Entrer en compétition comme on entre en religion. Accepter les règles, les dogmes et rejoindre la prière: Mon Dieu, faites que je gagne.
La narratrice a attendu plus de trente ans pour écrire un livre sur elle et sa soeur, la gymnaste, pour le sport de compétition de laquelle toute sa famille a tremblé pendant des années:
Pour rire de moi et de mes trous de mémoire, j'inventerai par ci et par là et peut-être partout. Ce qui me réjouit.
Tout a commencé alors que sa soeur avait six ans et elle neuf. Elles ne savaient pas encore qu'elles avaient pris dès lors onze ans de gymnastique et perpétuité pour l'âme et le corps.
Elle est mauvaise dans cette discipline: Je suis même nulle. Leurs parents ne l'entendent pas de cette oreille. Ils aimeraient que leurs deux filles concourent dans toute la Suisse.
Pour leur faire plaisir elle s'entraîne au club de Sion, mais c'est sa soeur qui passe les tests du Centre cantonal valaisan et que la famille va soutenir tous les dimanches que Dieu fait.
Sa soeur, comme les autres gymnastes, rêvent toutes de devenir la nouvelle Comaneci, la poupée garçonne, l'élastique star de toute une nation, tandis qu'elle se contente de participer.
L'univers de la compétition est impitoyable. Léo, l'entraîneur, répète à ses élèves que pour réussir il faut souffrir, endurer, refaire, encore, vouloir, autrement dit: si tu veux, tu peux.
Autant sa soeur se plie à ce régime, autant elle regimbe, puis renonce, ce qui la soulage. Ses parents et elle ne vivent plus désormais qu'au rythme de sa petite championne de soeur.
Son entraîneur, Léo, présente la gymnaste à Serghei, le chorégraphe roumain, pour qu'elle passe l'examen d'entrée au Centre sportif national de Macolin/Magglingen, près de Bienne.
Elle est partagée devant l'alternative: si sa soeur échoue, la vie reprendra comme avant; si elle réussit, elle perdra la liberté qui lui est laissée quand sa mère assiste aux entraînements.
Sa soeur a réussi. Les entraînements se déroulent dans le Valais, mais, pour ne pas rester dans l'ombre, il faut accepter, dixit Léo, de déménager près du site d'entraînement national.
Léo y trouve son compte puisque lui aussi rejoindra l'équipe nationale. Où la gymnaste logera-t-elle? Dans une famille d'accueil. La gymnaste ne lui manque pas, la soeur, oui.
Après un Noël, les entraînements reprennent, plus durs: la gymnaste ne doit pas être trop fille, alors qu'elle, elle l'est. Aussi ne l'envie-t-elle pas, sauf que sa soeur est trop parfaite.
À la fin de cette satire de la compétition sportive, Sonia Baechler lui fait poser la question sans réponse de ce qui vient après... la montée de sa soeur sur les podiums suisses et européens.
Francis Richard
Mon Dieu, faites que je gagne, Sonia Baechler, 232 pages, Bernard Campiche Editeur
Livre précédent:
On dirait toi, 224 pages, Bernard Campiche Editeur (2013)