Ainsi hier, 22 septembre 2010, les deux sièges vacants du Conseil fédéral ont été pourvus. Ils étaient vacants à la suite des démissions successives de Messieurs Moritz Leuenberger (socialiste) et Hans-Rudolf Merz (libéral-radical).
Le plus amusant est que cette élection ait eu lieu le même jour. En effet Moritz avait annoncé sa démission le 9 juillet 2010 pour la fin de l’année, sans préciser d'ailleurs la date exacte de son départ. Hans-Rudolf avait annoncé la sienne le 5 août 2010 pour le mois d’octobre.
Du coup le siège socialiste aurait pu être menacé si l’élection du successeur de Moritz avait eu lieu avant celle d’Hans-Rudolf. Le 9 août 2010 Moritz anticipait donc son départ et annonçait que lui aussi partirait en octobre. Les élections complémentaires pourraient avoir lieu le même jour.
Or le renouvellement des postes vacants du Conseil fédéral par le Parlement, Conseil national et Conseil des Etats réunis, quand il y a en a plusieurs à pourvoir, se fait dans l’ordre d’ancienneté des titulaires. Moritz étant plus ancien qu’Hans-Rudolf dans la fonction c’est donc son poste qui devait être renouvelé avant celui d’Hans-Rudolf.
L’argumentation officielle était quelque peu différente. Un communiqué du DETEC, le département de Moritz, justifiait son départ en ces termes ici :
"Il est évident qu’une seule élection laisserait plus de marge de manœuvre à l’Assemblée fédérale en termes de critères de sélection à la fois politiques et régionaux. En outre, le Conseil fédéral aurait ainsi la possibilité de procéder plus facilement à la répartition des départements tout en garantissant la continuité."
Il y avait six candidats officiels : quatre dames et deux messieurs.
Pour le poste de Moritz trois de ces candidats étaient en présence : deux candidates socialistes Jacqueline Fehr et Simonetta Sommaruga, et un candidat UDC, Jean-François Rime. Pour le poste d’Hans-Rudolf quatre candidats étaient en présence : une candidate verte, Brigitt Wyss, une candidate libérale-radicale, Karin Keller-Sutter, un candidat libéral-radical, Johann Schneider-Ammann, un candidat UDC, Jean-François Rime, le même que pour le poste de Moritz, si, bien sûr, il n’était pas élu au poste de ce dernier.
Pour pourvoir au remplacement du poste de Moritz, les deux candidates avaient été désignées par le parti socialiste et le candidat UDC par le sien. Jacqueline Fehr était en fait « la » candidate de la majorité du parti socialiste, c’est-à-dire la plus ringarde. Simonetta Sommaruga la plus proche des réalités économiques, bien que favorable à l’Union européenne (personne n’est parfait).
Jean-François Rime, le candidat UDC, était présenté par son parti afin de rétablir la concordance. En effet l’UDC est le premier parti de Suisse, avec 30%. Or il n’a qu’un siège sur sept au Conseil fédéral. Et la concordance voudrait qu’il y ait deux sièges.
Le siège emporté par Eveline-Widmer Schlumpf il y a trois ans avec la complicité du Parti socialiste et du Parti Démocrate-Chrétien, pour évincer Christoph Blocher, ne peut en effet être considéré comme représentant l’UDC, surtout depuis l’exclusion de l’UDC de la dite Eveline. L’UDC considère que Madame Widmer-Schlumpf est en quelque sorte le troisième conseiller fédéral socialiste.
Aux deux premiers tours de scrutin tous les candidats éligibles peuvent se présenter. Il y a donc toujours des candidatures en dehors des officielles, qui recueillent peu de voix mais peuvent menacer les officielles. Tout candidat qui au deuxième tour n’obtient pas dix voix est éliminé. Au troisième tour aucune nouvelle candidature n’est admise et celui qui obtient le moins de voix est éliminé.
Voici les résultats pour le renouvellement du poste de Moritz Leuenberger :
1er tour |
2e tour |
3e tour |
4e tour |
|
Simonetta Sommaruga |
86 |
96 |
98 |
159 |
Jean-François Rime |
80 |
78 |
77 |
81 |
Jacqueline Fehr |
61 |
64 |
70 |
|
Hildegard Fässler |
10 |
|
|
|
Divers |
7 |
7 |
On voit que la favorite des socialistes, Jacqueline Fehr, est éliminée à l’issue du troisième tour et, horresco referens, que le candidat UDC s’est retrouvé en finale face à l’autre candidate socialiste et qu’il a recueilli davantage que de voix que le total des voix de son parti (65).
Le scénario s’est reproduit pour l’élection du remplaçant d’Hans-Rudolf Merz, dont voici les résultats :
1er tour |
2e tour |
3e tour |
4e tour |
5e tour |
|
Jean-François Rime |
72 |
72 |
72 |
76 |
93 |
Brigit Wyss |
57 |
40 |
28 |
|
|
Johann N. Schneider-Ammann |
52 |
75 |
78 |
84 |
144 |
Karin Keller-Sutter |
44 |
55 |
66 |
74 |
|
Ignazio Cassis |
12 |
|
|
|
|
Divers |
7 |
3 |
Cette fois c’est Karin Keller-Sutter, la candidate certainement la plus brillante du Parti libéral radical qui a été éliminée.
Les médias avaient tous dit avant ces élections complémentaires que la candidature de Jean-François Rime était une candidature kamikaze. Certes il n’a pas été élu et l’UDC n’a pas retrouvé son deuxième siège au Conseil fédéral, mais il n’a pas fait que de la figuration. Il a même permis l’élimination des candidats favoris.
Les deux heureux élus [leur photo ci-dessus provient d'ici] sont tous deux bernois et siègeaient au Conseil des Etats. Cela crée des liens...
Il y a maintenant quatre femmes sur sept membres du Conseil fédéral, ce qui ravira tous ceux qui comme moi sont hostiles aux quotas voulus par les féministes...
Francis Richard
L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.