Un petit groupe de huit personnes en tout, moins que dix (c'est bien), se rend en Italie. A l'aéroport de Rome Fiumicino, leur accompagnatrice, Ivonne Sanluca, les attend. Elle sait que c'est un groupe d'adultes grisonnants à la recherche d'un angle différent.
Ramon sans sa femme, son ami François avec sa femme, Patricia, Isabelle sont les seuls du groupe à figurer dans le récit de Corinne Desarzens. Ils monteront dans le minibus de Giacomo et se laisseront volontiers surprendre par leur guide italienne.
Ivonne leur a concocté un circuit parfait dans des lieux inconnus de Rome et des Marches, où des pierres et des tableaux leur ouvriront des portes: Beaucoup de portes. Pendant une semaine, ils vont fatiguer les réponses et reposer les questions.
Ramon dessinera et discutera avec François, Patricia fumera (et se détestera), Isabelle prendra un café en regardant ravie un homme en pantalon rouille...Tous écouteront Ivonne parler d'Yves Bonnefoy et de Bernard Berenson qui n'ont pas compris Crivelli.
L'itinéraire prévu serait un jeu de pistes qui commencerait par les polyptyques des frères Crivelli pour culminer avec la solitude de Lorenzo Lotto et s'achever en point d'orgue à Urbino. Ou peut-être avant, puisque le chat tigré les hypnotisera sûrement.
L'auteur compare:
Contrairement au livre qui se détricote ligne après ligne, le tableau s'impose d'un coup. Instantanément. En bloc. Un coup de massue. La scène, et le mouvement, l'épaisseur, la transparence, les volumes, les ors, ou l'économie, la maigreur.
Et, effectivement, c'est ligne après ligne, en prêtant paroles et pensées à deux membres du groupe, qu'elle dévoile ce qui les époustoufle ou les ahurit, en regardant à Recanati, la fameuse Annonciation, peinte en 1534 par Lorenzo Lotto, le vagabond, .
Le peintre a placé un chat tigré au milieu du tableau:
Miracle: on pense à peine au chat, hérissé, au poil pas terrible, crevant la toile, unique dans toute l'histoire des Annonciations et pourtant si naturel. Bouleversés que nous sommes par un détail loin d'être un détail: l'ange a une ombre, une belle ombre, pas encombrée, parallèle à celle du chat...
Si celui qui regarde ce tableau est époustouflé ou ahuri, c'est qu'il prend conscience d'une chose essentielle qu'il reçoit du peintre et qui a mû celui-ci en peignant sa toile: Le monde n'est finalement que ce que nous voulons ou pouvons y mettre.
Alors, dans la vraie vie, des détails similaires lui parleront, par exemples un châle rouge comme celui de Marie, une démarche féminine comme celle du chat, une rencontre accidentelle comme le sentiment, qui émane du tableau, que tout peut arriver.
A ce moment-là le voyageur trouvera la réponse à la question que tout le monde se pose, ou devrait se poser: Que faire de sa carcasse? C'est bien pourquoi, quelles que soient ses imperfections, force lui sera de se dire: L'Italie, c'est toujours bien...
Francis Richard
L'Italie, c'est toujours bien, Corinne Desarzens, 128 pages, La Baconnière
Autres livres de l'auteur:
Un roi, 304 pages, Grasset (2011)
Carnet d'Arménie, 88 pages, Éditions de l'Aire (2015)
Le soutien-gorge noir, 192 pages, Éditions de l'Aire (2017)
Couilles de velours, 96 pages, Éditions D'autre Part (2017)