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13 juin 2019 4 13 /06 /juin /2019 22:55
Manifeste incertain 7, de Frédéric Pajak

Avec ce volume 7 de son Manifeste incertain, Frédéric Pajak s'intéresse à deux femmes poètes, Emily Dickinson (1830-1886) et Marina Tsvetaieva (1892-1941), l'une d'Amérique et l'autre de Russie.

 

Il les a découvertes il y a une trentaine d'années et a alors éprouvé une sensation inconnue (il ne l'avait pas éprouvée jusque-là en lisant des poèmes composés par des hommes ou obéissant à leurs règles et tournures):

 

Quelque chose d'existentiellement féminin s'exprime dans leurs poèmes. Formellement, rythmiquement, métaphoriquement, elles bousculent l'ordre établi et révolutionnent l'art poétique.

 

Ces deux femmes ont aussi en commun l'emploi du tiret, la table à laquelle elles écrivent jour et nuit, le service du Verbe, surgi de l'éternité et qui va à l'éternité, et une foi absolue en la postérité de leur oeuvre.

 

Dans ce volume 7, il raconte la vie de Marina et évoque celle d'Emily. L'une comme l'autre lui échappe. Mais il essaie de les saisir parce que leur destin individuel est indissociable de l'Histoire et en dit beaucoup sur elle.

 

Il évoque seulement la vie d'Emily, parce qu'elle est plus insaisissable que celle de Marina et que ses nombreuses correspondances, dans lesquelles il s'est plongé, ne lèvent finalement qu'un coin du voile.

 

Il en est de même de sa poésie: elle demeure insaisissable, non par plaisir de la confusion, mais parce qu'il y a dans ses vers autant de nuits que de jours, autant d'éclats que de ténèbres...

 

De son vivant sont publiés moins de dix poèmes sur une totalité connue de mille sept cent quatre-vingt neuf  et au moins un tiers d'entre eux sont inspirés par la mort et les cérémonies qui l'accompagnent...

 

Avant de raconter Marina, Frédéric Pajak raconte son voyage sur ses traces en Russie, en mai 2018: Moscou, Kazan, Samara, de nouveau Moscou, Koktebel, Feodossia, Saint-Pétersbourg.

 

Il termine ce récit par un poème qu'il adresse à la Russie éternelle et qui comprend ce quatrain:

 

Vaste, vaste Russie, bien trop grande pour moi

Devant toi je me tais et me couche comme un chien

Car les mots trop étroits ne disent presque rien

Rien de l'immensité et rien de mon émoi

 

L'Histoire indissociable de la vie de Marina, c'est celle de la fin de la Russie tsariste, du Dimanche sanglant (9 janvier 1905), de la Grande Guerre, de la guerre civile, du bolchevisme triomphant et de l'avènement de Hitler.

 

Née dans une famille monarchiste, élevée de manière sévère, Marina épouse un Juif qui choisit de rejoindre l'Armée blanche pour combattre les bolcheviks. En 1922, elle part pour l'Allemagne, puis la Tchécoslovaquie.

 

En 1925, elle part pour Paris où elle reste quatorze ans avant de retourner en Russie, c'est-à-dire en Union soviétique, où son mari est retourné avant elle et a été arrêté, alors qu'il s'était mis au service du régime...

 

A l'âge de quatre ans, Marina ne cesse de faire des rimes. A quinze, elle commence à écrire ses premiers poèmes. A vingt, elle publie un premier recueil, La Lanterne magique. La reconnaissance de ses pairs suit.

 

A vingt-quatre ans, en 1916, Marina écrit ses premiers textes en prose. Quand, en 1917, le bolchevisme triomphe, elle ne partage pas l'enthousiasme de nombre d'intellectuels et d'artistes et se trouve sans ressources.

 

Cela ne l'empêche pas d'avoir une vie intellectuelle excitante. Mais, a contrario, sa vie conjugale ressemble à un naufrage. Cette anti-conformiste multiplie les liaisons - avec hommes et femmes - et est néanmoins possessive...

 

Avec Boris Pasternak et Rainer Maria Rilke, elle entretient un amour idéalisé, combien plus spirituel que charnel. Il s'agit en fait cependant de sublimation de la sexualité dans l'écriture dans ses relations épistolaires avec eux.

 

En 1919, Marina remarquait avec clairvoyance que les femmes aiment moins les hommes que l'amour lui-même, tandis que les hommes préfèrent les femmes à l'amour. A la même époque elle avait pressenti:

 

Inévitablement, j'en viendrai au suicide car tout mon désir d'amour est un désir de mort.

 

Francis Richard

 

Manifeste incertain 7, Frédéric Pajak, 320 pages, Les Éditions Noir sur Blanc

 

Ce livre a obtenu le Goncourt de la biographie Edmonde Charles-Roux: ce prix sera remis à l'auteur le 14 septembre 2019 au Salon le Livre sur la place à Nancy.

 

Volumes précédents chez le même éditeur:

Manifeste incertain 1

Manifeste incertain 2

Manifeste incertain 3

Manifeste incertain 4

Manifeste incertain 5

Manifeste incertain 6

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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