En 1938, Megève, grâce à ses pentes enneigées, ses hôtels de luxe, ses banquets somptueux et ses infrastructures de sports d'hiver, attirait les grandes fortunes et les bourgeois, désoeuvrés, qui, épargnés des tracas des classes laborieuses et insouciantes face à l'imminence d'un deuxième conflit mondial, cherchaient de nouvelles formes d'amusements.
Romain Naville est le cadet d'une fratrie de trois d'une famille bourgeoise de Genève. Son frère, André, et sa soeur, Sonia, sont brillants. Lui, non. Sans doute parce qu'il est tout le temps malade.
Né le 2 juillet 1910, Romain est journaliste au Journal de Genève, où il écrit des articles dans la rubrique culturelle, à la suite de l'intervention de son père auprès de son ami le rédacteur en chef.
En 1938, Romain est frappé par la tuberculose. André, qui est médecin, suggère qu'il fasse un séjour au grand air. Sonia propose alors qu'il se rende dans le chalet qu'elle vient d'acquérir à Megève.
Quand Romain découvre ledit chalet, il déchante. La bicoque est petite et sent mauvais. Il y fait froid. Habiter un tel taudis équivaut à passer une saison en enfer. Une blague mauvaise lui a été faite:
Ma soeur aînée voulait se débarrasser de moi, c'était certain.
Comment y recouvrer la santé, avec pour compagnie, la bonne, la rustre Mireille, qui s'exprime dans un patois incompréhensible, et pour voisinage, la ferme, que l'on dit maudite, de Nathalie et Robert:
Les du Thorbiau étaient les fournisseurs exclusifs en charcuterie et fromages du palace des Rotschild et aussi de certaines familles fortunées de Genève.
Pourtant Romain ne quitte pas cet endroit au plus vite. Intrigué par le fait que des citadins fortunés s'y soient établis, il cherche à savoir - n'est-il pas journaliste? - pourquoi ils y sont tellement attirés.
Certes l'on y fait bonne chère et bonne chair. Mais il y a aussi ces bruits qui courent sur des disparitions de personnes lors de fêtes organisées pour satisfaire les deux péchés de gourmandise et luxure1.
Un proverbe dit que la curiosité est un vilain défaut. Comme l'annonce le prologue de ce roman, celle de Romain va peut-être mettre en péril [...] les mystères dissimulés par visiteurs et habitants...
Une fois refermé Buffet de campagne, bien dans la veine de cette collection de Terreur du Terroir, le lecteur comprend pourquoi l'habile Olivia Gerig a mis en épigraphe cette citation d'Étienne Rey:
On s'étonne que la mante religieuse dévore son mâle après l'amour. Il ne manque pourtant pas de femmes qui en font autant.2
Francis Richard
1 - La couverture en est l'illustration...
2 - Extraite de sa préface à De l'amour, de Stendhal.
Buffet de campagne, Olivia Gerig, 144 pages, Gore des Alpes
Livres précédents à L'Âge d'Homme:
Le Mage Noir (2018)
Les ravines de sang (2020)
Livres précédents chez Encre Fraîche:
Impasse khmère (2016)
L'Ogre du Salève (2014)