C'est pour les autres que j'écris. Ceux qui ne sont pas contents. Et qui n'ont rien dit et qui ne diront rien mais qui n'en pensent pas moins. Ils tiennent à leur libre arbitre. Ce sont de ces procureurs-lecteurs que j'ai en quelque sorte recueilli la procuration virtuelle. J'ai imaginé qu'ils m'avaient engagé pour parler à leur place.
Dans Le jour d'après, celui qui suivra la pandémie, Philippe de Villiers fait le rapprochement entre trois événements:
- le Global Vaccination Summit qui a eu lieu à Bruxelles le 12 septembre 2019, où étaient réunis la Commission européenne et l'Organisation mondiale de la santé, et au cours duquel est émise l'idée d'imposer "un passeport vaccinal";
- la réunion le 18 octobre 2019 à New-York du Centre John-Hopkins pour la sécurité sanitaire, dont les partenaires sont la Fondation Bill et Melinda Gates et le Forum de Davos, et au cours duquel un exercice fictif de gestion de crise d'une pandémie de coronavirus est simulé (voir mon article Haro sur les riches du 28 avril 2020);
- la publication en juin 2020, du Great Reset par Klaus Schwab, le fondateur du Forum de Davos (voir mon article du 2 mai 2021 sur l'analyse qu'en fait Eric Verhaeghe dans son livre éponyme).
PAS DE COMPLOT: TOUT EST SUR LA PLACE PUBLIQUE
Au contraire des complotistes qui verraient dans le rapprochement de ces trois événements, la preuve d'un complot mené par des gens puissants, qui auraient provoqué la pandémie de Covid-19 pour parvenir à leurs fins, Philippe de Villiers écrit:
Il n'y a pas d'officine ni de cellule secrète. Il n'y en a plus besoin. Tout est sur la table ou plutôt sur la place publique.
La pandémie n'a pas été provoquée par ces gens puissants: elle aura été pour eux une fenêtre d'opportunité, selon l'expression de Klaus Schwab, pour implanter non pas un monde meilleur, mais le meilleur des mondes, le Nouveau Monde.
Le bémol est que la pandémie n'aura pas été aussi meurtrière qu'imaginée lors de l'exercice du 18 octobre 2019 avec ses soixante-cinq millions de victimes... et qu'en conséquence le jour d'après qu'ils appellent de leurs voeux pourrait être compromis.
LE NOUVEAU MONDE QUI VIENT
Une fois fait ce rapprochement entre ces trois événements qu'il ignorait, l'auteur en fait d'autres en remontant le temps et en s'apercevant que le Nouveau Monde qui vient est préparé depuis longtemps aux yeux et au su de tout le monde.
Il révèle, entre autres, que le jeune Emmanuel Macron avait pour mentors Jacques Attali, qui lui a appris à communier sous les deux espèces: le progressisme et le mondialisme, et... Klaus Schwab, qui l'a élu en 2016 Young Global Leader.
En attendant, la gestion de la pandémie dans les pays avancés a répondu et répond à l'attente de ces tenants d'un capitalisme de connivence et de surveillance:
J'ai appris avec le recul que le dispositif anti-Covid était à la fois une préfiguration de la félicité numérique et un sas expérimental pour les concepteurs et acteurs du Nouveau Monde.
UN MONDE DÉCONNECTÉ DE LA RÉALITÉ
Ce n'est pas pour rien que les Français ont été privés de libertés fondamentales: la liberté d'aller et venir, la liberté de travailler, de créer, d'entreprendre, de se rencontrer, la liberté de culte, la liberté de vivre la France comme un acte littéraire.
Il s'agissait de faire en sorte qu'ils se laissent apprivoiser par les plateformes virtuelles, qu'ils restent le plus longtemps possible à la maison (voir mon article du 19 mars 2021, Restez chez vous mais connectés) et, pour qu'ils ne dépriment pas, qu'ils aient sous la main une console de consolation. Comme l'auteur a le sens de la formule, il conclut:
On aura le choix entre caresser le siamois qui miaule et promener la souris qui clique.
Le Nouveau Monde sera déconnecté de la réalité et connecté virtuellement. Il aura fait disparaître l'ancienne économie (les restaurants, les cafés, les librairies, les commerces etc.) après avoir procédé1 à l'appropriation publique des moyens de production via le surendettement.
LA TABLE RASE
Le Nouveau Monde aura fait disparaître la classe moyenne: La gouvernance techno-capitaliste des socialistes milliardaires a déjà anticipé la suite. Ils prévoient, pour les déclassés, un revenu de base universel. Les premiers seront essentiels et les seconds ne le seront pas...
Un rapprochement peut en cacher un autre. L'auteur voit dans le Great Reset et dans la cancel culture une même vision de la table rase: il s'agit de nettoyer le contemporain de toutes ses attaches pour en faire un objet utilitaire, interchangeable et numérique.
Il est moins convaincant quand il s'étonne du compromis entre ceux qu'il appelle à tort des ultra-libéraux et les libertaires, qu'il considère comme des ennemis naturels. Il est plus convaincant quand ils les baptisent respectivement mondialistes et écolo-sociétalistes.
En effet ce qui rapproche ces idéologues, ces collectivistes, qui veulent soumettre les autres et n'aiment pas les individualités, c'est la table rase: toute idée de limite et de distinction, de culture et de transmission sont des obstacles à abattre pour imposer leurs utopies et intérêts respectifs.
LES MURS PORTEURS
Ces entreprises de démolition, de déconstruction, se sont attaqué aux quatre murs porteurs de la société française:
- L'Autorité: L'autorité paternelle qui préservait la famille; l'autorité régalienne qui soutenait l'État; l'autorité magistrale qui tenait la classe et l'autorité spirituelle qui élevait les âmes.
- La Sécurité: Les délinquants, les bandes peuvent courir, la sécurité, première raison de vivre en société plutôt qu'en troglophile n'est plus assurée.
- La Souveraineté: On l'a vu avec le virus, nous ne sommes plus souverains, cela veut dire que nous sommes dépendants pour les domaines pharmaceutique et numérique.
(c'est ce que l'auteur voit, mais ce qu'il ne voit pas, ou pas assez, c'est que l'État obèse, sortant du régalien, s'occupe de ce qui ne devrait pas le regarder, avec pour conséquence, notamment, la désindustrialisation qu'il déplore)
Pour l'auteur, comme pour de Gaulle, l'État de droit, c'est la souveraineté populaire, or le juge n'apprécie plus le droit dans un esprit de transparence de la loi, et donc de la volonté du peuple, mais à travers le tamis de ses préjugés, ou plutôt de son idéologie...
Avec Marcel Gauchet, l'auteur dit aussi que la souveraineté du peuple ne doit pas opprimer les droits individuels qui ne doivent pas non plus conduire à la liquidation de la souveraineté du peuple...
- L'Identité: Elle a été abîmée par les mouvements indigénistes et troublée par l'islam conquérant. La France perd sa substance et se décompose. On a pratiqué l'euthanasie dans les EPHAD [...]. Le monde a glissé, depuis l'engendrement naturel de l'enfant, vers la procréation technique, et la sélection organisée est devant nous.
Cette déshumanisation programmée ne peut aboutir qu'à une post-humanité où l'homme et la machine vont faire cause commune...
CONCLUSION
Il faudra réapprendre aux enfants de France que la souveraineté est un beau mot: on est souverain quand on est autonome, qu'on reprend le pouvoir sur sa vie, son corps, ses échanges, sa parole et sa pensée. Et qu'on cultive le primat du lien sur le bien, de la conscience humaine sur le Système. La France est en coma végétatif. Le monde entier, mi-inquiet, mi-goguenard, attend qu'on la réveille. Car c'est à elle qu'il reviendra de donner le signal de l'insurrection de l'esprit. Sauvons la liberté, elle fera le reste.
Francis Richard
1 - Non pas sur un mode libéral comme le dit l'auteur, qui a ses lacunes théoriques et sémantiques...
Le jour d'après, Philippe de Villiers, 224 pages, Albin Michel