Cette déclaration rappelle ce qu'est la dignité humaine, qui n'est pas seulement définie par la foi mais par la raison. Elle a été approuvée par le Pape François le 25 mars 2024 et publiée le 2 avril 2024, 19e anniversaire de la mort de saint Jean-Paul II.
Quel est l'objet de la Déclaration Dignitas infinita?
Une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être même, appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu'elle se trouve.
Pourquoi la Déclaration a-t-elle été jugée nécessaire?
La Déclaration cite saint Jean-Paul II, mort dans la dignité, qui, en 1979, lors de la troisième conférence épiscopale latino-américaine, à Puebla, avait déclaré:
La dignité humaine est une valeur évangélique qui ne peut être méprisée sans offenser gravement le Créateur. Cette dignité est foulée aux pieds au plan individuel, lorsqu'on ne tient pas dûment compte des valeurs comme la liberté, le droit de professer sa religion, l'intégrité physique et psychique, le droit aux biens essentiels, à la vie... Elle est foulée aux pieds, au plan social et politique, lorsque l'homme ne peut exercer son droit de participation ou est soumis à des contraintes illégitimes, ou à des tortures physiques, psychiques, etc.
La dignité a plusieurs sens, mais le plus important est celui de la dignité ontologique qui concerne la personne en tant que telle par le simple fait d'exister et d'être voulue, créée et aimée par Dieu.
La personne?
En tant que "substance individuelle", la personne jouit d'une dignité ontologique (c'est-à-dire au niveau métaphysique de l'être lui-même): c'est un sujet qui, ayant reçu de l'existence de Dieu, "subsiste", autrement dit exerce l'existence de manière autonome.
Qu'est-ce qui caractérise la dignité humaine?
- Elle est intrinsèque à la personne: elle n'est pas conférée a posteriori, elle est antérieure à toute reconnaissance et ne peut être perdue.
- Elle provient de l'amour de son Créateur.
- Elle est inestimable, puisque, pour s'unir à tout être humain, le Christ s'est incarné.
- Elle n'est pas seulement liée à ses origines mais à sa fin qui est d'être en communion avec Dieu pour le connaître et pour l'aimer.
- Elle peut atteindre son niveau le plus haut par la liberté de l'être humain à laquelle son image de Dieu est confiée et qui, sous la direction et l'action de l'Esprit, peut faire grandir sa ressemblance avec Lui.
- Elle ne peut qu'être blessée ou obscurcie par le péché, mais celui-ci ne peut jamais effacer le fait que l'être humain a été créé à l'image de Dieu: c'est pourquoi la foi contribue de manière décisive à aider la raison dans sa perception de la dignité humaine, et à en accueillir, consolider et préciser les traits essentiels.
Et les droits et devoirs de l'homme?
La dignité humaine en est le fondement:
- Le respect de la dignité humaine est inconditionnel parce qu'elle est intrinsèque: elle ne dépend pas du jugement sur la capacité d'une personne à comprendre et à agir librement.
- La dignité humaine ne justifie pas la multiplication arbitraire de nouveaux droits: c'est une référence objective pour la liberté humaine.
- La dignité humaine ne se limite pas à la capacité de décider discrétionnairement de soi-même et de son propre destin, indépendamment de celui des autres, sans tenir compte de son appartenance à la communauté humaine.
Le libre arbitre ?
Si la liberté est un merveilleux cadeau du ciel, elle ne peut s'exercer, sous peine de se fourvoyer, loin de Dieu et sans son aide: Le libre arbitre préfère souvent le mal au bien. Aussi, pour qu'une véritable liberté soit possible, la dignité humaine doit-elle être replacée au centre.
Quelques violations graves de la dignité humaine:
- Le drame de la pauvreté: le document l'attribue, à tort, à l'inégale répartition des richesses, car ce n'est pas l'inégalité qui est en cause, mais la prédation de certains aux dépens des autres, notamment dans le cas de l'État-providence qui est une singerie de la Providence. Réduire les coûts du travail n'est pas une mauvaise chose en soi, comme le pensent les auteurs du document, surtout quand il s'agit de coûts induits par l'État actif (pour reprendre l'expression de Pape François), qui se taille la part la plus belle, car c'est de son intervention que résulte directement le chômage.
- La guerre: Avec son cortège de destructions et de douleurs, la guerre porte atteinte à la dignité humaine à court et à long terme. C'est pourquoi toutes les guerres accroissent les problèmes et ne les résolvent pas. Qui plus est, le document cite, à raison, le Pape François: La guerre au nom de la religion devient une guerre à la religion elle-même.
- Le travail des migrants: Les migrants sont parmi les premières victimes des multiples formes de pauvreté. Certes, mais à qui la faute? Le document ne pose pas cette question essentielle et personne, respectueux de la dignité humaine, ne niera qu'il faut voir en eux des personnes humaines.
- La traite des personnes humaines
- Les abus sexuels
- Les violences contre les femmes
À cette liste de violations graves de la dignité humaine, le document ajoute celles dues à ce qu'il faut bien appeler le progressisme sociétal, expression que le document n'emploie pas, mais qui revient à ne pas reconnaître le caractère intrinsèque de la dignité de tout être humain, qui vaut depuis le moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle:
- L'avortement:
Dans le cas de l'avortement, on observe le développement d'une terminologie ambiguë, comme celle "d'interruption de grossesse", qui tend à en cacher la véritable nature et à en atténuer la gravité dans l'opinion publique [...] Mais aucune parole ne réussit à changer la réalité des choses: l'avortement provoqué est le meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d'un être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance. Au regard de la foi, c'est une offense au Créateur de l'homme.
- La gestation pour autrui:
L'enfant, immensément digne, devient un simple objet.
- L'euthanasie et le suicide assisté:
Il faut réaffirmer avec force que la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable, mais qu'elle peut devenir une occasion de renforcer les liens d'appartenance mutuelle et de prendre conscience de la valeur de chaque personne pour l'ensemble de l'humanité.
Il est certain que la dignité de la personne malade dans un état critique ou terminal exige de chacun les efforts appropriés et nécessaires pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement ou toute intervention disproportionnée.
[...]
La vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée.
- La mise au rebut des personnes handicapées:
Tout être humain, quelle que soit sa condition de vulnérabilité, reçoit sa dignité du fait même qu'il est voulu et aimé par Dieu.
- Théorie du genre:
elle est très dangereuse parce qu'elle efface les différences dans la prétention de rendre tous égaux. [...] Elle nie la plus grande différence possible entre les êtres vivants: la différence sexuelle. [...] La plus belle et la plus puissante: elle réalise, dans le couple homme-femme, la plus admirable réciprocité et est donc à l'origine de ce miracle qui ne cesse de nous étonner, à savoir l'arrivée de nouveaux êtres humains dans le monde.
- Changement de sexe:
Toute intervention de changement de sexe risque, en règle générale, de menacer la dignité unique qu'une personne a reçue dès le moment de la conception.
- Violence numérique:
Il est nécessaire de s'assurer constamment que les formes de communication actuelles nous orientent effectivement vers une rencontre généreuse, vers la recherche sincère de la vérité intégrale...
Conclusion
Le respect de la dignité de chaque personne est [...] la base indispensable à l'existence même de toute société qui se veut fondée sur le droit juste et non sur la force du pouvoir. C'est sur la base de la reconnaissance de la dignité humaine que sont défendus les droits fondamentaux de l'homme, qui précèdent et fondent toute coexistence civilisée.
Francis Richard
Dignitas infinita, Dicastère pour la Doctrine de la Foi, 84 pages, Téqui (sortie le 24 avril 2024)