Le 25 octobre 2017, à 17:30, un message blanc sur noir apparaît dans ma boîte mail; il est signé par Silvia Tsacopoulos, chargée de relations publiques et presse Palexpo, et Isabelle Falconnier, déléguée à la politique de la ville de Lausanne et directrice artistique de Lausan'noir, le festival du polar et du noir, créé en 2016.
Ce message est un communiqué de presse qui commence ainsi:
La programmation du Festival Lausan'noir se veut l'écho d'une confrontation élargie d'oeuvres et d'idées, d'auteurs et de publics. C'est dans ce contexte que Lausan'noir avait invité Marsault.
Marsault ? Connais pas.
Plus loin le communiqué révèle son pourquoi:
C'est avec consternation que nous avons appris à l'orée de l'ouverture du festival [il s'est tenu du 27 au 29 octobre 2017 au Théâtre 2.21, à Lausanne], que l'équipe du Théâtre 2.21 a fait l'objet de nombreuses menaces de la part de différents groupes activistes de tous bords.
Ni le Théâtre 2.21, partenaire principal du festival, ni Lausan'noir ne sont donc en mesure de faire face au risque sécuritaire potentiel annoncé et largement partagé sur les réseaux sociaux.
En concertation avec tous les partenaires impliqués, l'annulation de la venue de Marsault s'est donc imposée. En effet l'ensemble des conditions nécessaires pour la sécurité de l'auteur, du public et de l'équipe d'organisation ne sont pas réunies.
Alors, comme lorsque j'étais enfant et que j'allais lire en cachette les livres de l'enfer de la bibliothèque de mon père, j'ai bravé l'interdit de ces soi-disant activistes qui se comportent en vrais fascistes et me suis procuré le dernier opus du bédéiste, au titre illustré et tout en finesse: Dernière pute avant la fin du monde.
C'est noir, provocateur et très cru; et ça tire sur tout le monde: les machistes, les racistes, les féministes, les politiciens corrompus et pédophiles, les jeunes caïds des banlieues, les anticapitalistes primaires, les superwomen, les nazis trop beaux, les religieux, les capitalistes, les gros, les minces, les gays, les homophobes...
Seuls trouvent grâce à ses yeux, dans l'unique passage lumineux de l'album, cette belle jeune femme battue qui dit préférer les garçons qui donnent des fleurs plutôt que des coups de poings et ce bon gros de Gabi, qui prend sa défense, après avoir voulu offrir une rose blanche à sa DRH et s'être fait traiter par elle de ringard...
Bref personne, ou presque, n'est épargné, même pas lui-même. Mais, parmi les cibles, il en est donc qui ne supportent pas de l'être et qui n'admettent pas que d'autres usent de leur liberté pour les brocarder. Eux seuls ont droit d'employer un vocabulaire que jadis on attribuait, peut-être injustement, aux seuls charretiers...
Si les légendes sont souvent violentes, de même que les scènes, Marsault sait, en quelques traits, dessiner aussi bien des gens laids, des gens ignobles, des gens qui rappellent les heures les plus sombres, que des créatures dont il met en valeur les galbes et que d'aucuns ou d'aucunes trouveront sans doute sexistes...
Francis Richard
Dernière pute avant la fin du monde, Marsault, Ring