Vous ne vous rendez pas compte, si on applique toutes vos réformes, la baisse des dépenses publiques, et surtout des dépenses sociales, ce sera la révolte en France.
C'est ce que dit un jour à l'auteur un maire d'une ville de banlieue, à la sortie d'une émission. A quoi Agnès Verdier-Molinié répondit:
Si on ne fait rien, ce sera pire.
Après avoir lu son livre, Ce que doit faire le (prochain) président, on a envie de lui dire:
C'est bien, mais on pourrait beaucoup mieux faire.
Seulement on ne pourra pas mieux faire et ce serait déjà bien étonnant que l'on puisse faire ce qu'elle dit, parce qu'il faudrait que les mentalités changent considérablement, ce qui n'est pas près d'arriver quand on entend dire un peu partout en France que le programme de François Fillon est ultra-libéral...
Le gâchis
Un mot peut définir la France d'aujourd'hui: le gâchis, omniprésent et permanent.
Quelques exemples:
- la gestion paritaire calamiteuse (et fromagère) des organismes sociaux
- le temps de travail insuffisant, voire fantôme, dans la fonction publique territoriale
- le choc de complexité du futur prélèvement à la source, cauchemar annoncé pour les entreprises
- le droit du travail kafkaïen qui est un véritable repoussoir à l'embauche
- l'État actionnaire qui - faites ce que je dis, mais pas ce que je fais - privilégie le rendement à court terme etc.
Contre le gâchis
Il faudrait, selon l'auteur:
- réorganiser l'État:
- le recentrer sur ses fonctions régaliennes: police, justice, défense, diplomatie
- élargir les compétences des treize régions à la formation et à l'emploi
- supprimer les départements
- réduire le nombre de communes
- réduire le nombre d'élus, etc.
- baisser les dépenses publiques de 90 milliards en 5 ans, c'est-à-dire, par exemple:
- rationaliser les achats de l'État
- réduire les coûts des opérateurs de l'État
- relever l'âge de la retraite
- mettre en place un régime de retraite unique, etc.
- baisser conjointement les recettes publiques:
- baisser les taxes sur la production des entreprises
- baisser l'impôt sociétés
- baisser les cotisations employeur
- mais augmenter la TVA d'un point pour amortir...
Les empêcheurs de réformer
Il faut les neutraliser parce qu'ils veulent:
- niveler par le bas en réduisant les inégalités
- partager le travail
- gérer le plus de choses possible par l'État (qui gère pourtant moins bien et de manière plus coûteuse que le privé)
- supprimer la fraude, fille du matraquage fiscal, pour supprimer le déficit...
Pour cela, il faut:
- supprimer l'ENA
- donner à Bercy l'objectif de réduire les dépenses et non pas de les augmenter
- en finir avec le paritarisme
- supprimer le monopole syndical
- couper les crédits aux syndicats
- réformer Bruxelles: plus de migrations entre Strasbourg et Bruxelles, plus de retraites avantageuses pour ses fonctionnaires, donner aux membres de l'Union de véritables objectifs à respecter, en % du PIB:
- 3% de déficit
- 60% d'endettement
- 50% de dépenses publiques
- 40% de prélèvements obligatoires
La mise en oeuvre
Agnès Verdier- Molinié a prévu:
- le recours à des ordonnances, dix au total:
- gel des embauches dans la fonction publique: diminution de 440000 postes en cinq ans
- fixation du temps de travail à 1750 heures temps plein dans le public et le privé
- multiplication des types de contrat de travail
- baisse des indemnités de chômage et cotisation des agents publics
- âge de la retraite à 65 ans en 2028
- autonomie des communes et des établissements scolaires
- régionalisation de Pôle Emploi
- extension de la laïcité du public au privé
- suppression des 25% de logements sociaux dans les communes
- hausse des seuils sociaux
- le recours à trois référendums:
- sur le financement des syndicats
- sur la fusion, le plafonnement et la fiscalisation des aides sous conditions de ressources
- sur la réforme du statut de la fonction publique
- l'adoption de neuf lois:
- une loi votée, deux supprimées
- une loi de finances unique
- la suppression d'une centaine de taxes et interdiction de taxes qui rapportent moins de 100 millions d'euros
- la mise en place d'un frein à l'endettement
- le contrat d'embauche dans la fonction publique devenant le principe et l'emploi statutaire l'exception
- le renforcement du système pénitentiaire
- le budget militaire à 2% du PIB
- la liberté de choix de l'assurance maladie
- la retraite par points, avec alignement des régimes et fusion des caisses
- la révision de la Constitution:
- la suppression du poste de Premier ministre
- la responsabilité des ministres de leur ministère
- le pouvoir d'évaluation rendu au Parlement
- la réduction du nombre d'élus
- la mise en place du référendum d'initiative populaire
Agnès Verdier-Molinié donne le calendrier de toutes ces réformes du prochain quinquennat. Ce sont bien des réformes puisqu'elles ne remettent pas en cause le système, qui est celui d'une sociale-démocratie, dont l'État reste le principal acteur.
L'auteur s'est, semble-t-il, largement inspiré de la Suisse qui, parmi les sociales-démocraties, est l'une des plus libérales, mais reste cependant une sociale-démocratie, avec toutes les entraves aux libertés individuelles, notamment économiques, que cela suppose.
Cela étant dit, la France dont rêve l'auteur, après cinq ans de réformes, n'aurait que des résultats bien modestes en comparaison avec ceux de la Suisse, qui expliquent sa prospérité insolente, mais tout de même relative.
Le tableau ci-dessous l'explique très bien (les chiffres de la France proviennent de la Fondation iFRAP, dont l'auteur est la directrice, et ceux de la Suisse de l'Office fédéral de la statistique):
France | France | Suisse | |
Année | 2016 | 2022 | 2015 |
Taux de chômage | 9.9% | 8.9% | 3.7% |
Prélèvement | 45.8% | 44.1% | 27% |
Dépenses publiques | 56.5% | 50.8% | 33.6% |
Solde public | -3.6% | 0.2% | 0.1% |
Dette | 97.2% | 89.3% | 34% |
Le prélèvement, les dépenses publiques, le solde public et la dette sont exprimés en % du PIB.
Comme on le voit, même avec l'arsenal de mesures (ordonnances, référendums, lois, révisions de la Constitution) que préconise Agnès Verdier-Molinié, en admettant qu'elles soient toutes mises en oeuvre, ce n'est pas demain que la France pourra rivaliser avec sa voisine suisse... qui pourrait nettement mieux faire si elle optait pour une économie vraiment libre...
Francis Richard
Ce que doit faire le (prochain) président, Agnès Verdier-Molinié, 304 pages Albin Michel
Livres précédents chez le même éditeur:
On va dans le mur (2015)
60 milliards d'économie ! (2013)