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16 novembre 2019 6 16 /11 /novembre /2019 23:55
Lautrec / Valadon - Montmartre Belle Époque, de Yonnick Flot

La liaison amoureuse entre Henri de Toulouse-Lautrec et Suzanne Valadon aura été éphémère, probablement de 1886 à fin 1888:

 

Les dieux ont décidé que ces deux humains trop humains ne seraient pas heureux ensemble. Et que leur croisière amoureuse serait agitée, sans calme plat mais avec de belles tempêtes et quelques ivresses mémorables.

 

De prime abord tout les oppose.

 

Suzanne Valadon est la fille d'une pauvre lingère. Elle se prénomme Marie-Clémentine et est née le 23 septembre 1865 à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), de père inconnu. Elle vit ses premières années à Nantes chez une tante avant de rejoindre sa mère, Madeleine, à Paris, dans le bas Montmartre. Elle y sera à l'école de la rue...

 

Adolescente, elle a vite compris, et déjà expérimenté que la vie est dure. Surtout pour les filles. Et encore davantage quand elles sont pauvres. Elle a décidé en conséquence d'être encore plus dure que la vie et, puisque l'on est dans un monde masculin et en un temps d'affirmation d'une virilité toute-puissante, de se comporter comme un homme. En utilisant aussi ses armes de femme.

 

Belle, sportive, au corps bien proportionné, fascinée par les écuyères et les trapézistes du Cirque Fernando, elle parvient à pratiquer l'équitation acrobatique et le trapèze au Cirque Mollier. Mais elle fait une mauvaise chute et, pendant sa convalescence, se met à dessiner. Pour gagner sa vie, elle devient modèle dans des ateliers privés:

 

Son endurance aux séances de pose est admirée par les apprentis peintres des ateliers tandis que les enseignants apprécient, outre son professionnalisme, sa parfaite indifférence à poser nue. Et ses cheveux châtain roux aux reflets cuivrés prennent si bien la lumière...

 

Henri de Toulouse-Lautrec, né le 24 novembre 1864 dans la cité médiévale d'Albi, est le descendant d'une très ancienne lignée qui s'est illustrée aux croisades... Il passe sa petite enfance au château du Bosc, près d'Albi. Deux mauvaises chutes au début de la puberté [...] le laisseront infirme à vie:

 

Ses deux jambes souffriront de décalcification et ne grandiront plus alors qu'il est en pleine croissance. 

 

Sa mère, la comtesse Adèle, s'installe avec lui à Paris. Après le bac, il décide de ne plus faire qu'une chose: peindre. Il apprend en regardant dans les ateliers de Léon Bonnat, puis de Fernand Cormon: peut-être y a-t-il croisé ou fait un dessin du modèle alors chéri des peintres, Maria Valadon:

 

Il est communément admis que c'est Lautrec qui baptisa Suzanne la jeune fille dont le prénom était Marie-Clémentine pour l'état-civil, devenu Maria comme modèle et enfin Suzanne comme peintre... Suzanne se réfère à l'épisode [biblique] de la jeune fille épiée par deux vieillards pendant qu'elle prend son bain...

 

Quoi qu'il en soit, Henri et Suzanne, tous deux très sensuels et d'un robuste appétit sexuel, deviennent amants bien que leur relation apparaisse comme l'unité des contraires, le mariage des oppositions, la guerre des sexes et des classes. Mais tous deux (en dehors d'avoir chuté physiquement) ont en commun la peinture:

 

L'une grâce à cet art a cassé la fatalité sociale; l'autre a oublié - un peu - ses déboires de santé. Tous deux ont trouvé ainsi leur salut et leur voie et partagent la même vision de leur art, donner à l'humanité - y compris la plus humble, la plus exclue ou souffrante - un visage vrai, non embelli ou sublimé. 

 

Yonnick Flot replace savamment, et longuement, les deux artistes dans le contexte du Montmartre qui est leur pays et, plus largement, de leur Belle Époque (puis de leur postérité), avant, pendant et après qu'ils aient formé un curieux couple, puisque chacun vit alors de son côté, dans le même immeuble...

 

Leur rupture se traduira par la chute d'Henri et l'ascension de Suzanne. L'un meurt d'ailleurs à 37 ans et l'autre à 73: 37. 73! Les deux mêmes chiffres ironiquement, tragiquement inversés!, remarque l'auteur dans son avant-propos. Peut-être cela viendra-t-il du fait qu'il l'aura aimée plus qu'elle ne l'aura aimé:

 

C'est bien connu, celui qui aime le plus est celui qui souffre le plus...

 

Francis Richard

 

PS

 

Pour compléter le tableau, l'auteur a joint cinq annexes à son récit pourtant déjà très dense...

 

Jusqu'au 27 janvier 2020 se tient une exposition Toulouse-Lautrec, résolument moderne, au Grand-Palais, à Paris.

 

Lautrec / Valadon - Montmartre Belle Époque, de Yonnick Flot, 432 pages, Éditions de la Bisquine

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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