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19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 21:10
Nietzsche au piano, de Frédéric Pajak

Saviez-vous que Friedrich Nietzsche était musicien? Dans Nietzsche au piano, Frédéric Pajak le raconte, précise que, quand il l'avait lu intégralement, il s'était agi pour lui d'une expérience totale:

 

En partie philosophique, mais surtout esthétique, c'est-à-dire poétique et musicale.

 

Je savais qu'en 1868, à 24 ans, Nietzsche était devenu l'ami de Wagner, qu'il avait rompu avec lui après l'avoir encensé. Mais j'ignorais que cette rupture, en 1876, provenait de différends musicaux.

 

Nietzsche reprochait à Wagner de composer une musique allemande et théâtrale, alors qu'il considérait que la musique devait être méditerranéenne. Quant à Richard, il trouvait nulle celle de Friedrich:

 

Les considérations musicales ne sont pas l'unique point d'achoppement; il en est un autre, et de taille: l'antisémitisme de Wagner.

 

Par curiosité, un jour, l'auteur a écouté une petite pièce pour piano composée par Friedrich Nietzsche. Bouleversé, il y a retrouvé son écartèlement entre sa délicatesse romantique et ses rêves d'Antiquité.

 

Alors l'auteur est allé plus loin dans sa recherche des liens entre cet homme, au nom illisible, et la musique, ce qui l'a conduit à écrire cette histoire chronologique, confirmant qu'il était musicien avant tout.

 

Entre la mort de Wagner, en 1883, et son effondrement à lui, en 1889, Nietzsche ne va plus composer et ne fait plus qu'écrire ses livres, et toujours plus brillamment, la musique faisant oublier la souffrance.

 

Nietzsche entamera alors une longue vie végétative, qui va durer dix ans, dont sept sous la garde de sa mère, pendant lesquels il n'écrira ni ne lira plus, mais jouera encore au piano, y trouvant l'apaisement.

 

Francis Richard

 

Nietzsche au piano, Frédéric Pajak, 96 pages, Les Éditions Noir sur Blanc

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

 

Livres précédemment chroniqués:

Manifeste incertain 1

Manifeste incertain 2

Manifeste incertain 3

Manifeste incertain 4

Manifeste incertain 5

Manifeste incertain 6

Manifeste incertain 7

Manifeste incertain 8

Manifeste incertain 9

 

PS

 

Ont lieu:

  • L'exposition PAJAK de Jacques à Frédéric - peinture, dessin et collage - jusqu'au 7 avril 2024
  • Conférence PAJAK PÈRE ET FILS EN ÉTAT D'URGENCE par Françoise Jaunin, le 24 mars 2024 à 17h

 

À La Fondation L'Estrée

Bourg-Dessous 5

1088 Ropraz

021 903 11 73

fondation@estree.ch

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23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 19:00
Noor, d'Étienne Barilier

Noor a vingt-neuf ans, mais en paraît dix de moins. Et surtout, avec son visage à l'ovale exact et reposant, avec son nez très légèrement plus long et fort qu'on n'attendrait de la perfection (mais cet infime accent marque sa noblesse); avec la lumière intense et veloutée de ses yeux, ses yeux qui semblent dire à quiconque: ne me faites pas souffrir en me refusant votre sourire - avec tout cela, Noor est belle, simplement.

 

Cette description correspond à l'apparence de Noor quand elle est reçue le 7 juin 1943 à Londres par Leo Marks, un collaborateur du SOE (Special Operations Executive), créé par Churchill.

 

Noor est une princesse indienne. Son nom est Noor-un-Nisa1 Inayat Kahn (1914-1944). Son père, Hazrat, était un prince indien soufi 2, qui, à ce moment-là, a déjà rejoint le paradis d'Allah.

 

La mère de Noor, Ora Baker, est anglo-écosso-irlandaise. Hazrat, musicien et conférencier, l'a rencontrée en Amérique et épousée à Londres. Noor est née à Moscou, pendant une tournée.

 

Les Inayat Kahn ont habité Londres, Moscou et Suresnes, banlieue ouest de Paris, dans une grande demeure, Fazal Manzil 3. Ce qui explique le bilinguisme de Noor, un atout pour le SOE.

 

L'autre atout de la jeune femme, qui a regagné Londres en juin 1940, est que, musicienne, elle se révèle habile clavieriste, ce qui est déterminant pour devenir une opératrice radio du SOE.

 

Ce ne sont pas ses capacités techniques qui interrogent les responsables du SOE pour l'envoyer sur le terrain, en l'occurrence en France. Ce sont ses autres capacités pour affronter l'ennemi.

 

Noor s'envole finalement dix jours plus tard pour la France, où un avion la dépose à une vingtaine de kilomètres d'Angers, qu'elle gagne à vélo après avoir passé la nuit dans une ferme. 

 

À la gare d'Angers elle prend le train pour Paris, Gare-Montparnasse, d'où elle se rend par le métro au 40 de la rue Erlanger, qui est l'adresse de son contact et où elle arrive sans encombre.

 

Étienne Barilier replace le récit dans son contexte. Dans la résistance, il y avait de vrais héros, tels que Noor, mais aussi des traîtres, des agents doubles et, à Londres, de graves fautifs...

 

Quoi qu'il en soit, son livre, basé sur une histoire vraie et bien documenté, même s'il ne comporte pas de bibliographie, se lit comme un roman d'espionnage dont la fin est hélas connue.

 

Le dernier mot du récit revient à Leo Marks qui se sent responsable et coupable d'avoir jeté Noor dans le malheur, tout en sachant qu'il n'a fait qu'accepter sa décision et respecter son courage.

 

Ce roman historique se termine en effet par une vision que l'agent anglais agnostique a de Noor dans sa grande beauté, la vérité de son être, et qui lui fait s'adresser à elle en ces termes:

 

J'essaie du moins de croire en quelque chose: le sourire humain. Le vôtre est là. Je sais qu'il va demeurer, libre du corps disparu.  

 

Francis Richard

 

1 - Ce qui signifie Lumière des femmes.

2 - Il voulait harmoniser l'Orient et l'Occident.

3 - Ce qui signifie Maison de la bénédiction.

 

Noor, Étienne Barilier, 384 pages, Phébus

 

Livres précédents:

Le piano chinois (2011) Éditions Zoé

Ruiz doit mourir (2014) Buchet-Chastel 

Les cheveux de Lucrèce (2015) Buchet-Chastel

Dans Karthoum assiégée (2019) Phébus

 

La maison des Inayat Kahn à Suresnes:

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 19:50
Savonarole, d'Aimé Richardt

Jérôme Savonarole (1452-1498) est un religieux condamné par l'Église pour schisme et instauration d'un régime théocratique à Florence. Des catholiques lui accorderont respect, confiance, voire admiration; des protestants, tels que Luther, verront en lui un éminent précurseur de la Réforme.

 

C'est son histoire qu'Aimé Richardt raconte dans ce livre en en restituant le contexte. Il en ressort que les moeurs de l'Église sont contraires à son enseignement, jusques au sommet de la hiérarchie, et que Jérôme Savonarole va s'insurger contre, à partir du moment où il en fera lui-même partie.

 

Ce qui frappe dans cette époque de chrétienté, c'est l'intolérance des uns et des autres qui n'est pas sans rappeler ce que nous vivons dans la nôtre, où des mots sont des appels à des actes qui nous choquent parce que, du moins à ma génération, nous avons appris à les trouver répréhensibles.

 

À lire cette biographie, il est difficile de prétendre que Savonarole ait commis des actes condamnables. Il n'est pas de ceux qui disent de faire ce qu'ils ne font pas eux-mêmes. À ce point de vue, sa vie est irréprochable. Mais ce qu'il dit n'est pas toujours crédible, est dur, parfois contradictoire.  

 

Après des études universitaires, il reçoit l'appel de Dieu en mai 1474 et quitte la maison paternelle sans guère d'explications, un peu moins d'un an plus tard, en avril 1475, pour se rendre au couvent dominicain de Bologne, où il revêt l'habit des mains du prieur et se forme pendant sept ans.

 

Depuis ses 20 ans, Jérôme écrit des poèmes. Il continuera cette activité pendant toute sa vie, ce qui démontre qu'il a une bonne culture. À chaque grande occasion, il en compose, mais ce sont ses prêches qui vont, peu à peu, retenir l'attention, mû par une illumination qu'il aurait eu à 22 ans.

 

Dès lors il prophétise qu'un fléau s'abattra sur l'Église si elle ne s'amende pas et n'opère une profonde réforme... Il y a à cela sept raisons: la criminalité, la luxure et l'idolâtrie, les mauvais bergers, les faux prophètes, la diminution de la foi, la décrépitude de l'Église et le mépris des saints.

 

Écarté pendant un temps du couvent dominicain de Florence, après avoir été à Bologne, Ferrare et en Lombardie, il y retourne en 1490, à l'invitation de Laurent le Magnifique, sous les instances de Giovanni Pic de la Mirandole. Il y donne des leçons sur l'Apocalypse au grand retentissement.

 

Son destin bascule après sa prédication du 27 avril 1791, où il se montre d'une rare véhémence. Les pauvres et les opprimés y trouvent la justification de leur mécontentement tandis qu'elle indiffère les riches et que Laurent le Magnifique se sent visé et ne lui oppose qu'un piètre prédicateur.

 

Après la mort de Laurent le Magnifique, devenu prieur du Monastère Saint Marc, Jérôme Savonarole se fait prophète non plus sur la base des Écritures mais sur les révélations qu'il se persuade que Dieu lui ferait directement, tout en prétendant que l'Ancien Testament reste la source de ses visions.

 

Après l'élection du pape Alexandre VI, la chute des Médicis, la nouvelle vision qu'il décrit en chaire le 1er avril 1495, tout va changer pour Jérôme Savonarole dont d'aucuns mettront alors en cause la bonne foi. Ses attaques contre le pape lui vaudront excommunication et défections de partisans.

 

Lui qui avait été saisi d'une rage punitive (bûcher pour les sodomites, extirpation des mauvais prêtres, enfermement des prostituées au bordel, lourdes amendes pour les joueurs, percement de la langue des blasphémateurs, interdiction des bals, etc.) finira pendu et brûlé après avoir été torturé.

 

Après s'être rendu aux autorités civiles qui menaçaient de mettre le feu à son couvent, il avoua sous la torture que son but était la gloire, le crédit et la réputation. C'était un reniement total de l'oeuvre de sa vie. Seul un de ses deux compagnons, arrêtés avec lui, et torturés, ne l'aura pas renié.

 

L'Inquisition les condamnera comme hérétiques et schismatiques, les remettra au bras séculier qui doit les exécuter par pendaison: leurs corps devront ensuite être brûlés afin que le feu purifie la terre de leur passage, et leurs cendres dispersées pour effacer toute trace de leur passage sur la terre.

 

Il ne faut jamais oublier le contexte, ni juger avec les yeux d'aujourd'hui. Mais l'on ne peut s'empêcher de faire des rapprochements avec un autre épisode de l'histoire, la Révolution française, où des mots, suivis d'actes, ce qui ne peut être reproché à Savonarole, se sont retournés contre leurs auteurs.

 

Francis Richard

 

Savonarole, Aimé Richardt, 154 pages, SOTECA (sortie le 30 août 2023)

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

 

Chez SOTECA:

Saint Vincent de Paul (1561-1660)-Le miséricordieux (2022)

Le saint curé d'Ars (2023)

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19 août 2023 6 19 /08 /août /2023 18:00
Ludwig Hohl, d'Anna Stüssi

J'ai su, très tôt, que je me contenterais de raconter la première partie de sa vie, car celle-ci contient déjà tout Hohl.

 

Anna Stüssi, en effet, dans ce fort volume biographique s'intéresse aux années 1904-1937 de Ludwig Hohl (1904-1980), ce qui ne l'empêche pas de faire quelques incursions bien au-delà de 1937.

 

Comme elle le dit dans son introduction, la gloire vint tardivement et s'estompa bientôt. Aussi faut-il remercier Bernard Campiche d'avoir édité et Antonin Moeri d'avoir traduit cette biographie.

 

À l'appui de ses dires, l'auteure cite abondamment l'écrivain suisse-allemand, qu'il s'agisse de ses oeuvres ou de sa correspondance, ainsi que ce qu'ont dit de lui ses amis dans leurs lettres et articles.

 

Ainsi découvre-ton une personnalité hors normes. Il n'est pas beaucoup d'écrivains comme lui qui ont eu ou ont une telle persévérance à continuer d'écrire en dépit du manque de reconnaissance.

 

Ludwig Hohl sait depuis tout petit qu'il ne veut qu'une chose au monde être un artiste. Connaître misères et désolations ne sont pas raisons suffisantes pour renoncer à écrire... nombre de notes.

 

Dire que c'était quelqu'un qui était paresseux et se la coulait douce serait une terrible erreur commise sur la personne. Pendant de longues périodes il a travaillé sans trêves ni repos ni souci de sa santé.

 

Les années 1904-1937 suffisent à familiariser le lecteur avec cet homme instable, qui ne travaille pas pour vivre, au grand dam de ses parents qui ne le comprennent pas, mais pour être un vrai artiste.

 

Comme tout vrai artiste, Ludwig Hohl est hypersensible. Mais cette hypersensibilité ne justifie pas pour autant d'être désorganisé et ne pas noter tout ce qu'il fait pour en tirer des leçons sur la vie.

 

Il note même ses rêves qui, nous dit sa biographe, ont une grande importance existentielle: Il y trouvait des informations sur lui-même et, en plus, l'expression d'une imagination poétique archaïque...

 

Ses amis ont également une grande importance pour lui, qui échange beaucoup avec eux, de même que les géants de la littérature, poètes, philosophes, écrivains, dont il fait son miel de la lecture.

 

Il ne se sent pas bien en Suisse où son mode de vie marginale et originale est incompris. À Paris, à Marseille, aux Goudes, à Faverges, à Vienne, à Grein an der Donau ou à La Haye, il est son pays.

 

En 1937, revenu en Suisse, à Genève, loin du Glaris natal, traversant le lac Léman à la nage, ce personnage de roman est apaisé par la simple vue du Mont Blanc qui le regarde depuis un moment:

 

C'est à cette image que recourut la biographe quand le courage allait la quitter sur la longue route à travers la biographie de Hohl.

 

Francis Richard

 

Ludwig Hohl, Anna Stüssi, 472 pages, Bernard Campiche Editeur (traduit de l'allemand par Antonin Moeri)

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18 avril 2023 2 18 /04 /avril /2023 22:55
Le nageur, de Pierre Assouline

S'il y a une leçon à méditer de l'enseignement des Anciens, c'est bien celle-ci: l'éducation d'un homme n'est pas complète s'il ne sait pas nager.

 

Le nageur est l'histoire d'un homme complètement éduqué, Alfred Nakache, originaire de Constantine en Algérie, où il est né en 1915.

 

Un homme, c'est sa ville, écrit Pierre Assouline. Et Constantine n'est pas une ville comme les autres. Alfred y habite le quartier juif:

 

Ce n'est pas vraiment un ghetto puisque le passage y est libre.

 

Alfred n'est pas non plus un nageur comme les autres:

 

Son style, si l'on peut dire, est tout sauf gracieux, élégant, délié. Il compense par la puissance de ses bras et de ses cuisses.

 

Pour réussir, à haut niveau, dans son sport, Alfred doit partir pour Paris, où il intègre le lycée Janson-de Sailly et le Racing Club de France:

 

Deux lieux privilégiés, huppés, sélectifs, où l'entre-soi ne dispense pas de cultiver l'excellence.

 

Pour Alfred l'essentiel, avant la performance, est de prendre du plaisir. Mais l'un n'empêche pas l'autre et les résultats sont là pour Artem1.

 

Lors des compétitions il fait la connaissance de son meilleur ennemi, Jacques Cartonnet, un athlète différent, physiquement et mentalement.

 

Autant Cartonnet  a des facilités et s'en tient au strict minimum, autant pour Nakache tout est dans l'effort afin de donner le strict maximum.

 

Nakache dispute les Maccabiades en 1935 à Tel-Aviv et les Jeux Olympiques en 1936, à Berlin, dans une ambiance tendue, comme on imagine.

 

Nakache l'emporte sur Cartonnet; il sait créer les conditions du surgissement de l'imprévu et de l'étincelle qui lui permet de monter sur le podium.

 

Après la débâcle les rivaux se retrouvent tous deux à Toulouse, Cartonnet au Racing Olympique, Nakache aux Dauphins du TOEC:

 

Le plus titré des nageurs français en activité n'en reste pas moins fidèle à lui-même, toujours aussi joyeux, blagueur, discret.

 

Il ne fait pas bon être juif au cours de ces années sombres où les lois, sous la pression des nazis, restreignent de plus en plus leurs libertés.  

 

Après la rafle du vélodrome d'Hiver à l'été 1942, les événements se précipitent. En 1943, Nakache n'est pas le bienvenu au championnat de France.

 

Par solidarité, d'autres nageurs de haut niveau boycottent les épreuves et sont sanctionnés... De lui-même, d'ailleurs, Nakache renonce.

 

En fait il est en équilibre instable sur une ligne de crête:

 

Le jour, il s'entraîne au vu de tous; le soir, il se produit officiellement; la nuit il résiste clandestinement.

 

Fin 1943, sur dénonciation (de Cartonnet?), Nakache puis sa femme Paule et leur fille Annie sont arrêtés, transférés à Paris, puis à Drancy.

 

Déporté, en janvier 1944, à Auschwitz, où il est séparé de sa femme et de sa fille qu'il ne reverra plus, puis à Buchenwald, il s'en sort.

 

À la Libération, il revient à Paris, puis à Toulouse. S'il a survécu, il le doit à sa constitution physique. Il va à nouveau nager pour ne pas couler:

 

Derrière tout grand nageur, il y a un grand entraîneur.

 

À Toulouse, il retrouve son entraîneur qui lui réapprend à marcher avant de lui réapprendre à nager. Il reconquiert musculature et puissance.

 

Il retrouve sa volonté de nager, de concourir et de gagner et participe au championnat de France en 1946, aux Jeux Olympiques en 1948.

 

À la retraite, en 1976, il s'établit à Cerbère avec sa seconde femme, Marie. Chaque jour il boucle son kilomètre de nage dans le port de la petite ville.

 

Après une alerte cardiaque, lointain héritage des camps, en août 1983, il reprend l'entraînement, fait une dizaine de mètres et de battre son coeur s'arrête:

 

Le récit de son existence pourrait tenir en une phrase: il est né, il a nagé, il est mort.

 

Francis Richard

 

1 - Le surnom qui lui a été donné.

 

Le nageur, Pierre Assouline, 256 pages, Gallimard

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 23:55
La chute de l'empire européen, de Philippe Fabry

L'Histoire ne peut nous enseigner aucune règle, aucun principe ni loi d'ordre général. Il n'y a aucun moyen d'abstraire d'une expérience historique a posteriori de quelconques théories ou théorèmes concernant la conduite et les politiques humaines.

Ludwig von Mises, L'Action humaine

 

Philippe Fabry pratique ce qu'il appelle l'historionomie, une autre façon de lire l'histoire que celle de l'Autrichien, donc de lire le monde. À partir d'observation de récurrences historiques, cette discipline comparative conduit à des modèles.

 

La chute de l'empire européen est un exemple de cette démarche qui se base non seulement sur l'étude historique mais sur une ethno-géographie en rapport avec elle. Un modèle expliquant la construction des États-nations en résulte.

 

QU'EST-CE QU'UN ÉTAT-NATION ?

 

Une entité politique assise sur et correspondant à un espace géographique et une population circonscrite, dotée d'une certaine spécificité culturelle.

 

Philippe Fabry s'est intéressé surtout aux États-nations résultant d'une construction en toute autonomie sur le temps long, dont la constitution se termine par un mouvement national de révolution qui fige les frontières et scelle l'identité nationale.

 

Philippe Fabry observe cette construction des États-nations de l'Antiquité à nos jours: elle s'effectue, constate-t-il, selon un schéma similaire, dont le principal ressort est un déterminisme ethno-géographique, ce qu'il résume en ces termes:

 

La construction d'un État-nation dure entre six et sept siècles, au cours desquels un espace ethno-géographique s'homogénéise culturellement, sous la férule d'un État impérial, c'est-à-dire de l'édifice administratif et institutionnel d'un pouvoir s'étendant très au-delà de sa zone géographique d'origine (la grande plaine).

 

D'abord relativement respectueux des disparités culturelles et des institutions traditionnelles, l'État impérial se montre de plus en plus autoritaire et centralisateur. Il est alors confronté à une crise de légitimité doublé d'une faillite.

 

Pour sortir de cette crise, l'État impérial opère une mutation, à l'occasion d'un mouvement de révolution nationale, qui le transforme en un régime parlementaire 1 fondant principalement les distinctions sociales et politiques sur la fortune:

 

L'État impérial devient [à son tour] État-nation.

 

UNE HOMOGÉNÉISATION CULTURELLE

 

Ce modèle sert de grille de lecture à l'auteur pour analyser la situation actuelle de l'Europe et, partant, d'envisager son développement futur, le siège du pouvoir de l'Union européenne se trouvant géographiquement dans l'espace rhénan:

 

Ce grand triangle entre la Belgique, les Pays-Bas et la Bavière.

 

En effet, au cours de l'histoire, toutes les autres tentatives d'empire européen ont échoué. La construction actuelle s'est faite suivant le modèle tardif de l'Italie et de l'Allemagne, ses élites se distinguant par des idéologies censées les légitimer:

- écologisme

- multiculturalisme

- féminisme

- LGBTQuisme.

 

Pour ne pas être en reste, les élites urbaines ont imité cette culture de la mégapole où se situe le centre du pouvoir européen et, en réaction, la population a eu tendance à en adopter les termes si bien qu'une homogénéisation culturelle s'est faite.

 

UN MOUVEMENT DE RÉVOLUTION

 

Dans le langage de l'Union européenne, de plus en plus autoritaire et centralisatrice - la Commission européenne a seule l'initiative des lois et il n'existe pas de chambre haute pour représenter l'Europe périphérique -, l'état de droit signifie:

 

L'État crée le droit et doit le respecter.   

 

Ce Rechtsstaat germanique, positiviste, est différent de la Rule of Law, britannique, où le droit est un phénomène naturel que l'intelligence humaine découvre par la recherche du juste: l'État doit respecter ce droit qui lui est extérieur.

 

Les conditions d'un mouvement de révolution, tel qu'évoqué plus haut, sont aujourd'hui réunies avec le discrédit des idéologies et des institutions européennes, responsables par leurs défaillances des crises économiques, sociales et énergétiques:

- tâtonnements dans la gestion de la pandémie

- incapacité à voir venir l'invasion russe en Ukraine

- impréparation stratégique et énergétique à la survenance de la guerre.

 

COMMENT EN SORTIR ?

 

Dans Le Président absolu, l'auteur avait suggéré des remèdes pour éviter que la France ne sombre dans le chaos. Les réformes organiques qu'il propose à l'échelle européenne sont similaires pour lui éviter une répétition tragique de l'Histoire:

- rendre responsable la Commission devant le Parlement par la possibilité d'une motion de censure à la majorité simple

- élire les membres de la Commission par le Parlement

- adjoindre un Sénat dont la composition serait pondérée afin que les territoires les moins densément peuplés soient représentés équitablement

- élire éventuellement un chef d'État de l'Union par le Sénat, le Parlement et le Conseil européen avec pour seules attributions un rôle de représentation et de garantie des institutions.

 

Francis Richard

 

 

1 - Ce mouvement de révolution demande une quarantaine d'années.

 

La chute de l'empire européen, Philippe Fabry, 154 pages, Léo Portal

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Rome, du libéralisme au socialisme, 160 pages, Jean-Cyrille Godefroy (2014)

Le Président absolu, 118 pages, Léo Portal (2022)

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29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 20:50
Le saint curé d'Ars, d'Aimé Richardt

Jean-Marie Vianney naît le 8 mai 1786 à Dardilly, commune de la région lyonnaise. Il est le quatrième enfant d'une famille qui en comptera six.

 

À dix-huit ans, il annonce à son père qu'il veut devenir prêtre, mais, à l'époque, cela signifie pratiquer le latin. Or le latin est un supplice pour lui.

 

En 1809, pour échapper à la conscription, il déserte et ne revient qu'en 1811. Il est admis au séminaire en 1812 et ordonné prêtre en août 1815.

 

Il n'a donc pas été facile ni rapide à Jean-Marie d'accéder à la prêtrise. Nommé vicaire à Écully, il voit très vite son confessionnal assiégé.

 

La raison de cette ferveur est qu'il est un homme de foi et que celle-ci rayonne dans ses instructions aux enfants et lorsqu'il monte en chaire.

 

Au décès du curé d'Écully, il ne lui succède pas et est nommé à Ars-en-Dombes, où il s'installe le 13 février 1818 et y poursuit son apostolat.

 

Là encore les fidèles se pressent à son confessionnal. N'est-ce pas parce qu'il est un confesseur sévère et que, quand il prêche, il est concret?

 

L'église est délabrée? Il la restaure. Son âme est assaillie par le grappin? Il fait pénitence et ses armes pour le combattre sont le jeûne et la prière.

 

Ses pénitents doivent être humbles: l'orgueil est la chaîne de chapelet de tous les vices, être confiants et ne pas douter de la miséricorde de Dieu.

 

Il dépense ce qu'il reçoit pour l'embellissement, et le renouvellement, de ce qu'il appelle le ménage du Bon Dieu, et l'aide à ses paroissiens pauvres.

 

En 1824, sous sa férule, une école gratuite ouvre dont les élèves sont d'abord les filles de la région, puis les filles abandonnées des environs.

 

Ce succès du curé d'Ars ne va pas sans calomnies proférées contre lui, mais elles n'aboutissent pas. Il reste pour ne pas leur donner raison.

 

Les foules qui viennent se confesser à lui suscitent jalousies et médisances de la part de confrères, mais leur conversion seule lui importe:

 

Je leur donne une petite pénitence et fais le reste à leur place.

 

La confession, décriée à l'époque par un Jules Michelet, est pourtant ce qui caractérise le curé d'Ars et qu'il donnera, épuisé, jusqu'à sa mort.

 

Aimé Richardt rappelle en fin d'ouvrage les conditions à remplir pour être béatifié, puis canonisé. En 1925, il devint ainsi Le saint curé d'Ars:

 

La commune d'Ars-sur-Formans est aujourd'hui un lieu de pèlerinage qui accueille plus de 500 000 visiteurs par an.

 

Le livre se termine par la reproduction de l'Acte d'amour du curé d'Ars, qui, comme le dit l'auteur, en fait une belle fin, dont ce bel extrait:

 

Je vous aime, ô mon Dieu, et je n'appréhende l'enfer que parce qu'on n'y aura jamais la douce consolation de vous aimer.

 

Francis Richard

 

Le saint curé d'Ars, Aimé Richardt, 120 pages, SOTECA (sortie le 1er mars 2023)

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

 

Chez SOTECA:

Saint Vincent de Paul (1561-1660)-Le miséricordieux (2022)

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17 décembre 2022 6 17 /12 /décembre /2022 23:55
Le brun et le vert- Quand les nazis étaient écologistes, de Philippe Simonnot

L'écologie (le mot lui-même et la discipline scientifique) est née en 1866, grâce à un certain Ernst Haeckel (1834-1919). Beaucoup ignorent que sa première incarnation politique et pratique a été le régime nazi en 1933. Philippe Simonnot comble cette lacune avec ce livre-enquête très documenté.

 

Auparavant il rappelle qui était Ernst Haeckel: un biologiste anti-chrétien, un fervent antisémite, un moniste hostile à l'anthropocentrisme, un promoteur du darwinisme social, pour qui la maladie d'une société est causée par la présence de parasites humains, identifiés par leur race et leur religion.

 

L'inspirateur du nazisme vert est un disciple d'Ernst Haeckel, Walther Schoenichen. À partir de 1928, celui-ci dirige le journal conservateur, Protection de la Nature. En 1932 il adhère au parti nazi. Pour lui, le capitalisme, le libéralisme, le matérialisme, la démocratie sont des poisons pernicieux.

 

Ces poisons saccagent la nature, déracinent le peuple allemand en le détachant de sa fondation naturelle de la vie. Car le sang et le sol sont les forces primordiales de la vie et de l'âme [...] propres à la race allemande. Ainsi le paysage primordial doit-il être protégé des atteintes de la main de l'homme.

 

Les droits individuels, notamment les droits de propriété, doivent s'effacer devant les besoins collectifs du peuple qui sont organiques. Le grand tout - race et pays, sang et sol - assigne à chaque partie du pays sa fonction. Il est donc légitime de saisir des propriétés pour des raisons écologiques:

 

C'est seulement dans des États soumis à des régimes autoritaires que peuvent être remplies les conditions nécessaires à une organisation de l'espace avec une perspective à long terme. (Schoenichen,1942)

 

Dès le lendemain de l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir, un impressionnant ensemble législatif ou réglementaire est adopté, le droit de propriété pouvant être bafoué à volonté pour la sauvegarde de la flore, de la faune et des monuments naturels, ceux qui ne doivent rien à la main de l'homme:

 

L'écologie nationale-socialiste est étatique et anticapitaliste.

 

Parmi ces lois, il y a celle de protection des animaux, c'est-à-dire de tous les êtres vivants désignés comme tels par le langage courant comme par les sciences de la nature, et celles, par exemple, interdisant l'organisation de combats de coqs ou de corridas, ou encore de couper les oreilles des chiens...

 

Parmi ces lois, il y a celle contre la dévastation des forêts, qui s'applique aussi bien aux domaines publics qu'aux domaines privés, la sainte forêt allemande étant considérée par les nazis comme un bien national, un fief du peuple, si bien que son bien-être est plus important que tout profit personnel.

 

Sous le IIIe Reich, le verdissage est de fait général. Les autoroutes doivent être respectueuses de l'environnement. Quant à l'agriculture biodynamique, rejetant l'usage de pesticides et de fertilisants chimiques, elle est imposée dans les territoires occupés et dans... les jardins de Dachau et d'Auschwitz.

 

Si des personnalités de première importance du régime nazi au plan opérationnel, tels que Walther Darré, Fritz Todt, Alwin Seifert ou Rudolf Hess, sont des écologistes convaincus, Adolf Hitler n'est pas en reste, qui pense que l'homme doit être détrôné au profit d'une nouvelle divinité: la nature:

 

À un moment donné, ose-t-il prévoir, le problème de la surpopulation se posera fatalement. Mais cette question, selon lui, sera résolue par la loi du plus fort...

 

Les écologistes allemands sont-ils aujourd'hui les héritiers de l'écolo-nazisme? En tout cas, comme lui, ils rejettent la position dominante de l'homme dans la nature, comprise par des générations de juifs et de chrétiens (Genèse 1, 26-30) et reprise par le capitalisme, trois termes honnis par le nazisme.

 

L'auteur se promettait de mener une autre enquête sur des traces clandestines de national-socialisme dans l'animalisme, l'antispécisme, le culte de "Gaïa", le nouveau paganisme, l'antilibéralisme en vogue aujourd'hui dans beaucoup de cercles écologistes. Mais il n'en aura hélas pas eu le temps1.

 

Francis Richard

 

1 - Philippe Simonnot est mort à Paris le 17 novembre 2022, peu avant la sortie de ce livre.

 

Le brun et le vert - Quand les nazis étaient écologistes, Philippe Simonnot, 232 pages, Les Éditions du Cerf

 

Livre précédent:

Chômeurs ou esclaves, Pierre-Guillaume de Roux (2013)

 

Livre précédent avec Charles Le Lien:

La monnaie - Histoire d'une imposture, Perrin (2012)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 21:45
Saint Vincent de Paul (1561-1660) - Le miséricordieux, d'Aimé Richardt

Comme raconter la vie de Vincent de Paul n'est pas simple, aux dires même d'Aimé Richardt, il vaut mieux lire la biographie qu'il vient de lui consacrer et se contenter d'en donner un aperçu en soulignant quelques traits à partir de ce qu'il en dit:

 

Le coeur de Vincent ne pouvait rester étranger à aucune infortune, ni son génie d'organisation laisser quelque souffrance qu'il n'eût essayé de secourir.

 

Quelles sont les infortunes auxquelles son coeur n'a pu rester étranger? Les pauvres malades, les galériens, les enfants trouvés, les vieux, les soldats démobilisés, malades ou affamés... Comment? En les assistant corporellement et spirituellement.

 

Quels sont les manifestations de son génie de l'organisation? Aimé Richardt note, par exemple, qu'en 1633 il est:

- aumônier général des galères;

- supérieur de la congrégation de la Mission;

- supérieur des Visitandines de Paris;

- supérieur des Filles de la Charité.

 

S'il est miséricordieux et qu'il est un organisateur né, il est également persuasif et arrive à convaincre les grands de son époque de faire des dons pour les nombreuses oeuvres qu'il mène et de l'aider, alors qu'il n'est que le fils d'un pauvre laboureur des Landes:

 

En fait son père Jean Depaul, ou de Paul, était un agriculteur aisé propriétaire de ses terres, de sa maison, et de bétail.

Sa mère Bertrande de Moras appartient à une famille de lignée bourgeoise, peut-être de la petite noblesse locale, mi-rurale, mi-liée au monde de la robe.

 

Le maître-mot de ce grand saint est la Charité. Encore faut-il s'entendre sur la signification de cette vertu théologale:

 

La nature qui porte les hommes à s'entraider, les pousse bien davantage à se préférer aux autres. Elle ne va pas au-delà d'une bienfaisance qui est plutôt une satisfaction que l'effet d'un dévouement réel. Mais pour aimer son prochain comme soi-même, il faut l'aimer en Dieu.

Par une merveilleuse réciprocité, de même que Dieu, pour se faire aimer, a dû descendre jusqu'à nous, de même l'homme doit s'élever jusqu'à Dieu pour apprendre de lui à aimer son semblable.

 

Il est exigeant avec les autres comme il l'est avec lui-même, mais il recommande toutefois de mesurer son zèle dans une lettre qu'il adresse à Louise de Marillac:

 

Prenez garde de n'en pas faire trop; c'est une ruse du démon dont il trompe les bonnes âmes que de les exciter à faire plus qu'elles ne peuvent, afin qu'elles ne puissent plus rien faire; et l'esprit de Dieu invite doucement à faire le bien que raisonnablement on peut faire, afin qu'on le fasse avec persévérance et longuement.

 

De même méprise-t-il assez les artifices de l'éloquence:

 

Pour Vincent, le parfait missionnaire ne devait pas avoir d'autre modèle pour parler au peuple que Jésus-Christ, qui se servait d'un langage simple et à la portée de tous, et qui expliquait par des comparaisons familières les vérités de l'Évangile.

 

Il faut, disait Jésus-Christ, juger l'arbre aux fruits:

 

L'oeuvre des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul compte aujourd'hui (2021) plus de 800 000 membres répartis en près de 50 000 Conférences dans le monde.

 

Francis Richard

 

Saint Vincent de Paul (1581-1660) - Le miséricordieux, 156 pages, Éditions SOTECA

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

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2 septembre 2022 5 02 /09 /septembre /2022 22:55
Un Noël avec Winston, de Corinne Desarzens

Et Winston, Winston Churchill, c'est Noël.

Noël à lui tout seul.

 

Délibérément Corinne Desarzens a choisi de dresser le portrait de Winston par séquences, sans trop se soucier de chronologie, même si celle-ci est toujours présente en filigrane, jalonnée de retours en arrière judicieux.

 

C'est une biographie personnelle à laquelle l'auteure se livre et où se mêlent des souvenirs qui le sont tout autant, sans l'éloigner de son sujet, qui, dès la Grande Guerre, se révèle un premier lord de l'Amirauté hors normes:

 

Son inextinguible bravoure et surtout sa soif d'apprendre, sautant à pieds joints dans toutes les disciplines, lui valant le respect, la complicité, l'affection générale et l'adoration très souvent.

 

Ce Britannique atypique est un homme de guerre. Il en administre la preuve lors des deux conflits mondiaux, même lorsque ses décisions ne sont pas couronnées de succès, capable de redresser des situations désespérées:

 

Winston continue à penser que la guerre est l'occupation naturelle de l'homme. Avec le jardinage.

 

Pour ce qui est du jardinage, un escadron s'en occupe à Chartwell, le manoir situé à 40 km au sud de Londres, dans le Kent, qu'il acquiert après la Grande Guerre pour lui et les siens et dont il s'éloigne le moins possible:

 

Un jour loin de Chartwell est un jour gaspillé.

 

Si, dans sa vie privée, il se révèle prodigue et piètre financier, il se force à travailler comme un tigre à ses fresques historiques bien plus rémunératrices que sa fonction officielle, si bien que l'austérité a ses limites.

 

Si, dans sa fonction officielle, il est considéré comme l'homme sauvage, ses prédictions s'avèrent exactes et ses discours se font brefs et percutants. Quand survient le pire, implacable, voire odieuse, est sa détermination.

 

L'homme est excessif: il fume, boit, est un gros mangeur matinal, un grand épistolier et un orateur qui prononce mille sept cents discours (qu'il retient grâce à son système anti-trous de mémoire), bref, il est vivant tout court:

 

Winston vous frictionne du désir même de vivre.

 

Remercié, il est rendu à lui-même et peut enfin consacrer du temps au spectacle du monde et rédiger ses mémoires. L'à-valoir de Life fond très vite, car son équipe compte six secrétaires, huit assistants et neuf à mi-temps.

 

Mais le résultat est là. Ses mémoires comprennent pas moins de trente-sept volumes comme le nombre de ses chevaux, montés par des jockeys casaque rose, manchettes et casquette chocolat, aux couleurs de l'écurie de son père.

 

En 1951, à nouveau Premier Ministre, Winston redevient l'équilibriste, au charme renouvelé. Un Montaigne bienveillant en carreaux écossais et chaussé d'antilope. Sa tête dévissée se rallume. Son visage du dessous remonte.

 

Après avoir démissionné en 1955, Winston vivra quelque dix ans, jusqu'à 91 ans, juste un mois après ce Noël où les Beatles, la frange sur les yeux, posent en quadrichromie autour d'un sapin, le temps encore de le célébrer.

 

À lire le livre de Corinne Desarzens, il est difficile de ne pas être au moins fasciné par Winston, en dépit de ses défauts, et de constater que, sous sa plume, il n'est pas mort. Ce qui est en soi un très beau cadeau de Noël.

 

Francis Richard

 

Un Noël avec Winston, Corinne Desarzens, 168 pages, La Baconnière (sortie en France le 8 septembre 2022)

 

Livres précédents:

 

Un roi, 304 pages, Grasset (2011)

Carnet d'Arménie, 88 pages, Éditions de l'Aire (2015)

Le soutien-gorge noir, 192 pages, Éditions de l'Aire (2017)

Couilles de velours, 96 pages, Éditions D'autre Part (2017)

L'Italie c'est toujours bien, 128 pages, La Baconnière (2018)

La lune bouge lentement mais elle traverse la ville, 344 pages, La Baconnière (2020)

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14 juillet 2022 4 14 /07 /juillet /2022 19:00
L'Obscurantisme vert, d'Yves Roucaute

"Sauver la planète"? Sauver l'humanité me convient mieux. Hélas! au nom de l'écologie, l'obscurantisme éteint peu à peu les lumières, falsifiant la mémoire des millénaires, diabolisant le présent, vendant de l'apocalypse à tout-va.

 

Ainsi commence l'avant-propos de L'Obscurantisme vert d'Yves Roucaute. En trois phrases, le ton est donné. Il déplaira à plus d'un, d'autant que l'auteur ne se contente pas d'ironiser, il argumente et s'appuie sur un impressionnant appareil de notes.

 

QUELQUES RAPPELS

 

L'environnement ne se réduit pas à la croûte terrestre et à l'atmosphère: il ne faut pas oublier les influences du Soleil, de la Lune, des météorites, du noyau et du manteau de la Terre etc.

 

Les changements climatiques jalonnent la formation de la Terre. Avant l'apparition de l'humanité, ce ne sont que glaciations et réchauffements, plus importants qu'aujourd'hui.

 

Le CO2 n'a jamais été le principal gaz à effet de serre, mais il a permis la vie: sa teneur a été plus élevée qu'aujourd'hui lors des réchauffements et même des glaciations précédant l'apparition de l'humanité. Les éruptions volcaniques, les séismes, les rayonnements solaires en étaient les causes.

 

(Aujourd'hui, il peut être transformé en éthanol par procédé catalytique avec une pincée de nanoparticules de cuivre et des nano-aiguilles de graphène...)

 

Sept exterminations massives d'espèces se sont produites avant l'apparition de l'humanité et depuis l'apparition des hominines, il y a sept millions d'années, la planète a continué d'exterminer les espèces animales comme auparavant, depuis 4,5 milliards d'années. Et, les bestioles ont aussi poursuivi leurs guerres de toutes contre toutes.

 

La terre n'a jamais été hospitalière pour l'humanité, comme le montrent l'archéologie, la paléontologie, l'anthropologie: au cours des 7 millions d'années, les holocaustes ont succédé aux holocaustes, si bien qu'il y a 12 000 ans, il ne restait plus que 500 000 survivants...

 

Comme pour les autres espèces, ces holocaustes étaient dus aux changements climatiques, eux-mêmes dus aux rayonnements solaires et éruptions solaires, orbite et rotation de la Terre, Lune, champs magnétiques et plaques tectoniques, effets sur les gaz et dynamique...

 

Les cyclones sont-ils plus puissants et plus nombreux aujourd'hui? Même pas. Au contraire. Mais ils sont une autre cause de destruction de l'humanité, de même que virus, bactéries, champignons, parasites, ou cancers, depuis 7 millions d'années... sans parler des autres animaux: si [l'humanité] fut chasseresse, elle fut plus encore chassée...

 

Alors comment l'humanité a-t-elle survécu? Grâce à sa créativité, ce don fabuleux.

 

LA CRÉATIVITÉ PAR RAPPORT À L'ENVIRONNEMENT

 

Pour que la créativité humaine puisse s'exercer, encore faut-il qu'il y ait des potentialités dans son environnement et que l'homme les saisisse.

 

Quand il est devenu sédentaire, la [maison] est son moyen de survie et le chemin de son mieux-vivre, le moyen d'ancrage variable pour toujours plus de domination de la nature, pour toujours plus de croissance, pour toujours plus de bien-être.

 

L'économie est l'ensemble des richesses produites par la "maison", par les activités liées à ces lieux de vie artificiels.

 

L'écologie est la science de la maison: son but est de sauver l'humanité, pas la planète.

 

[Les déforestations] furent le point de départ de [la] sédentarisation [de l'humanité], le début de la domination de la nature, l'annonce de sa course à la croissance et de la libération de sa créativité contre l'esprit magico-religieux animiste qui la tenait dans les fers. Et c'est encore ainsi qu'elle survit.

 

C'est sa créativité qui lui permet de faire face aux menaces de l'environnement tel que défini plus haut: en cherchant les causes de phénomènes naturels pour les combattre et en bâtissant des maisons toujours plus sophistiquées pour les contrer.

 

L'énergie est infinie et inépuisable. Car elle est partout: Oui, la nature est la grande chimiste avec ses 12 particules élémentaires qui composent le monde. Et puisque les atomes sont partout, qu'ils sont de l'énergie, alors l'énergie est infinie.

 

Cette énergie peut en effet être produite aujourd'hui grâce à la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies et de l'intelligence artificielle.

 

Mais cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer aux énergies fossiles ni les remplacer par les énergies dites alternatives, éoliennes, qui n'ont aucun avenir, ou panneaux photovoltaïques, dont l'avenir se trouve justement dans les nanoparticules; cela ne veut pas dire non plus que l'hydrogène soit la panacée, parce qu'il n'est pas si vert que cela... Alors, il faut revenir au nucléaire, dont l'avenir se trouve par exemple dans la fusion...

 

LA CRÉATIVITÉ PAR RAPPORT AU CORPS

 

Face aux menaces naturelles pour exterminer la vie humaine, la domination de la nature et la course à la croissance furent les seules réponses possibles pour protéger les corps humains.

 

C'est ainsi que du Paléolithique à la révolution industrielle en passant par le Néolithique l'espérance de vie à la naissance n'a cessé d'augmenter. Aujourd'hui elle est plus élevée dans les pays qui se sont lancés dans la course à la croissance que dans les autres et la mortalité infantile y est également la plus faible.

 

Oui, mais le risque n'est-il pas qu'il y ait surpopulation sur Terre comme le prédisait et le prêchait Thomas Robert Malthus? Les faits lui ont donné tort. À son époque il y avait un milliard d'habitants, aujourd'hui il y en a près de huit milliards et la catastrophe imminente qu'il annonçait ne s'est pas produite.

 

Et demain? Entre création d'aliments à partir de molécules par les biotechnologies, les productions hors sol, l'intensification, l'humanité, même plus nombreuse, ne souffrira pas de manques alimentaires.

 

La croissance de la démographie va de pair avec la croissance qui supprime famine et malnutrition. Et c'est pourquoi l'industrie alimentaire est une chance pour l'humanité: L'humanité a d'ailleurs toujours pratiqué ces biotechnologies vertes.

 

Ce qui change? Par ces biotechnologies, il devient possible de réduire la nécessité de pesticides et de produits phytosanitaires dans l'industrie alimentaire "conventionnelle", de limiter les besoins en eau ou en engrais azotés de la filière bio...

 

Le résultat? Encore mieux maîtriser par la chimie humaine la chimie naturelle.

 

Oui, mais les OGM, c'est mal? Sauf que les modifications génétiques sont naturelles et que l'humanité elle-même leur doit sa survie et son développement, par sa digestion, mais aussi artificiellement, en reproduisant la nature ou en la dépassant. Le vin et le pain, par exemple, sont artificiels, chimiques, génétiquement modifiés... 

 

Si l'homme est ce qu'il mange, il peut tomber malade ou être accidenté. Alors sa créativité lui a permis, lui permet et lui permettra de répondre aux agressions subies par le soin et l'amélioration du corps : La solution est dans l'innovation, pas dans l'obscurantisme.

 

C'est l'innovation qui vient peu à peu à bout des maladies génétiques, bactériologiques, virales et parasitaires, des cancers; c'est encore elle qui répare, améliore, augmente le corps humain accidenté.

 

LA CRÉATIVITÉ PAR RAPPORT AUX AUTRES

 

Contre la croyance aux esprits de la planète qui furent la source des nationalismes et des guerres, en distillant l'illusion que les nations étaient le réceptacle de divinités telluriques, l'humanité s'est débarrassée de la pensée magico-religieuse pour s'engager sur le chemin de la liberté qui est celui de la croissance et de la paix.

 

Même si ce chemin est semé d'embûches, le fait est que de plus en plus nombreux sont les pays qui vivent sous un régime de liberté et que les guerres, qui n'ont certes pas disparu, sont de moins en moins nombreuses et, surtout, font de moins en moins de victimes.

 

Au cours de l'histoire toutes les civilisations ont été esclavagistes, colonialistes, impérialistes, mais seul l'Occident a aboli l'esclavagisme. Il l'a fait parce que, fécondé par le judaïsme et le christianisme, il a remis en cause l'animisme, c'est-à-dire la solidarité verticale imaginaire des dieux, du sol et de la nation.

 

En plaçant l'humanité au centre de l'univers, c'est-à-dire en reconnaissant qu'elle est une espèce exceptionnelle, l'Occident a exprimé une morale fondée sur la vérité: l'humanité n'est pas un sous-système de la Terre, elle peut la dominer et même la quitter et elle est la seule de toutes les espèces dont la nature, prouvée par l'histoire, est d'être créatrice et de compatir avec son prochain, fût-il lointain.

 

C'est la croissance et le productivisme qui ont permis, permettent et permettront d'échapper à l'aliénation au travail, c'est-à-dire de réaliser la nature humaine, créatrice et libre, de vivre pour soi-même et, ce faisant, de contribuer au bien-être général.

 

Contrairement à ce que d'aucuns pensent, la société de consommation est une société de sous-consommation: L'humanité n'est pas arrivée à l'état de complétude au niveau de ses besoins. Et elle n'y arrivera jamais car son désir est infini, donc ses besoins potentiels aussi et ils appellent la recherche de moyens infinis pour les combler.

 

L'HUMANISME CONTRE LE SPIRITISME ET L'ANIMISME

 

Pour les obscurantistes verts, le spiritisme et l'animisme sont au centre du droit: Planète, mers, fleuves, forêts, nappes phréatiques, montagnes [sont] transformés en être vivants. D'où le concept d'écocide.

 

Pour les obscurantistes verts, l'humanité n'est qu'un sous-système de la planète. S'autoproclamant le réceptacle de ses forces naturelles, ils s'arrogent le droit de s'ingérer dans la totalité de la vie des individus: Leur totalitarisme est ainsi consubstantiel à leur vision animiste du monde.

 

Cet animisme est incompatible avec le Dieu de la Bible. Car le Dieu de la Bible est distinct de la Nature et a créé l'homme à son image, pour dominer la nature. Ce qui distingue l'homme des autres vivants, ce n'est donc pas son intelligence mais que sa condition est d'être créatrice, de manière analogue à son modèle, sans sa puissance infinie.

 

Yves Roucaute va plus loin. Tôt ou tard se produiront une nouvelle glaciation et la destruction inéluctable de la planète. Quand? Nul ne le sait, mais il est certain que cela se produira. Il ne s'agira certainement pas pour l'humanité de sauver la planète mais de se sauver:

 

Sans course à l'arrachement de la planète et à la conquête spatiale, l'humanité disparaîtra.

 

CONCLUSION

 

Puisqu'il est dans la nature de créer, il faut encore ajouter, contre l'obscurantisme vert, que l'anthropocentrisme et la défense de la libre créativité humaine ne sont pas seulement un droit mais un devoir puisqu'il est naturel de réaliser sa nature.

 

Dans le même esprit Yves Roucaute ajoute:

 

Mettre l'humanité au centre de l'univers: voilà la seule moralité. Pourchasser ce qui nuit à la joie de vivre, à la liberté et à la puissance humaine, voilà le chemin de la véritable écologie.

[...]

L'univers est notre jardin et la conquête spatiale notre destin. La preuve ultime que si science sans conscience est ruine de l'âme, une conscience sans science peut être perdue. Et que si un peu de science nous éloigne de la spiritualité, beaucoup de science nous y ramène.

 

Francis Richard

 

L'Obscurantisme vert, Yves Roucaute, 392 pages, Les éditions du Cerf

 

Livre précédent:

 

Le bel avenir de l'humanité, 504 pages, Calmann-Lévy (2019)

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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7 juillet 2022 4 07 /07 /juillet /2022 22:55
Albert Camus et la guerre d'Algérie, d'Alain Vircondelet

Soixante ans après l'indépendance de l'Algérie, force est de constater qu'au pays natal d'Albert Camus les promesses de la révolution n'ont pas été tenues. Si l'auteur du Malentendu avait été écouté, l'Algérie n'en serait pas là. Mais, à défaut de pouvoir réécrire l'histoire, il n'est pas inutile de la revivre.

 

Alain Vircondelet, dans Albert Camus et la guerre d'Algérie, qui n'est pas une hagiographie, raconte quelle fut l'attitude constante de l'écrivain. Contrairement à bien d'autres hommes de gauche, il est resté fidèle à ses convictions humanistes et n'est pas resté indifférent au sort des autres habitants de là-bas:

 

Il a bien observé que la situation des Arabes au printemps 1939 est tragique. Il a déjà découvert les conditions pénibles d'existence dans les quartiers déshérités d'Alger, et lui-même, enfant de pauvres, connaît la détresse dans laquelle ils peuvent vivre, à quoi s'ajoute sinon un apartheid officiel, du moins une discrimination évidente et choquante...

 

Il ne se contente pas de l'observer. Il en fait un grand reportage 1 étalé sur plusieurs numéros d'Alger républicain, un document qui sera considéré par les autorités françaises comme une véritable bombe. Mais il ne cautionnera pas pour autant la guerre engagée par les rebelles en 1954 et qu'il a pressentie.

 

Albert Camus est très attaché à sa terre natale. Au début des années 1930, à Tipasa, qui fut cité romaine prospère et qui est l'offrande apaisée des ruines, il découvre un domaine divin où se célèbrent les noces de la mer et du ciel. Ce lieu magique lui apparaît comme la métaphore de la civilisation méditerranéenne:

 

Lieu d'exigence et de dons, de communion et de partage. Lieu de la mesure.

 

L'Algérie a pour lui une mission civilisatrice et il ne la conçoit pas autrement que fraternelle et solidaire. Il sait qu'avant les Français, elle n'a jamais été une nation. S'il dénonce les effets coupables d'une colonisation brutale, il n'oublie pas, comme certains, que les colons ont relevé le défi d'organiser le territoire.

 

Dans les articles qu'il livre en 1955 à L'Express, il démystifie l'image de ces colons, qui, hormis quelques grands propriétaires, mènent une vie modeste, beaucoup moins aisée, à travail égal, que celle de leurs homologues de métropole. Quoi qu'il en soit, pour lui, le terrorisme est surtout criminel et inadmissible:

 

Aucune cause ne justifie la mort d'un innocent.

 

Pendant toutes les années de guerre, de 1954 jusqu'à sa mort en 1960, il défendra tout haut le vivre ensemble des Français, des Arabes et des Berbères, puis voudra y croire en silence. Il condamnera les violences et le fanatisme des uns comme des autres, et interviendra discrètement pour des prisonniers de la rébellion.

 

Il se conforme à la leçon de mesure que, jeune homme, il a reçue de Tipasa, celle de l'équilibre et de la justice: respecter la dignité du peuple algérien, mais aussi protéger ceux de sa "race", comme il le dit, le petit peuple pied-noir qui n'a rien à voir avec le colon repu que les Français de métropole veulent voir en lui.

 

Le livre d'Alain Vircondelet retrace avec nuances ces années de guerre, où le sort de l'Algérie fut hélas scellé, et égratigne quelque peu les doxas française et algérienne. Albert Camus, qui aurait été épouvanté par ce qui advint des harkis et des Français condamnés à la valise ou au cercueil, nous laisse un message:

 

Camus est resté intègre et c'est sa leçon. Plus que le culte de Camus que beaucoup peuvent célébrer aujourd'hui, c'est "l'idée Camus", "l'énergie Camus", "le signe Camus" qui compte. 

 

Francis Richard

 

1 - Misère de la Kabylie

 

Albert Camus et la guerre d'Algérie, Alain Vircondelet, 304 pages, Éditions du Rocher

 

Chroniques précédentes sur Albert Camus (1913-1960):

 

Camus-Dire Noces avec Michel Voïta à l'Oriental Vevey (02.11.2017)

Le premier homme (18.02.2020)

Relire La Peste d'Albert Camus en temps de tyrannie (03.02.2021)

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27 juin 2022 1 27 /06 /juin /2022 21:45
Saint François Xavier - Le missionnaire, d'Aimé Richardt

Le futur saint naquit le 7 avril 1506, mardi de la Semaine sainte, au château de Xavier, au coeur de la Navarre espagnole.

 

Saint François Xavier le missionnaire a été canonisé le 12 mars 1622 par le pape Grégoire XV, c'est-à-dire il y a quatre siècles et quelque septante ans après sa mort, survenue au seuil de la Chine qu'il espérait convertir et qui lui aura été à jamais interdite.

 

Aimé Richardt raconte dans ce livre qui vient de paraître comment François Xavier est devenu le saint patron de toutes les missions catholiques. À l'appui du portrait qu'il dresse de cet aventurier de Dieu, il cite beaucoup deux jésuites à qui il rend hommage:

- le père Georg Schurhammer qui a réalisé une édition critique de la correspondance du saint, publiée en 1912;

- le père James Brodick, qui a écrit un livre sur le saint, publié en français en 1954, dans une traduction des pères Boulangé et Lambotte.

 

En lisant ce récit, quelques traits saillants de sa vie apparaissent:

- la conversion de François Xavier s'est opérée après sa rencontre avec Ignace de Loyola au Collège Sainte-Barbe à Paris et en pratiquant les Exercices spirituels de celui-ci;

- François Xavier et le petit groupe de compagnons réunis par Ignace effectuent nombre de voyages en Europe, avant que la Compagnie de Jésus ne soit constituée et n'agisse;

- L'obéissance de François Xavier au pape et au roi du Portugal est sans faille: il fait montre surtout d'une grande foi en Dieu pour le service duquel il se voue entièrement et dédaigne tout avantage personnel;

- L'apostolat de François Xavier est à la fois d'une grande simplicité et d'une grande efficacité: il parcourt des milliers de kilomètres, instruit et baptise des multitudes, obtient la guérison des malades par la prière et celle de ceux à qui il a transmis la foi;

- François Xavier ne craint pas d'affronter périls et difficultés, dus aux hommes comme aux éléments: tout devient facile à condition de chercher Dieu par la victoire sur ses propres inclinations [goûts, habitudes], écrit-il du Japon.

- François Xavier a une piètre opinion des Brahmanes qui ont peu d'instruction, mais surabondent de malice et de méchanceté et une excellente des Japonais, du moins des gens ordinaires, alors qu'il arrive à se mettre à dos leurs bonzes, dont les moeurs sont pour lui dissolues;

- François Xavier est de son temps et ne plaisante pas avec l'hérésie et les idoles, qu'il incite à combattre et à détruire respectivement: comme le dit le cardinal Paul Poupard dans sa préface, Nous sommes à des années-lumière du dialogue interreligieux... 

 

Aimé Richardt cite à la fin une prière qui est attribuée au saint et qui, même s'il n'existe pas de preuve de sa paternité, lui correspond très bien. Dans cette prière, ce passage est à lui seul la justification de pourquoi bien agir dans la vie, comme la sienne en est l'illustration:

 

Vous avez enduré les clous, le coup de lance, le comble de la honte,

Des douleurs sans nombre, la sueur et l'angoisse, la mort...

Tout cela pour moi, à ma place, pour mes péchés.

Alors, ô Jésus très aimant,

Pourquoi donc ne pas vous aimer d'un amour désintéressé,

Oubliant le Ciel et l'Enfer,

Non pour être récompensé,

Mais simplement comme vous m'avez aimé?

 

Francis Richard

 

PS

La Société de Saint-François-Xavier dont les premiers statuts connus datent de 1846 assume le caractère d'une Société de secours mutuels et d'éducation populaire...

 

Saint François Xavier - Le missionnaire, Aimé Richardt, 200 pages, Artège

 

Livres précédents:

 

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

 

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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