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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 07:45

L'enfant d'en hautLe 28 mars 2012 Ursula Meier est l'invitée de Simon Matthey-Doret dans Le Journal du Matin sur La 1ère. Cette jeune cinéaste franco-suisse - 40 ans - a été récompensée au 62e Festival de Berlin, où l'Ours d'Argent lui a été décerné pour L'enfant d'en haut.

  

Ce que dit Ursula Meier lors de cette émission radio est une jolie incitation à aller voir son film, du moins à mes yeux, plus habitués à lire qu'à regarder passivement des images défiler sur grand écran.

  

S'agit-il d'un film d'auteur suisse, ennuyeux au possible, intello, engagé, largement subventionné, dont le public tient dans une cabine téléphonique, bref qui ne donne pas envie? Apparemment non.

  

Son film précédent, Home, que je n'ai pas vu, a eu du succès et "fait" 100'000 entrées en Suisse, ce qui est énorme pour un film suisse... en Suisse. Ursula, à l'inverse de certains de ses confrères ou consoeurs, ne crache pas dédaigneusement sur la fréquentation:

  

"Je fais vraiment des films pour toucher le plus grand nombre. Je ne fais pas des films que pour moi, pour mon ego, en me regardant le ventre. Vraiment pas du tout. Je suis toujours émue quand une salle est remplie [...]. Je fais vraiment des films pour le public [...]. Le jour où je commencerai à faire peu d'entrées en salle, vraiment je me remets en question."

  

Ces propos sont de bon augure. De même que ses attachements triangulaires: née en France, de père suisse, elle vit en Belgique où elle a fait ses études. C'est un bon coquetel (othographe certifiée Jacques Perret...). J'en sais quelque chose...

  

Dans cette disposition d'esprit, hier soir, je suis allé voir L'enfant d'en haut, c'est-à-dire longtemps après la sortie en salle, qui a eu lieu le 4 avril dernier. Et j'ai été déçu en bien.

  

Simon, Kacey Mottet Klein, est un enfant de 12 ans, une jolie petite tête blonde. Il vit avec sa soeur tout aussi blonde que lui, Louise, Léa Sedoux, dans une tour au milieu de nulle part, dans les faubourgs d'une ville du Valais, située au bas d'une station de ski luxueuse.

 

En haut, dans la station luxueuse, Simon vole du matériel et de la nourriture aux riches touristes, qui ont les moyens de les remplacer aussitôt. Du moins est-ce ce qu'il se dit pour se donner bonne conscience. Il revend à bon prix les objets volés, paires de ski, gants, lunettes solaires à d'autres enfants et il consomme avec sa soeur sandouiches et canettes.

 

Simon rapporte de l'argent à la maison. Louise le dépense surtout, avec des copains aux voitures poussives. Que fait cette dernière dans la vie? L'histoire ne le dit pas. Les petits camarades de Simon pensent sans preuve qu'elle fait la pute... parce qu'elle est bien gaulée. Il est vraisemblable qu'elle vit de petits boulots éphémères.

 

Le film bascule quand le spectateur apprend la vérité par la bouche de l'enfant. Contre le gré de Louise, Simon est monté avec elle dans la voiture du dernier copain en date. Et il crache le morceau, que ne laissaient nullement présager les rapports entre lui et Louise. Simon est en fait le fils de Louise. Ce qui, au figuré, fait fuir à toutes jambes le copain en question puisqu'il laisse Louise et Simon au bord de la route...

 

Louise ne voulait pas de Simon. Tout son entourage la pousse alors à se débarrasser de ce fardeau encombrant, sans doute le fruit d'amours précoces, qui rendra plausible la fable de la grande soeur et du petit frère. Mais elle tient. Rien que pour les emmerder tous...Avec pour conséquence les conditions précaires dans lesquelles ils se trouvent tous deux.

 

Après cette révélation les choses ne sont plus comme avant. Les déceptions succèdent aux déceptions jusqu'au dénouement final...

 

Inutile de dire que ce film émeut. Il nous parle parce qu'il nous raconte une histoire de notre époque, au coeur de laquelle un enfant se débat comme il peut avec toute son intelligence et sa débrouille, qu'il met au service de ses vols de survie.

 

L'enfant d'en haut donne de la Suisse une image différente de celle communément admise, le pays des banques, du chocolat et des exilés fiscaux. Comme si la Suisse était un pays où il ne se passait rien et où les existences étaient toujours lisses, sans histoires et sans peines de coeur.

 

Ursula Meier a réalisé là un film émouvant, qui, au-delà, de la peinture sociale, met en lunière les relations d'une mère et d'un fils dans des circonstances bien particulières. Par là-même ce film singulier touche paradoxalement à l'universelle condition humaine. 

 

Kacey Mottet Klein et Léa Seydoux sont criants de vérité humaine. Les pincements de guitare de la musique de John Pardish ponctuent les pincements de coeur que le spectateur ne peut manquer d'éprouver. Les dialogues épurés, souvent chuchotés, invitent à devenir les intimes de Simon et Louise et de leurs déchirements.

 

Ce film mérite de faire beaucoup d'entrées, ce qui évitera à l'auteur de se remettre en question pour ce motif-là, et d'être largement diffusé de par le monde.

 

Francis Richard

 

Ursula Meier lors de l'émission du 28 mars 2012 sur la RTS :

 

 

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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