J'écrivais dans l'ombre de moi-même, souvent contre même, et le seul dont j'aurais pu accepter la critique était Charles Bukowski en personne. J'en avais décidé ainsi. Ses textes m'avaient donné envie de créer, et m'injectaient de l'adrénaline à haute dose. Je décidais de les lui adresser systématiquement. Je lui devais bien cela.
Marcus Whitmann veut devenir écrivain. Mais ne devient pas écrivain qui veut. Il essaie donc de percer le secret de la réussite de Charles Bukowski, qui emploie plusieurs pseudonymes, dont celui de Hank.
Ce roman met en scène Marcus et Hank. Marcus veut se mettre Dans la peau de Bukowski et l'auteur, Alain Barbanel, qui connaît très bien l'homme et l'oeuvre, se met aussi, avec jubilation, dans celle de Hank.
Marcus est né dans une famille aimante, de la classe moyenne. Ses parents voulaient qu'il ait un vrai métier, médecin, ingénieur ou avocat. Mais, ayant échoué dans ses études de droit, il revient à l'écriture.
Ses parents ne s'y opposent pas, lui facilitent même les choses et lui procurent le gîte et le couvert, afin qu'il se consacre à l'art suprême pour lequel il se croit fait: le talent viendra à force de travail et d'effort.
Hank ne bénéficie pas des mêmes conditions. Il doit se faire lui-même. Ses parents ne s'entendent pas. Son père est un tyran domestique castrateur et violent. Aussi écrit-il pour respirer et libérer [sa] conscience.
Hank carbure à la bière et au vin. Il est volontiers bagarreur. Avec les femmes, il n'y va pas par quatre chemins. C'est comme quand il écrit, il ne cherche pas à plaire ou à séduire, ce serait même plutôt le contraire.
Tout oppose donc Marcus, conscient de sa médiocrité, né une cuillère dorée dans la bouche, et Hank, conscient de ce qu'il est, l'attribuant à l'inconfort dans lequel il a vécu et sans lequel il n'écrirait pas une ligne.
Marcus et Hank se rencontrent à l'occasion d'une de ces multiples lectures que ce dernier fait parce qu'elles sont rémunératrices et au cours desquelles, quoi qu'il dise, il suscite vénérations et applaudissements.
Marcus revient plusieurs fois à la charge pour se faire accepter par Hank. Une fois accepté, il pourra mettre à exécution l'idée incongrue et indécente de lui proposer d'échanger leurs vies pour qu'il puisse enfin créer.
À Hank ne déplaît pas que Marcus en ait dans la caboche et qu'il ait du culot. Aussi s'apprête-t-il à lui faire comprendre ce qu'est un écrivain, ce dont le pathétique Marcus ne semble pas avoir la moindre idée:
C'est pas un boulot l'écriture, t'es pas dans un bureau quand t'accouches ton âme, même pas sur une table, t'es juste dans ta peur de ne pas trouver le mot juste, le plus précis, le plus honnête. Tu tapes sur ta bécane à écrire et tu réfléchis après, toujours après.
La suite et la fin de l'histoire, à laquelle se mêlent des événements qui devraient mettre la puce à l'oreille du lecteur, réservent quelques surprises d'auteur, dont le petit air frais subversif n'aurait pas déplu à Bukowski...
Francis Richard
Dans la peau de Bukowski, Alain Barbanel, 160 pages, Les Impliqués Éditeur