L'Église n'est pas une institution humaine comme les autres. Deux mots la définissent: mystère et sacrement:
L'Église est le corps mystique du Christ, un organisme vivant dont la tête est le Christ, l'âme est l'Esprit Saint, et dont nous sommes les membres.
Pour répondre à la crise qu'elle connaît, l'Église n'a pas besoin de réformateurs mais de saints (c'est ce qu'écrivait Georges Bernanos dans La vocation spirituelle de la France):
Qu'est-ce que la sainteté? C'est le souci d'appartenir à Dieu par toute ma vie. Je suis invité à prendre conscience que, par mon baptême, j'appartiens à Dieu et que toute ma vie est appelée à être transformée par la grâce, qui est à la fois un don et une tâche à accomplir.
La sainteté n'est pas réservée à une élite de héros, mais bien à de pauvres pécheurs. Car nous sommes tous pécheurs:
Pas de miséricorde sans péché et pas de sainteté sans miséricorde!
C'est pourquoi l'Église doit parler des exigences de l'Évangile et donc du péché, par lequel l'humanité est blessée, et donner les moyens de se conformer progressivement à ces exigences:
Dieu croit en l'homme. Jésus a confiance en nous. Il sait qu'avec la grâce du baptême et la force de l'Esprit, nous pouvons entamer un chemin de conversion.
Nous ne devons pas oublier que ce chemin de conversion ici-bas a pour destination le royaume des Cieux et que le salut des âmes est la loi suprême dans l'Église.
Aussi l'Église ne doit-elle pas chercher à nous rassurer et doit-elle parler de paradis, d'enfer et de purgatoire, faire de la liturgie le lieu efficace, par le sacrifice de Jésus, de notre pèlerinage vers la patrie céleste, encouragés que nous sommes par la multitude des anges et des saints qui nous accompagnent sur ce chemin parfois ardu.
Tous les baptisés, laïcs, consacrés et prêtres, participent au sacerdoce commun du Christ, par la médiation duquel ils sont appelés à offrir des sacrifices spirituels à Dieu. Mais les prêtres exercent un sacerdoce distinct, apostolique et ministériel, ordonné au sacerdoce commun comme celui-ci lui est ordonné, et ont trois pouvoirs inséparables, qui ne peuvent être répartis:
- le pouvoir d'enseigner
- le pouvoir de sanctifier par les sacrements
- le pouvoir de gouverner ou de conduire le troupeau de Dieu.
Par le sacrement de l'ordre, le prêtre est configuré ontologiquement au Christ. Il est mis à part, mais n'est pas séparé. La parole lumineuse de saint Augustin explicite cette place: Pour vous, je suis évêque; avec vous, je suis chrétien.
Comme tous les baptisés, le prêtre est appelé à la sainteté. Pour y parvenir, il doit consacrer du temps à sa vie intérieure, qui doit primer sur les oeuvres; il doit donc prier, annoncer le salut, professer la foi et porter sa croix:
- Le prêtre est célibataire comme le Christ: Le célibat pour le Royaume fait partie intégrante du chemin de sainteté du prêtre.
- Le prêtre est père: Être "père", n'est-ce pas précisément engendrer, en particulier susciter des vocations, donner envie à des jeunes de donner leur vie pour s'unir au Christ par la prière et annoncer l'Évangile?
Comme tous les baptisés, les laïcs sont appelés à la sainteté, mais ils ne le peuvent que s'ils sont formés, qu'ils soient petits ou grands:
Dans la tradition de l'Église, cela se fait de deux manières: par le kérygme, c'est-à-dire l'annonce du Christ mort et ressuscité, pour nous sauver et nous donner la vie, et la didachè, c'est-à-dire l'approfondissement par l'enseignement.
La morale que l'Église enseigne n'est pas une morale de l'obligation, où la loi joue un rôle régulateur pour contraindre une liberté. Elle n'est pas non plus une morale de conscience, où l'homme cherche à s'affranchir du carcan de la loi, comme de toute autorité.
La morale que l'Église enseigne découle de la conception chrétienne de la liberté, héritée de saint Thomas d'Aquin:
Elle ne précède pas la nature humaine, mais s'enracine en elle, et plus particulièrement dans ses deux facultés spirituelles qui la spécifient, l'intelligence et la volonté.
[...]
Le premier sentiment moral n'est pas le devoir, comme l'a théorisé de manière abstraite Emmanuel Kant, mais le désir du bonheur qui est la vraie source de l'agir libre.
La morale que l'Église enseigne découle de la loi naturelle, qui exprime sous forme de préceptes, les inclinations naturelles qui disent l'inclination au Bien et donc l'aspiration au bonheur qui est inscrite dans le coeur de tout homme. Ces préceptes, contenus dans le Décalogue, orientent de l'intérieur et non de l'extérieur, la liberté de l'homme.
La morale que l'Église enseigne est une morale de perfection qui recherche le bien le meilleur auquel l'homme est incliné par nature, précisément parce qu'il a été créé à l'image de Dieu - ad imaginem Dei, où la préposition ad indique en effet, en latin, un mouvement vers -, pour ressembler à Dieu.
La morale que l'Église enseigne s'oppose à la destruction de l'humanité par des lois dites sociétales, qui sont votées au nom d'une liberté faisant fi de l'être corporel, rejeté en marge de la personne, comme d'un matériau disponible à mon libre choix, au nom d'un dualisme entre l'âme et le corps:
Mon corps est le signe que je suis un être créé, et donc limité, ce que précisément la culture actuelle dénie. En outre, on ne peut pas séparer le corps de l'esprit, l'homme est "un de corps et d'âme"1 - je suis mon corps comme je suis mon âme.
La morale que l'Église enseigne se trouve dans Le sermon sur la montagne (Mathieu 5.1-7.29), qui est la charte parfaite de la vie chrétienne et le programme complet de sainteté. Elle est intemporelle, elle est le contraire du relativisme d'aujourd'hui:
C'est le temps des saints qui seul peut nous disposer au temps qui vient.
Priant pour que ce temps advienne, Mgr Marc Aillet n'a pas peur de dire la vérité, avec autorité; il n'est pas complaisant, comme les mauvais bergers d'Israël que le prophète Isaïe (56, 10-11) traitait de chiens muets, incapables d'aboyer: à bout de souffle, allongés, ils aiment somnoler.
Francis Richard
1 - Constitution pastorale Gaudium et Spes n.14.
Le temps des saints, Mgr Marc Aillet, 320 pages, Artège
Livre précédemment chroniqué chez le même éditeur:
La charité du Christ nous presse, 224 pages (2010)
Messes célébrées par Mgr Aillet auxquelles j'ai assisté: