Tiffany Jaquet, Cornelia de Preux, Maria Zaki, Ferenc Rákóczy, Olivier Chapuis, Sabine Dormond et Christian Campiche
Ce soir a lieu à la Fraternité du Centre Social Protestant, à Lausanne, la remise du Prix des Écrivains Vaudois à Ferenc Rákóczy.
Ce prix est décerné par l'Association Vaudoise des Écrivains, à un écrivain vaudois (d'origine, de naissance et/ou de résidence)... pour l'importance de son oeuvre.
Avant la remise du prix, l'auteur, accompagné en musique par Nicolas Bertholet, lit quelques poèmes tirés des Hospices Rhénans (1999) et d'Éoliennes (2007).
Il lit notamment Rendez-vous du vent (Éoliennes) :
Je me souviens du jour où mon père a planté la première girouette
Sous les arbres chargés de fruits violets comme l'été
Il portait son complet bleu barbeau trempé par les dernières pluies
Il y avait des échardes dans ses mains, des épines de mûriers
Comme dans la chanson, l'orage galopait au loin
Pendant qu'il se courbait, muet, détaché de tout bruit
Sur les plates-bandes vaporeuses de semis.
Alors, manquant le faire tomber
Elle lui sauta dans les bras, inquiète comme un poulain
Il vacilla un peu, regarda en arrière vers moi
Un sourire flottait, oublieux, sur ses lèvres
C'était tout simplement la bise, rien que ça
On aurait dit, je le jure, la naissance de la lumière.
Sabine Dormond, présidente de l'Association Vaudoise des Écrivains, rappelle que l'association comptait 40 membres à sa création en 1944 et qu'elle en compte 150 aujourd'hui.
Ferenc Rákóczy est le quarantième écrivain vaudois à recevoir le prix depuis 1950. Les cinq lauréats qui l'ont précédé sont :
2015 - Claire Krähenbühl
2013 - Pierre-Yves Lador
2011 - Jacques-Etienne Bovard
2006 - Jean-Michel Olivier
2005 - Jacques Chessex
Tous les semestres l'association publie la revue Sillages et une newsletter.
L'association propose aux enseignants vaudois d’organiser des visites d’écrivains dans les classes, afin de faire mieux connaître la littérature romande contemporaine et de stimuler l’intérêt des élèves pour l’écriture créative et la lecture.
En lisant Laissez dormir les bêtes, Sabine Dormond s'est rendu compte que le thème commun à ces récits parus en 2010 était la contagion, c'est-à-dire l'influence des êtres humains les uns sur les autres, qui franchissent alors allègrement la ligne floue qui délimite folie et raison...
Dans un bref message Isabelle Falconnier, Déléguée à la politique du livre de la ville de Lausanne, se réjouit de l'attribution du prix à Ferenc Rákóczy.
Maria Zaki, un des trois membres du jury, avec Claire Krähenbühl et Christian Campiche, s'en réjouit à son tour, d'autant que c'est un poète qui a été récompensé.
Maria Zaki, poétesse elle-même, a été particulièrement touchée par un des aphorismes de Ferenc Rákóczy, parus sous le titre La noix du monde en 2008:
Le poète dépend du monde comme la fleur de sa tige. Il passe sa vie à chercher l'équilibre, à répartir son poids, et c'est de cet exercice de jongleur que naissent les images, ces passerelles amovibles jetées au-dessus de l'abîme.
Bien que de mère hongroise, Christian Campiche n'avait pas de préjugé favorable pour Ferenc Rákóczy descendant du prince François II Rákóczi de Transylvanie, qui s'était révolté contre les Habsbourg.
Après lecture, force lui a été de revoir son jugement... Il y a vu une écriture universelle dont il se demande si elle ne doit pas son universalité au fait qu'à la maison familiale on parlait quatre langues...
De plus, se rendant sur le journal poétique en ligne du nominé, il a été impressionné favorablement par la longue liste, non exhaustive, de ses auteurs de chevet...
Il a aussi été impressionné par tout ce qu'il fait dans la vie: il écrit de la prose et des poèmes, il est musicien et cinéaste, et il exerce la profession de psychiatre...
Avant de recevoir son prix Ferenc Rákóczy se livre, sur fond musical de Nicolas Bertholet, à une longue performance, au cours de laquelle il retrace la genèse du monde avant et après la faute...
(J'ai compté 21 pages dactylographiées de format A4, que l'auteur laisse négligemment tomber au sol, comme les feuilles d'un arbre, après lecture.)
La conclusion de ce long texte, qui rappelle les chants antiques, est bien dans la veine de l'auteur:
Je dis oui à la matière. Je dis oui à la vie. Explorer la matière, c'est donner un sens à la vie.
Après avoir reçu son prix sous forme d'un gros chèque de cinq mille francs des mains d'Olivier Chapuis, le trésorier de l'Association Vaudoise des Écrivains, Ferenc Rákóczy remercie vivement l'association pour un tel honneur dont, dit-il, son orgueil ne souffrira pas mais que ses proches sauront lui faire relativiser...
La reconnaissance de Ferenc Rákóczy va à ceux sans qui il n'aurait jamais reçu le prix ce soir: il cite notamment le poète Frédéric Wandelère qui lui a reconnu sa qualité de poète et Dimitri, le fondateur des éditions de L'Âge d'Homme qui ont publié tous ses livres.
Il profite de l'occasion pour dire que Dimitri était libre de défendre sa patrie, la Serbie, comme sa fille Andonia, aujourd'hui, l'est de défendre la cuisine végane... et qu'il ne comprend qu'il ait pu être attaqué et qu'elle puisse être attaquée aussi violemment pour de telles positions...
Francis Richard