C'est parti. Le groupe parlementaire UDC s'est prononcé pour un ticket Blocher-Maurer. Et dans tous les cas de figure, c'est un ticket gagnant.
Avant de dire pourquoi, voyons comment l'UDC en est arrivée à ce choix judicieux.
La période préparatoire à la désignation de candidats s'étalait du 13 au 25 novembre. En début de cette semaine, à la date fixée du 25 novembre, onze candidats étaient présentés par différentes instances du parti et dans des configurations différentes (douze si l'on compte Ueli Maurer présenté dans deux cantons en ticket avec Christoph Blocher) :
Propositions individuelles:
UDC du canton de Bâle-Campagne: |
Caspar Baader, conseiller national (BL) |
UDC du canton de Berne: |
Andreas Aebi, conseiller national (BE) |
UDC du canton de Berne: |
Adrian Amstutz, conseiller national (BE) |
UDC du canton de Schaffhouse: |
Hannes Germann, conseiller aux Etats (SH) |
UDC du canton de Schaffhouse: |
Thomas Hurter, conseiller national (SH) |
UDC du canton de Schwyz: |
Pirmin Schwander, conseiller national (SZ) |
UDC du canton de Vaud: |
Jean-Claude Mermoud, conseiller d'Etat (VD) |
UDC du canton de Zurich: |
Christoph Blocher, anc. conseiller fédéral (ZH) |
Femmes UDC Suisse: |
Rita Fuhrer, conseillère d'Etat (ZH) |
Jeunes UDC Suisse: |
Erich J. Hess, conseiller municipal (BE) |
UDC du district de Hinwil (ZH): |
Bruno Zuppiger, conseiller national (ZH) |
Double candidature:
UDC du canton d'Appenzell R.E. |
Christoph Blocher (ZH) avec Ueli Maurer, conseiller national (ZH) |
Cette mumtiplicité de candidatures ne pouvait que mettre en valeur celle de Christoph Blocher présentée par la plus importante des UDC cantonales, celle de Zürich, qui est, de plus, le fer de lance du parti.
Le 26 novembre, le comité directeur du groupe parlementaire UDC proposait de présenter un ticket - comme c'est l'usage non écrit en matière d'élection au Conseil fédéral. Dans cette proposition, ce ticket, baptisé « Blocher plus », devait comporter automatiquement Christoph Blocher, en numéro 1, plus un autre candidat, formule à laquelle Christoph Blocher s'est rallié. Ce qui prouve qu'il n'est pas bouffi d'orgueil comme d'aucuns le prétendent, puisque le second du ticket peut très bien passer devant le premier.
Hier, le groupe parlementaire UDC, en trois tours de scrutin, a validé le ticket Blocher-Maurer, à l'unanimité des parlementaires présents. Ueli Maurer ne voulait pas se présenter, mais comme Blocher, il est homme de devoir, n'en déplaise au journaliste Miéville qui ne peut imaginer les hommes différemment de sa propre mentalité (voir plus bas). Ueli Maurer n'est pas homme non plus à reculer devant les difficultés. De plus l'UDC montre, en présentant deux candidats, qu'elle respecte les usages et que pour elle la démocratie de concordance n'est pas un vain mot.
Après cette annonce les commentaires de la presse romande sont péremptoires.
Dans 24 Heures Serge Gumy écrit ( ici ) : « En présentant Christoph Blocher sur un ticket à deux de façade, le groupe UDC aux Chambres fédérales assure quasiment l'élection de son colistier Ueli Maurer le 10 décembre prochain ».
Dans Le Matin de ce jour Fabian Muhieddine écrit tour à tour ( ici ): « (Blocher) n'a aucune chance devant le Parlement » et « à part un événement extraordinaire, Ueli Maurer est certain de succéder à Samuel Schmid au Conseil fédéral le 10 décembre ».
Dans Le Temps de ce jour D.S. Miéville écrit ( ici ) : « L'UDC a inventé une catégorie encore inédite dans la culture politique helvétique, la candidature honoraire au Conseil fédéral ».
Aveuglé par son animosité viscérale envers Christoph Blocher, D.S. Miéville, qui se trompe toujours sur les intentions de ce dernier, se fourvoie cette fois encore : « Il y a quelque chose de pathétique dans la façon dont Christoph Blocher s'accroche à sa vengeance, à ses illusions, à la mission dont il s'est auto-investi et qu'il croit être le seul en mesure d'accomplir ». C'est Miéville qui est pathétique...
Voyons maintenant pourquoi ce ticket est gagnant dans tous les cas.
Premier cas : Christoph Blocher est réélu. C'est certainement le plus à même des deux candidats compte tenu des circonstances. C'est pourquoi l'UDC l'a mis au premier rang. Il correspond parfaitement au profil dressé, le 13 novembre, par le groupe parlementaire UDC ( ici ), pour remplacer Samuel Schmid : " Pour convenir à ce poste, le candidat doit être une personnalité ayant des qualités de chef, sachant réfléchir en termes de gestion d'entreprise, connaissant les rouages de l'administration fédérale et prête à défendre intégralement les idées de l'UDC au sein du Conseil fédéral." Le Parlement s'honore en surmontant ses répulsions à l'égard de la personne pour ne voir que l'intérêt supérieur du pays : il a élu le meilleur à ce poste délicat.
Deuxième cas : Ueli Maurer est élu. Le Parlement poursuit de sa rancune Christoph Blocher et applique ce que les partis, hormis l'UDC, ne cessent de répéter depuis la démission de Samuel Schmid : tout UDC fera l'affaire sauf Christoph Blocher. Le Parlement tient cependant à honneur de faire un premier pas vers le retour à une véritable démocratie de concordance, qu'il a trahie le 12 décembre 2007 en élisant deux candidats qui portaient encore les couleurs de l'UDC, mais qui n'étaient pas de la mouvance majoritaire de l'UDC. Il savait pertinemment qu'il ne respectait qu'une concordance de façade. Il ne savait pas que cette décision, contraire à la tradition helvétique, allait empoisonner les relations entre partis bourgeois pendant un an. Ueli Maurer est certes un UDC pur jus, mais il a la manière.
Troisième cas : Le Parlement n'élit ni Blocher, ni Maurer. Il prend pertinemment le risque de rejeter clairement l'UDC et ses 30% d'électeurs dans l'opposition. Le Parlement est averti que s'il élit un autre UDC que figurant sur le ticket, celui-ci dans le meilleur des cas refusera, dans le pire sera exclu en vertu des nouveaux statuts dont l'UDC s'est dotée. En élisant un autre membre - PDC par exemple - le Parlement montre devant le pays qu'il est pour une concordance qui n'en est pas une puisqu'il n'admet pas l'UDC telle qu'elle est. Au lieu de demander à tous les partis de serrer les coudes pour faire face à la plus grande crise de l'après seconde guerre mondiale, il choisit la division et l'affrontement. Si la Suisse est très éprouvée par cette crise, comme tout le laisse supposer, il exonère l'UDC de toute responsabilité gouvernementale, ce qui ne peut que la renforcer en 2011.
Les comploteurs du 12 décembre 2007 prennent dans tous les cas le retour du bâton dont ils s'étaient imprudemment saisis.
Francis Richard
L'internaute peut écouter sur le site de Radio Silence ici mon émission sur le même thème.