Un des admirateurs de Städel était un certain Johann Wolgang Goethe , qu'il est inutile de présenter et dont le portrait , de facture néo-classique, peint en 1787 par Johann Heinrich Wilhelm Tischbein, Goethe dans la campagne romaine [ci-dessus à gauche], est un des plus célèbres ornements du musée.
L'affiche de l'exposition [ci-contre à droite] a pour toile de fond un tableau de Degas, dont on connaît la prédilection justifiée pour les danseuses. Ce tableau, Musiciens à l'orchestre, 1876, présente la particularité d'avoir été redimensionné par l'artiste. Le haut a été rajouté - de près on voit d'ailleurs la trace du rajout - et les côtés ont été rabotés. Le résultat final est étonnant. On a l'impression d'être un des musiciens, dont l'oeil ne manque pas d'être attiré par les gracieuses créatures qui évoluent sur scène.
Cette exposition nous fait parcourir une vaste période, de la fin du XVIIIe siècle jusqu'au début du XXe siècle. Différents courants artistiques de cette vaste période tels que le romantisme, le réalisme, l'impressionnisme, l'expressionnisme allemand ou le symbolisme, y sont représentés et témoignent de la diversité des acquisitions opérées au fil du temps par le musée de Francfort. Il est donc bien difficile de résumer une telle exposition qui présente l'avantage de permettre le contentement de tous les goûts et couleurs.
Pour ma part je reste un fervent amateur des impressionnistes qui y sont représentés par Degas, Manet, Monet, Renoir et Sisley. La fin du déjeuner, 1879, d'Auguste Renoir est un tableau plein de charme. On voit sur la reproduction [ci-contre à gauche] que nous sommes bien en fin de repas et sous une tonnelle fleurie, celle du Cabaret d'Olivier à Montmartre. Sur la table se trouvent une carafe d'eau quasiment vide et un plateau, sur lequel reposent un verre de vin et une carafe de vin, plus petite que la carafe d'eau, en bon chemin d'être vidée elle aussi. La femme perdue dans ses pensées, un verre à la main, est l'actrice Ellen André; la femme qui se tient debout est un des modèles du peintre; l'homme à droite, qui - horresco referens - allume une cigarette est Edmond, le frère de l'artiste. Les convives en sont au café, le moment idéal pour en fumer une. L'hygiènement correct n'existait pas encore. Ce qui prouve bien qu'à cette époque-là on ne savait pas vivre...
La jalousie, 1913, [ci-contre à droite] d'Edvard Munch, montre que nous avons changé d'époque. A la douceur de vivre succède une certaine fureur à peine contenue. Les sentiments délicats laissent la place à des désirs plus précis. La femme, faussement ingénue dans sa robe blanche, s'offre aux regards de son voisin immédiat. Cet homme, situé à droite sur le tableau, n'a pas ses yeux dans sa poche, il a l'air de guetter cette tendre proie. Il la contemple avec ardeur. L'homme de gauche, un peu en avant des deux autres figures, semble comblé, extatique. Il ne se rend pas compte, le moins du monde, de la concupiscence jalouse de son rival, qui ne présente pas un visage spécialement amène.
Max Beckmann prône l'art de déformation. La synagogue à Francfort-sur-le-Main, 1919, en est une illustration. Le peintre a voulu représenter ce qu'il a vu, au petit matin, de retour, en compagnie de deux amis, d'une fête bien arrosée. Les trois lascars titubent et s'éloignent de cet endroit vacillant par la rue étroite du fond. Les lampadaires de cette rue se rapprochent tandis que s'écartent les immeubles, dont la synagogue, à gauche de la toile, qui est tout illuminée pour le Chaharit, la prière du matin. La place s'est rétrécie comme une peau de chagrin. Un chat immobile ignore superbement ces images déformées derrière lui. Il est le point fixe que rien autour de lui ne peut venir perturber.
Se rendre à la Fondation de l'Hermitage pour y voir une exposition est toujours un véritable plaisir. Car le cadre des expositions qui s'y tiennent est un enchantement. Les tableaux y sont accrochés dans une maison de maître [ci-contre à droite], qu'un banquier, Charles-Juste Bugnion s'est fait construire à la moitié du XIXe siècle sur une colline d'où l'on voit la cathédrale de Lausanne et au-delà Le lac Léman avec les Alpes savoyardes, que Ferdinand Hodler a peints en 1911, pour le plus grand bonheur du Städel Museum, qui héberge habituellement cette toile, prêtée à la Fondation lausannoise pour la circonstance. Aussi ne faut-il pas se priver d'un tel plaisir quand, de surcroît, il s'agit d'y admirer des chefs-d'oeuvre.
Francis Richard
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