En fait dans sa première édition, au Mercure de France, en 2016, année de la mort du poète et essayiste, L'écharpe rouge est suivi d'un autre texte, Deux Scènes et notes conjointes, paru en 2009 aux éditions Galilée.
Yves Bonnefoy fait dans le premier récit un travail d'exégèse et d'anamnèse à partir d'un poème dont il a écrit des fragments une cinquantaine d'années plus tôt, en 1964, et qu'il n'a jamais pu, ni voulu terminer.
Ce travail est celui de la relation qu'il a eue avec ses parents, dont les vies décidèrent de [son] idée de la poésie: y inscrivant [son] sentiment de la finitude, [sa] conviction que c'est seulement l'expérience du temps vécu qui peut rendre sa vie à la parole.
Dans les Notes conjointes à Deux Scènes, il effectue un même travail, cette fois sur son récit. Il est donc cohérent que tous ces textes soient publiés dans le même volume et soient l'occasion pour lui d'une analyse à la lumière du passé.
Dans ce volume, en tout cas, Yves Bonnefoy se livre au lecteur et fait montre de la qualité de son écriture et de sa réflexion sur le monde, où, en chacun, rêve et rêve éveillé interagissent, sans qu'on en soit pour autant toujours conscient.
S'il excelle dans l'essai, ici sur lui-même, en explorant justement son inconscient, il expose aussi son idée de la poésie inspirée de la vie de ses parents. Pour lui la poésie a l'échange pour vocation; elle est bien plutôt métonymie que métaphore.
Ce qui le coupe de son père, c'est que celui-ci est quelqu'un qui ne lit pas et qui ne parle pas beaucoup. Ce qui lui fait dire: Le silence est la ressource de ceux qui reconnaissent, ne serait-ce qu'inconsciemment, de la noblesse au langage.
Pour sa part, il a toujours aimé dans les mots l'annonce qu'ils semblent faire d'un plus haut niveau de réalité que la pratique commune. C'est ce qui le rapproche de sa mère, d'un autre milieu que son père et dont celui-ci se sent exclu.
La poésie lui permet de se rendre compte que le désir d'être est plus profond en chacun de nous que celui d'avoir, de simplement posséder et de comprendre que l'espérance [...] est au coeur du projet de la poésie dont il retrouve le but:
C'est bien [...] d'aller dans la profondeur des mots à la réalité comme elle est, levant ce voile qu'est le concept quand il s'en tient à ses choix, c'est-à-dire à ses simplifications, ses oublis, comme c'est le cas dans l'idéologie ou les rêveries...
Alors, ce qu'il dit, dans Autre note conjointe, du Janus que nous sommes tous au fond, ne peut que nous interroger:
En nous veille quelqu'un qui détient un certain savoir et qui le médite, se le représentant dans sa propre langue quand l'occasion le permet, souvent un texte, ou une peinture, mais nous sommes aussi celui qui ne veut pas de cette sorte de connaissance et ferme ses yeux dans le texte même, ou l'image...
Francis Richard
L'écharpe rouge, Yves Bonnefoy, 272 pages, Mercure de France