Ce dernier choix, c'était le sien, nul ne pouvait le lui enlever.
Hélène Maeder, tout comme ses deux frères, a reçu de son père Samuel une éducation puritaine. Celui-ci avait d'ailleurs fondé à Tavannes dans le Jura une secte évangélique d'obédience plus ou moins darbyste.
À sa majorité, Hélène décide de partir, un départ sans retour parce que son père ne la considérera plus comme sa fille. Cet acte de rébellion, de même que son dernier choix, sera un acte pleinement délibéré.
Sinon, ses choix seront sans cesse contrariés. Elle aurait voulu étudier la biologie, mais cela ne lui sera pas possible. Elle deviendra institutrice dans un établissement privé faute d'avoir obtenu un diplôme.
Quand elle s'était mariée avec Fred Racine en 1950, le propre frère de Renée, la directrice du pensionnat qui l'a engagée en 1948, elle ne se doutait pas qu'elle devrait succéder à celle-ci après sa mort en 1952.
Avec Fred, âgé de vingt-trois ans de plus qu'elle, Hélène a deux fils, le Grand et le Petit, né avec une anomalie dont il ne se remet qu'à quatre ans, peu de temps avant que son père ne meurt à cinquante-cinq ans.
Ils n'auront mené leur barque ensemble que sept années. Au bout de vingt ans de direction du pensionnat, elle le fermera en deux temps: elle continuera dans un autre chalet où seront installées deux petites classes.
Atteinte d'une dégénérescence maculaire, elle fermera ce chalet, se retirera aux Dailles tout près de Lausanne, où le Grand habite avec sa famille et adhérera à Exit, institution d'aide au suicide récemment fondée.
Ce qui frappe dans cette première partie, c'est la force de caractère hors du commun de cette femme qui prend rapidement les bonnes décisions pour surmonter les nombreuses vicissitudes qui jalonnent sa vie.
La deuxième partie du livre est le récit de la vie d'Hélène vue par le Grand, très lié avec sa mère et dont il est séparé pendant la semaine quand il quitte le pensionnat pour le collège et une famille d'accueil en ville.
C'est aussi le récit d'un jeune garçon puis d'un jeune homme des années 1950-1960, qui en a voulu à sa mère de lui avoir inoculé la morale du Père Samuel dont elle avait pourtant essayé de se détacher autrefois...
La troisième partie est consacrée à La délivrance qui donne son titre au livre. Hélène y parvient non sans mal, non pas qu'elle a peur de la mort mais qu'elle ne peut agir seule et que l'aide demandée est différée:
Elle préparait cette échéance depuis si longtemps et la voyait sans cesse retardée par des démarches sans lendemain et les tergiversations des médecins...
Avant l'échéance du 14 juin, Hélène prendra congé dignement de ses proches dans une salle de l'Auberge du village voisin dans une ambiance où l'on perçoit la tension et l'inquiétude sous une jovialité apparente...
Dans l'épilogue l'auteur s'en prend aux intégristes de tout poil et de toute confession hostiles au droit à une mort digne librement choisie, espère que le Seigneur ait prévu pour eux un enfer bien particulier et bien sale.
En terminant ainsi son livre, louable plaidoyer pour une décision personnelle, qui ne devrait engager que la responsabilité morale de celui qui la prend et de ceux qui la soutiennent, l'auteur se fait à son tour intégriste:
L'objection de conscience est aussi un droit qu'il faut respecter même si les convictions sur lesquelles celle-ci repose ne sont pas les siennes.
Francis Richard
La délivrance, Charles E. Racine, 120 pages, Éditions d'en bas