

 

Le bel avenir de l'humanité, 504 pages, Calmann-Lévy (2019)

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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25 février 2022 5 25 /02 /février /2022 23:00
La Transmission, d'Éliette Abécassis

"Et si vous écriviez sur votre père?"

 

Telle est la question que l'éditrice Marion Lavenir pose à Éliette Abécassis, qui en reste stupéfaite, parce que son père est pour elle un mystère. S'il parle beaucoup, il ne parle jamais de lui.

 

Alors elle réfléchit à la proposition qui lui est faite. Que pourrait-elle donc dire de lui? Certes elle peut dire, bien sûr: Il a toujours été pour moi un modèle, un exemple, et presque un idéal:

 

Plus qu'un père: un guide, un prophète!

 

Mais c'est un peu court et ne fait pas un livre. Il lui faut enquêter. D'abord en regardant autour d'elle. Dans la maison familiale, il y a des affaires amassées au fil du temps, mais surtout des livres:

 

Ils auraient pu remplir la maison entière.

 

Il serait un petit trop facile de dire dans ce cas: Dis-moi qui tu lis, je te dirai qui tu es. Sauf si l'on considère, bien sûr, le seul Talmud: en tout soixante-trois traités en de multiples exemplaires.

 

Il y a parmi ces affaires un objet insolite: une boîte en bois d'une vingtaine de centimètres, hermétiquement fermée par un système sans serrure, une juxtaposition de petits rectangles de bois...

 

Cette boîte de Pandore est le fil conducteur de l'auteure pour restituer la personnalité de son père, Armand Abécassis, i.e. Amram, dont le totem est Cèdre chez les Éclaireurs Israélites.

 

Pour ce faire elle se souvient, va au Maroc, où est né Amram, relit ses livres - car il en a écrit un certain nombre - où il fait montre d'une ouverture philosophique, métaphysique et morale:

 

En lui, le philosophe questionne le religieux, et vice-versa.

 

Il ressort de cette enquête, qui s'apparente à une quête, que le maître-mot de son père est La Transmission, qui lui apparaît comme étant sa véritable vocation. La transmission par la parole:

 

Pour mon père, le livre est rempli de signes qui ont rompu avec la vie, quand bien même ce serait la Bible ou l'Évangile ou le Coran. Alors il s'efforce d'apporter la parole vivante, car, même s'il a écrit de nombreux livres, son talent est oratoire.

 

Que faut-il entendre par transmission? Elle a deux visages: émission d'une information d'une part et éveil de l'humain de l'autre. La tradition se faisant dans le respect et l'ouverture:

 

Mon père répète que le savoir n'est pas seulement une réponse à la curiosité intellectuelle, mais qu'il aide aussi à transformer le monde.

 

Avec son savoir Armand aurait pu être rabbin, mais il veut préserver sa liberté de penser, pour laquelle il est prêt à tous les sacrifices, ce qui explique son parcours atypique d'enseignant.

 

Sa conception du judaïsme se fait en effet plus à travers l'interprétation que le dogme. Sa triple identité, marocaine, juive et française, est vraisemblablement à l'origine de cette ouverture.

 

Sépharade, il a l'opportunité, grâce à l'un de ses maîtres, de connaître l'autre mode d'être juif, ashkénaze, et d'avoir la certitude de l'unité de l'âme juive qui ressort de ces deux traditions.

 

Le fin mot de l'histoire se trouve pourtant dans la boîte en bois sur laquelle est gravée le mot dibbour qui signifie discours. Elle livre enfin ses secrets quand l'auteure parvient à l'ouvrir...

 

L'auteure se pose la question: Pourquoi transmettre? La réponse, je le pense, ne regarde pas seulement mon père, mais elle concerne le monde et sa réparation. Qui passe par la voie orale vivante:

 

Parce que les enjeux humains concernent toute l'existence et pas seulement la connaissance.

 

Francis Richard

 

La Transmission, Éliette Abécassis, 264 pages, Robert Laffont

 

Livres précédents:

 

Chez Albin Michel:

Et te voici permise à tout homme (2011)

Le palimpseste d'Archimède (2013)

Alyah (2015)

Le maître du Talmud (2018)

L'envie d'y croire (2019)

 

Chez Flammarion:

Philothérapie (2016)

L'ombre du Golem (2017)


Chez Grasset:

Nos rendez-vous (2020)

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19 janvier 2022 3 19 /01 /janvier /2022 22:55
L'écologie ou l'ivresse de la table rase, de Bérénice Levet

Qu'il existe, au sein de la mouvance écologiste, des nuances, je ne le conteste pas, mais ce sont des nuances précisément, et celles-ci ne modifient rien sur le fond , écrit Bérénice Levet dans le prologue de L'écologie ou l'ivresse de la table rase, dont le titre indique bien le propos.

 

Quel est le fond de cette idéologie, qui, sans conteste, a gagné la bataille des idées et des esprits, au nom de laquelle la révolution verte s'accomplit ou entend s'accomplir et dont des tenants, grâce à une forte abstention, ont pu conquérir huit grandes villes françaises en juin 2020?

 

Les écologistes, qui ont programmé l'obsolescence du modèle français, se présentent comme ceux qui savent et, en conséquence, cherchent à imposer, par exemple, un mode de vie ascétique et frugal, la disparition de la voiture, emblème du machisme, ou la trottinette pour tous.

 

Leur esprit de géométrie s'oppose à l'esprit de finesse des Français qui ont la faiblesse d'être attachés à leur paysage, à leur gastronomie, à une certaine idée pas seulement de la France, mais d'une vie digne d'être vécue, ce qui ne signifie pas qu'ils soient indifférents à leurs causes.

 

Sur le terrain, les écologistes se heurtent à des résistances, notamment quand, avec l'implantation obstinée d'éoliennes, ils se livrent sans vergogne à un dérèglement esthétique ou quand ils s'adonnent à une sacralisation de la nature où l'homme n'est plus qu'un vivant parmi les vivants.

 

Pour eux, aucun doute, les responsables de tous les maux écologiques sont l'homme blanc occidental hétérosexuel, chrétien et juif, son capitalisme, son libéralisme. Pour en finir avec lui, ils font cause commune avec ses soi-disant victimes, telles que les femmes, les diverses minorités. 

 

Pour en finir avec son monde, ils s'en prennent à sa langue, son vocabulaire, sa syntaxe - en français, ils favorisent la langue inclusive; à  son universalisme et à son âme - à chacun son identité; à sa discrétion - à chacun sa visibilité; et promeuvent les droits culturels - à chacun sa culture.

 

Pour le remplacer, ils se [tiennent instruits] du Bien, du Juste, et [s'autorisent] de cette instruction pour régler la vie des hommes, ce qui est potentiellement totalitaire: ils veulent régénérer l'humaine nature au lieu de la prendre telle qu'elle est, aux prises avec les vicissitudes de l'existence.

 

Comme dit plus haut, l'homme n'est plus qu'un vivant parmi les vivants, qui plus est, s'il est occidental, il est haïssable. Or l'objet de l'écologie est l'habitat, l'oikos, non le vivant, non l'animal: Le coeur de l'écologie doit bien demeurer l'homme et la nature et non l'homme dans la nature.

 

À l'évidence l'homme est une exception; il a une spécificité; et la civilisation occidentale est une grande et noble chose, les facultés que nous avons postulées, formées, cultivées, la passion d'interroger, l'étonnement, le questionnement, l'attention doivent être plus que jamais aiguillonnées.

 

Aussi l'auteure souhaite-t-elle que l'homme, renonçant à l'utilitarisme qui lui fait perdre ses facultés les plus élevées, se fixe lui-même ses propres limites et redevienne responsable face à l'inquiétude écologique: ce serait possible notamment si la qualité reprenait le dessus sur la quantité...

 

Francis Richard

 

L'écologie ou l'ivresse de la table rase, Bérénice Levet, 224 pages, Éditions de l'Observatoire

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 01:00
La fin de la Chrétienté, de Chantal Delsol

L'énergie incroyable avec laquelle la culture chrétienne se bat depuis deux siècles pour ne pas mourir, démontre à l'évidence qu'elle a bien formé un monde cohérent dans tous les domaines de la vie - appelé Chrétienté.

 

La Chrétienté, cette civilisation vieille de seize siècles est à l'agonie depuis la moitié du XXe siècle. Sa remise en cause a commencé avec la Renaissance; elle s'est poursuivie avec la Révolution française qui s'est accomplie en s'y opposant parce qu'elle était l'ennemie de la modernité:

 

La Chrétienté comme civilisation est le fruit du catholicisme, religion holiste, défendant une société organique, récusant l'individualisme et la liberté individuelle.

 

 

UNE RÉVOLUTION AU SENS STRICT

 

Dès lors son agonie était inéluctable, malgré des soubresauts dans l'entre-deux-guerres du XXe siècle. La modernité ne s'est pas traduite pour autant par le règne de l'athéisme et du rationalisme tout-puissant. L'esprit religieux, inhérent à l'homme, ne s'est pas éteint avec le progrès:

 

Il faut, je crois, comprendre le moment que nous vivons comme une révolution, au sens strict de retour de cycle, dans les deux domaines fondateurs de l'existence humaine: la morale et l'ontologie.

 

Chantal Delsol montre que nous sommes à la fois les sujets et les acteurs d'une inversion normative; et d'une inversion ontologique. C'est dire que nos préceptes moraux aussi bien que nos visions du monde - avec notre place au sein de ce monde - sont en train de se renverser.

 

 

L'INVERSION NORMATIVE

 

Quand le christianisme, à partir du IVe siècle, devient religion dominante, il s'impose très vite par la force, utilise une partie de ce qui existe et le transforme, puis, progressivement, pénalise le divorce, l'avortement et l'infanticide, réprouve le suicide, persécute les homosexuels.

 

À partir du XVIIIe siècle et de la Révolution, le mouvement inverse est initié; ce qui avait été aboli redevient la norme: la société évolue dans le sens d'une liberté individuelle de plus en plus grande. La finalité est claire: pouvoir permettre à chacun tout le possible technologique.

 

La morale est tournée vers le bien-être de l'individu, sans aucune vision anthropologique: ce qui compte, c'est le désir et le bien-être à l'instant même. La pédophilie, qui nuit à l'enfant, est récusée, mais pas l'IVG qui s'attaque à un être inconscient et bénéficie à la femme enceinte, etc.

 

 

L'INVERSION ONTOLOGIQUE

 

Cette inversion normative n'aurait pu se faire sans une inversion ontologique, au sens classique de la science des premiers principes. Or la foi dans les principes chrétiens s'est effondrée, ce qui les a rendus illégitimes: Ce qui fonde une civilisation, [...] c'est la croyance en une vérité.

 

Une telle inversion s'était produite quand le monothéisme juif, religion secondaire, i.e. faisant appel aux notions de révélation, de foi, de sagesse intérieure, et devant être entretenue, avait remplacé le polythéisme, religion primaire, i.e. naturelle, occupant la place si elle est libre. 

 

Cette fois, la différence, c'est que la religion secondaire qu'est le christianisme a été rejetée et qu'au lieu de l'athéisme ou du nihilisme, c'est le polythéisme, notamment asiatique, qui s'y est substitué, répondant aux exigences générales du moment et principalement à l'égalitarisme:

 

Le panthéisme dans le domaine religieux, la démocratie dans le domaine politique, considèrent l'un comme l'autre l'humanité comme une grande masse dont les individus sont des atomes égaux et faibles.

 

 

L'ÉCOLOGISME

 

Il n'est donc pas étonnant que l'écologisme, qui est apologie de l'élan vital et de l'éternel naturel, soit, parce qu'il est lié à la défense de la nature, le polythéisme le plus prometteur pour l'homme post-moderne, d'autant qu'il efface le dualisme qui caractérise le judéo-christianisme:

 

La sacralisation de la nature constitue le socle religieux le plus primitif et le plus rudimentaire, celui qui vient pour ainsi dire tout seul, et dans n'importe quelle société humaine.

 

Aussi l'écologisme est-il une religion primaire, avec sa liturgie et ses normes morales. Alors que dans les religions secondaires, celles-ci viennent de Dieu, dans les religions primaires, elles viennent de la société humaine, i.e. issues des us et coutumes, et que l'État en est le gardien.

 

 

LA MORALE D'ÉTAT

 

Au tournant du XXIe siècle, l'Église abandonne son rôle de gardien des normes morales et ce dernier revient à l'État.

 

La nouvelle morale, commune, qui reprend et recycle les vertus évangéliques, c'est l'humanitarisme (et non pas l'humanisme qui plaçait l'homme au centre de l'univers), une philanthropie assez pleurnicharde et très victimaire, qui est dominée par l'émotion et le sentimentalisme.

 

Cette morale n'est plus rattachée à une religion et ignore toute transcendance. Elle est décrétée par l'élite gouvernante, qui promeut les lois pour la faire appliquer, et éventuellement la fait appliquer par injures et ostracisme. Elle est omniprésente à l'école, au cinéma, dans les familles:

 

Quand il faut la redresser ou lui assigner une bonne direction, c'est l'élite gouvernante qui s'en charge. Les gouvernants européens représentent à cet égard le tabernacle de la cléricature. Bref, nous sommes revenus à une situation typique de paganisme: nous avons une morale d'État.

 

 

CHRISTIANISME SANS CHRÉTIENTÉ

 

L'Église a honte de la Chrétienté comme pouvoir et comme contrainte et elle aspire à d'autres formes d'existence.

 

Le personnel de l'Église a mauvaise conscience et tombe dans la repentance, rallie les courants de pensée qui le mettent en cause, se soucie d'écologie pour se montrer moderne; une partie même glisse dans le panthéisme. Il en vient à mettre en doute l'idée de mission et de transmission.

 

Il est illusoire de vouloir faire perdurer la Chrétienté; les chrétiens doivent la quitter, renoncer au règne de la force: N'y a-t-il pas d'autres héros que ceux de la force? Des héros de la patience et de l'attention, et de l'humble amour? De la quotidienneté, de l'indulgence, de l'équanimité?

 

Pour accomplir la mission et transmettre, il n'est nul besoin de conquérir, il vaut mieux susciter l'envie de ressembler en portant tout à l'intérieur. Chantal Delsol suggère donc que nous [chrétiens] demeurions seulement des témoins muets, et finalement des agents secrets de Dieu.

 

Francis Richard

 

La fin de la Chrétienté, Chantal Delsol, 180 pages, Éditions du Cerf

 

Livres précédents:

Les pierres d'angle  Éditions du Cerf (2014)

Populisme - Les demeurés de l'histoire Éditions du Rocher (2015)

La haine du monde - Totalitarismes et postmodernité Éditions du Cerf (2017)

Le crépuscule de l'universel Éditions du Cerf (2020)

 

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4 août 2021 3 04 /08 /août /2021 22:55
La liberté et ses traîtres - Six ennemis de la liberté, d'Isaiah Berlin

Ce livre a paru en anglais en 2002 sous le titre Freedom and Its Betrayal - Six Ennemies of Human Liberty. Il rassemble six conférences d'Isaiah Berlin, enregistrées par la BBC à l'automne de 1952.

 

Dans ces conférences, publiées cinq ans après sa mort, Berlin montre que cinq fils des Lumières ont trahi la liberté qu'ils prétendaient défendre et en avaient une conception singulière, très actuelle.

 

Le sixième était un ennemi déclaré. Il est donc difficile de le qualifier de traître. Si Berlin lui a consacré une de ces conférences, c'est bien parce que la liberté a besoin de critiques autant que de partisans.

 

 

HELVÉTIUS

 

Le premier de ces ennemis est Claude-Hadrien Schweitzer (Helvétius est la traduction latine de son patronyme):

 

Toute sa vie, il tenta de découvrir un principe unique capable de jeter les bases de la morale et de répondre réellement aux questions sur la meilleure manière de fonder la société, sur la façon dont l'homme devait vivre et comment il devait agir, avec le même degré d'autorité scientifique que Newton dans le domaine de la physique.

 

Le principe qu'il découvrit était le suivant:

 

La poursuite du plaisir et l'évitement de la douleur sont les seuls mobiles qui agissent effectivement sur les hommes, de même qu'on dit que la gravitation et d'autres lois de la physique agissent sur les corps inanimés.

 

Comment réaliser l'objectif de rendre les gens heureux?

 

Pour agir de façon efficace, [le législateur] doit faire en sorte qu'il vaille la peine pour les hommes, de faire ce qu'il veut qu'ils fassent, et non pourquoi il agit de la sorte; il doit le leur faire faire, qu'ils le veuillent ou non [...].

C'est une fois que la législation coercitive est en place, que vient le tour de l'éducateur [...].

Ce qu'il nous faut, c'est un monde gouverné par les savants, parce qu'en définitive, être bon, être sage, être savant et être vertueux ne sont qu'une seule et même chose.

 

 

ROUSSEAU

 

Pour Rousseau, la liberté est une valeur absolue:

 

Dire qu'un homme est homme et dire qu'il est libre, c'est quasiment la même chose.

 

Mais il est une autre valeur absolue: les bonnes règles, qui sont inhérentes à l'homme.

 

Comment résoudre ce dilemme?

 

Si l'on peut faire en sorte que [les hommes] aiment les règles, alors ils les désireront non pas tant parce que ce sont des règles, mais parce qu'ils les aiment [...].

Forcer un homme à être libre, c'est le forcer à se comporter de manière rationnelle. [...]

S'il ne veut pas une fin rationnelle, il ne veut pas vraiment; s'il ne veut pas une fin rationnelle, il ne veut pas une vraie mais une fausse liberté.

 

 

FICHTE

 

Fichte soutenait que l'individu devait être absolument libre.

 

Dans son esprit, cela signifiait que la loi était tirée de notre être propre:

 

Je ne suis libre que si je fais des choses que personne ne peut m'empêcher de faire, et je les fais uniquement si c'est mon être intérieur, mon Moi, qui agit, si rien d'autre ne vient l'entraver.

 

Cette conception n'est pas individualiste:

 

Le vrai Moi, le Moi libre, n'est pas le moi empirique revêtu d'un corps, celui qui a son temps et son lieu, mais un Moi commun à tous les corps; c'est un super-moi, un Moi plus vaste, divin, qu'il commence peu à peu à identifier tantôt avec la nature, tantôt avec Dieu, tantôt avec l'histoire, tantôt avec une nation.

 

Les disciples de Fichte en arrivèrent à l'idée de la liberté comme élimination des obstacles rencontrés...

 

 

HEGEL

 

Pour Hegel, l'univers est comme une sorte d'entité possédant une âme, à peu près de la même manière que les individus ont des âmes, des intentions, des fins, des volontés, mais bien sûr en beaucoup plus grandiose...

 

Comment savons-nous quelle direction il prend?

 

Parce que nous en faisons partie. Parce que chaque individu est un élément fini d'un tout infini, qui, considéré collectivement, possède une certaine finalité et une certaine direction.

 

Par quel mécanisme?

 

L'esprit fonctionne selon ce qu'il appelle la dialectique.

 

Une première idée vient, c'est la thèse; une seconde vient en collision avec elle, c'est l'anti-thèse; une troisième retient des éléments de chacune, c'est la synthèse, la cause du progrès:

 

Ces forces ne sont pas simplement des pensées dans la tête des gens; elles s'incarnent dans des institutions, des Églises, dans des constitutions politiques, peut-être dans de vastes entreprises humaines, par exemple les migrations des peuples ou les révolutions, ou dans de vastes développements intellectuels, où la thèse et l'antithèse, dans leur état constant de tension réciproque, sont portées à leur paroxysme.

 

Dans cette conception, le schéma importe plus que l'individu et de tous les schémas, c'est l'État qui occupe le rang le plus haut...

 

Et la liberté? Elle n'a pas sa place dans le schéma hégélien:

 

Il ne peut y avoir de liberté là où l'obéissance au schéma est la seule expression de soi, là où ce qu'on appelle la liberté n'est pas la possibilité d'agir dans une sorte de vide, aussi réduit soit-il, laissé à votre choix personnel et soustrait à toute intervention.

 

 

SAINT-SIMON

 

Saint-Simon donne quatre critères du progrès:

 

- La société progressiste est celle qui offre le maximum de moyens pour satisfaire le maximum de besoins chez les êtres humains qui la composent.

 

- Tout ce qui est progressiste offre aux meilleurs l'occasion d'occuper le premier rang.

 

- C'est l'existence de dispositions assurant le maximum d'unité et de force en cas de rébellion et d'invasion.

 

- C'est la mise en oeuvre de circonstances favorables à l'invention, aux découvertes, à la civilisation.

 

Pour que ces critères soient remplis:

 

- Il faut remplacer le lamentable gâchis qu'est la libre concurrence par une planification concertée.

 

- Pour diriger ce système il nous faut des élites: elles doivent pratiquer deux sortes de morale, en suivre une et en prêcher une autre au troupeau humain qu'elles dirigent:

 

La liberté, la démocratie, le laisser-faire, la féodalité, toutes ces notions métaphysiques, ces slogans, ces mots sans grande signification, doivent laisser place à quelque chose de plus clair, de plus neuf, de plus audacieux: la grande entreprise, le capitalisme d'État, l'organisation scientifique, une organisation mondiale, un parlement mondial, une fédération mondiale.

 

 

MAISTRE

 

Joseph de Maistre n'a eu de cesse de détruire la pensée du XVIIIe siècle:

 

Au lieu des idéaux de progrès, de liberté et de perfectibilité, il prêcha le caractère sacré du passé, la vertu et même la nécessité d'une complète sujétion, parce que la nature humaine était irrémédiablement mauvaise et corrompue. Au lieu de la science, il prêcha le primat de l'instinct, de la superstition, du préjugé. Au lieu de l'optimisme, le pessimisme. Au lieu de l'harmonie et de la paix éternelles, la nécessité - à ses yeux divine - du conflit, de la souffrance, de la guerre etc.

 

Ce contre quoi il proteste le plus, c'est l'idée reçue selon laquelle c'est la raison qui est la grande souveraine des choses. Ceux contre qui l'ordre social doit être préservé, ce sont tous ceux qui constituent l'intelligentsia. Ceux qu'il exècre le plus, ce sont les savants.

 

Pourtant Isaiah Berlin reconnaît à l'oeuvre de cet ennemi de la liberté le mérite d'être un antidote violent aux doctrines boursouflées, exagérément optimistes et dans l'ensemble superficielles du XVIIIe siècle...

 

 

Francis Richard

 

La liberté et ses traîtres - Six ennemis de la liberté, Isaiah Berlin, 288 pages, Éditions Payot et Rivages (traduit de l'anglais par Laurent Folliot)

 

Autre livre d'Isaiah Berlin, aux Belles Lettres:

 

Le hérisson et le renard (2020)

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5 juillet 2021 1 05 /07 /juillet /2021 22:55
Éric Fuchs l'éveilleur, de Maryvonne Nicolet-Gognalons

En suivant les mouvements sociaux de son époque, en éveillant les consciences de nombreux chrétiens inquiets, désorientés, il renouvelle les études théologiques en substituant à une morale de certitudes les interrogations de l'éthique.

 

Né en 1932, Éric Fuchs a passé une grande partie de son enfance à Plainpalais, un quartier très animé de Genève. Il y est arrivé à l'âge de six ans et ne s'y serait pas intégré s'il n'y avait pas eu le football, qui autorise la lutte, la compétition, les échecs, les complicités, surtout les amitiés si fortes durant cette période scolaire.

 

Garçons et filles ne jouent pas ensemble, sont séparés à l'école, mais se rencontrent à la paroisse protestante, où sont rappelées de fortes exigences morales. C'est pour lui une ère d'insouciance où se trouvent réunies les conditions d'une grande liberté personnelle que sont aussi une famille solide et une bande de copains.

 

À l'âge de dix ans, son père tombe gravement malade. S'en est fini de l'insouciance. Il se doit de faire de bonnes études et devient un jeune homme sérieux dont les résultats à l'école primaire permettent d'accéder au collège Calvin, ce lieu privilégié des grandes familles genevoises, où il s'intègre par l'excellence.

 

Né pourtant dans une famille agnostique, la rencontre avec le pasteur Redalié le conduit à faire deux ans d'études à la Faculté de Théologie de Genève, puis à poursuivre ses études à la Faculté libre de Montpellier. Là, Georges Crespy, professeur émérite, lui permet de découvrir l'intérêt de la théologie morale, de l'éthique

 

Un maître-mot, reconnaissance, à comprendre dans les deux acceptions de connaissance et de re-connaissance, exprime la gratitude qu'il éprouve envers ceux qui lui ont permis non seulement de surmonter ses difficultés d'intégration mais aussi, librement, de choisir ses orientations et de développer son goût des autres.

 

Devenu pasteur, plutôt que d'exercer confortablement dans une paroisse, il prend en charge le Centre protestant d'études, fondé et financé par Jacques de Sernaclens, où il s'agit de pratiquer une théologie plus exigeante intellectuellement, ouverte aux préoccupations sociales et morales de publics professionnellement divers:

 

Le Centre protestant d'études se veut à l'écoute des connaissances de son époque et de leur confrontation avec les valeurs chrétiennes.

 

Au Centre Protestant d'études, en vingt années d'animation de groupes et de cours, une accumulation d'expériences et de connaissances permet à Éric Fuchs de faire le choix d'une carrière universitaire avec une thèse de doctorat. Dans cette thèse, Le Désir et la Tendresse, il prône une éthique chrétienne de la sexualité:

 

Sans limite, sans interdit, le désir peut alors se révéler d'une violence inimaginable.

[...]

À la vision hiérarchisée de la morale catholique s'oppose une morale protestante du scrupule, une conscience scrupuleuse.

 

En 1973, il fonde avec des amis catholiques l'Atelier oecuménique de théologie. Ce fut un grand moment de sa vie: c'était formidable, dit-il lors de la fête de la 19e volée en 2020, de se faire des amis, de continuer à être amis, la découverte des uns et des autres dans nos différences, découverte mutuelle, enrichissement mutuel. 

 

Il étend sa réflexion éthique à d'autres domaines que la sexualité, notamment à celui de la médecine où les croyances scientifiques minimisent et occultent les droits de la personne malade ou mourante. Cela le préparera à être professeur d'éthique à Lausanne pendant six ans, puis titulaire de la chaire d'éthique à Genève:

 

À des normes morales toujours contraignantes, la perspective éthique impose une réflexion ouverte, tolérante, sincère sur les enjeux et les valeurs sous-jacentes.

 

Éric Fuchs est un éveilleur. À ce titre, il insiste sur la fidélité à la longue chaîne générationnelle qui construit l'histoire personnelle et la cohérence du sentiment d'identité. C'est ce qui explique sa reconnaissance et ses gratitudes envers ceux qui l'ont éveillé à la foi, au goût des études, gratitudes pour les amitiés fortes et solides:

 

Le mythe d'être créateur de soi-même, d'être sa propre origine, a conduit à toutes les impasses actuelles de pathologie de l'individu, égoïsme, rejet du malheur sur des facteurs extérieurs, négation des limites et des interdits.

 

Pour lui, il est crucial, avec l'âge, pour son propre sentiment d'identité, d'être capable de rendre compte de ses actes et d'en assumer la responsabilité. Des échanges réciproques et des relations de confiance avec les autres le permettent en apprenant soi-même, c'est-à-dire en favorisant un travail lucide et exigeant sur soi-même:

 

Toutefois son parcours est resté éclairé par la foi chrétienne, foi parsemée de doutes, mais foi extrême au sein d'une vie spirituelle intense - foi chrétienne d'unité interreligieuse, foi porteuse d'une immense espérance

 

Francis Richard

 

Éric Fuchs l'éveilleur, Maryvonne Nicolet-Gognalons, 104 pages, Slatkine

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3 juillet 2021 6 03 /07 /juillet /2021 19:30
"2020" Réflexions, de Jon Ferguson

Dans tout ce que j'écris, mon objectif est double: amener mes semblables à réfléchir et à apprécier la vie, c'est-à-dire à réfléchir sur leurs valeurs, leurs croyances, leurs vérités, leur existence et leur pensée... et à apprécier le simple fait que l'existence existe.

(PS II du 10 novembre 2020)

 

"2020" Réflexions est un journal que Jon Ferguson a tenu du 26 avril 2020 au 22 mai 2020, pendant la pandémie. Mais ce n'est pas un journal comme les autres.

 

Certes, il parle de l'époque particulière au cours de laquelle il écrit, mais il s'agit surtout, comme son titre l'indique, d'un ouvrage de réflexions sur la mort, la vie:

 

Maintenant, chaque jour, je pense à la mort. Elle est aussi réelle que la vie. J'avoue ouvertement que je ne sais pas ce qu'est l'une ou l'autre. La mort est un mystère. La vie est un mystère.

(2 mai 2021)

 

Pour ce qui concerne l'époque, il se montre las des stupidités qu'il entend (p. ex. la déformation médiatique de propos qu'il a entendus), ce qui heurte la raison:

 

Ces derniers mois, beaucoup de gens ont dit beaucoup de choses dommageables sur des sujets dont ils ne savaient rien ou presque.

(30 avril 2020)

 

Ce qu'il reproche aux médias et aux politiciens, c'est de ne voir que le côté négatif des choses, de nous avoir changés, d'avoir changé notre vision du monde.

 

Peut-être sont-ce ceux qui consomment les médias et écoutent les politiciens qui sont à blâmer. Encore que tout blâme est une erreur, puisqu'il va au fond de l'Être.

 

Plus que la pandémie de la Covid-19, Jon Ferguson redoute un virus d'une autre espèce, qui ne tue pas le corps mais fait des ravages dans l'esprit, le médiavirus:

 

C'est aux États-Unis d'Amérique qu'il [le MV-1] est le plus apparent et le plus évident, où deux souches vicieuses sont à l'oeuvre depuis des décennies, CNN-2 et FOXN-13.

(8 mai 2020)

 

Le médiavirus simplifie les choses, alors qu'elles sont toujours plus complexes qu'il n'y paraît; sans doute l'acceptons-nous parce que nous aimons simplifier. Exemple:

 

Au lieu d'être bombardés de chiffres de décès, nous devrions apprendre à connaître la complexité de la situation dans son ensemble. Cela pourrait réduire la peur et la panique.

(10 mai 2020)

 

Seulement la complexité des choses n'est pas complètement rassurante, car nous, les humains, nous n'aimons pas l'incertitude. Nous n'aimons pas ne pas savoir:

 

Si l'histoire de l'humanité a révélé une chose, c'est que nous croyons presque n'importe quoi tant que cela s'inscrit dans ce que nous pensons déjà.

 

Jon Ferguson aimerait que les gens ressentent l'émerveillement de l'Être, mais pas en étant prisonniers du mensonge: la vérité sur la vérité, c'est qu'il n'y en a point...

 

Francis Richard

 

"2020" Réflexions, Jon Ferguson, 112 pages, Dashbook (traduit de l'américain par Valérie Debieux)

 

Livres précédents chez Olivier Morratel Éditeur:

 

La dépression de Foster (2013)

La Bête (2015)

Les joyaux de Farley (2016)

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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