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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 22:35

La-faim-dans-le-monde.jpgJean Ziegler, dans l'introduction à son livre intitulé Destruction massive - Géopolitique de la faim, paru au Seuil il y a deux mois ici, affirme que "toutes les cinq secondes un enfant de moins de dix ans meurt de faim".

  

L'auteur sert régulièrement cette statistique morbide depuis des années... Elle est différente de celles d'autres auteurs qui ont écrit sur la faim dans le monde.

 

Comme le dit en effet Jean-Philippe Feldman dans La famine menace-t-elle l'humanité, paru l'an passé aux éditions Jean-Claude Lattès ici :

 

"En réalité, les chiffres changent du tout au tout, d'abord parce que cette comptabilité funèbre est invérifiable en pratique et qu'elle ne peut faire l'objet que d'estimations, ensuite parce qu'ils sont fondés sur des paramètres différents."

 

Il est un point sur lequel Jean Ziegler et Jean-Philippe Feldman sont d'accord. La Terre pourrait nourrir beaucoup plus d'habitants qu'elle n'en compte aujourd'hui. Jean Ziegler se risque à dire :

  

"L’agriculture mondiale d’aujourd’hui serait en mesure de nourrir 12 milliards d’êtres humains, soit près du double de la population mondiale."

  

Jean-Philippe Feldman n'avance pas de chiffres à ce sujet. Il remarque seulement que la thèse de Malthus, selon laquelle la progression de la population était géométrique et celle des ressources arithmétique, a été largement infirmée par les faits :

 

"L'expérience prouve que [...] si la population augmente brusquement à la suite de l'amélioration des conditions économiques et sanitaires, elle se modère graduellement, de telle manière que la croissance démographique n'est ni constante, ni inexorable."

 

Quant à la progression des ressources elle n'est pas plus arithmétique :

 

"Depuis 1961, grâce aux avancées techniques, la production agricole a plus que doublé dans le monde et plus que triplé dans les pays en voie de développement."

 

Jean-Philippe Feldman rappelle opportunément que :

 

"Les "ressources" ne sont pas données par la nature, mais par les hommes, plus encore par leur capacité à la domestiquer, à s'y substituer, voire à s'en passer."

 

Les deux auteurs diffèrent sur les raisons de la sous-alimentation et de la famine.

 

Jean Ziegler accuse les spéculateurs, le dumping agricole - qui résulte des subventions accordées aux agriculteurs occidentaux - et la dette extérieure des pays du Sud.

 

Jean-Philippe Feldman est d'accord avec Jean Ziegler sur un point :

 

"Les pays en voie de développement sont d'autant moins compétitifs que les agriculteurs européens et américains bénéficient de subventions considérables."

 

Mais il pointe du doigt les aides publiques accordées - qui n'ont d'ailleurs pas empêché les dettes extérieures, au contraire :

 

"Les tombereaux d'aides publiques accordées depuis des décennies n'ont pourtant eu d'autres effets que la spoliation des contribuables occidentaux, le confort des fonctionnaires internationaux et l'enrichissement de dictateurs sans scrupules."

 

Si Jean Ziegler s'en prend aux spéculateurs, Jean-Philippe Feldman s'en prend aux anticapitalistes que sont les écologistes politiques, qui croient en la bureaucratie, en l'interventionnisme et en la planification agricole, pour résoudre la crise alimentaire. Ils ne comprennent pas les mécanismes de régulation spontanée du marché, du fonctionnement des entreprises et de l'innovation technologique :

 

"Une concurrence accrue sur un marché entraîne logiquement une baisse des prix, un progrès technologique et une amélioration de la qualité."

 

Le marché ne peut évidemment pas fonctionner sans l'exercice du premier des droits de l'homme, le droit de propriété, qui comporte, comme tout droit, des obligations. Ce sont au contraire les biens communs qui conduisent à la tragédie :

 

"Par intérêt, les propriétaires privés sont incités à une gestion sage dans la mesure où ils en perçoivent les bénéfices et où, dans le cas contraire, ils en supportent les coûts."

 

Cinquante ans après la révolution soviétique, en 1967 - je me souviens -, les lopins de terre des paysans, qui représentaient 5% des terres, représentaient 30% de la production agricole de l'URSS...

 

Le marché oblige les individus à s'adapter, à se montrer innovants. Pour ce faire les autorités ne doivent pas entraver leurs actions et leurs interactions, les empêcher de prendre des risques :

 

"Les risques et les incertitudes sont inhérents à la nature humaine. La découverte scientifique est un processus d'essais et d'erreurs, de conjectures et de réfutations. Le progrès ne peut surgir si les contraintes publiques n'autorisent que les essais exempts d'erreurs."

 

C'est pourquoi le principe de précaution est nuisible :

 

"Imaginer qu'il suffise de s'abstenir d'agir pour éviter toute prise de risque est d'autant plus naïf que le fait même de ne pas agir conduit à prendre d'autres risques."

 

Aux adeptes de la décroissance et aux écologistes politiques Jean-Philippe Feldman répond que :

 

"Seuls les pays développés sont en mesure de résoudre les problèmes d'environnement et de pauvreté, puisque c'est la création de richesses supplémentaires qui permet leur affectation à la résolution de ces problèmes."

 

Tant il est vrai aussi que :

 

"C'est la prospérité qui provoque une demande de qualité environnementale et qui conditionne sa satisfaction."

 

Si Jean Ziegler voit la solution à la crise alimentaire dans une révolte improbable contre "l'ordre cannibal", qui serait menée conjointement par les paysans des pays du Sud et par les forces vives des sociétés civiles à l'intérieur des démocraties européennes, Jean-Philippe Feldman pense que la liberté n'est pas le problème mais la solution :

 

"La libre entreprise n'est pas la cause de la faim dans le monde, des excès du productivisme agricole ou des atteintes portées à l'environnement, elle est le seul moyen d'y faire face."

 

Francis Richard

 

Jean-Philippe Feldman, interrogé par Emmanuel Martin pour Un monde libre ici, parle brièvement de son livre :

 

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commentaires

R
<br /> Il faut dire que les cas de développement sont extrêmes entre Haïti d'une part et l'Australie d'autre part ! En ce qui concerne Haïti c'est purement et simplement désespérant. Et pourtant avec<br /> quelques millions de dollars le problème est règlé ! Enfin quelques millions de dollars là où ils doivent être et non dans la poche des potentats locaux. Fut une époque ou Haïti était auto<br /> suffisant en riz... les américains pour aider leurs propres riziculteurs ont bradé le  leur. Evidemment chute des cours, abandon de la filière rizicole... envolée des cours du riz importé<br /> Merci oncle Sam ! mais à qui cela a-t-il profité ? Les haïtiens crèvent de faim et du choléra grace à une eau insane (Les casques bleus népalais ont bon dos et ne sont qu'un vecteur) Haïti pour<br /> crime d'indépendance a été condamné en son temps à une indemnité faramineuse par Charles X ramenée à la baisse par Louis Philippe Ier Les dernières annuités (car la France des Droits de l'Homme<br /> n'a jamais remis un centime de cette dette) nous ont été règlé je crois dans la fin des années cinquante.<br />
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F
<br /> <br /> En parlant des potentats locaux tu as mis le doigt sur la raison pour laquelle Haïti ne s'est pas développée.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> C'est toujours à cette époque de l'année que fleurissent les appels. C'est toujours au moment où l'on va "s'en fourrer jusque là..." comme dit le baron suèdois dans la Vie Parisienne que l'on<br /> nous fait savoir que...<br /> <br /> <br /> C'est vrai que les chiffres, depuis la fin de la guerre (laquelle ? il y en eut tant aux frais des innocents depuis 1945) la population mondiale ayant considérablement augmentée, donne un ratio<br /> positif dont on ne peut que se réjouir ; mais, l'on peut aussi se scandaliser de voir réduire la souffrance à une équation. "Il y a de plus en plus de riches et de moins en moins de pauvres"<br /> c'est une vue très positive, mais aussi très globale car cette richesse et cette "extinction du paupérisme" elle est au nord et pour notre occident !<br /> <br /> <br /> La terre (qui, comme chacun sait ne ment pas...) rationnellement exploitée donne. Il n'y a qu'à voir les fameux 5% qui nourrissaient 30% des soviètiques, ces lopins de garennes étaient la scie de<br /> l'anticommunisme de l'époque mais c'était une réalité qui démontrait la gabegie d'un système (et comme Francis je me souviens très bien de l'argument)<br /> <br /> <br /> Ce n'est pas la menace de famine qui pour moi est scandaleuse ; c'est que l'on puisse souffrir aujourd'hui de sous alimentation ou de mal nutrition, que l'on puisse aujourd'hui mourir de faim<br /> alors qu'il faut peu de moyen pour vaincre le fléau (et d'autres palu, lèpre...) Il est aussi proprement scandaleux que l'on puisse mourir de soif ou d'une eau impropre aux deux sens du mot, que<br /> l'on puisse être privé d'accès à l'eau... lorsque l'on fait de la neige de culture <br />
Répondre
F
<br /> <br /> A propos de l'eau, Philippe Feldman écrit :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> "Certains pays connaissent des niveaux de précipitations gigantesques, par exemple Haïti, et pourtant seule une petite partie de la population bénéficie d'eau<br /> potable. En contrepoint, d'autres pays connaissent de faibles précipitations, telle l'Australie et tout le monde a accès à l'eau potable. Fredrik Segerfeldt en conclut que c'est le niveau de<br /> développement qui détermine l'accès à l'eau et non le volume des précipitations."<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> A méditer... <br /> <br /> <br /> <br />

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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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