À l'entresol où mon existence se consume, mon ordinateur est ma seule fenêtre sur le monde.
Via cet écran, la narratrice fait ainsi la découverte d'une cathédrale aux dix-huit flèches - si extraordinaire que le chien a cessé de tourner - et de bien d'autres merveilles.
Elle, qui est soumise à la Voix (qui s'exprime en italiques dans le texte), décide d'entreprendre sans elle le premier voyage de son existence, une évasion en somme.
Comme chaque soir, elle prend ce soir-là son somnifère, qui la fait sombrer et qui est censé lui éviter de faire des cauchemars, pour ne pas tourmenter la paix des couloirs.
À la faveur de ce voyage onirique, elle découvre un univers parallèle, qui est à l'opposé de la cage de ciment et de verre [...] où s'emprisonne [son] existence sans fantaisie.
Elle y retrouve ce qu'elle a vu sur l'écran de son ordinateur: le musée où un peintre est tout autant obsédé par les couleurs qu'elle l'est par les équations de son cahier noir:
Je poursuis avec obstination le cinquante-deuxième nombre parfait 1.
Une statue, Céleste, se met en mouvement, un appareil photo autour du cou; elle la perd de vue: c'est elle qui a photographié le musée, la cathédrale, vus sur son ordinateur.
La narratrice perd aussi sa montre, n'a pas de carte pour retourner à son hôtel. Elle se fait agresser comme dans la vraie vie, mais une sauveuse la recueille chez elle la nuit.
Vêtue en acrobate, comme la soeur de sa sauveuse, elle s'y identifie, rencontre un musicien, pour lequel elle se dédouble encore, en Charlie, seul nom prononcé par la Voix.
Quand elle parvient enfin à la cathédrale, elle est plus belle encore que dans son souvenir, elle est plus présente aussi, elle est de chair, même si ses délires sont de pierre.
Dans ce monde surréel, elle a été libre mais elle a appris que la liberté a un coût et que, pour bien chevaucher ses rêves d'évasion, elle devra faire de sérieux préparatifs...
Francis Richard
1 - Un nombre est considéré comme parfait s'il est égal à la moitié de la somme de ses diviseurs.
La saveur du vent, Fabienne Bogádi, 128 pages, La Veilleuse (sortie le 15 septembre 2023)
Livres précédents:
Le corps déchiré, Olivier Morattel Éditeur (2014)
Les immortelles, L'Âge d'Homme (2019)