L'UNESCO ( ici ) a déclaré 2009 année mondiale de l'astronomie. Plusieurs manifestations ont été prévues à travers le monde dont
« les 100 heures d'observations du ciel pour tous » qui viennent d'avoir lieu du 2 au 5 avril.
Pourquoi avoir choisi 2009 ? Parce qu'il y a 400 ans les premières observations du ciel à l'aide de télescopes ont été, notamment par un certain Galilée. Cela me semble une bonne occasion de
revenir sur l'affaire éponyme. A propos de laquelle beaucoup de choses ont été dites qui n'avaient qu'un lointain rapport avec la vérité.
Un livre paru aux éditions François-Xavier de Guibert ( ici ) il y a dix-huit mois fait le point sur cette affaire et
montre une fois de plus que la vérité est complexe et nuances, comme je me plais à le répéter. Ce livre, La vérité sur l'affaire Galilée, est écrite par un historien qui connaît très
bien le XVIIe siècle et a reçu d'ailleurs, pour son Fénelon, le Grand Prix d'Histoire de l'Académie française, il y a une quinzaine d'années.
Aimé Richardt, en bon historien, restitue d'abord le contexte de l'affaire et le contexte n'est pas seulement l'époque à laquelle Galilée a vécu. Car pour comprendre le conflit qui va opposer
Galilée à l'Eglise il a compris qu'il fallait d'abord faire un peu d'histoire sur l'astronomie depuis ses origines.
Aimé Richardt remonte ainsi à l'Egypte. Puis il nous expose la théorie d'Aristote en la matière, ensuite celle de Ptolémée, tous deux convaincus du géocentrisme - la Terre est immobile et le
Soleil se meut. Les tenants de l'autre théorie, celle de l'héliocentrisme - la Terre se meut et le Soleil est immobile - ne sont pas légion. Avant Copernic, seul Aristarque avait vraiment émis
cette hypothèse.
Quand Copernic montrera que cette hypothèse permet de « sauver les apparences », c'est-à-dire de mieux expliquer les mouvements des astres les uns par rapport aux autres, il sera
vilipendé par Luther et Calvin, tandis que l'Eglise catholique, avec prudence, adoptera une position de réserve. Les papes Clément VII et Paul III l'accueilleront même avec bienveillance et la
trouveront digne d'intérêt.
Aimé Richardt rappelle opportunément aussi que l'Eglise catholique, avant le temps de Galilée, lors du Concile de Trente, vient tout juste de resserrer les boulons après les remous provoqués en
son sein par la Réforme. La signification de l'Ecriture, quand elle est obscure, ne peut être donnée que par l'Eglise, conclut le Concile. Elle devient alors vérité catholique que le fidèle
catholique doit admettre sous peine d'hérésie.
C'est dans ce contexte, suprématie du géocentrisme et rôle exclusif de l'Eglise en
matière d'interprétation des écritures, que se situe l'affaire Galilée. A la lecture de Copernic et des observations qu'il fait avec son télescope, Galilée va en effet être convaincu du
bien-fondé de l'héliocentrisme. Et il aura raison... sans être capable de le prouver.
Au lieu de présenter cette théorie comme une hypothèse, puisqu'il est incapable d'en apporter la moindre preuve - sinon celle de sa théorie des marées, qui est malheureusement fausse - il va la
considérer comme vraie et indiscutable. Au lieu de rester dans son domaine scientifique, il va dire à l'Eglise comment Elle doit interpréter l'Ecriture et lui demander de ne pas s'en tenir au
sens littéral.
Aimé Richardt raconte comment, par son comportement orgueilleux, et par la publication de livres truffés d'affirmations péremptoires, Galilée va se mettre à dos l'Eglise et, au final, son chef le
pape Urbain VIII, naguère son ami.
Après avoir reçu un avertissement en 1616 et s'être engagé à ne plus « soutenir, enseigner, défendre » - sans preuve - l'héliocentrisme, Galilée va récidiver. Il n'écoutera pas
les recommandations d'Urbain VIII lui enjoignant de rester sur le terrain purement scientifique et de ne pas s'aventurer sur celui de la théologie.
Dans son Dialogue, paru en 1632, avec imprimatur, obtenu en taisant l'injonction de 1616, il persistera à faire prévaloir le témoignage des sens sur l'affirmation
doctrinale et, maladresse fatale, il tournera en ridicule, à tort, certaines des positions scientifiques du pape Urbain VIII, particulièrement celle relative aux marées, qui s'avérera juste,
puisque le pape, au contraire de Galilée, y voit déjà l'influence de la lune.
En 1633, poursuivi devant le tribunal de l'Inquisition, lors du premier interrogatoire, Galilée mentira en prétendant que son Dialogue n'est pas une défense de l'héliocentrisme. Mensonge qui ne sera pas retenu contre lui mais qui aurait pu lui valoir de sacrées sanctions.
Aussi Galilée sera-t-il condamné le 22 juin 1633 pour ne pas avoir respecté son engagement de 1616, pour avoir réussi à faire imprimer son livre en mentant par omission sur cet engagement, pour
« s'être rendu « véhémentement suspect d'hérésie » en ayant soutenu la fausse doctrine du mouvement de la Terre et de l'immobilité du Soleil ». Le même jour, traitement de
faveur, il abjurera à huis clos au Couvent de la Minerve, alors que les abjurations étaient habituellement publiques.
Tant avant que pendant, et après, le procès, Galilée bénéficiera de traitements de faveur quand on connaît les traitements rigoureux que pouvait infliger l'Inquisition à l'époque. Pour raison de
santé, du temps lui sera accordé avant de comparaître à Rome. Il ne connaîtra pas les geôles du château Saint-Ange et pourra résider pendant le procès à l'ambassade toscane et se promener
librement dans les jardins de la Villa Médicis.
Condamné à la prison formelle pour un temps indéterminé il ne sera jamais incarcéré, il sera d'abord assigné à résidence à l'ambassade toscane, puis chez son ami, l'archevêque de Sienne, enfin,
en décembre 1633, dans sa villa d'Arcetri, proche de Florence, où il recevra de nombreuses visites, et où il s'éteindra paisiblement le 8 janvier 1642.
Pour connaître tous les détails de l'affaire Galilée il convient bien entendu de lire le livre d'Aimé Richardt, où tous les éléments du dossier sont rassemblés, de même que s'y trouvent des
références bibliographiques intéressantes pour ceux qui veulent approfondir le sujet. En tout cas le portrait de Galilée en martyr, et en scientifique rigoureux et persécuté, n'en sort pas
indemne, et l'Eglise catholique en sort beaucoup plus sensée et moins arbitraire que la légende anticléricale ne le laisse croire.
Francis Richard