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13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 20:00
Le dragon du Muveran, de Marc Voltenauer

Gryon est un village des Alpes vaudoises, un véritable microcosme où tout le monde ne peut que se connaître... Marc Voltenauer y a situé son roman, Le dragon du Muveran.  Un roman policier, qui démarre très vite et très fort, le vendredi 7 septembre 2012...

 

Dès le prologue, ce jour-là, l'auteur met en scène un personnage dont il ne donne pas le nom, mais dont le lecteur se doute qu'il est important (les prologues de polars doivent toujours être lus religieusement, c'est le cas de le dire) puisque la première phrase du livre est celle-ci:

 

"L'homme qui n'était pas un meurtrier se tenait sur la terrasse de son chalet d'alpage."

 

Cet homme écoute sur son téléphone portable un morceau, pour lui incontournable, du Requiem de Mozart, Lacrimosa, dont se détache, pour le lecteur attentif, un vers, parmi d'autres, qui ne peut pas figurer dans ce prologue par hasard:

 

"L'homme coupable sera jugé."

 

En regardant le Grand Muveran, qui culmine à trois mille mètres,  cet homme sans nom se remémore l'histoire que lui a racontée sa grand-mère, il y a quelque quarante ans, et dont elle ne pouvait se douter que le héros serait un jour bien davantage qu'une légende:

 

"Derrière la montagne habite un dragon. Lorsque le soir de la pleine lune se prépare et que le soleil vient de se coucher, il prend son envol. Dans le ciel, il crache du feu. D'immenses flammes qui laissent des traînées tout autour de la montagne. Au printemps il fait fondre la neige et la glace sur les lacs."

 

Deux jours plus tard, le dimanche 9 septembre 2012, dans le temple de Gryon, la pasteure du village, Erica Ferraud, découvre, juste avant le culte, un corps nu, allongé sur la table de communion:

 

"Les bras étendus étaient perpendiculaires au corps. Les jambes, attachées ensemble à l'aide d'une corde. C'était l'image du Christ crucifié. Un homme. La cinquantaine probablement. Un énorme couteau était planté dans le coeur. Autour de la plaie, du sang séché formait comme un réseau de ruisseaux du haut de la poitrine jusqu'à son sexe. Ses yeux avaient été enlevés. Les orbites ressemblaient à deux trous noirs. A l'extrémité du couteau, une cordelette avec un morceau de papier."

 

Le cadavre est celui d'un habitant du village, Alain Gautier, agent immobilier de son état. Sur le morceau de papier, relié au couteau par la cordelette, sont écrits les mots suivants: "Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres!"

 

L'enquête est menée par l'inspecteur Andreas Auer, de la brigade criminelle de Lausanne. Il habite justement Gryon, avec son compagnon, Mikaël, journaliste indépendant, qui lui donne un coup de main discret dans ses enquêtes.

 

L'équipe d'Andreas comprend Karine, une collègue, Christophe, de la police scientifique, Doc, le médecin légiste (féru d'expressions latines), auquel viendra en renfort, Nicolas, un policier proche de la préretraite. Cette équipe est sous les ordres d'une commissaire et sous la surveillance malveillante d'un procureur.

 

Le lecteur a un avantage sur les enquêteurs. Du moins le croit-il. Parallèlement à l'enquête, il est mis peu à peu au courant, par l'auteur, de ce qui s'est passé à Gryon quarante ans plus tôt et qui ne peut donc avoir qu'un lien avec l'affaire. Mais il ne sera pas plus avancé qu'eux quand le récit prendra des détours inattendus.

 

L'auteur prend en effet un malin plaisir à faire croire au lecteur qu'il est dans la confidence du noir passé des protagonistes, mais, quand ce passé sera entièrement révélé, il s'avèrera n'être que la pointe d'un iceberg, dont la masse principale est complètement immergée, comme c'est le cas pour tous les icebergs.

 

Ce qui fait l'originalité de ce polar c'est qu'il y est bien sûr question de violence, de sexe, de détails forensiques (très réalistes), mais aussi de religion. Les extraits bibliques succèdent aux extraits bibliques tout au long de l'histoire, dans cette commune où protestants et catholiques vivent en bonne intelligence.

 

Ces citations de l'Ancien et du Nouveau Testament sont semées, comme les cailloux du Petit Poucet, par le criminel (certes d'une grande intelligence mais, à l'évidence, plus attaché à la lettre des Ecritures qu'à leur esprit) et commentées savamment par Andreas et Mikaël, capables d'en faire des lectures de plusieurs degrés.

 

Le criminel et l'enquêteur se livrent, tout du long de ce livre, à un terrible duel, si bien que l'auteur peut écrire dans l'épilogue: "L'enquête avait duré deux semaines seulement, mais elle avait été éprouvante, physiquement et mentalement. Andreas avait juste envie d'être au calme. Et surtout de laisser toute cette histoire derrière lui et de passer à autre chose. Mais en même temps il ressentait un grand vide."

 

Le lecteur aussi ressent un grand vide après avoir lu ce fort volume, mais il en redemande. Sans doute pour combler ce vide dont il est dit, depuis Aristote que la nature a horreur. Sans doute, aussi, tout simplement, parce que, s'il lit nombre de polars bien noirs et bien sanglants, c'est qu'il aime être malmené. A quand donc la suite des aventures de l'inspecteur Auer? 

 

Francis Richard

 

Le dragon du Muveran, Marc Voltenauer, 670 pages Plaisir de lire

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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