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31 octobre 2025 5 31 /10 /octobre /2025 20:00
César Capéran ou la Tradition, de Louis Codet

Je fis connaissance de César Capéran au café Vachette, du temps que j'étais étudiant.

 

Le narrateur joue au poker dans ce café de Paris. Ce jour-là, une fois la partie terminée, César Capéran s'assied à la table des joueurs. Une discussion philosophique commence, à laquelle le nouveau venu ne participe pas:

- Moi, je ne discute jamais, mon ami. Je suis simplement un homme qui pense.

 

César Capéran fait dès lors partie de la bande sans se mêler aux jeux. Il emploie des formules lapidaires pour donner son opinion sur un peintre ou un écrivain, sans donner davantage d'explications:

- C'est de l'art français, dans la tradition!

ou:

- Ce n'est pas dans la tradition!

 

Le narrateur et lui font plus ample connaissance. Un jour, César, qui l'appelle AmiPoète ou Jeune homme, alors qu'ils ont sensiblement le même âge, lui fait visiter sa chambre située dans une vieille maison, boulevard Saint-Germain. Il se sent surtout touché par la pauvreté du gîte. 

 

Mais de la fenêtre il aperçoit Diderot, ou plus exactement sa statue1. Or, pour César, toute la tradition est sans doute personnifiée dans quatre têtes: 

Pascal, et Diderot; Poussin, et Bossuet! 

 

César Capéran est un curieux personnage, qui ne laisse pas d'intriguer le narrateur et de lui plaire. Un jour il découvre chez lui le fauteuil de... Diderot, le même que celui de la statue germanopratine.

 

César ne travaille pas, et ne travaillera certainement jamais:

Je ne touche pas d'argent. Je touche seulement la main qui est puissante.

 

Chaque semaine, César se rend chez un mystérieux Joachim de la rue de Clichy et chez la comtesse Aurore de Bancalis.

 

Le premier lui fera faire carrière, enfin si l'on peut dire, puisque, devenu ministre, successivement il lui obtiendra un logis tout en haut du Pavillon de Flore du Louvre, à la seule condition qu'il signe la feuille de présence, puis dans un château dans sa Gascogne natale, où il sera le conservateur d'un musée de faïences... 

 

Au café, il présente la seconde comme sa maîtresse. Ce qui met hors de lui un petit jeune homme, quelque peu son parent, qui lui sait une réputation irréprochable. César s'excuse alors vraiment de savoir le français et d'être obligé de parler à un ignorant comme lui:

Le terme de maîtresse est du meilleur langage; [...] il signifie la femme que l'on aime purement et poétiquement.

 

Car, pour César Capéran, la langue française, c'est la tradition, la plus fine chose, l'instrument le plus léger que les hommes aient jamais eu!

 

De même a-t-il toujours goûté les plus fines choses et, tout gamin, était-il déjà un franc gourmand. Il se montrera plus tard maître dans l'art de faire bonne chère et de cuisiner...

 

Le petit jeune homme, quelque peu parent de la comtesse, s'étouffera d'indignation quand il apprendra que Capéran est devenu conservateur de musée. Le narrateur lui répondra:

Le favoritisme [est] la meilleure méthode de gouvernement, la seule qui [soit] digne d'un peuple éclairé; que nul autre moyen d'apprécier un homme et de le mettre en place ne saurait être comparé au choix et à la faveur d'un chef intelligent; que les diplômes ont toujours constitué la parure des sots; qu'il [faut] être une sorte d'instituteur et un fétichiste pour en juger différemment.

 

Bien des années après que le narrateur a rendu visite à César Capéran en Gascogne, lequel lui a dit un jour qu'il connaissait Rome par Toulouse et qu'il n'avait pas besoin d'y aller, il en reçoit des nouvelles de là-bas qui le réjouissent: il a épousé une jeune fille et lui annonce la naissance d'un second enfant.

 

Il termine ainsi son récit:

J'ai vieilli, j'ai passé l'âge d'avoir des opinions. Mon exaltation est tombée. Cependant je pense que la race gasconne mérite sa gloire; je préfère en ce jour mon ami Capéran au plus sublime héros d'Henrik Ibsen.

 

Francis Richard

 

1 - Cette statue se trouve toujours face au numéro 145.

 

César Capéran ou la Tradition, Louis Codet, 144 pages, La Table Ronde

 

N.B.

Pour dire vrai, je viens de lire ce court roman dans une édition parue en 1943 à la Compagnie des Arts Graphiques, illustrée de lithographies de Robert Bonfils. Ce volume de 136 pages, qui figurait dans la bibliothèque de mon père, a été imprimé sur papier pur fil des Papeteries d'Arches, porte le numéro 83 et se présente sous la forme de cahiers non cousus, d'un étui et d'un emboitage en carton:

César Capéran ou la Tradition, de Louis Codet

PS

Louis Codet, comme le précise une note d'Eugène Monfort en tête de l'édition originale parue en 1918 à la librairie Gaston Gallimard, est né en 1876 et mort le 27 décembre 1914, après avoir été blessé, le 5 novembre 1914, d'un éclat d'obus à la gorge.

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  • : Le blog de Francis Richard
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  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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