Organisée par Barbara Polla et Jean-Philippe Rossignol, la nuit de la poésie qui s'est déroulée à Paris dans la nuit du 9 au 10 février 2013, à la galerie Vanessa Quang, restera mémorable.
Pendant toute une nuit des textes ont été lus, des chants et des musiques ont été interprétés, des performances se sont
déroulées. Dans la ferveur.
Cette nuit de la poésie était un hommage rendu à Varlam Chalamov et à ses nuits athéniennes, qui avaient lieu au Goulag, où il fit plusieurs séjours involontaires.
Comme il serait difficile de citer tout le monde, je retiendrai, très subjectivement ce qui m'a personnellement marqué:
- les poésies de la jeune poétesse genevoise de 12 ans Xenia Saillard
- Katie t'a quitté de Boby Lapointe interprétée par Laure de Vaugrigneuse
- La lettre 4 des Liaisons
dangereuses de Choderlos de Laclos, lue par Ornela Vorpsi avec son accent
charmant (qui avait hésité à plutôt lire du Maître Eckart...)
- Tale et "elles" performent sur le thème du cheval, présentées par Bruno Wajskop
- Moto notre amour, de et par Paul Ardenne
- L'extrait, en français et en anglais, des Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar sur l'insomnie (qui est une de mes fidèles compagnes), lu par Bruno Roland Bernard
- Les textes associés à l'image de Robert Montgomery lus par lui-même (la photo en tête de cet article en est une illustration)
- La lecture émouvante du poème en allemand, de Bertolt Brecht, Kinderkreuzzug, par Michaela Spiegel
- La lecture hot, en anglais, de Please Master d'Allen Ginsberg, par la même Michaela Spiegel
- Le dialogue de Racine entre Titus (Barbara Polla) et Bérénice (Jean-Philippe Rossignol)
- Les interludes musicaux et jaillissants de Nelson Beer
- Les chansons au rythme épatant interprétées par Michele Robecchi
- La lecture intégrale de Qui je suis de Pier Paolo Pasolini par Gianmaria Andreeta
Barbara m'avait demandé de lire des poèmes que j'aime. J'ai donc lu quatre poèmes tirés des Tableaux parisiens de Charles Baudelaire: Paysage, Les aveugles, A une passante et Le crépuscule du jour.
J'ai eu l'inconscience, mais j'assume, de lire juste après deux poèmes de mon cru, qui ne sont donc plus inédits et que je publie bien volontiers ci-après.
Ainsi les participants à cette nuit blanche pourront-ils les relire et les non-participants à cette nuit blanche pourront-ils découvrir quel genre de poèmes profanes j'ai composés pendant ma période catovienne (années 1990).
Le premier de ces poèmes est dédié à la Mercedes blanche que m'avait laissée mon père et que j'ai épuisée jusqu'au bout. Le second à la petite chatte noire qui est l'animal totem de ce blog.
Francis Richard
Avant que de quitter ma Mercedes blanche
Nous avons, après tout vécu dix ans ensemble,
Et c'était pour faire cinq ou six tours de Terre.
Dix ans vite passés, en ces temps délétères,
Toujours sur des routes, qui toutes se ressemblent.
Ce ne fut pas un brin de conduite il me semble,
Plutôt un long parcours qui tenait du mystère
Et qui se termine, ce qui vraiment m'atterre.
Tandis que ma mémoire en émoi se rassemble,
Je t'aime ma blanche dans ce monde tout gris,
Sans crainte de déplaire à la foule d'aigris,
Qui nous dévisagent souvent avec envie.
J'emporte ton image avec moi pour la vie.
Je tisse désormais, pour la garder, la toile,
Dans laquelle à jamais se prendra ton étoile.
Chatou, le 14.12.1992
Viens, petite chatte...
Viens, petite chatte, je suis d'humeur chagrine.
Sors donc de ton sommeil, qui rend ton corps tout lourd,
Et traverse la chambre à pattes de velours,
Non sans t'être étirée, tout en faisant tes mines.
Que je te caresse de mes ongles l'échine,
Pour la voir qui se dresse à ce plaisir toujours
Et pour t'entendre émettre un ronron des plus sourds.
Est-ce la volupté qui te fait féminine?
A ta féminité dois-je attribuer
Cette douce moiteur qui vient tout embuer?
Car tes façons de faire à tout jamais m'épatent.
Où est ta pareille pour savoir m'émouvoir?
Qui mieux que toi peut donc m'empêcher de rien voir?
Et comment résister à tes petites pattes?
Chatou, le 24.03.1999