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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 22:15
Tribunal administratif fédéralIl y a presqu'un an, ce qui me semble un siècle, la FINMA, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ici), à qui le Conseil fédéral avait refilé la patate chaude, décidait d'autoriser l'UBS à livrer les noms de 250 clients américains sous la pression amicale de la justice des Etats-Unis, au mépris de la loi suisse, pour éviter à l'UBS de fermer boutique sur le sol américain. Ce qui aurait signifié pour elle la faillite.

Cette violation de la loi suisse vient d'être confirmée par le Tribunal administratif fédéral (ici, d'où provient la photo ci-contre) dans une décision, qu'elle a prise le 5 janvier dernier (ici) et rendue publique aujourd'hui. Le communiqué du tribunal relatif à cette décision  (ici) ne laisse place à aucune ambiguïté à ce sujet : 

"B-1092/2009


Arrêt final du Tribunal administratif fédéral en la cause Clients américains de l'UBS

contre UBS/FINMA


La Cour II du Tribunal administratif fédéral a, par arrêt du 5 janvier 2010, jugé que la
décision de la FINMA du 18 février 2009 ordonnant la transmission de données bancaires de clients de l'UBS aux autorités des États-Unis d'Amérique violait le droit.


La Cour a constaté que les art. 25 et 26 de la loi sur les banques ne constituaient pas
une base légale suffisante pour la transmission de données bancaires relatives à des clients aux autorités étrangères. Si ces dispositions habilitent la FINMA à prendre des mesures protectrices en cas de risque d'insolvabilité d'une banque, elles ne l'autorisent pas pour autant, eu égard au texte et à la systématique de la loi, à transmettre

directement des données bancaires concernant des clients.


Le droit de nécessité constitutionnel ne peut pas non plus être valablement invoqué
pour justifier la décision de la FINMA. Le Conseil fédéral est seul habilité, avec le Parlement, à en faire usage. En l'espèce, il n'a pas jugé devoir le faire. Même s'il a effectivement chargé la FINMA de prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'éviter une procédure pénale de la part des autorités américaines contre UBS, il ne s'est toutefois pas prononcé sur le moyen à mettre en oeuvre pour y parvenir. Or, une autorité comme la FINMA ne peut décider de faire usage du droit de nécessité à la place du Conseil fédéral. Aussi, même si la FINMA se trouvait dans une situation critique en raison de la menace d'une procédure pénale contre l'UBS de la part des autorités américaines, elle n'était pas autorisée, d'elle même, à statuer sur la transmission des données bancaires concernant des clients en dehors de la procédure ordinaire d'entraide administrative internationale."


L'article 25 (ici) de La loi sur les banques indique dans quelles conditions la FINMA peut prendre des mesures protectrices à l'égard d'une banque suisse : surendettement ou problèmes de liquidités importants. Ce qui n'était évidemment pas le cas. 

Dans mon article du 19 février 2009 (intitulé
Secret bancaire : le "sauvetage" de l'UBS risque de coûter très cher ), je reproduisais l'article 26 de ladite loi et concluais :

"Il n'est nulle part indiqué que la FINMA peut autoriser la banque, en cas de risque d'insolvabilité, à lever le secret bancaire".

Cela aurait été, en tout état de cause, une bien curieuse mesure protectrice.

Quant au droit de nécessité, voici ce qu'en dit le Dictionnaire Historique de la Suisse (
ici) :

"Droit d'exception, le droit de nécessité est lié à l'octroi des pleins pouvoirs, comme ce fut le cas lors des deux guerres mondiales, où ils furent accordés au Conseil fédéral. En cas de troubles (guerre, catastrophes), un droit de nécessité, préalablement préparé, peut être appliqué très rapidement. Ce droit, qui ne figure pas en tant que tel dans la Constitution mais peut s'appuyer sur les articles 52, 173 et 185 de celle-ci (1999), existe aussi dans les cantons; c'est ainsi que des "compétences dérogeant à la Constitution" sont prévues dans la Constitution jurassienne (1977), dans celle de la Thurgovie (1987) sous le titre de Notstand et celle de Glaris (1988) sous celui de Notrecht."


Au vu de tous ces éléments, on ne voit pas comment le Tribunal fédéral, devant lequel la FINMA et l'UBS peuvent faire recours, pourrait infirmer l'arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral.

Ce jugement a été obtenu par Me Andreas Rüd, l'avocat de clients américains dont les noms ont été livrés par la FINMA et "constitue une importante victoire d'étape pour ses clients" ( voir Le Matin de ce jour
ici).

Toujours est-il qu'en disant le droit le tribunal a non seulement fait preuve d'indépendance, mais a par là-même sauvé l'honneur de la Suisse. La FINMA, en autorisant la livraison des 250 noms de clients américains par l'UBS, sans attendre la décision du tribunal, avait mis ce dernier devant le fait accompli. C'est ce qu'on appelle un coup de force, plus digne d'une république bananière que d'une démocratie comme la Suisse, en fait un acte déshonorant.

Dans mon article du 19 février 2009, juste après ce coup de force, je constatais :

"
En fait le gouvernement, s'étant porté au secours de l'UBS, est bien obligé maintenant de tout faire pour qu'elle ne tombe pas, y compris d'approuver que le droit suisse soit foulé aux pieds et que le secret bancaire soit levé dans des conditions plus que douteuses.

Les conséquences risquent d'être incalculables pour toute la place financière helvétique."

A l'époque je pouvais encore reproduire l'explication, que je donnais dans un article en date du 22 octobre 2008 (
La Suisse, paradis fiscal ? Si seulement...), sur la différence faite en Suisse entre fraude fiscale et évasion fiscale :

"La Suisse fait une distinction entre la fraude fiscale et l'évasion fiscale. L'évasion fiscale consiste à omettre de déclarer une partie de sa fortune ou de ses revenus. Elle n'est qu'une infraction administrative. Les Suisses et les résidents étrangers sont sanctionnés par une amende ou un rattrapage, les étrangers non-résidents ne sont pas sanctionnés et les banques n'ont pas le droit de renseigner le fisc étranger dans ce cas-là. La fraude fiscale consiste à soustraire frauduleusement des contributions au moyen de titres faux, falsifiés ou contenant de fausses indications. La fraude fiscale est punissable pénalement. Les banques doivent renseigner l'autorité judiciaire suisse ou étrangère à la demande d'un juge suisse compétent."

Aujourd'hui, depuis cette livraison de 250 clients de l'UBS, faite par elle avec la bénédiction de la FINMA, on mesure le chemin de croix parcouru par le secret bancaire helvétique. Tout cela pour sauver de la faillite une banque qui, dans ce dernier cas, aurait été vendue par appartements et dont les dirigeants auraient pu être traduits en justice. Ce qui aurait bien plu à Alain Jeannet (
ici), le rédacteur en chef de L'Hebdo, lequel consacre cette semaine un dossier fulminatoire à l'UBS (ici).

Francis Richard

Nous en sommes au

538e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani (de droite à gauche), les deux otages suisses en Libye

goldi et hamdani

 

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commentaires

L
<br /> Alain Jeannet ne publie que la pointe de l'iceberg. Il faut bien connaître l'histoire de l'UBS depuis la fin de la guerre pour se rendre compte que cette banque a toujours été pourrie jusqu'à la<br /> moelle : rachat frauduleux de la Banque Fédérale, de la Banque Commerciale de Bâle, affaire Interhandel et General Anilin.<br /> <br /> Elle fut mêlée à tant de magouilles mais il est vrai que dans le passé les informations ne passaient le seuil de la banque et que tous les cadres traitant des projets en cours étaient grassement<br /> payé. Pour leur silence, souvent par reconnaissance pour les services rendus, ils étaient élus président du conseil d'administration : Richner, Bruno Max Saager & Cie.<br /> <br /> Conclusion : rien de bien nouveau sous le soleil de Satan.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> C'est pourquoi il aurait mieux valu que l'UBS subisse le sort que le marché réserve aux entreprises qui ont failli. Et ne pas appliquer le dicton interventionniste too big to<br /> fail ...<br /> <br /> <br />

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  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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