Je souhaite par ces lignes témoigner au monde paysan ma reconnaissance, mon attachement.
Comme tout le monde en Suisse, Blaise Hofmann est descendant de paysans et de paysannes. Son Faire paysan dresse le portrait du monde paysan actuel.
Ce qui frappe en lisant ce livre, c'est l'honnêteté intellectuelle dont l'auteur fait preuve. Il ne jette pas la pierre aux uns et ne passe pas la pommade aux autres.
Sans doute est-ce parce que, pour écrire ce livre, il ne s'est pas contenté de lire sur le sujet et qu'il s'est rendu sur le terrain pour rencontrer les uns et les autres.
Les uns sont les paysans conventionnels, les autres, les alternatifs. Selon un manichéisme citadin, les premiers seraient les méchants, et les seconds, les gentils.
Quoi qu'il en soit, tous sont subventionnés et reçoivent ce qu'on appelle des paiements directs, une perfusion économique qui se fait aux dépens de leur dignité.
Cette redistribution, comme toutes les autres - et aussi répréhensible que les autres - s'accompagne de paperasse, de normes et de réglementations étatiques.
Quel est le propos de l'auteur? Je souhaite simplement transcrire un maximum de points de vue, ouvrir le débat, apporter de la nuance et partager des informations.
La liberté d'entreprendre paysanne n'est plus seulement entravée par la météo ou les épizooties, mais par la connivence des puissants, les directives internationales.
Pourtant tous les paysans, qui ne représentent plus que 3% de la population, ne sont pas résignés ou nostalgiques. Ceux qui s'en sortent sont de vrais entrepreneurs.
Productivité et durabilité sont conciliables: Avec des moyens modernes on peut "se sortir des salaires", tout en répondant aux exigences légitimes des consommateurs:
Circuit court, autonomie énergétique, limitation des gaz à effet de serre, affranchissement progressif de l'agriculture chimique.
Ceci étant dit, me semble-t-il, ce n'est pas, à l'État, comme le pense l'auteur, d'intervenir, en taxant ou en interdisant, pour que l'agriculture suisse fasse sa mutation.
Il est plus convaincant quand il a un rêve, celui de réconcilier les villes et les campagnes, et imagine le paysan descendre de son tracteur, le citadin de sa tour d'ivoire:
Il s'agit du plus vieux métier du monde [faire paysan], il est aussi le plus essentiel.
Les paysans, en ce monde de plus en plus virtuel, fait de fantasmes, d'idéaux et de spéculation, apportent la stabilité, l'équilibre, les pieds sur terre, la tête sur les épaules.
Francis Richard
Faire paysan, Blaise Hofmann, 224 pages, Zoé (sortie le 3 mars 2023)
Livres précédents:
Monde animal, éditions d'autre part (2016)
La fête, Zoé (2019)
Deux petites maîtresses zen, Zoé (2021)
Avec Stéphane Blok:
Fête des vignerons 2019 - Les poèmes, Zoé et Bernard Campiche Éditeur (2019)
Collectif sous la direction de Louise Anne Bouchard:
Du coeur à l'ouvrage, L'Aire (2012)