Le livre que vous tenez entre vos mains ne peut pas prétendre être un témoignage à cent pour cent, mais est en fait un récit issu d'une histoire vraie.
Cette histoire vraie est celle d'une famille afghane, les Kaazemi. Pour la raconter, Marion Emonot s'est mise dans la peau de la mère, Choukrieh, et a comblé quelques lacunes en utilisant un peu de fil à coudre littéraire.
Choukrieh raconte d'abord son enfance, qui bascule - elle a quatre ans - avec l'arrestation de son père (qui vénérait Massoud et qui est emprisonné pendant huit années) et s'achève deux ans après qu'elle est devenue pubère.
À quatorze ans, elle est mariée à Sultan, cousin de sa mère, de quatre ans son aîné. Elle aurait pu tomber plus mal: Sultan se montre calme et d'humeur égale. Il ne se vautre pas sur mon corps ni le premier soir ni les suivants.
En fait c'est un homme instruit. Il donne des cours de biologie, de religion et d'histoire au lycée Chafir-Mujahid, à Bagram. Son père et son frère ont été tués dans un guet-apens et il est taraudé par l'urgence de partir du pays.
Un an plus tard, Sultan et Choukrieh partent donc pour l'Iran, où trois des soeurs et la mère de celui-ci se trouvent déjà depuis quelques années. C'est là que vont naître leurs enfants, Saareh, Royaa, Nazir, Faarukh et Mahdi.
La vie en Iran est différente de celle de l'Afghanistan. Les cinq enfants vont à l'école, mais, pour rester, il faut obtenir le renouvellement du permis de séjour: l'énième n'aboutit pas, ce qui coïncide avec l'élection d'Hassan Rohani.
Après ce long exil, la famille retourne en Afghanistan où Ashraf Ghani devrait être élu et une nouvelle constitution adoptée. Mais les promesses de cette élection ne sont pas tenues. L'insécurité règne et la famille doit repartir.
À cela s'ajoute une autre raison, la demande en mariage de Saareh, dix-sept ans, par un retraité d'une soixantaine d'années, qui a déjà deux ou trois épouses et une ribambelle de gamins, demande qu'il est dangereux de refuser.
Sur cette nouvelle route d'exil, qui a cette fois pour destination l'Europe, se produit le drame: Mahdi, neuf ans, disparaît au cours du naufrage d'un bateau sur lequel ont embarqué les neuf membres de la famille Kaazemi.
Pendant de longs mois les membres de la famille, à commencer par sa mère, les uns après les autres, ont du mal à supporter la disparition de cet enfant, qui sera Ressuscité sans que l'on sache jamais comment il s'en est sorti.
S'il a lu l'avertissement, le lecteur connaît la fin de cette histoire, qui finit bien. Mais ce n'est pas tant la fin qui est importante que les tribulations et les affres que cette famille a traversés pour parvenir à ce dénouement.
L'enquête de Marion Emonot révèle ce que subissent les migrants de la part des passeurs qui les rançonnent, des habitants et des forces de l'ordre des pays dans lesquels ils transitent et où ils sont considérés comme des intrus.
Tout au long de leur périple, est réconfortante l'attitude des bénévoles qui ne leur témoignent pas d'hostilité et qui, au contraire, ont à coeur de les aider vraiment, ce qui nous permet de ne pas douter de l'humanité...
Francis Richard
Ressuscité, Marion Emonot, 224 pages, Slatkine