Il n'était pas politiquement correct de traduire en français le titre du dernier film de Roman Polanski. C'est sans doute pourquoi les diffuseurs, en
France comme en Suisse, ont préféré conserver le titre original. Il faut dire qu'en anglais la fonction est plus valorisante qu'en français. A tout prendre il est préférable
d'être l'ombre de quelqu'un que son nègre. Une éminence spectrale est mieux connotée qu'un sombre travailleur.
Le film de Roman Polanski est tiré d'un livre de Robert Harris, adapté conjointement par l'auteur et par le réalisateur. Originellement le titre du livre était
The ghost, ce que Plon a sagement traduit en français par L'homme de l'ombre, ce qui donne une tout autre tonalité, puisque
les hommes de l'ombre sont souvent , dans le langage courant, des espions, dont le parangon est un certain James ... James Bond. Les anglo-saxons, là encore, sont plus valorisants
puisqu'à leur propos ils parlent d'intelligence...
Ce thriller comporte tous les ingrédients du genre. On ne s'ennuie pas une minute. Les événements se succèdent à un rythme endiablé. Le suspense est maintenu jusqu'au dénouement.
L'atmosphère est tendue non seulement parce que les personnages s'y affrontent tour à tour violemment ou à fleurets mouchetés, mais parce que le plus clair de l'action se passe sur une
île américaine, dans une demeure isolée, située au bord d'une plage sauvage et sévèrement gardée, battue par la pluie et le vent, où le monde extérieur s'invite tout de même via
téléphones mobiles, Internet, clés USB et GPS.
Ewan McGregor, le Nègre, est embauché pour prendre la suite de Mike McAra, assistant d'Adam Lang quand il occupait le 10 Downing Street et qui a rédigé un premier jet des
mémoires du Premier ministre britannique, que campe Pierce Brosnan. McAra a été retrouvé noyé sur une plage de l'île et sa voiture vide retrouvée sur le ferry
qui la relie au continent. Amelia Bly, proche collaboratrice d'Adam Lang, interprétée par Kim Cattrall, accueille le nouveau nègre et lui fait connaître
les strictes règles du jeu.
Ruth, la femme d'Adam Lang, interprétée par Olivia Williams, a suivi son ex-Premier ministre de mari, sur cette île-refuge. Ils y attendent que l'orage
médiatique déchaîné contre ce dernier se calme. En effet Adam Lang est accusé d'avoir eu, quand il était au pouvoir, des complaisances coupables avec les services d'intelligence de
ses grands amis américains qui lui ont fourni ce havre de paix... qui ne le restera pas longtemps. Toute ressemblance avec un certain Tony Blair ne serait que fortuite...
L'intrigue s'articule autour de ces deux éléments que sont la mort mystérieuse du premier nègre et les liens qu'entretiendrait Adam Lang avec la CIA. Le Nègre a été choisi par l'éditeur
parce qu'il veut faire parler le coeur de ceux pour le compte de qui il écrit. Pour ce faire il va aller au fond des choses, remuer le passé et mettre à jour certains
secrets qui n'étaient certainement pas suffisamment enfouis, qui se sont déjà révélés mortels et qui continueront de l'être.
Pierce Brosnan est un Premier ministre britannique époustouflant de vérité; il en a la prestance et le toupet. Ewan McGregor incarne magistralement un écrivain très britannique, plein
d'humour, mais un peu trop curieux. Olivia Williams donne une étrange profondeur à son rôle d'épouse et d'égérie à multiples facettes. Kim Cattrall personnifie avec
justesse et autorité la collaboratrice dévouée corps et âme à son patron.
Servi par une magnifique distribution, que ne déparent pas de solides seconds rôles, sans être un chef-d'oeuvre, même s'il a obtenu l'Ours d'argent
au dernier festival de Berlin, ce film est dans la lignée de Frantic, ce qui le classe parmi les meilleures réalisations du
cinéaste Polanski.
Francis Richard
Voici la bande annonce, in English, of course :
Nous en sommes au
597e jour de privation de liberté pour Max Göldi, le dernier otage
suisse en Libye