24 Heures (ici, d'où provient la photo ci-contre du
procureur de Nice) reproduit aujourd'hui un entretien d'Eric de Montgolfier accordé au Tages-Anzeiger.
Dans cet entretien le magistrat confirme qu'il y a bien 130'000 noms dans les données trouvées sur l'ordinateur d'Hervé Falciani :
"Nous avons connaissance de comptes encore ouverts aujourd'hui chez HSBC Private Bank, mais également de comptes passés qui sont désormais clos. De plus, certains de
ces comptes ont été uniquement ouverts pour l'exécution de quelques transactions, puis ont été clôturés"
Il précise par ailleurs :
"Le Ministère public de la Confédération nous a livré des mots-clés qui nous ont permis, dans un premier temps, d'avoir accès aux données cryptées que nous avions
saisies. Ou si je formule autrement: la Suisse nous a donné les clés pour comprendre ce que les fichiers contenaient! En clair, elle nous a mis la puce à l'oreille. Puis, Hervé Falciani nous a
véritablement aidés à décoder les données".
Ce qui va dans le sens des révélations du Figaro (ici), qui me paraissaient
pourtant invraisemblables (voir mon article La France, Etat
voyou, ne conçoit l'entraide judiciaire qu'à sens unique ). Cela prouve en tout cas la loyauté de la Suisse dans cette affaire, mais aussi peut-être sa naïveté de
comportement envers la France, où les coups tordus sont monnaie courante, même de la part de magistrats ... tels que le procureur de Nice, qui n'aurait pas dû se servir de ces
données, obtenues illégalement.
Pour en revenir à Hervé Falciani, une enquête menée par Le Matin sur le voleur de
données (ici), aboutit aux mêmes conclusions que les miennes, dès mon premier article sur l'affaire
(La France déshonorée par l'affaire Hervé Falciani, le voleur
d'HSBC? ):
"Depuis 2006, en tout cas, Hervé Falciani, l'ancien informaticien de HSBC, peaufinait son plan pour revendre des listings bancaires de clients. Selon les
informations que «Le Matin» a pu recueillir, on est bien loin de l'«idéaliste» et de l'attitude «messianique» décrits par la justice française..."
Justice française qui n'est décidéement pas toute blanche. Comme je l'ai écrit mardi, elle n'aurait pas dû communiquer les données décryptées au fisc français,
représenté par Eric Woerth, qui se rend peut-être un peu compte maintenant qu'il n'aurait pas dû se servir à son tour de telles données pour traquer les évadés du fisc français,
même au nom de la prétendument morale chasse à la fraude.
Dans le sens d'un timide retournement du Ministre des finances français, La Tribune de Genève rapporte (ici) ce soir que :
"Le Sénat français a renoncé vendredi à pointer du doigt la Suisse en retirant, à la demande expresse du ministre du Budget Eric Woerth, un amendement qui revenait à inscrire la Confédération
helvétique sur la liste noire des paradis fiscaux."
Eric Woerth, dit-il, ne voulait pas rajouter de l'huile sur le feu, les relations étant désormais tendues entre la France et la Suisse, depuis que la
première a recelé des preuves et que la seconde a déclaré vouloir suspendre la ratification de l'accord de double imposition conclu l'été dernier entre les deux pays tant qu'elle n'aurait pas
obtenu des éclaircissements.
Il faut dire aussi que, dans les rangs mêmes de l'UMP, l'utilisation illégale de fichiers volés ne plaît pas à tout le monde. 20 Minutes
rapportait dimanche dernier (ici) :
"Le
député UMP Jean-François Copé s'est dit mal à l'aise dimanche avec l'utilisation par le fisc français d'une liste de comptes suisses appartenant à des Français fraudeurs présumés, obtenue par des
voies non officielles."
En réponse Eric a bien traité Jean-François d'un nom d'oiseau (voir Le Matin
ici) :
"Je m'étonne parfois des réactions très oie blanche effarouchée"
Mais il aura bien du mal à justifier indéfiniment l'emploi de tous les moyens pour parvenir à ses fins.
Toujours est-il que Berne, qui a le droit
international pour lui, aurait donné un ultimatum à Paris (voir Le Figaro ici) :
"La représentante du département fédéral de la justice et du service de «la protection de l'État et des délits spéciaux» fixe la date du 25 décembre pour «la
restitution des pièces issues de l'exécution de l'entraide judiciaire». Sinon, énonce-t-elle sans fard, ce sera le constat que la France refuse d'appliquer «la
convention européenne d'entraide en matière pénale». Ce
texte datant de 1958 fixe les règles de la collaboration entre les enquêteurs des deux pays."
A la place de la justice suisse je me méfierais de son homologue française, qui n'est pas franche du collier... avec lequel le pouvoir politique français la tient en laisse.
Francis Richard
Nous en sommes au
517e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani (de droite à gauche), les deux otages
suisses en Libye